dimanche 8 septembre 2013

Belmondo et "Un singe en hiver" au Festival Lumière: la croisée entre cinéma à papa et nouvelle vague

Bonjour à tous,

Quoi? Un singe en hiver en ouverture du Festival Lumière? Quelle idée? Certains ronchons vont trouver la programmation saugrenue, pas à la hauteur d'un événement qui annonce Tarantino comme lauréat du Prix Lumière et une série de rétrospective invraisemblable et hétéroclite. D'autres se délectent déjà de ce plaisir que de voir, et certainement revoir ce bijou de fantaisie du cinéma français, et sur un très très grand écran! Parce que ceux là ne prennent pas le cinéma pour ce qu'il n'est pas. Un art snob.
Non, le cinéma, celui que le directeur du Festival célèbre pour la cinquième fois à Lyon, est un cinéma qui veut rassembler toutes les cinéphilies. Et quoi de plus juste alors que ce double choix?
Tarantino pour le prix Lumière. Connaît-on plus amoureux du cinéma, lui qui n'arrive pas à envisager de voir des films autrement que sous la forme de pellicule? C'est le récipiendaire parfait pour l'esprit Lumière. Celui qui touche tous les publics.
Un singe en hiver en ouverture. Existe-t-il un film qui symbolise à ce point l'unité retrouvée d'un cinéma français qui rayonnait alors dans le monde entier?
Parce que pour le coup, il faut s'arrêter un petit moment sur ce film.

En 1962, Henri Verneuil retrouvait pour la troisième fois le monstre du cinéma hexagonal, Jean Gabin, et notamment un an après Le président, biographie d'un président du conseil imaginaire qui aurait pu ressembler à Clémenceau mais aussi à de Gaulle. Verneuil s'entoura aussi du fidèle Michel Audiard. Quatrième collaboration. Et quelle collaboration! Une adaptation somptueuse du livre d'Antoine Blondin, respectueuse de la poésie de celui qui aimait aussi le peuple, sans aucune acception péjorative à ce mot.
Enfin, le deuxième personnage principal est tenu par Jean-Paul Belmondo. Mais d'où sort-il celui-là? Que vient-il faire dans ce cinéma qui ne le regarde pas, lui le comédien tellement lié à Godard qu'il semble porter à lui tout seul l'idée même de la Nouvelle Vague qui a tant raillé le cinéma de Verneuil, de Gabin et des autres, Nouvelle Vague qu'Audiard étrillait à son tour, rappelant qu'elle était devenue plus vague que nouvelle!
Voici donc, comme dans les jeux pour enfants, celui de cherchez l'intrus. Pourtant, tout semble fonctionner à merveille. Film passage de témoin entre le monstre sacré et le jeune premier promis à une carrière monstrueuse à son tour. Les voici les deux en train de s'apprivoiser, l'un à essayer de changer de vie, l'autre à vouloir retrouver la sienne. Le point d'intersection est l'alcool, la gnôle, le vin, tout ce qui se boit et conduit à l'ivresse. Parce qu'Audiard sait, mieux que quiconque, faire dire à ses personnages, des répliques dites cultes, devenues parfois aphorisme. "Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait plus le vin, ce serait l'ivresse" dit un Gabin devenu sobre pendant des années à son épouse, Suzanne Flon, épouse modèle.



Que s'est-il donc passé? Albert Quentin a rencontré Gabriel Fouquet. En vérité, Gabin a rencontré Belmondo. Car c'est bien cela que Verneuil a réussi à faire. Comme en mathématiques, il y a un point de symétrie entre ces deux binômes, l'un de personnages de fiction, l'autre d'acteurs. C'est Suzanne Flon qui fait office de point de symétrie, elle dont le prénom est le même que celui de son personnage. Cela laisse penser que cette rencontre était bien la réunion voulue par Verneuil de deux cinémas, dont l'un aurait commencé à ennuyer ferme la jeunesse. Gabin / Quentin s'ennuie aussi dans son confort.Et il le fait savoir à Suzanne qui veut le maintenir dans sa quiétude. Il faut alors lui entendre dire ce qu'il ressent de ses années d'abstinence et de mesure dans son hôtel de la côte Normande:
"Ecoute ma bonne Suzanne, tu es une épouse modèle. Mais si, tu n'as que des qualités et physiquement, tu es restée comme je pouvais l'espérer, c'est le bonheur rangé dans une armoire. Et tu vois, même si c'était à refaire, je crois que je t'épouserais de nouveau... mais tu m'emmerdes. Tu m'emmerdes, gentiment, affectueusement, avec amour. Mais tu m'emmerdes!"

Mais à revoir, c'est tout de même mieux!



Et c'est alors parti pour une aventure improbable entre deux êtres que tout oppose. L'âge, les rêves, le présent et le passé. Quand Gabin se remémore la Chine et le Yang Tsé, nostalgie d'une France impériale qui n'est plus, Belmondo rêve de l'Espagne, déjà l'Europe, horizon moins lointain mais plus réaliste quant à ce vers quoi doit désormais s'orienter la puissance française.
Ces deux France se téléscopent autour d'une culture commune, le vin, mais sont déjà de deux mondes différents. Le village normand renvoie au monde traditionnel, à la ruralité. Belmondo est un urbain, nomade volontaire, aventurier moderne pour les anciens attachés à leurs terres.

Le résultat du film est saisissant. Audiard a su écrire pour Belmondo une partition formidable qui laissait à Gabin sa stature de commandeur et au jeune acteur la place nouvelle que le cinéma nouveau pouvait convoiter. Verneuil fit un coup de maître. Qu'il allait rééditer l'année suivante avec l'autre étoile montante du cinéma français, attaché au cinéma de Visconti. Dans Mélodie en sous-sol, Gabin rencontrait aussi Delon comme il avait rencontré Belmondo un an auparavant.

Belmondo n'allait plus tourné ensuite avec Gabin mais il fut régulièrement le premier rôle d'Henri Verneuil, le cinéaste qui avait réuni les deux branches du cinéma français. Le schisme allait durer malgré tout longtemps. Belmondo ne participa pas à ce conflit sans intérêt. C'est ce qui fait de lui un des comédiens préférés des Français, monument du 7ème art à part entière. Ainsi, programmer en soirée d'ouverture du 5ème Festival Lumière Un singe en hiver, c'est renouer avec ce que Verneuil avait réussi.
Mais inviter Jean-Paul Belmondo sur la grande scène de la Halle Tony Garnier de Lyon, c'est rendre hommage à l'immense artiste qu'il est, qui ne s'est jamais pris pour autre chose que ce qu'il n'était, un comédien, maillon d'une chaîne d'un art populaire de qualité. Adulé par les admirateurs de Godard, reconnu pour ses interprétations de films de Lelouch, pitre mémorable pour Lautner, Jean-Paul Belmondo a plus que sa place au Festival Lumière. Il est la synthèse exacte de ce que Thierry Frémaux recherche dans ce Festival, amoureux du cinéma, du cinéma pour tous si j'osais le dire.


Un singe en hiver, soirée d'ouverture du Festival Lumière, 14 octobre 2013 (déjà complète)
Et pour le voir pendant le festival, consulter le site du Festival Lumière 2013
http://www.festival-lumiere.org/

À très bientôt
Lionel Lacour



jeudi 29 août 2013

Belle et Sébastien en avant première au Festival Lumière 2013

Bonjour à tous,

comme chaque année, le Festival Lumière propose une séance pour les enfants, mais aussi les plus grands, avec goûter offert!
L'an dernier avait été l'occasion de redécouvrir E.T. l'extraterrestre pour célébrer son trentième anniversaire en copie restaurée à l'identique de sa sortie. Cette année, c'est à une avant première que les jeunes spectateurs seront conviés. En effet, le réalisateur Nicolas Vannier, spécialiste des tournages des espaces sauvages (Le dernier trappeur et Loup) a réalisé Belle et Sébastien pour le grand écran, adaptation de la série télévisée mythique des années 1960, série écrite et réalisée par Cécile Aubry, à qui on devait déjà en 1960 la série Poly, l'histoire d'un poney particulièrement intelligent.
Le succès de Belle et Sébastien fut international et a même eu droit à une déclinaison "manga" réalisée en 1981 et distribuée elle aussi dans le monde entier.

Ainsi donc, voici que cette histoire est adaptée au cinéma pour le grand écran et produit par Gaumont, société qui entretient des liens forts avec le festival Lumière, proposant chaque année des copies restaurées et des conférences sur les techniques de restauration des films de leur catalogue.

Il est à parier que cette histoire d'amour entre un jeune orphelin recueilli par un vieux montagnard dans les Alpes et un gros berger des Pyrénées ravira les petits, et espérons les parents voire grands-parents qui les accompagneront. Ce sera surtout l'occasion de retrouver une histoire revisitée pour plaire aux spectateurs de 2013, soit près de 50 ans après la diffusion du premier épisode, en noir et blanc.


La surprise sera d'autant plus intéressante que les différentes intrigues proposées par Cécile Aubry seront forcément adaptées du fait des mutations géopolitiques ou sociétales que l'Europe et la France ont connues depuis.
Par exemple, Norbert, personnage ambigu de la version originale puisque espion, existera-t-il dans le film de Nicolas Vannier? De même, Sébastien sera-t-il accueilli par César parce qu'il est un orphelin rescapé après que sa mère l'a laissé dans un refuge? Avec le développement des moyens de communication, la maison de César, si isolée du monde en 1965, restera-t-elle ce point quasi éloigné de la civilisation?
Le point de vue adopté par le réalisateur aura décidé si l'action reste située dans les années 1960, conformément à l'histoire originale, et l'isolement sera cohérent, ou si elle a été déplacée à notre époque,  modifiant de fait l'isolement des protagonistes.


En tout état de cause, pour savoir ce qu'il en est, pour faire découvrir cette belle histoire aux plus jeunes ou découvrir cette adaptation contemporaine, cette séance est encore une bonne occasion pour participer au Festival Lumière. Elle se déroulera à la Halle Tony Garnier, haut lieu du Festival pour les grandes manifestations (Soirée d'ouverture, nuit thématique, cette année avec une rétrospective Monty Python, et enfin séance de clôture).



Date de projection de Belle et Sébastien au Festival Lumière: 
MERCREDI 16 OCTOBRE 14h30
HALLE TONY GARNIER
20 rue Marcel MÉRIEUX
69007 
METRO Ligne B

(Avant Première - sortie officielle du film: 18 décembre 2013)

Pour toute information ou réservation, 
consulter le site
http://www.festival-lumiere.org
ou par téléphone: 04 78 76 77 78



À très bientôt
Lionel Lacour

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La nuit Monty Python au Festival Lumière 2013
5ème festival Lumière: 8 soirées pour découvrir le programme


mercredi 28 août 2013

Rendez-nous l'île aux enfants!

Bonjour à tous,

D'accord, je vais évoquer avec nostalgie une série des programmes jeunesse de TF1 à une époque que les moins de 20 ans (et peut-être plus) ne peuvent pas connaître, sinon par les extraits que les émissions se nourrissant des archives télévisuelles proposent à des spectateurs en quête de retrouver des émotions d'enfants de la télé. Pardon pour cet article éloigné du cinéma. Il est même complémentaire. Quand je vais au cinéma, j'ai une démarche active. C'est pareil pour les enfants qu'on emmène voir un film. Les parents choisissent normalement un film en fonction des valeurs qu'ils souhaitent transmettre à leur progéniture, sauf pour les plus fondus des parents! Alors pourquoi ce ne serait pas la même chose pour la télévision?

La rentrée à l'Institut Lumière: chef-d'œuvre oublié et intégrale Desplechin !

Bonjour à tous,

est-il nécessaire de rappeler que l'Institut Lumière propose une programmation patrimoniale en dehors du Festival Lumière, véritable moment paroxystique des cinéphiles de tous bois? Ainsi, dès ce vendredi 30 août, la salle du hangar, qui a fait peau neuve pendant les vacances, ouvre ses portes pour accueillir dans des fauteuils tout neufs et confortables, les aficionados du cinéma d'hier et d'aujourd'hui.

Cinéma d'hier d'abord: venez découvrir Fedora à 19h. L'avant dernier film et œuvre méconnue du grand Billy Wilder est considéré parfois comme une sorte de suite de Sunset Boulevard. Tourné en 1978, le film rassemble William Holden, Marthe Keller et fait appel à des invités dans leur propre rôle comme Henry Fonda ou Michael York pour un film tout en décalage sur le monde du cinéma.

Cinéma d'aujourd'hui ensuite: ouverture à 21h de la rétrospective intégrale du cinéaste français Arnaud Desplechin avec la projection d'Un conte de Noël. Le film, réalisé en 2008, propose un casting en or avec Mathieu Amalric ou Emmanuelle Devos, fidèles du réalisateur, mais aussi Catherine Deneuve, Melvil Poupaud ou encore Hippolyte Girardot. Présenté par Alban Liebl, Un conte de Noël, drame familial grinçant, sera une mise en bouche avant de voir ou revoir les longs métrages du réalisateur français, dont La sentinelle qui l'avait vraiment révélé au grand public en 1992, Rois en reine, peut-être son film le plus personnel et le plus abouti, réalisé en 2004, et tous les autres encore.

La programmation complète de cette intégrale ainsi que celle de cette toute fin d'août et du mois de septembre est à retrouver sur le site de l'Institut Lumière: www.institut-lumiere.org
Réservation des places possible par téléphone au 04 78 78 18 95

À très bientôt
Lionel Lacour


jeudi 22 août 2013

5ème Festival Lumière: 8 soirées pour découvrir le programme!

Bonjour à tous,

Comme vous le savez dèjà, c'est Quentin Tarantino qui sera l'heureux récipiendaire du Prix Lumière 2013, cinquième du nom. Si une partie des rétrospectives, hommages et thématiques avait été révélée en juin, le programme en tant que tel n'était pas encore établi.
Pour être les premiers informés, et ce, dans les meilleures conditions, l'Institut Lumière vous invite à découvrir la programmation en images avec des extraits de films, l'annonce des différents événements et des personnalités présentes, la présentation des nouveautés, des documentaires et des master class.
Une façon très agréable pour préparer SON festival, que ce soit en devenant ACCRÉDITÉ, ou en ne choisissant que quelques séances, en fonction des disponibilités de chacun.

Les séances sont suivies  d'un verre avec l'équipe de l'Institut Lumière sous le hangar du Premier-Film.

Vous trouverez toutes les informations et modalités d'inscriptions ci-dessous, ou bien sur le site
http://www.festival-lumiere.org/

À bientôt
Lionel Lacour


Lancement du programme détaillé et lancement de la billetterie :
Mardi 10 septembre à 19h et 20h30
Jeudi 12 septembre à 19h et 20h30
Samedi 14 septembre à 11h30

Les dernières annonces (invités, séances présentées, rendez-vous à ne pas manquer ...) :
Jeudi 3 octobre à 19h et 20h30
                                                                                        Mardi 8 octobre à 19h

Entrée libre sur inscription : merci de confirmer votre présence au 04 78 78 18 85 ou à communication2@institut-lumiere.org

samedi 17 août 2013

L'arbre aux sabots: chronique paysanne?

Bonjour à tous,

en 1978, le film d'Ermanno Olmi recevait la Palme d'Or au festival de Cannes pour L'arbre aux sabots, un film dans la trempe sociale comme le cinéma italien sait régulièrement en faire. Plus de 3 heures sur la vie de paysans de la région de Bergame, au Nord de l'Italie, à la fin du XIXème siècle. Pour ceux qui n'auraient jamais vu ce film et qui raffole du cinéma d'action; il faut absolument les prévenir qu'il s'agit d'une œuvre extrêmement lente et longue, ne maniant qu'avec parcimonie l'ellipse (j'y reviendrai). Peu d'action, peu de dialogues, avec des acteurs amateurs. Le souci didactique est permanent. Pourtant, une véritable montée en tension existe. Mais elle se fait au fil des saisons. Et surtout, le réalisateur nous présente une vision de ce monde rural qui mêle celle d'un ethnologue et d'un historien, mais aussi d'un témoin de seconde main, étant lui-même originaire de Bergame et de cette région agricole.

Un film sans véritable héros
Si la première séquence du film s'ouvre sur une scène à l'église dans laquelle le curé recommande à la famille Batisti de mettre à l'école leur jeune fils Ninec, âgé de 7 ans, le spectateur va suivre durant un peu plus de 3 heures l'histoire des habitants d'une ferme. Celle-ci semble être d'ailleurs le véritable personnage principal du film et ses habitants sont présentés comme formant un véritable corps. D'ailleurs, Olmi ne s'en cache pas et le dit même ouvertement au début de son film, après la séquence introductive:

"Film interprété par des paysans et des gens de la région de Bergame"
"Voici ce qu'était une ferme lombarde à la fin du XIXème siècle dans laquelle vivait 4 à 5 familles de paysans"
"La maison, les étables, la terre, les arbres et une partie du bétail appartenaient au patron à qui on remettait une partie de la récolte."

Ainsi, le film suivra durant une année entière la vie de ces familles à la fois différentes mais partageant un destin commun. La famille Batisti, celle de la veuve et ses six enfants, celle de Finard, homme colérique et foncièrement bête, ou encore celle d'un amoureux transi pour une jeune femme de la ferme. Le scénario nous fait passer d'une famille à l'autre, comme une série télévisée pourrait le faire aujourd'hui, mais avec des temps communs les rassemblant tous, que ce soit autour du travail dans les champs, à la veillée nocturne ou encore lors des rares moments de joie, que ce soit à la fête du village ou lors de la venue du vendeur ambulant.

Le héros négatif est assez loin. Du moins à l'image. En effet, le patron est présenté comme un personnage désintéressé du sort des hommes et femmes qui travaillent sur ses terres. Il vit non loin de la ferme comme l'atteste ce moment où il écoute un air de musique classique sur son phonographe et qu'entendent également les paysans de la ferme. On imagine donc qu'il réside à proximité des paysans sans pour autant les côtoyer. Le régisseur fait le lien entre lui et la ferme.

Le visible et l'invisible
Olmi montre tout. Comme un scientifique, il dissèque la vie paysanne qu'il présente à ses spectateurs sans grandes précautions habituelles. Le travail dans les champs est montré en détail, longtemps. La mécanisation n'est pas encore apparue et on évoque que peu l'amendement de la terre pour augmenter les rendements. Mais Olmi va plus loin en filmant ce qui ne l'est jamais directement, comme pour préserver les sensibilités urbaines des spectateurs. Ainsi, un des paysans prend--il une oie pour lui couper la tête. Pas de plan de coupe (si je puis dire) pour que le spectateur comprenne sans voir. Le corps décapité de l'oie est filmé sans artifice de montage, le sang s'écoulant véritablement de son cou. Si la séquence est rapide, celle avec l'égorgement du cochon est encore plus réaliste et plus dure. Rien ne semble être épargné aux spectateurs: l'acte d'égorgement, les hurlements du porcs se vidant de son sang, les bassines pour le récupérer, le dépeçage. Séquence assez insoutenable, elle est présentée comme l'habitude des ce monde rural qui ne voit dans les animaux de la ferme que ce pour quoi ils sont destinés, une réserve alimentaire. Les enfants assistent aussi à cette forme de spectacle rural, violent et brutal mais aussi nécessaire pour leur survie.

À ce visible que nous souhaiterions parfois nous être caché, Olmi omet certains moments que nos regards ont pourtant parfois l'habitude de voir. Ainsi, la séquence de l'accouchement de la femme de Batisti est-elle occultée intégralement. Quant à la nuit de noces entre les deux jeunes amants, elle est marquée par une ellipse formidable puisque pas le moindre corps n'est montré en partie nu. Nous comprenons que la nuit s'est passée par les gestes de déshabillement de la femme, puis, dans le plan suivant, nous la voyons se recoiffer.

Tout se passe donc à l'écran comme ce que Olmi témoigne de ce qui était vu ou masqué par tout à chacun. Ce que nous prenons pour acte de barbarie était un geste normal auquel tout le monde pouvait assister. En revanche, ce que notre civilisation occidentale contemporaine montre désormais avec une très (trop?) grande facilité, c'est-à-dire tout ce qui relève de l'intime, disparaît de la pellicule, conservant une dimension sacrée.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la nuit de noce se passe dans la chambre d'un couvent où la tante de la jeune épouse y est nonne.

Cet aspect est d'ailleurs particulièrement intéressant car il montre que le film est bien un récit mis en scène, réfléchi, et pas seulement une chronique ordinaire et commune. On imagine difficilement en effet que chaque nuit de noce se passe dans un couvent. La sacralité de cette nuit vient en fait clore un discours extrêmement emprunt de religiosité du film. Tout est prétexte à se signer, à prier. Quand le vétérinaire annonce que la vache de la veuve va mourir, celle-ci en appelle au Christ pour bénir de l'eau qui devrait sauver l'animal. Ce qui est finalement le cas!



La piété de ces paysans confine parfois à de la superstition et nulle explication n'est donnée quant à la guérison miraculeuse. Mais c'est aussi Finard qui doit subir une méthode de soin stupéfiante mêlant croyance chrétienne et potion ressemblant à ce qu'une sorcière aurait pu administrer. Enfin, pour en revenir à na notion de miracle, Olmi joue sur sa mise en scène qui évite de filmer l'intime et sur le sens que le spectateur peut donner à certaines séquences. Ainsi, les deux époux se retrouvent dans un lieu religieux et nous ne les voyons pas avoir de relations
sexuelles. Pourtant, ils reviendront dans leur ferme avec un des enfants abandonnés que les sœurs du couvent élèvent. Il y a un aspect marial évident dans cette séquence que la pureté de la jeune mère adoptive vient confirmer. Tout comme les séquences intimes qui ne se montrent pas, Dieu et ses agissements ne se montrent pas directement et témoigne de sa réalité par des preuves qui confortent les croyants.

Une représentation imaginaire?
Ce que montre Olmi est évidemment un condensé de la vie rurale et les témoignages écrits sont suffisamment nombreux pour accréditer nombre des séquences du film. Plus encore, il suffit de voir certains témoignages de paysans italiens d'après la seconde guerre mondiale pour croire en cette ruralité densément peuplée et peu mécanisée de la grande région du Pô. Des films comme Riz amer de Giuseppe De Santis en 1949 montrent d'ailleurs des plans d'une riziculture extrêmement rudimentaire. Plus récemment encore, d'autres pays de l'Europe méditerranéenne avait une agriculture extrêmement peu mécanisée et vivait entièrement au rythme des saisons, que ce soit au Portugal, en Grèce et davantage encore en Albanie. Pourtant, cette représentation parfaitement ordonnée du monde paysan souffre de quelques manques. D'autres diraient d'excès. Par exemple, Olmi propose une vision extrêmement figée des relations humaines: peu de rires, peu de relations en dehors des moments délimités comme tels, notamment les veillées. Si les enfants travaillent dans les champs ou à la filature, aucun ne joue véritablement ou bien crient. De même, les relations familiales sont extrêmement policées. Pas de cris, pas de contestation. Seul Finard s'en prend à son garçon de plus de 15 ans. Mais Finard est présenté comme un abruti, accusant un cheval de lui avoir volé une pièce d'or qu'il avait caché sous son sabot! Vivant tous dans la même ferme, aucune des familles n'a de vrai antagonisme envers l'autre. Et les scènes, rares, au village, sont de cette même nature.

Ce qui pourrait être un témoignage d'une réalité particulière et propre à cette seule ferme est pourtant prolongé ailleurs, y compris dans la grande ville, Milan, où se retrouvent les jeunes mariés. La ville entière est silencieuse. Pas de cris de commerçants, pas de brouhaha caractéristique du monde urbain. Cette tempérance permanente relève donc bien d'un choix à la fois esthétique et de celui de donner un certain sens à cette quiétude curieuse. Pour en revenir à la ville, le calme provient de la pression exercée par les forces policières qui semblent faire peur à tous. Le bruit est déjà en soi un signe extérieur de contestation et par voie de conséquence, de révolte contre un ordre établi. Ramené au village et à la ferme, la bonne entente supposée entre les différentes familles doit alors être comprise par l'ordre imposé par le patron qui n'accepte aucune contestation de quelque nature que ce soit. De fait, le jeune homme aborde de manière très courtoise et discrète celle qui à la fin de l'année devient sa femme. Aucune exubérance pour un jeune Italien qui se trouve dans une situation pourtant propice à l'excitation, notamment vocale. On ne peut d'ailleurs imaginer que jamais un jeune paysan de la région de Bergame n'ait parlé un peu fort pour séduire une jeune femme. Mais Olmi s'astreint à cette discrétion totale, exagérément tranquille.

Pourtant, il y a des éléments dans le film qui montre que des tensions sont possibles. Ninec envoyé à l'école alors qu'aucun des enfants de la ferme n'y va pourrait sans aucun doute être vécu comme une forme de prétention de la famille Batisti. Finard qui se comporte extrêmement mal avec son fils et avec le reste de la ferme d'ailleurs ne rencontre jamais de vraies critiques des autres. On peut cependant se demander si la recette de la potion sensée le guérir de son coup de folie à l'encontre de son cheval n'est pas une vengeance cachée puisqu'on lui ordonne de boire un verre avec de l'eau boueuse et quelques vers... Enfin, le grand-père qui sème en cachette ses graines de tomates sur un lit de fientes de poulet en fin d'hiver pour pouvoir les planter ensuite plus tôt au printemps et avoir des tomates précocement ne peut pas ne pas attirer quelques rivalités au sein de la ferme. Mais là encore, rien ne transpire des tensions possibles.

Un film anti-fasciste?
En plaçant l'action à la fin du XIXème siècle, il ne peut y avoir de références au fascisme en tant que tel, puisqu'il n'apparaîtra que quelques décennies après. Pourtant, la morale du film est particulièrement troublante. En effet, comme il avait commencé, il se termine sur la famille Batisti. C'est le curé qui avait demandé aux parents de Ninec de l'envoyer à l'école, demandant des sacrifices importants, aux parents comme à l'enfant. Celui-ci devait faire plusieurs kilomètres, aller et retour, par jour pour se rendre à l'école du village, chaussé de simples sabots. Or ceux-ci se cassent à force d'usure. Le père doit alors lui en fabriquer de neufs, n'ayant pas les moyens d'en acheter. Il les taille alors dans le bois d'un arbre qu'il a coupé et qui appartenait forcément au patron. Celui-ci s'en rend compte quelques mois après et trouve le coupable. Batisti est donc chassé de la ferme, sous le regard des voisins qui prient vaguement et les voient s'en aller au loin dans la nuit. Scène finale.
La morale est donc terrible puisque c'est parce qu'un homme d'église leur a demandé de mettre leur enfant à l'école que le malheur a touché les Batisti. Sans cette école, point de sabot cassé, point de vol de l'arbre, point d'expulsion par le patron. Cet acte profondément injuste ne suscite pourtant aucune réaction en faveur des Batisti, pas plus des voisins, eux aussi soumis au patron, que du curé.
Cette situation de misère conjuguée à l'acceptation d'une autorité insensible a pu expliquer la révolution fasciste d'après la première guerre mondiale. Mais cette révolution était en réalité celle qui faisait passer d'un autoritarisme local à un autre national, tout aussi implacable.
Le film d'Olmi se conclut par une injustice n'ayant entraîné aucune révolte légitime des autres opprimés, trop heureux de ne pas être expulsés, et peut-être jaloux des Batisti. C'est aussi une conclusion contre une religion qui ne fait jamais d'autre chose que de conseiller sans vraiment intervenir entre le détenteur du pouvoir temporel - économique ou politique - et les simples habitants. En cette période des années 1970, pour un cinéaste marqué par le cinéma néo-réaliste des années 1940, le message va donc au-delà de ce vérisme porté à l'écran. Sans climax tonitruant, sans violence majeure, sans oppression marquée à chaque séquence, Olmi montre pourtant des victimes d'une classe sociale qui ne sont défendus par personne, ni par les leurs, ni par l'institution qui aurait pu intercéder en leur faveur. Il crée chez les spectateur une envie de révolte évidente, une envie d'agir. Il préfigure le fameux "Indignez-vous" de Stéphane Hessel à des spectateurs italiens encore marqués par un parti communiste puissant, par un parti fasciste dans les mémoires, par un passé rural bien ancré en chacun et par un rejet des certaines formes de pouvoir économiques qui dominent de fait une Italie largement corrompue.

L'arbre aux sabots est donc un film majeur, même si le traitement est plus difficile à regarder aujourd'hui que dans les années 1970 de par son parti pris évoqué plus haut. Il est cependant une remarquable représentation du travail dans une Italie du XIXème siècle dont on peut penser que bien des aspects étaient semblables dans d'autres pays européens, y compris cette situation de soumission à des pouvoirs économiques qui ne pouvaient résister bien longtemps à la montée en puissance des aspirations de liberté.

À bientôt
Lionel Lacour

dimanche 28 juillet 2013

In and out: le film vieillit, pas le sujet

Bonjour à tous,

en 1997, Franck Oz, connu surtout pour ses films aux marionnettes comme Dark Crystal ou les séries comme Sesame street, réalisait une comédie légère sur le thème du coming out d'un professeur de littérature du village de Greenleaf, Howard Brackett, interprété par le délirant Kevin Kline. Howard doit se marier après trois années de fiançailles. Un de ses anciens élèves, Cameron Drake, incarné par Matt Dillon, reçoit l'oscar pour son interprétation d'un soldat américain se découvrant homosexuel. Et alors que tous les habitants de Greenleaf, y compris Howard, regarde la cérémonie à la télévision, Cameron dédie sa statuette à son professeur de littérature... puis révèle son homosexualité. Stupeur dans tout le village, chez les parents d'Howard, chez ses élèves et bien sûr chez Emiliy sa fiancée, interprétée par Joan Cusack.
De ce point de départ, Franck Oz déroule une comédie gentillette sur le bouleversement de cette révélation et l'acceptation de l'évidence pour Howard. Revoir ce film aujourd'hui est difficile à double titre.

mardi 23 juillet 2013

Mort de Denys de la Patelliière, le dernier réalisateur du "cinéma à papa"?

 Bonjour à tous,

le dimanche 21 juillet, Denys de la Patellière quittait définitivement notre monde après avoir quitté le monde du cinéma depuis déjà quelques années. Peu d'échos dans les médias quand la naissance d'un possible héritier du trône d'Angleterre agite les journalistes. Pourtant, bien que critiqué par de nombreux cinéastes plus jeunes que lui - mais plus très jeunes aujourd'hui - Denys de la Patellière a tourné avec les monstres sacrés du cinéma français, que ce soit Jean Gabin, Danielle Darrieux, Pierre Fresnay, LinoVentura, Bernard Blier, Fernandel, Michèle Morgan et d'autres encore.

lundi 22 juillet 2013

Nuit Monty Python au Festival Lumière: un humour iconoclaste

Bonjour à tous,
Les Monty Python seront à l'honneur au festival Lumière lors d'une nuit à la Halle Tony Garnier. En effet, la nuit du cinéma rend hommage au plus grands groupe comique du Royaume-Uni, le samedi 19 octobre 2013, dès 21h. 
Ce sera l'occasion de (re)découvrir ces acteurs de génie qui ont su dézinguer tous les mythes de la culture classique occidentale, Jésus, Chrétien de Troyes et tant d'autres.

samedi 13 juillet 2013

Michael Kohlhaas: héros du XVIème siècle, sujet bien contemporain

Bonjour à tous,

décidément, l'actualité cinématographique de Rhône-Alpes Cinéma sera chargée au mois d'août. En effet, le 14 août sortira sur les écrans le film d'Arnaud des Pallières Michael Kohlhaas, adapté d'un chef d'œuvre de la littérature germanique de Heinrich von Kleist. À l'issue de l'avant-première au Comœdia jeudi 11 juillet, le réalisateur a pu alors préciser ses intentions pour l'adaptation de cette nouvelle. Le moins que l'on puisse reconnaître avec lui est que celles-ci se retrouvent pleinement à l'écran, ce qui n'est pas toujours le cas!

Grand Central: au cœur du nucléaire

Bonjour à tous,

mercredi 10 juillet, Grégory Faes de Rhône-Alpes Cinéma proposait à l'UGC Confluences une avant première du film de Rebecca Zlotowski, Grand Central. Projeté déjà au Festival de Cannes dans la sélection "Un autre regard", Thierry Frémaux, directeur de ce festival, était venu lui aussi présenter ce deuxième long métrage de la réalisatrice, Belle épine (2010), déjà avec Léa Seydoux. L'introduction faite permettait d'orienter notre regard sur ce monde des travailleurs des centrales nucléaires, monde qui, comme celui des autres travailleurs de l'industrie, sont de moins en moins présents dans le cinéma français, ce que ne manqua pas de rappeler Thierry Frémaux.
La distribution est particulièrement flatteuse avec Léa Seydoux donc, mais aussi Tahar Rahim, Olivier Gourmet ou encore Denis Ménochet.

samedi 29 juin 2013

Un marché du film classique pour le Festival Lumière: un coup de maître

Bonjour à tous

Le 20 juin, lors de la conférence de presse annonçant la programmation du prochain Festival Lumière, son directeur Thierry Frémaux a donc proposé d'y organiser un marché du film classique. Au regard de son lauréat connu pour sa cinéphilie, Quentin Tarantino, quoi de plus évident alors que la mise en place ce marché pour cette occasion.

jeudi 20 juin 2013

Pinku Eiga; le cinéma rose japonais sur Ciné+ Club

Bonjour à tous,

Une fois n'est pas coutume, je vous propose de découvrir un genre de cinéma souvent décrié et surtout méprisé. 
Yves Montmayeur, journaliste et spécialiste du cinéma japonais, dont le cinéma Yakuza, était venu en 2011 au Festival Lumière pour présenter justement une sélection de ces films de genre dont les Japonais sont friands.
Mais il était venu également présenter ses propres réalisations, deux documentaires. L'un portait donc sur le cinéma Yakuza, l'autre sur le cinéma érotique japonais, appelé Pinku eiga ("cinéma rose").
C'est avec bonheur que j'apprends que ce dernier documentaire sera enfin diffusé dans une version télévisée plus courte à partir du 27 Juin 22H00 sur Ciné + club.



Au-travers de ce documentaire, extrêmement bien documenté, c'est une part de la culture japonaise qui est présente à l'écran, un autre rapport au corps et à la sexualité que dans nos sociétés judéo-chrétiennes.

Tarantino, Prix Lumière 2013

Bonjour à tous,

QT. Deux lettres magiques!
les rumeurs les plus folles circulaient depuis des mois sur le prochain récipiendaire du Prix Lumière 2013. Forcément, pour la 5ème édition, et qui plus est, le 30ème anniversaire de l'Institut Lumière, on se doutait que le Festival Lumière célèbrerait un grand, un très grand du cinéma. Quelqu'un qui rassemblerait tous les cinéphiles. Après plus d'une heure de conférence de presse, Thierry Frémaux, le directeur de l'Institut Lumière, organisateur du Festival, dévoilait dans un petit clip tout en indices pour spécialistes du cinéaste, le nom du lauréat. Les lettres QT concluaient le petit clip d'1'30''. Mais cela faisait déjà bien longtemps que la salle comble hurlait de joie au fur et à mesure que chaque indice confirmait qu'il s'agissait bien de Quentin Tarantino.

mardi 18 juin 2013

Les sévices éducatifs: un modèle français au cinéma?

Bonjour à tous,

en plein débat français sur la légalité ou non de la gifle comme moyen éducatif, deux très courts extraits pour nous rappeler que les temps changent! Et on n'ose imaginer ce que les associations d'aujourd'hui diraient si de telles séquences étaient réalisées aujourd'hui.

Bird: un blanc peut-il filmer la vie d'un noir?


Bonjour à tous,

"Les USA n'ont inventé que deux choses en matière de culture: le western et le jazz". Voici comment Clint Eastwood voyait l'apport de son pays à la production culturelle mondiale. Du point de vue du western, il participa ardemment à développer ce genre, y compris en jouant pour le plus grand des réalisateurs italiens de western! En ce qui concerne le Jazz, Eastwood n'avait pas été avare non plus et son œuvre en tant que réalisateur est jonché de moments où le jazz est extrêmement présent, que ce soit dans les bandes sons mais aussi dans le sujet même du film. Ainsi, Un frisson dans la nuit, sa première réalisation en 1971

mercredi 12 juin 2013

The act of killing: qu'est-ce qu'un criminel de guerre?

Bonjour à tous,

Un poisson géant, des nymphes sortant de la gueule de cet animal, effectuant une chorégraphie approximative devant un personnage mi drag queen, mi sirène grasse, voilà comment le documentaire de Joshua Oppenheimer commence son long documentaire de près de 2 heures et dont l'image se retrouve sur une des affiches du film.

Quel étonnement alors pour le spectateur de se retrouver face à une telle séquence quand il lui est annoncé que The act of killing, sorti en France en 2013, est un documentaire non sur le cinéma indonésien mais sur un massacre perpétré en 1965 contre les communistes indonésiens par des factions proches du pouvoir, dont les Pemuda Pancasila (jeunesses du Pancasila), le Pancasila étant l'idéologie de l'État indonésien, mêlant nationalisme, internationalisme et spiritualité.

Jerry Lewis à l'honneur à l'Institut Lumière en juillet 2013!

Bonjour à tous,

Lors du Festival Lumière 2012, Thierry Frémaux avait proposé une rétrospective sur Dean Martin. Toujours fidèle au cinéma populaire, c'est donc au tour de son acolyte d'être mis à l'honneur en juillet à l'Institut Lumière, avec la projection de 4 films de Jerry Lewis, comédien et réalisateur adulé en France aujourd'hui, peut-être plus qu'il ne l'est aux USA.
Il ne faudra pas manquer de voir ou revoir sur grand écran ces films dont certains sont de véritables chef-d'œuvre d'humour, de fantaisie et d'invention.

mercredi 5 juin 2013

Carmen Jones: chef d'œuvre essentiel pour la question des droits civiques des noirs

Bonjour à tous

Le 20 mai était projeté aux "Lundis du Mégaroyal", dans le cadre de la programmation NOIRS AMÉRICAINS, le film Carmen Jones. Réalisé en 1954, Otto Preminger ce film était constitué d'un casting uniquement des comédiens et comédiennes noirs. Ce n'était pas la première fois que cela arrivait et le grand King Vidor avait réalisé en 1929 déjà Halleluyah ainsi que Vincente Minelli en 1943 dans Un petit coin aux cieux (Cabin in the sky) avec Louis Armstrong, Lena Horne et autres grands du Jazz. Avec Carmen Jones, Preminger prenait néanmoins un risque, la preuve en fut que personne ne voulut produire son film malgré le succès précédent de La rivière sans retour.

lundi 3 juin 2013

Le cinéma engagé: une définition à géométrie variable

Bonjour à tous

l'expression "cinéma engagé" est souvent utilisée pour désigner un cinéma défendant une cause ou dénonçant une situation grave pour la société, une communauté, une classe sociale, une nation. De fait, le sujet étant sérieux, il y a alors une sorte d'association immédiate entre le fond et la forme. Si le fond est sérieux, la forme devrait l'être tout autant. Certains cinéastes sont d'ailleurs aujourd'hui catalogués comme faisant du cinéma engagé parmi lesquels bien évidemment Ken Loach

jeudi 30 mai 2013

Le Joli Mai: 50 ans après, un choc culturel

Bonjour à tous, 

comme annoncé dans un précédent message, Thierry Frémaux a donc présenté hier soir à l'Institut Lumière le film de Chris Marker et de Pierre Lhomme Le joli mai. Réalisé en 1962 et sorti en 1963, soit il y a juste 50 ans, ce documentaire est une déambulation dans les rues de Paris s'arrêtant sur quelques témoignages saisissants de Parisiens de toutes origines. Le noir et blanc de la photographie de Pierre Lhomme est d'une beauté étourdissante et fait de la ville-lumière à la fois une série de cartes postales attendues mais aussi des portraits magnifiques de simples citoyens comme des découvertes d'un Paris oublié, celui des quartiers de misère, aux rues sales et sombres.

mercredi 29 mai 2013

Le film "42" ne sortira pas en France et c'est bien dommage!

Bonjour à tous,

le consulat des USA de Lyon a eu une très bonne idée d'organiser hier au Pathé une projection du film 42 de Brian Helgeland, avec l'aimable autorisation de la Warner Bros. Le film ne devrait pas sortir en salle en Europe, ce qui explique que la projection fut en VO non sous-titrée. Il n'est pas rare que des films américains ne sortent pas en dehors des frontières...américaines. On peut pourtant s'étonner de cette décision et à plusieurs titres. Tout d'abord, le film est écrit et réalisé par celui qui a notamment écrit le scénario de Mystic river - excusez du peu! - et plus récemment du Robin des bois de Ridley Scott. Si sa carrière de cinéaste est moins probante, le sujet abordé pouvait laisser penser cependant que le film aurait un intérêt certain: l'histoire de Jackie Robinson, interprété par Chadwick Boseman, un ancien joueur de Basket Ball, premier joueur de base-ball noir à intégrer la ligue professionnelle aux USA au lendemain de la seconde guerre mondiale.

mardi 28 mai 2013

Bientôt les soirées de présentation du Festival Lumière 2013

Bonjour à tous,

Du lundi 14 au dimanche 20 octobre se déroulera la 5ème édition du Festival Lumière. À cette occasion,  8 soirées de présentation du festival sont organisées par l'Institut Lumière, organisateur de cet événement majeur à Lyon.

jeudi 23 mai 2013

Le Joli Mai de Chris Marker à l'Institut Lumière: une (re)découverte indispensable !


Bonjour à tous,

Le directeur de l'Institut Lumière, Thierry Frémaux reviendra du Festival de Cannes pour présenter le film Le Joli Mai de Chris Marker et Pierre Lhomme, Mercredi 29 Mai 2013 à 20h00.

mercredi 22 mai 2013

Training day: radioscopie de la société américaine?



 Bonjour à tous,

lundi 13 mai était projeté Training day d'Antoine Fuqua aux Lundis du Mégaroyal à Bourgoin Jallieu. Réalisé en 2001, ce film a permis à Denzel Washington de recevoir l'Oscar du meilleur acteur en 2002, son premier pour un premier rôle, le second après son interprétation dans Glory dans un second rôle. Si le film s'appuie sur une base réelle, celle d'un officier ripoux de Los Angeles, Rafael Perez, les choix tant de casting que de récit ancrent cette œuvre dans une Amérique toujours en proie à la violence et à une forme de ségrégation, autant sociale que raciale.

lundi 20 mai 2013

Ali: un vrai héros américain

Bonjour à tous,

À l'occasion des 5èmes Lundis du Mégaroyal consacrés aux "NOIRS AMÉRICAINS" et soutenus par le consulat des USA, le film Ali était projeté en ouverture le lundi 6 mai 2013.

En 2001, Michael Mann reprenait un projet de film devant retracer la vie du boxeur Cassius Clay devenu Mohammed Ali, peut-être le plus grand boxeur de tous les temps. Avec Will Smith dans le rôle principal, ce film pouvait compter attirer alors des spectateurs plus jeunes qui méconnaissaient ce que représentait Ali.
Loin de faire un biopic retraçant la vie exacte de ce champion d'exception, le réalisateur s'est appuyé sur un scénario maniant l'ellipse pour que surgisse les points saillants d'une vie extraordinaire au sens propre du terme de celui qui traversa une époque charnière des USA.

samedi 18 mai 2013

Master Class du Forum des images





Bonjour à tous,

le Forum des images, une institution culturelle consacrée au cinéma et située à Paris au Forum des Halles propose entre autres, des Master class mensuelles avec de grands cinéastes et comédiens.
Des vidéos de ces rencontres sont désormais accessibles sur un site qui leur est exclusivement réservées :

jeudi 2 mai 2013

Ken Loach ou le cinéma du peuple


Bonjour à tous,

en octobre 2012, le Festival Lumière honorait le réalisateur britannique Ken Loach, à un peu plus d'un mois de la désignation du prochain prix Lumière pour la 5ème édition de ce grand festival lyonnais, je vous propose de revenir un peu sur la filmographie de Ken Loach
dans cet assez long article.

mercredi 1 mai 2013

"MARGIN CALL": une leçon de management?


Bonjour à tous,

En 2011, J. C. Chandor écrivait et réalisait Margin Call. L'histoire, très rapidement résumée, est celle d'une entreprise de trading qui aurait pris des risques inconsidérés dans des investissements complexes, dépassant certaines limites de sécurité du fait d'un modèle mathématique erroné. De fait, pour se sortir de cette situation, les dirigeants décident de liquider leurs actifs et autres produits toxiques pour éviter la faillite, entraînant de fait celle de ceux qui leur achèteraient ces produits financiers.

vendredi 26 avril 2013

Les secrets d'Hollywood: une passion des "majors" de l'âge d'or du cinéma


Bonjour à tous,
À l'occasion de la sortie de l'ouvrage de Patrick Brion, historien du cinéma et créateur du "Cinéma de Minuit", hier sur FR3, aujourd'hui France 3, je vous propose cette chronique de ce livre édité par La librairie VUIBERT et dont la cible est évidemment tous ceux qui raffolent du cinéma hollywoodien et qui regrettent que "La dernière séance" n'ait pas été remplacée...

lundi 15 avril 2013

5ème Lundis du Mégaroyal à Bourgoin: NOIRS AMÉRICAINS

Bonjour à tous

Comme chaque année au mois de Mai, Cinésium et le Mégaroyal organisent à Bourgoin Jallieu "Les lundis du Mégaroyal", une occasion de voir des films du patrimoine avec une présentation et une analyse tout en images pour les séances du soir.
Cette année, le Consulat des États-Unis sera partenaire pour cette édition dont le thème est NOIRS AMÉRICAINS, pour voir ou revoir quelques chefs-d'œuvres...

À bientôt 
Lionel Lacour



samedi 13 avril 2013

La famille française des années 1950 à aujourd'hui dans le cinéma populaire


Bonjour à tous

Le cinéma français comme d’autres cinéma s’est souvent attaché à montrer sa vision de la famille destinée à toucher les spectateurs. La dramaturgie filmique des films abordant cette thématique joue sur une corde assez sensible et finalement assez commune au travers des époques. Filmer une famille heureuse n’a finalement que peu d’intérêt. En revanche, montrer les failles ou les plaies d’une famille, voilà qui crée bien de l’intérêt pour les spectateurs. Dès lors, c’est bien de ces faiblesses montrées à l’écran que nous pouvons mieux comprendre à la fois le modèle familial qui est en jeu au moment de produire le film et les difficultés pour atteindre ce modèle. Si la question dramaturgique pose donc peu de question, c’est bien le comment cette dramaturgie est mise en place qui importe et avec cela, comment cette représentation en dit long sur la société et sa perception de la famille. C’est autour de six films de réalisateurs de films populaires que je vous propose cette petite analyse.

  1. Une famille, un ou des parents, un ou des enfants: un modèle cabossé
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les familles connaissent divers traumatismes, que Denys de la Patellière aborde dans Rue des prairies, faisant du personnage joué par Jean Gabin, le père d’enfant dont l’un fut engendré alors même qu’il était prisonnier. Pourtant, il l’élève comme son propre fils, même après la disparition de sa femme. Le cinéma à Papa jouait sur la fibre paternelle et masculine. Paradoxalement, François Truffaut, réalisateur de la Nouvelle Vague qui avait tant critiqué ce cinéma dépassé, ne montrait pas une meilleure image de la mère dans son premier film Les 400 coups. Volage, peu aimante, elle ne permet pas au jeune Antoine Doisnel de se construire dans un modèle familial solide. S’il essaie d’être aimé par elle, celle-ci se détourne de ce modèle maternel qui lui serait imposé par la société, comme elle se détourne de la fidélité à son mari. Dans ces deux films, c’est la mère qui est mise sinon en accusation, du moins en cause dans la perturbation du modèle familial classique.
En 1973, La gifle de Claude Pinoteau semblait reprendre le même schéma. Lino Ventura incarnait un père ayant la charge de sa fille, étudiante en médecine, interprétée par Isabelle Adjani. Or il vit une relation avec une femme qui n’est pas son épouse officielle tandis que la mère de sa fille, Annie Girardot, vit sa passion avec un Australien. Ils ne sont pas divorcés. Et si c’est bien la femme de Lino Ventura qui est partie, il n’y a plus d’accusation du réalisateur dans cet amour vécu par elle. C’est une famille éclatée qui est présentée, en rupture avec les modèle précédent, avec la banalisation d’un mariage qui s’est fini parce qu’il n’y avait plus assez d’amour, avec la difficulté aussi du père/mari de se trouver dans cette situation.
En 1980, le même Claude Pinoteau continuait son approche de la famille avec La boum présentant un couple au-dessus de tout soupçon, semblant vivre un parfait amour. La mère, jouée par Brigitte Fossey, travaille, est autonome comme un homme mais doit faire face à l’infidélité de son mari incarné par Claude Brasseur. Cette famille présente une caractéristique nouvelle par la présence de l’arrière grand-mère de Vic – Sophie Marceau – interprété par Denise Grey. Ce personnage haut en couleur est aussi l’incarnation d’une nouvelle figure de la famille moderne, celle d’une personne du troisième âge qui mène une vie autonome et moins dépendante de ses enfants. Si la morale du film est sauve avec un happy end, ce même happy end est présent dans La crise de Coline Serreau en 1992. Pourtant, le personnage du mari interprété par Vincent Lindon n’a pas trompé sa femme. Il l’a juste négligé. Et la soudaine absence de celle qu’il aime va lui faire prendre conscience de cette famille à laquelle il aspire. Il découvre stupéfait que d’autre modèles existent, famille éclatées et recomposées qui seraient heureuses alors que lui ne semble plus l’être. Même sa mère refait sa vie avec un homme plus jeune qu’elle! Si sa femme revient, c’est parce que c’est lui qui a dû s’amender de son comportement entièrement tourné vers son travail. Ce qui pouvait être valorisé dans les films des années 1950 est désormais montré comme un élément négatif dans la vie de famille. L’épouse est désormais à la fois amante, mère et indépendante économiquement. La fonction “nourricière” du mari est donc obsolète car le contrat social du couple, qu’il passe de manière formelle par le mariage ou par un accord tacite, ne repose jsutement plus sur cette répartition des fonctions de chaque membre du couple. La famille du film LOL de Lisa Azuelos en 2008 en témoigne de manière assez stupéfiante, faisant du mari de Sophie Marceau – et père de Lola, héroïne du film – un personnage quasi absent, divertissement sexuel du personnage de la mère, père cadeau de sa fille mais plus vraiment décideur de la vie de famille dans laquelle la mère est désormais la seule à décider de tout, à commencer par l’éducation de sa fille.

  1. La représentation de l’autorité parentale: une évolution en phase avec celle de la société
Si la représentation de la famille évolue, c’est également celle de l’autorité parentale, et particulièrement paternelle qui voit son image se transformer: autoritaire chez Denys de la Patelière, oscillant entre l’ouverture née de 1968 et le conservatisme d’antant dans La gifle, cette autorité évolue rapidement vers l’incompréhension totale d’un père qui ne comprend plus les aspirations de ses enfants. C’est particulièrement vrai dans La boum, jusqu’à la quasi absence de la figure masculine de l’autorité, par exemple dans LOL. A la régression du rôle paternel se substitue au contraire le rôle de plus en plus important de la mère, deplus en plus présente, jouant progressivement le rôle habituellement attribué au père.
Si dans Les 400 coups, l’autorité de la mère apparaît comme une autorité négative, preuve du non amour de son fils, rendant par la même occasion la figure du père particulièrement insignifiante, la mère de Vic dans La boum n’hésite pas à la punir. La figure de Poupette, la grand-mère pétillante, reprenant finalement le rôle de la mère qui passait derrière la sanction du père pour la faire accepter à ses enfants. Dans La gifle, l’autorité paternelle contestée, remise en cause par sa fille est curieusement argumentée par sa perte d’emploi. Tombé de son piedestal, le père ne peut alors plus se prévaloir de cette autorité que son statut social lui conférait, y compris dans sa famille. C’est au contraire l’autorité de la mère lointaine qui s’impose. L’éloignement du père d’autrefois du fait de son temps passé au travail se substitue à celui de la mère qui a choisi sa vie en toute liberté.
Cette autorité parentale est représentée aussi par des prises de décisions parentales qui sont censées donner des repères aux enfants. Si ceux-là sont d’abord moraux, ils doivent aussi s’accompagner de l’exemplarité des parents quant à leur respect de leurs précepts. Cette autorité est alors entière dans Rue des prairies, le père étant une image même de la rectitude morale. Au contraire, le rôle de la mère de Lola dans LOL est bien plus difficile à tenir tant elle n’est pas en accord avec les principes qu’elle impose à sa fille. Cinématographiquement, le père de Rue des prairies est montré comme une figure forte, pouvant remettre en place sa fille et son amant qui a 50 ans comme lui, tandis que la mère de Lola culpabilise de son oncapacité à appliquer les règles qu’elle édicte et se réfugie dans une posture d’adulescente inexistante au cinéma dans les décennies précédentes.
Enfin, c’est surtout la notion de séparation des informations qui concernent les parents des enfants qui se transforme particulièrement et qui se transpose au cinéma. Si la famille du film de Denys de la Patelière vit avec des secrets que tout le monde connaît mais dont personne ne parle, il s’agit bien d’une représentation des années 1950. Même le film de Truffaut évoque des non-dits, des cachoteries que le fils ne doit pas connaître. Or, progressivement, la frontière est plus floue entre ce qui doit être dit aux enfants par les parents et ce que les enfants peuvent admettre de leurs parents. Le personnage de Lino Ventura se livre à sa fille qui lui manque de respect dans La gifle. Dans La boum, Vic se confie à son arrière grand-mère et exclut ses parents de sa vie privée, jusqu’à parfois les exlure de leur propre appartement! A l’image, Claude Pinoteau reste néanmoins dans la discrétion des histoires d’adultes. Les relations du père et de la mère du personnage d’Isabelle Adjani sont évoquées de manière très discrètes. Dans La boum, ce que Claude Brasseur et Brigitte Fossey se disent est certes montré mais le spectateur n’entend rien. Cette intimité est absolument effacé dans LOL. La mère ne se cache plus vraiment de ses relations tumultueuses avec son ex mari ou avec son amant tandis que sa fille ne préserve pas particulièrement son intimité avec sa mère. Pis encore, les autres parents du film, montrés comme des réactionnaires dans leur modèle éducatif sont raillés jusqu’à ce qu’ils évoluent et acceptent les décisions prises par leurs enfants.


CONCLUSION

Les films du cinéma populaire français ont donc accompagné l’évolution de la société, particulièrement dans l’image qu’ils ont renvoyée de la famille. Pas prophétiques, souvent en phase avec les tendances qui n’étaient parfois encore que naissantes, ces films ont été des succès en salle et constituent des marqueurs pour des générations. Pourtant, les différences entre ces films provient du point de vue des réalisateurs. Paradoxalement, les deux films de 1959 ont chacun un point de vue clair. Rue des prairies suit le point de vue du père tandis que Les 400 coups prend ouvertement le point de vue du jeune héros. Les autres films sont eux beaucoup plus hésitants, suivant le point de vue des parents comme des enfants. Seul La crise suit le point de vue exclusif du héros, Vincent Lindon. Mais c’est qu’il est à la fois père, époux et fils dans le film! Cette hésitation récurrente dans le point de vue à suivre dans le cinéma n’est peut-être pas anodin et témoigne certainement d’une réalité de la famille française, qui subit une influence venue d’outre-Atlantique qui affirme le règne des enfants sur les adultes, comme en témoignent les teen-movies, mais qui tente de résister en cherchant ses racines dans la prééminence de l’adulte dans la famille. Reste à savoir ce qui adviendra de la famille française. Pour le savoir, il faudra peut-être aller en salle de cinéma!

À bientôt
Lionel Lacour

mercredi 10 avril 2013

"Pasolini, mort d'un poète" à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

Le vendredi 26 avril à 20h30

Le cinéaste italien 
Marco Tullio Giordana présentera son film Pasolini, mort d'un poète réalisé en 1995.

Marco Tullio Giordana est un cinéaste engagé dans l'histoire de son pays et livre à travers ses films une vision sans concession de l'Italie. Il a notamment réalisé Nos meilleurs années et Les Cent pas.

Le film qu'il viendra présenter le vendredi 26 avril à l'Institut Lumière part d'un fait divers qui a meurtri à la fois l'Italie mais également les cinéphiles du monde entier. En effet, le 1er novembre 1975 à Ostie, Pier Paolo Pasolini était découvert sans vie sur un terrain vague. Le procès qui a suivi coupa l'Italie en deux...
Adoptant un traitement oscillant entre le polar et le documentaire, Marco Tullio Giordana revient sur cette mort pour le moins mystérieuse du cinéaste à l'œuvre si controversée, si puissante et si contestataire d'un ordre moral établi, réalisant entre autres Accatone,  L'évangile selon Saint Mathieu et bien évidemment Salo ou les 120 jours de Sodome réalisé l'année de sa mort.

Pasolini, mort d'un poète: Un film à découvrir d'urgence!

Tous renseignements et billetterie à l'Institut Lumière
www.institut-lumiere.org
04 78 78 18 95


À bientôt
Lionel Lacour

vendredi 5 avril 2013

"Outreau, l'autre vérité" au Mégaroyal de Bourgoin Jallieu


Bonjour à tous,


PROJECTION EXCEPTIONNELLE DU DOCUMENTAIRE
OUTREAU, L’AUTRE VÉRITÉ – 2013 – 92 minutes
LUNDI 29 AVRIL 20H00

Après la projection en clôture des 4èmes Rencontres Droit Justice Cinéma, une nouvelle soirée dans la région Rhône-Alpes est consacrée à ce documentaire choc.
Ce film, réalisé par Serge GARDE en 2012 et qui revient sur cette affaire judiciaire que certains ont appelé « le fiasco d’Outreau » mais en partant du point de vue trop souvent oublié, celui des enfants reconnues victimes a été refusé par les télévisions, peut-être parce qu’elles se sont senties mises en cause dans ce documentaire, la société Zelig a alors décidé de le distribuer dans les salles de cinéma partout en France.

Documentaire extrêmement documenté, interrogeant de nombreux témoins directs de cette affaire mais également des experts incontestables, le film de Serge GARDE ose rappeler aux spectateurs comment la tourmente médiatique a créé une atmosphère peu propice au travail serein de la justice.

Bernard de la VILLARDIÈRE, journaliste et producteur de ce documentaire choc, sera présent à cette soirée. À cette occasion, je l'interrogerai et il expliquera pourquoi il s’est lancé dans la production de ce film puis répondra aux questions des spectateurs.

Renseignements et achat des places:
MÉGAROYAL – Multiplexe indépendant de Bourgoin Jallieu – 12 salles 
6 place Jean-Jacques ROUSSEAU

 À très bientôt

Lionel Lacour

mercredi 3 avril 2013

La chevauchée des bannis: un pré - Peckinpah?

Bonjour à tous,

tout a été dit semble-t-il sur ce film d'André De Toth, réalisé en 1959. La chevauchée des bannis, mis à l'honneur par le cinéaste Bertrand Tavernier qui a réhabilité ce réalisateur d'origine hongroise dans son livre Amis américains, est un film d'une beauté rare: noir et blanc magistral, travail sur la représentation d'une nature hostile et sauvage comme jamais, thème musical utilisé avec parcimonie et qui soutient véritablement les séquences plutôt que de couvrir l'ensemble du film, casting irréprochable. Réalisé la même année que Rio Bravo (voir à ce propos mon article consacré à ce film), il y a des points communs quant à cette manière minimaliste de représenter l'espace habité. Pourtant, si le premier fut un succès considérable, La chevauchée des bannis fut un échec cuisant, poussant son réalisateur hors d'Hollywood pendant des années et n'y revenant que pour deux films. Comment alors expliquer l'absence de succès pour une œuvre que chacun aujourd'hui considère comme la plus aboutie du réalisateur, et sans conteste un sommet du 7ème art?
La modernité du traitement du sujet n'y est certainement pas pour rien et les spectateurs qui allaient encenser Sam Peckinpah quelques années plus tard n'étaient pas encore ceux qui remplissaient les salles.

La faillite de l'Etat au cinéma: retour sur la soirée d'ouverture des 4èmes Rencontres Droit Justice Cinéma



Bonjour à tous,

Le 18 mars 2013, Didier Migaud ouvrait les 4èmes Rencontres Droit Justice Cinéma par une conférence sur "la faillite de l'État au cinéma". Il n'est pas question ici de revenir sur ses propos mais bien de présenter ce sur quoi le Premier Président de la Cour des Comptes avait préparé son intervention, répondant notamment aux questions de Jean-Jacques Bernard et aux miennes (la conférence devrait bientôt être en ligne sur le site www.droit-justice-cinema.fr).
Le cinéma a assez rarement évoqué les faillites à l’échelle de l’Etat, montrant soit le rôle des hommes et du système, soit un changement d’échelle avec la représentation de la faillite d’une ville. Le récit même de la faillite est d’ailleurs assez difficile à filmer en soi sinon par le documentaire. De fait, le cinéma peut alors présenter les conséquences plus locales et les réponses à la faillite par les solutions trouvées pour y faire face, légales ou non!
L’objectif de cette conférence est donc de montrer les représentations des faillites (ou mauvaise gestion) des États et des conséquences, quels que soient les genres utilisés ou les objectifs visés par les réalisateurs. Cela implique donc la nécessité de définir la notion de faillite d’un Etat et de ses conséquences :si l’Etat peut être en faillite, cela n’implique pas forcément la pauvreté des dirigeants, au contraire. C’est cette distorsion entre aisance des dirigeants et misère de l’Etat, donc de la population, qui crée alors des désordres violents.
Les différents films utilisés sont d'origines diverses, de pays et de périodes très différentes, avec des approches esthétiques et des publics cibles eux aussi très variés, permettant de comprendre que ce thème fut abordé de toutes les manières possibles. Ces films évoqueront la notion d'État au sens large, pouvant se réduire à celle de collectivité territoriale pour plus de lisibilité pour les spectateurs. Mais dans le fond, cela ne change rien.

Les sept mercenaires (John STURGES, 1960) permettent, aussi étrange que cela puisse paraître, d'introduire cette conférence. En effet, un village mexicain est ruiné régulièrement par le pillage du bandit Calvera (interprété par Elie Wallach). La faillite est donc due à un élément extérieur (ennemi) mais aussi à la non réaction des habitants du village par acceptation tacite de la population de cette « taxation » de fait qui ne profite qu’à quelques uns.
Nous avons affaire ici à un ÉTAT IMAGINAIRE car :
- il y a une absence d’organisation hiérarchique dans le village au contraire de la bande de Calvera.
- de fait, la bande de Calvera représente cette autorité hiérarchique qui ne vit pas dans le village mais par le travail du village.
L'extrait utilisé est celui de la découverte par Calvera que le village a décidé d'embaucher des hommes pour les défendre de lui et de ses hommes. 
L’extrait montre les symptômes  d’un État en faillite :
- prélèvements fiscaux sur le peuple qui travaille pour le confort d’une classe privilégiée et oisive ou montrée comme telle.
- violence des prélèvements et ruine du peuple
- justification de celui qui opère les prélèvements: c'est pour nourrir ses hommes qui sonon auraient faim
- magnanimité vis-à-vis du peuple qui est laissé en survie
L’extrait montre aussi les conséquences possibles
- réaction violente du peuple contre les oppresseurs
- revendications égalitaires : ceux qui veulent vivre des produits du village n’ont qu’à travailler comme les autres (mot d’un des « mercenaires »)
- mais aussi risque du recours à des « sauveurs » aux mêmes valeurs que les oppresseurs puisqu'ils savent aussi faire parler leurs armes et recourir donc à la violence.


  1. Filmer la faillite de l’État : le recours à l’Histoire ou à la littérature 
Excalibur (John BOORMAN, 1981)
Le mythe arthurien montre comment la quête du Graal menée par les chevaliers pour leur souverain entraîne la ruine du royaume, la misère de la population et sa colère envers ses élites. La séquence présentée correspondait au retour du Chevalier Perceval ayant échoué dans sa conquête du Graal.
L'intérêt esthétique dans la représentation de la faillite dans ce film tient évidemment par la
représentation d'un paysage de désolation, jouant sur des couleurs verdâtre et sombre mêlées à la pluie, le tout accentué par une musique triste et grave et des gémissements permanents et lancinants. 
misère du peuple. Cette représentation s'accompagne de la dénonciation des élites qui conduisent le peuple à la misère pour des considérations futiles et qui ne concernent ici que le Roi (quête du Graal !) et dont le peuple ne peut concevoir l'intérêt au regard de leurs conditions de vie. 



La reine Marie Antoinette et son inconséquence!












Dans La Révolution française - Les années lumière (Robert ENRICO, 1989), une séquence montre la reine Marie Antoinette jouer de l'argent au milieu des différents aristocrates et confondre ses dettes personnelles avec celles de l’État, assurée qu'elles seront payées par son mari le Roi. Necker prévient quant à lui Louis XVI dans la séquence suivante des dettes colossales accumulées par le royaume. L'action se passe en 1788. Deux solutions sont alors proposées pour faire face à la faillite qui menace: dénoncer les dettes auprès des
créanciers ou convoquer les États généraux pour lever de nouveaux impôts.
Ces deux extraits, montés l'un après l'autre par le réalisateur offrent une double représentation de la faillite :
- une reine qui ne comprend pas la situation économique du pays et qui continue à dépenser, entraînant une réaction émotionnelle du spectateur face à une attitude si désinvolte et irresponsable.
Necker présente les comptes au roi Louis XVI
- un roi à qui Necker explique les causes de la banqueroute : dépenses d’Etat et personnelle. Le réalisateur s'attache ici, et ce de manière très didactique, à présenter un roi à la fois sensible et rationnel, refusant à la fois de faire rendre gorge aux créanciers ou d'épuiser encore davantage le peuple et comprenant que le recours aux États généraux constitue une menace pour son autorité de monarque absolu.
De fait, la faillite qui est présentée ici relève de la sclérose d'un système étatique reposant sur une gestion archaïque des finances publiques.
Ce film avait un aspect de cinéma officiel lié au bicentenaire de la Révolution française. Sa présentation de la situation du Royaume de France avec 1789 pouvait pécher par excès de pédagogie et même d'idéologie.

Plus étonnant, est le cinéma qui s'adresse à un public qui ne recherche pas un spectacle politique ou historique et qui peut être cependant confronté à des représentations de la faillite d'un État selon les mêmes caractéristiques que pour des films didactiques. Ainsi, Le roi Lion (Roger ALLERS – Rob MINKOFF, 1994)
transposition en film d’animation de l’œuvre de Shakespeare – Hamlet – décrit comment un royaume florissant est transformé en monde des ténèbres par un régicide tyrannique. L'intérêtest alors évidant. Les réalisateurs proposent une représentation noire d’un Etat en faillite. De la verdure initiale, il ne reste que des couleurs noires et grises. La luxuriance végétale est remplacée par des ronces et des mauvaises herbes. Et si le recul de la production touche aussi ceux qui dirigent l’Etat, le spectateur comprend très vite que ce ne sont pourtant pas les plus à plaindre. La non représentation des sujets de Scar, lion tyrannique et régicide, témoigne du sort qui leur est réservé et du peu de cas que leur roi fait d'eux. Ainsi, cette dictature est montrée comme liberticide et cause de la faillite, faisant fuir tous ceux qui dans le royaume pourraient lui permettre de sortir de cette situation. Ici le bétail. Cette vision de la faillite d’un Etat donnée aux enfants est donc très graphique, mais, à y regarder de plus près, n'est pas si éloignée de celle d'Excalibur ou des images des reportages télévisés!

En plongeant les spectateurs, jeunes ou adultes, dans des représentations du passé, puisées dans l'Histoire ou dans la littérature, en esthétisant extrêmement l'image de la faillite, les réalisateurs interprètent par l'image le sens même de la faillite. Ils en donnent les raisons et les conséquences immédiates. Ils montrent surtout l'urgence dans laquelle se trouvent les Etats, et dans ces trois exemples, des Royaumes.
D'autres genres cinématographiques ont pourtant évoqué la faillite de l'Etat, présentant d'autres aspects, d'autres angoisses, d'autres conséquences, d'autres origines.

2. Le cinéma d’anticipation : révéler la faillite de l’État par d’autres faillites
S'il est un genre cinématographique qui a montré la faillite de l'État, c'est bien celui de l'anticipation. À ceci près que la faillite est montrée sous l'angle de ses conséquences. Ainsi Soleil vert (Richard FLEISCHER, 1973)
montre le monde au début du XXIème siècle souffrant de sur-population, de chômage massif et de raréfaction des ressources naturelles (énergie, produits de l’agriculture). La faillite économique se manifeste par une non gestion globale de ces différentes ressources et par le chaos, notamment urbain que cela entraîne.
Cet État est en faillite car il est incapable d’assurer la sécurité alimentaire de sa population, car il recourt à la police aux agissements répressifs et brutaux pour disperser une foule ne réclamant qu'à acheter de la nourriture de base. Visuellement, les dégageuses, machines ressemblant à des engins de travaux publics, montrent la violence d'un État devenu incapable de résoudre humainement ces situations.Esthétiquement, les couleurs verdâtre et ocre créent une ambiance de pollution forte, signe de mauvaise gestion environnementale et dont le spectateur perçoit les conséquences d'un mauvais développement économique.


Si Soleil vert était ouvertement un film ancré dans une réflexion idéologique du début des années 1970 remettant en cause la course au développement industriel, Retour vers le futur 2 (Robert ZEMECKIS, 1989) se positionnait lui clairement comme un film de divertissement et de science fiction amusante. Le jeune héros, Marty Mc Fly, voyage dans le temps avec Doc jusqu’à ce qu’il revienne à son époque, découvrant alors que tout a changé : plus d’école, police inefficace, disparition de la justice plongeant la population dans le chaos, tandis que la ville semble désormais appartenir à un milliardaire. En retournant à son époque, le spectateur oublie la machine qui lui a permis de remonter le temps et le film devient alors film d'anticipation. Dès lors, c'est bien un État en faillite qui est présenté, faillite se manifestant par l’abandon de ses missions régaliennes, que ce soient le police ou la justice dont le palais a été remplacé par un casino! Même l'école n'existe plus après avoir été brûlée depuis des années. Ce recul de ce qui devraient être administré par l'autorité politique coïncide à la prise de pouvoir effective d'une puissance financière. A l'intérêt public s'est substitué un intérêt privé, particulier. Si les mêmes valeurs sont proclamées, "dieu protège...", si la population se réfère à celui qui détient la puissance économique, ce n'est que pour ressembler à ce modèle qui repose sur un enrichissement individuel. La notion même de l'État semble avoir disparu et cette représentation cinématographique mêlant la comédie au réalisme de la situation n'en est pas moins effrayante. Derrière l'humour, le réalisateur, américain, n'hésite pas à montrer ce que pourrait être un pays sans État qui assumerait ses charges fondamentales: défendre l'individu dans l'intérêt collectif de la société pour éviter que le pouvoir n'appartienne de fait à un seul homme. En 1989, le recul de l'État était une véritable proclamation de foi de la part des Républicains, de Reagan à George Bush senior. Zemeckis en rappelait les conséquences néfastes. 


Et c'est également la crainte d'un pouvoir transféré aux puissances financières qui inspire le film Time out (Andrew NICCOL, 2011). Dans un futur où le temps est devenue la monnaie en vigueur et est distribuée de manière très inégalitaire, deux héros décident de voler ce temps aux banques pour le distribuer aux plus nécessiteux, provoquant une faillite systémique du pays. Dans ce film, l'État et ses rouages semblent définitivement absent. Si une police semble exister, elle apparaît comme étant un attribut de la défense des intérêts de la Banque, même si certains de ses membres témoignent d'une certaine indépendance vis-à-vis de celle-ci. Quand la monnaie (le temps) est volé, cela cause une faillite dont la propagation s'observe sur une carte se situant justement dans la Banque. Les autorités politiques sont totalement absentes et seule l'entreprise financière apparaît concernée par ce qui arrive. De fait, les seules autorités évoquées, les gardiens du temps, sont dépassées et inefficaces. La faillite de l'État provient donc de la faillite du système puisque le pouvoir est manifestement détenu par les banques. Attaquer les banques, c’est causer la faillite de l’ensemble, donc d'un État qui n'existe plus que pour le bon fonctionnement d'un organe financier. Les voleurs jouent alors un rôle «positif » car ils distribuent le temps au peuple. La faillite de l’Etat n’est finalement ici que la conséquence d’un pouvoir entièrement transféré au système bancaire et qui verrait ses caisses se vider… Toute ressemblance avec des événements récents ou actuels étant évidemment que pure coïncidence puisqu'il s'agit d'un film évoquant le futur!


3. Cinéma et dénonciation idéologique de la faillite de l’État
Pourtant, de nombreux films ont évoqué eux la faillite passée de l'État, le plus souvent pour en dénoncer les pouvoirs en place. Dans La fin de Saint Petersbourg (Vlesovod POUDOVKINE, 1927), ce film soviétique démontre combien l’entrée en guerre de la Russie en 1914 puis la révolution bourgeoise de février 1917 ont été la volonté d'intérêts tsaristes puis bourgeois mais s'appuyant toujours sur l’exploitation du peuple. Celui-ci doit alors subir la ruine de l’État dont tout le budget passe dans l’effort de guerre. Cette ruine est bien un des symptômes de la faillite de l'État, devenu incapable de nourrir sa population. Mais cette ruine de l’Etat est montrée différemment selon que l’on fait partie du peuple ou que l’on profite de la guerre, notamment par les profits boursiers réalisés sur les entreprises sidérurgiques ou sur les manufactures d'armes. Ainsi, si la cause de la faillite d’un Etat est due à la guerre menée par l’État (dirigeants et bourgeoisie), elle est payée par le peuple. L'effort de guerre enrichit la bourgeoisie et appauvrit le peuple qui travaille sans pouvoir se nourrir. Le renversement du pouvoir tsariste ne change rien car ceux qui l’ont remplacé vivent du même système. Ce film bolchévique est à la fois anti-tsariste et anti-menchévique. Ce n'est pas la guerre qui est remise en cause. C'est le fait que celle-ci ne fait ressentir ses effets que sur la partie de la population la plus faible: soit elle meurt de faim en s'épuisant au travail, soit elle meurt au front.


Dans Monsieur des Lourdines (Philippe de HÉRAIN, 1943) écrit d’après l’ouvrage de A. de Chateaubriant, écrivain collaborationniste et réalisé par le beau-fils de Pétain, l’action se situe à l’époque de Louis-Philippe. Elle est pourtant en réalité une parabole favorable au régime de Vichy : Monsieur des Lourdines représente Pétain et Vichy. « Ton pays », lance-t-il à son fils, est un espace campagnard marqué par la présence de la croix chrétienne. Y est dénoncé la frivolité de Paris et son inconséquence incarné par son fils. Le héros est présenté comme faisant face à la faillite de son domaine par les emprunts contractés par son fils à un dénommé Muller, emprunts remboursés en mettant en vente la moitié du domaine et laissant très peu de revenus pour vivre. La comparaison est aisée pour justifier l’état de faillite dans lequel se trouve des Lourdines, et par extension, l’État français. De là à attribuer la cause de la ruine de la France aux fautes de la IIIème République et à ses valeurs futiles, il n'y avait qu'un pas que les spectateurs de 1943 pouvaient facilement faire!  Cet extrait marque là un des intérêts majeur du cinéma puisque c'est bien l’effet cinéma auquel a recours le cinéaste. Le spectateur de 1943 comprend par identification-projection que ce dont le film parle est la dénonciation de la faillite provoquée par la IIIème République et qu’a dû gérer Pétain, notamment en acceptant les clauses économiques imposées par Hitler, étranglant la France mais lui rendant son « honneur » ! 
Comme le régime tsariste, la révolution bourgeoise de février 1917 ou l'incompétence de la IIIème République furent dénoncées par les cinéastes comme étant la cause de la faillite de leur État, les démocraties ne se sont pas non plus privées de dénoncer ceux qui provoquèrent la faillite de l'Europe durant la seconde guerre mondiale, et en premier lieu, celle de l'Allemagne. 

Dans Allemagne, année zéro (Roberto ROSSELLINI, 1948), l'ouverture du film fait un état des lieux de la faillite de l’Allemagne. La cause est explicite : la guerre et la folie des dirigeants nazis. La conséquence est visible : enfants orphelins, régression économique, famine. Ce que Rossellini montre, c'est tout d'abord une visualisation de la faillite. Si Le roi Lion composait une image de la faillite telle qu'elle pouvait être facilement identifiable dans une fiction, qui lus est en animation, celle du réalisateur italien s'appuie au contraire sur des plans tournés en Allemagne, après la chute de Berlin. Les amas de ruines, immeubles éventrés s'ajoutent à des commentaires dénonçant la folie destructrice et meurtrière de l'idéologie nazie dont les conséquences sont objectivement visibles. La destruction de la ville, la saignée démographique, le nombre d'orphelins que subit l'Allemagne sont autant de symptômes de la faillite d'un pays dirigée par un pouvoir politique obnubilé par tout sauf par l'intérêt réel de son peuple. La séquence montrant un cheval mort en pleine rue sur lequel se ruent des individus pour en tirer la viande à coups de couteau témoigne à quel point l'Allemagne est désormais incapable de nourrir sa population selon un circuit normal d'alimentation.

Si, dans ces trois extraits, les cinéastes dénoncent les régimes qui précèdent la situation de faillite dans laquelle leur État se trouve, dévalorisant l’idéologie de ces régimes pour mieux valoriser celle ensuite en vigueur, seul le dernier peut véritablement s'appuyer sur une faillite due au jusque boutisme d'un régime. En effet, la révolution bolchévique a mis fin à la 1ère guerre mondiale dans laquelle était engagée la Russie, accusant au passage le régime tsariste puis menchévique de la cause de la faillite. Quant au régime de Vichy, les conditions de l'armistice fut le choix de Pétain, choix qui n'était pas le seul qui se présentait puisque d'autres, dont de Gaulle, préféraient la capitulation de l'armée tout en continuant le combat d'ailleurs. La faillite de l'Allemagne nazie ne souffre d'aucune incertitude sur les origines et les responsabilités du régime nazi.


4. Le film réquisitoire des discriminations spatiales nées de la faillite de l’Etat.
Le dernier point soulevé par le cinéma montrant les conséquences de faillites d'État rejoint encore l'extrait des Sept mercenaires. En effet, tout comme dans le film de Sturges, les territoires en faillite, qu'ils soient municipalité ou État, se distinguent par des zonages de populations, celles privilégiées se regroupant, de fait ou volontairement, dans des zones distinctes de celles subissant les conséquences de l'Etat en faillite.
Pour reprendre le cas de l'Allemagne, le film L’homme de Berlin (Carol REED, 1953) compare la situation  entre les deux Allemagnes d'après la seconde guerre mondiale avec un focus sur Berlin en 1953. Par la présentation des Berlinois de l’Est, communistes qui fuient leur zone pour l’Ouest libéral reconstruite et dynamique, le réalisateur montre combien la zone communiste, encore en ruine et économiquement peu dynamique est en réalité en situation de faillite. 
Il s'agit objectivement d'une mise en accusation évidente du totalitarisme soviétique et stalinien. En recoupant les diverses informations de cette séquence dans laquelle le spectateur découvre les deux Berlin, montrant fuite des Berlinois de l'Est, marché noir ou encore échange de la monnaie de la zone Est contre celle de l'Ouest, avec celles dans les parties précédentes qui établissaient les caractéristiques d'un État en faillite, on peut donc en déduire que la zone communiste allemande était de fait une zone en faillite, incapable de reconstruire son territoire ou de nourrir correctement sa population. Seule une dictature liberticide permet alors le maintien en vie d'un tel État, devant faire avec l'existence d'une zone au contraire prospère, reposant sur un autre système économique et politique.
Cette discrimination spatiale était due, dans le cas du film de Carol Reed, à une situation historico-politique particulière, Berlin Ouest étant devenue une enclave malgré elle dans un espace totalitaire. 


Dans Main basse sur la ville (Francesco ROSI, 1963), le réalisateur montre au contraire une seule et même entité politique: la ville de Naples. Or celle-ci, terriblement pauvre comme le montre une longue séquence dans laquelle les habitants d'un quartier central de la ville refusent d'être expulsés pour permettre la construction d'un quartier moderne. L'intervention d’un conseiller municipal de gauche permet alors de mieux comprendre combien la corruption est au cœur de ce projet. L'entrepreneur Nottola, élu de droite qui a obtenu le marché public, montre, avec raison certainement, que ses constructions sont de meilleures qualités, offrant un confort inexistant dans ce quartier populaire. L’élu de gauche ne reproche pas la qualité mais le conflit d’intérêt et le fait que seuls des privilégiés pourront désormais habiter ce quartier, repoussant les habitants qui y vivaient autrefois en marge de la ville. Dans un film très démonstratif,l’élu de gauche s’adresse autant à Nottola qu’aux spectateurs par le regard caméra. Sans l'expliciter clairement, le film témoigne de la faillite d’une ville dont les dirigeants s’arrangent entre eux pour eux ne pas souffrir d’une faillite de fait dont on ignore si elle est due à une mauvaise gestion ou à une faiblesse des ressources. Mais on comprend qu’elle s’accompagne de corruption, profitant à quelques uns aux détriments de la population la plus faible qui ne pourra pas se loger dans ces nouveaux quartiers. Sous prétexte de réhabilitation, la municipalité évite toute politique sociale et trouve un moyen au contraire de retrouver des rentrées fiscales par l'arrivée d'habitants-contribuables plus aisés. Ce film des années 1960 est en quelque sorte visionnaire car, sans évoquer la corruption, bien des villes occidentales ont réhabilité des quartiers populaires avec pour conséquence une "gentrification" de la population, repoussant les plus faibles vers des quartiers périphériques, déplaçant les problèmes sociaux dans d'autres quartiers voire dans d'autres villes. Ce fut le cas à Lyon par exemple avec les pentes de la Croix Rousse mais aussi à New York avec le quartier de Harlem. On comprend mieux alors pourquoi ces espaces populaires laissés à l'abandon tombe sous la loi d'une autre autorité, celle de la mafia, qui se substitue à celle légale, ou qui parfois pactise avec, pour mieux établir un système autoritaire. Le film Gomorra (Matteo GARRONE, 2008) en fait le terrible constat!
La conséquence était entrevue dans La zona (Rodrigo PLA, 2007). Dans un futur proche, les classes bourgeoises d'une ville mexicaine décident de vivre en autarcie dans des villes protégées du reste du territoire. Terrible séquence d'ouverture qui provoque un véritable choc visuel, sans aucun effet spécial, par la simple présentation d’un quartier pavillonnaire qui pourrait être en Europe puis, un mouvement de caméra montre ce quartier séparé du reste de la ville par un mur, des barbelés et protégé par des caméras. La vision de la « vraie ville » renvoie aux quartiers délabrés d’Amérique du Sud, le titre du film ponctuant cette première séquence confirmant que le quartier pavillonnaire est l’espace en marge et pas l’inverse !
Au regard des informations données par cette scène d'ouverture, il s'agit bien d'une ville en faillite qui semble être contrainte d’accepter cette discrimination de fait pour conserver sa population « riche », incapable qu'elle est de maintenir l’essentiel : sécurité, développement économique, enseignement…Cette représentation d'anticipation n'est pourtant pas différente de ce qui existe déjà aux USA, notamment vers Miami, en France ou d'autres pays occidentaux. C'est déjà la réalité pour les quartiers résidentiels que ce soit au Pérou, en Afrique du Sud ou ailleurs, avec accentuation de la paupérisation de la ville et une sorte de droit extra-territorial pour ces zones protégées, avec leurs propres police, école etc.


CONCLUSION : Le courage politique pour répondre à la faillite

Au travers des représentations des faillites des Etats et des conséquences, tous les cinémas évoquent la violence qui est faite aux populations, le profit que certains peuvent en tirer (ou le maintien d’un certain niveau de confort) mais également le risque au mieux d’une révolution démocratique quand elle s’exerce contre une dictature, au pire un recul de la démocratie avec gestion d’un chaos organisé pour mieux profiter de cette faillite.
Avec une telle représentation de ce qu'est la faillite, le cinéma semble plutôt proposer des visions pessimistes. Pour reprendre Serge Gainsbourg, on ne filme pas le beau temps mais un ciel d'orage. 
Pourtant, certains réalisateurs ont donné des clés pour sortir d'une telle situation de la faillite... parfois sans même l'intention de le faire vraiment. Dans Le cave se rebiffe (Gilles GRANGIER, 1961), Jean Gabin incarne un faux monnayeur expliquant dans une séquence hilarante comment il a raté une opération prometteuse du fait du retrait de la coupure de 100 florins de la banque des Pays Bas pour mettre en place le « nouveau florin ». Vision comique d’une réponse d’un Etat  à sa situation de faillite économique ! Mais au-delà de l'humour décapant des dialogues de Michel Audiard, c'est bien une présentation du courage politique au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ces Etats européens ruinés et donc en faillite, comme pouvait le montrer le film de Rossellini ont réagi en prenant la main sur ce qui fait partie des prérogatives de l'État. Par l'humour d'une phrase, "dis toi qu'en matière de monnaie, l'État a tous les droits, le particulier aucun", Audiard confirme que l’État néerlandais a pris ses responsabilités face à une situation de faillite liée à la guerre, manifestant de fait sa souveraineté en déterminant et frappant monnaie, décision prise dans l’intérêt commun et pas seulement de quelques uns. L'efficacité est alors double. En agissant ainsi, l'État a pu se reconsolider et donc de permettre à sa population de retrouver une économie saine. Mais surtout, et c'est le film qui en témoigne, la fameuse reine Willémine, en ayant démonétisé l'ancienne coupure de 100 florins, a finalement ruiné ceux qui vivaient de la situation fragile de l'État.
La morale est assez simple. Les profiteurs des faiblesses d'un État sont mis hors jeu quand l’Etat fait son travail et assume ses charges, adoptant des solutions économiques, parfois rudes, mais qui concernent toute la population et pas seulement quelques uns.

A bientôt
Lionel Lacour