Bonjour à tous
Le cinéma français comme d’autres cinéma s’est souvent
attaché à montrer sa vision de la famille destinée à toucher les spectateurs.
La dramaturgie filmique des films abordant cette thématique joue sur une corde
assez sensible et finalement assez commune au travers des époques. Filmer une
famille heureuse n’a finalement que peu d’intérêt. En revanche, montrer les
failles ou les plaies d’une famille, voilà qui crée bien de l’intérêt pour les
spectateurs. Dès lors, c’est bien de ces faiblesses montrées à l’écran que nous
pouvons mieux comprendre à la fois le modèle familial qui est en jeu au moment
de produire le film et les difficultés pour atteindre ce modèle. Si la question
dramaturgique pose donc peu de question, c’est bien le comment cette
dramaturgie est mise en place qui importe et avec cela, comment cette
représentation en dit long sur la société et sa perception de la famille. C’est
autour de six films de réalisateurs de films populaires que je vous propose cette petite analyse.
- Une
famille, un ou des parents, un ou des enfants: un modèle cabossé
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les familles
connaissent divers traumatismes, que Denys de la Patellière aborde dans Rue des prairies, faisant du personnage
joué par Jean Gabin, le père d’enfant dont l’un fut engendré alors même qu’il
était prisonnier. Pourtant, il l’élève comme son propre fils, même après la
disparition de sa femme. Le cinéma à Papa jouait sur la fibre paternelle et
masculine. Paradoxalement, François Truffaut, réalisateur de la Nouvelle Vague
qui avait tant critiqué ce cinéma dépassé, ne montrait pas une meilleure image
de la mère dans son premier film Les 400
coups. Volage, peu aimante, elle ne permet pas au jeune Antoine Doisnel de
se construire dans un modèle familial solide. S’il essaie d’être aimé par elle,
celle-ci se détourne de ce modèle maternel qui lui serait imposé par la
société, comme elle se détourne de la fidélité à son mari. Dans ces deux films,
c’est la mère qui est mise sinon en accusation, du moins en cause dans la
perturbation du modèle familial classique.
En 1973, La gifle de
Claude Pinoteau semblait reprendre le même schéma. Lino Ventura incarnait un
père ayant la charge de sa fille, étudiante en médecine, interprétée par
Isabelle Adjani. Or il vit une relation avec une femme qui n’est pas son épouse
officielle tandis que la mère de sa fille, Annie Girardot, vit sa passion avec
un Australien. Ils ne sont pas divorcés. Et si c’est bien la femme de Lino
Ventura qui est partie, il n’y a plus d’accusation du réalisateur dans cet
amour vécu par elle. C’est une famille éclatée qui est présentée, en rupture
avec les modèle précédent, avec la banalisation d’un mariage qui s’est fini
parce qu’il n’y avait plus assez d’amour, avec la difficulté aussi du père/mari
de se trouver dans cette situation.
En 1980, le même Claude Pinoteau continuait son approche de
la famille avec La boum présentant un
couple au-dessus de tout soupçon, semblant vivre un parfait amour. La mère,
jouée par Brigitte Fossey, travaille, est autonome comme un homme mais doit
faire face à l’infidélité de son mari incarné par Claude Brasseur. Cette
famille présente une caractéristique nouvelle par la présence de l’arrière
grand-mère de Vic – Sophie Marceau – interprété par Denise Grey. Ce personnage
haut en couleur est aussi l’incarnation d’une nouvelle figure de la famille
moderne, celle d’une personne du troisième âge qui mène une vie autonome et
moins dépendante de ses enfants. Si la morale du film est sauve avec un happy end, ce même happy end est présent dans La
crise de Coline Serreau en 1992. Pourtant, le personnage du mari interprété
par Vincent Lindon n’a pas trompé sa femme. Il l’a juste négligé. Et la
soudaine absence de celle qu’il aime va lui faire prendre conscience de cette
famille à laquelle il aspire. Il découvre stupéfait que d’autre modèles
existent, famille éclatées et recomposées qui seraient heureuses alors que lui
ne semble plus l’être. Même sa mère refait sa vie avec un homme plus jeune
qu’elle! Si sa femme revient, c’est parce que c’est lui qui a dû s’amender de
son comportement entièrement tourné vers son travail. Ce qui pouvait être
valorisé dans les films des années 1950 est désormais montré comme un élément négatif
dans la vie de famille. L’épouse est désormais à la fois amante, mère et indépendante
économiquement. La fonction “nourricière” du mari est donc obsolète car le
contrat social du couple, qu’il passe de manière formelle par le mariage ou par
un accord tacite, ne repose jsutement plus sur cette répartition des fonctions
de chaque membre du couple. La famille du film LOL de Lisa Azuelos en 2008 en témoigne de manière assez
stupéfiante, faisant du mari de Sophie Marceau – et père de Lola, héroïne du
film – un personnage quasi absent, divertissement sexuel du personnage de la
mère, père cadeau de sa fille mais plus vraiment décideur de la vie de famille
dans laquelle la mère est désormais la seule à décider de tout, à commencer par
l’éducation de sa fille.
- La
représentation de l’autorité parentale: une évolution en phase avec celle
de la société
Si la représentation de la famille évolue, c’est également
celle de l’autorité parentale, et particulièrement paternelle qui voit son
image se transformer: autoritaire chez Denys de la Patelière, oscillant entre
l’ouverture née de 1968 et le conservatisme d’antant dans La gifle, cette autorité évolue rapidement vers l’incompréhension
totale d’un père qui ne comprend plus les aspirations de ses enfants. C’est
particulièrement vrai dans La boum, jusqu’à
la quasi absence de la figure masculine de l’autorité, par exemple dans LOL. A la régression du rôle paternel se
substitue au contraire le rôle de plus en plus important de la mère, deplus en
plus présente, jouant progressivement le rôle habituellement attribué au père.
Si dans Les 400 coups,
l’autorité de la mère apparaît comme une autorité négative, preuve du non
amour de son fils, rendant par la même occasion la figure du père
particulièrement insignifiante, la mère de Vic dans La boum n’hésite pas à la punir. La figure de Poupette, la
grand-mère pétillante, reprenant finalement le rôle de la mère qui passait
derrière la sanction du père pour la faire accepter à ses enfants. Dans La gifle, l’autorité paternelle contestée,
remise en cause par sa fille est curieusement argumentée par sa perte d’emploi.
Tombé de son piedestal, le père ne peut alors plus se prévaloir de cette
autorité que son statut social lui conférait, y compris dans sa famille. C’est
au contraire l’autorité de la mère lointaine qui s’impose. L’éloignement du
père d’autrefois du fait de son temps passé au travail se substitue à celui de
la mère qui a choisi sa vie en toute liberté.
Cette autorité parentale est représentée aussi par des
prises de décisions parentales qui sont censées donner des repères aux enfants.
Si ceux-là sont d’abord moraux, ils doivent aussi s’accompagner de
l’exemplarité des parents quant à leur respect de leurs précepts. Cette
autorité est alors entière dans Rue des
prairies, le père étant une image même de la rectitude morale. Au
contraire, le rôle de la mère de Lola dans LOL
est bien plus difficile à tenir tant elle n’est pas en accord avec les
principes qu’elle impose à sa fille. Cinématographiquement, le père de Rue des prairies est montré comme une
figure forte, pouvant remettre en place sa fille et son amant qui a 50 ans
comme lui, tandis que la mère de Lola culpabilise de son oncapacité à appliquer
les règles qu’elle édicte et se réfugie dans une posture d’adulescente inexistante
au cinéma dans les décennies précédentes.
Enfin, c’est surtout la notion de séparation des
informations qui concernent les parents des enfants qui se transforme
particulièrement et qui se transpose au cinéma. Si la famille du film de Denys
de la Patelière vit avec des secrets que tout le monde connaît mais dont
personne ne parle, il s’agit bien d’une représentation des années 1950. Même le
film de Truffaut évoque des non-dits, des cachoteries que le fils ne doit pas
connaître. Or, progressivement, la frontière est plus floue entre ce qui doit
être dit aux enfants par les parents et ce que les enfants peuvent admettre de
leurs parents. Le personnage de Lino Ventura se livre à sa fille qui lui manque
de respect dans La gifle. Dans La boum, Vic se confie à son arrière
grand-mère et exclut ses parents de sa vie privée, jusqu’à parfois les exlure
de leur propre appartement! A l’image, Claude Pinoteau reste néanmoins dans la
discrétion des histoires d’adultes. Les relations du père et de la mère du
personnage d’Isabelle Adjani sont évoquées de manière très discrètes. Dans La boum, ce que Claude Brasseur et
Brigitte Fossey se disent est certes montré mais le spectateur n’entend rien.
Cette intimité est absolument effacé dans LOL. La
mère ne se cache plus vraiment de ses relations tumultueuses avec son ex mari
ou avec son amant tandis que sa fille ne préserve pas particulièrement son
intimité avec sa mère. Pis encore, les autres parents du film, montrés comme
des réactionnaires dans leur modèle éducatif sont raillés jusqu’à ce qu’ils
évoluent et acceptent les décisions prises par leurs enfants.
CONCLUSION
Les films du cinéma populaire français ont donc accompagné
l’évolution de la société, particulièrement dans l’image qu’ils ont renvoyée de
la famille. Pas prophétiques, souvent en phase avec les tendances qui n’étaient
parfois encore que naissantes, ces films ont été des succès en salle et
constituent des marqueurs pour des générations. Pourtant, les différences entre
ces films provient du point de vue des réalisateurs. Paradoxalement, les deux
films de 1959 ont chacun un point de vue clair. Rue des prairies suit le point de vue du père tandis que Les 400 coups prend ouvertement le point
de vue du jeune héros. Les autres films sont eux beaucoup plus hésitants, suivant
le point de vue des parents comme des enfants. Seul La crise suit le point de vue exclusif du héros, Vincent Lindon.
Mais c’est qu’il est à la fois père, époux et fils dans le film! Cette
hésitation récurrente dans le point de vue à suivre dans le cinéma n’est
peut-être pas anodin et témoigne certainement d’une réalité de la famille
française, qui subit une influence venue d’outre-Atlantique qui affirme le
règne des enfants sur les adultes, comme en témoignent les teen-movies, mais qui tente de résister
en cherchant ses racines dans la prééminence de l’adulte dans la famille. Reste
à savoir ce qui adviendra de la famille française. Pour le savoir, il faudra
peut-être aller en salle de cinéma!
À bientôt
Lionel Lacour
Un grand film ;)
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