lundi 16 septembre 2013

Elle s'en va: Catherine Deneuve est une femme comme les autres.

Bonjour à tous,

Le 18 septembre 2013 sort Elle s'en va d'Emmanuelle Bercot. Ce film, coproduit par Rhône-Alpes Cinéma commence sa course en Bretagne pour finir dans l'Ain en passant par le Limousin et même la Haute Savoie. L'histoire est assez improbable: une restauratrice bretonne, Bettie, sous pression de ses banquiers quitte soudain son restaurant pour respirer, acculée qu'elle est par le désastre de se situation sentimentale que ne compense pas sa situation professionnelle. Ce départ marque le début d'un enchaînement parfois surréaliste d'événements la conduisant à retrouver son petit-fils qu'elle doit accompagner jusqu'à chez son grand-père dans l'Ain. Ce road movie étrange apporte quelques éléments de compréhension de notre société contemporaine que le cinéma ou la télévision oublient souvent.

Plein Soleil: chef-d'œuvre d'hier, source d'aujourd'hui

Bonjour à tous,

Le cinéaste René Clément est aujourd'hui à l'honneur dans bon nombre de cinémas français, et notamment dans le cycle du GRAC Ciné Collection tout le mois de septembre. Une copie restaurée de Plein soleil permet depuis cet été de (re)découvrir le talent de ce réalisateur qui a été si longtemps oublié, la faute certainement aux cinéastes de la Nouvelle Vague, François Truffaut en tête. Pourtant; Clément avait tout pour être un de leur phare. Réalisateur de La bataille du rail, il continue à faire des films mémorables comme Jeux interdits ou Monsieur Ripois ou encore Barrage contre le Pacifique, ce dernier étant l'adaptation du roman de Duras. Encensé par Hitchcock, René Clément fut au contraire dénigré par les critiques des Cahiers du cinéma, dont bon nombre allait constituer le gros du bataillon de la Nouvelle Vague, eux-mêmes qui adulaient... Alfred Hitchcock.En 1959, Les 400 coups de Truffaut sortaient en salle après avoir été présenté à Cannes (voir à ce sujet l'article consacré à ce film: "Les 400 coups: témoignage sur l'enfance des années 1950"). Cette même année, René Clément débute le tournage de l'adaptation de la nouvelle de Patricia Highsmith, Le talentueux Mr Ripley, publié en 1955.



La Nouvelle vague dans le viseur
René Clément, de son propre aveu, a fait ce film en réaction aux propos de la Nouvelle Vague qui ne voyait en lui au mieux qu'un bon faiseur, mais pas vraiment un cinéaste. Il va alors proposer un film reposant à la fois sur les principes de ces jeunes cinéastes, comme l'improvisation et les tournages hors studio, et sur ce qui faisait la force du cinéma tant dénigré par ces mêmes réalisateurs.
Pour ce qui est des ressemblances avec les jeunes pousses du cinéma français, il recrute donc pour cette adaptation, Paul Gégauff, scénariste du film de Chabrol (Nouvelle Vague) Les cousins et du chef opérateur Henri Decaë, chef opérateur du film... Les 400 coups! Une preuve s'il en était besoin que le cinéma, contrairement à ce que Truffaut, Godard et bien d'autres pouvaient penser, ne se scindait pas en chapelles.

Et comme eux, Clément va choisir des acteurs presque inconnus du grand public. Maurice Ronet n'est vraiment célèbre que depuis son rôle dans Ascenseur pour l'échafaud. Mais Alain Delon, qui tient le premier rôle, n'a joué que des personnages secondaires dans des films peu importants. Seul Christine lui a donné une toute petite notoriété. Mais c'est grâce à la présence de Romy Schneider, la Sissi éternelle, que ce film a pu avoir une petite carrière, une Romy Schneider qui fait d'ailleurs une apparition fugace dans Plein soleil! Quant à Marie Laforêt, elle trouve là son tout premier rôle au cinéma. Même du point de vue de la musique, le compositeur Nino Rotta n'est pas encore celui qui sera célébré pour Rocco et ses frères, Le guépard et bien sûr Le parrain. 
Hormis le recours à des inconnus pour faire du cinéma, c'est dans la manière de filmer que René Clément s'est prêté à une sorte de compétition avec ses détracteurs. Plusieurs séquences ont été tournées en laissant les comédiens agir devant la caméra, de manière naturelle, dans l'improvisation. La séquence mémorable dans laquelle Delon doit combattre les éléments en menant le voilier après l'assassinat de Philippe a été filmée sans véritable mise en scène directive. Cela donne à ce moment une véritable tension dramatique qu'une mise en scène plus conventionnelle aurait rendu plus artificielle. De même, les séquences tournées dans la rue par Clément ressemblent furieusement à celles qui auraient pu être filmées par Godard, Truffaut ou Varda, comme par exemple lorsque le personnage de Delon, Tom Ripley, déambule dans la rue pendant qu'a lieu une procession mariale. Filmé avec beaucoup de naturel, il est remarquable de voir les processionnaires regarder la caméra, preuve s'il en était besoin, qu'ils ne sont pas des figurants!
Ce sont enfin les dialogues qui rapprochent le film de Clément de ceux de ses critiques les plus virulents. On est loin des échanges à la Michel Audiard tant décriés. De même, la gouaille de Janson ou la poésie de Prévert ne se retrouvent pas dans les échanges verbaux entre les protagonistes. Au contraire, les dialogues sont plutôt minimalistes, réduits à l'essentiels, devant expliquer les situations sans être didactiques ni trop réalistes. Il y a une sorte de distanciation entre les situations et ce qui est prononcé par les personnages. Des dialogues fonctionnels en quelque sorte.

Le cinéma de Clément au bout du compte (attention, des informations concernant l'intrigue sont
révélées dans ce chapitre)
Au-delà de sa volonté de montrer que certaines méthodes revendiquées par la Nouvelle vague ne lui étaient pas étrangères, René Clément a réussi avec Plein soleil à faire une œuvre magistrale ne reniant pas ce qui faisait la qualité de ses autres films. C'est tout d'abord une écriture de scénario implacable, véritable mécanique dans laquelle le spectateur se laisse prendre jusqu'à la dernière séquence. Tout est maîtrisé parfaitement en créant une atmosphère délétère puisque le spectateur est perturbé par ce qu'il voit et ce qu'il entend.
Il voit une lumière vive, un aire de dolce vita que la musique de Nino Rotta maintient à chaque séquence, à l'exception de quelques séquences. L'ensemble est léger, avec des personnages principaux et secondaires qui vivent sans véritablement travailler. Même Tom Ripley doit gagner 5 000 $ juste pour ramener Philippe Greenleaf à son père à San Francisco. Quant à Marge, la fiancée de Philippe, elle vit aussi aux crochets de celui qu'elle aime.Pourtant, cette ambiance oisive n'empêche pas le malaise. Et toute la force du film repose là-dessus. Quelque soit le moment du film, jamais le spectateur n'est véritablement dans le confort de ce qu'il voit. Au début, Tom Ripley apparaît comme un souffre douleur de Philippe. Il est moins riche, se contente des miettes que son riche ami lui laisse et personne ne le considère. Teneur de chandelle sur le voilier de Philippe, la réaction de ce dernier marque peut-être sa fin. Car c'est bien à partir de ce moment là que nous comprenons qui est vraiment Tom. En une phrase, René Clément fait basculer notre empathie pour Philippe plutôt que pour Tom. "Il n'est pas mon ami, je ne l'ai jamais connu". Clément réussit ce tour de force à susciter de l'empathie d'abord pour Tom, puis pour Philippe (brièvement) et enfin pour plus personne. Ainsi, nous découvrons tout ce que Tom a mis au point pour rejoindre Philippe et lui nuire. Une stratégie digne de Machiavel. Il éloigne Marge du voilier, tue Philippe, jette son corps à la mer soigneusement emballé. Puis il revient sur terre, raconte à Marge que Philippe ne veut plus d'elle, puis, enfin, finit par se faire passer pour lui.

La ligne directrice du film prend alors toute sa mesure. En fait, dès le début, René Clément présente au spectateur ce qui tourmente Tom: son identité. Mais il laisse planer des fausses pistes. Il est pauvre, Philippe est riche et il n'est pas reconnu en tant que tel? Il ne semble pas plaire aux femmes quand Philippe doit presque les repousser? Mieux, Clément propose une scène dans laquelle Tom s'habille en Philippe, parle comme lui, et, face à un miroir, s'embrasse. Qui embrasse-t-il? Lui oui l'image d'un ersatz de Philippe? N'y aurait-il pas de l'amour homosexuel refoulé de sa part? Ce que la nouvelle de Patricia Highsmith suggère davantage, René Clément l'évacue rapidement mais il laisse le spectateur dans la confusion jusqu'à la scène du meurtre. Celle-ci marque la véritable nature de Tom. Il n'est pas reconnu, il n'existe pas vraiment tandis que Philippe a une personnalité. Alors Tom devient Philippe. Par tous les moyens.

La preuve? Il porte une chemise de Philippe et Marge croit reconnaître Philippe. Il apprend de manière très méthodique à signer comme Philippe, dans une séquence particulièrement mémorable. Il endosse au sens propre comme au sens figuré la personnalité de Philippe, même quand il tue Freddy, l'ami américain de Philippe et qui pourrait le confondre comme usurpateur d'identité. Une fois le corps abandonné, il rejette la culpabilité sur Philippe, pourtant déjà mort!
René Clément n'oublie pourtant pas que ce qu'a fait Tom Ripley est condamnable.Ainsi, dans le processus de prise d'identité, il introduit tous les éléments du polar. Mais un polar à ciel ouvert, plein soleil. Quand d'autres auraient caché le personnage de Ripley, Clément l'exhibe. Sa cachette est son identité nouvelle. La sienne n'est toujours pas reconnue. La preuve en est quand un commissaire vient l'interroger à propos de la mort de Freddy, il ne prononce jamais comme il faut le nom de Tom. Il y a peut-être ici et dans le traitement des connexions avec La mort aux trousses d'Hitchcock (voir à ce sujet mon article sur La mort aux trousses). Si ce dernier admirait Clément, il est fort à parier que l'inverse était vrai. La séquence dans laquelle Cary Grant est attaqué dans les open fields est bien similaire à la volonté d'exposer en pleine lumière ce qu'a fait Tom. Mais Roger Thornhill se fait passer pour Kaplan contraint et forcé et est innocent de ce dont on l'accuse. Exactement le contraire de Tom Ripley.

Au traitement, Clément rajoute le mobile du crime. Jalousie? Tom serait-il amoureux de Marge? C'est ce qui semble être le cas au départ. Mais progressivement, le spectateur réalise que Marge n'est rien d'autre qu'un objet sans importance. Son nom est celui d'un bateau. Elle n'a pas de nom de famille. Son prénom est tout un symbole: Marge. Elle n'est absolument pas le centre de l'histoire mais une marge. Elle ne sera qu'un moyen pour Tom de récupérer le magot de Philippe. En établissant un faux testament dans lequel il reconnaît l'assassinat de Freddy et faisant de Marge son unique héritière, Marge est devenu le coffre fort de Tom. Et ses efforts de séduction antérieurs au testament ne le rendent pas suspect aux yeux de Marge. La manipulation est complète. Le crime parfait.

Un témoignage sur un temps révolu (attention, des informations concernant l'intrigue sont révélées dans ce chapitre)
Bizarrement, le film, s'il a beaucoup plu à Highsmith, l'a moins convaincu dans son épilogue. Le Happy end ("Le happy end, une notion très importante cour comprendre une société") ne saute pourtant pas aux yeux des spectateurs d'aujourd'hui. En effet, Tom Ripley, dans un moment extrêmement savoureux et jouissif, se met face au soleil et savoure ce moment qu'il croit être "le meilleur" tandis que la preuve de sa culpabilité dans le meurtre de Philippe, et donc de Freddy, est révélée de manière inattendue. Fin du film. C'est que Clément n'est pas un auteur de livre dans lequel on peut envisager une suite qui mettrait fin aux agissements du criminel. L'ennemi de Sherlock Holmes est-il arrêté à chaque tome? Au cinéma, surtout en 1959, date du tournage de Plein soleil, les suites n'existent pas encore, sauf pour des comédies ou des personnages récurrents de la littérature comme Fantomas par exemple. De plus, René Clément n'est pas un réalisateur provocateur comme a pu l'être Peckinpah aux États-Unis. Sa filmographie est en phase avec son histoire, marqué par la Résistance pendant la Seconde guerre mondiale. Sa morale ne peut s'accommoder avec la réussite d'un Tom Ripley. Mais l'histoire doit être haletante. Il doit à la fois réussir, mais le destin doit permettre que ses crimes soient punis. Tout est là dans cette dernière séquence.
Plein soleil est aussi marqué par des passages très symboliques, eux aussi marqués par ce cinéma nouveau, en France ou aux USA. Des plans très marqués Nouvelle vague sont présents comme lorsque se superpose le regard de Ronet et de Delon au moment de la vérification du passeport de Philippe Greenleaf, falsifié par Tom Ripley. Il y a du À bout de souffle avec ces plans sur Belmondo et son monocle.
L'usage d'images symboliques sont d'ailleurs présents dans le film, et notamment dans une séquence, coupée dans la version américaine, durant laquelle Ripley se promène dans un marché, regardant sur les étals, les différents poissons (à ce sujet, vous pouvez consulter l'analyse du film sur le site Libresavoir). Chaque plan, bien identifié, semble raconter un moment de l'histoire de Tom: un poisson au corps tordu symbolisant l'âme torturée de Ripley, un poisson avec un rostre en baïonnette, image du poignard ayant tué Philippe, une raie filmée par dessous, ressemblant à un masque comme celui que porte désormais Ripley, une balance, représentation de la justice, et enfin la tête tranchée d'un poisson, image de ce qui attend Tom s'il est arrêté. Cette symbolique à la fois surréaliste et poétique est bien un marqueur d'une époque aujourd'hui révolue. Les cinéastes ne s'embarrassent plus de toutes ces représentations non narratives. Il y a encore chez Clément les traces d'une culture picturale et poétique qui a disparu à partir des années 1960 chez les cinéastes et qu'on retrouvait pourtant paradoxalement encore chez certains réalisateurs de la Nouvelle vague comme Godard dans la composition de ses plans symboliques, ou chez Louis Malle, par exemple dans Le feu follet, également avec Maurice Ronet.

Mais le visionnage de Plein soleil pour des spectateurs du XXIème siècle est aussi un moment assez éclairant sur ce que pouvait être la société européenne en cette fin d'années 1950. La dolce vita évoquée plus haut transparaît par des objets mythiques, que ce soit les chaussures Repetto ou par les fameux scooter qui firent tant le succès de l'Italie et de son mode de vie. Cette insouciance de la jeunesse se téléscope avec une culture de la nourriture. Ce film noir haut en couleur n'empêche pas de voir les différents protagonistes se nourrir régulièrement ou de voir de la nourriture, des poissons du marché au poulet que la concierge apporte à Tom/Philippe en passant par les plats de pâtes, la charcuterie mangée dans le bateau... Tout un art de vivre culinaire est à l'écran, sans insister mais présent comme une évidence.
De même, l'économie italienne est présente par l'évocation régulière de la conversion entre dollar américain et lire italienne. Il apparaît bien que la valeur de la monnaie du pays méditerranéen est considérablement plus faible que celle de la devise américaine puisque 1 500 $ valent plusieurs centaines de milliers de lire. L'Italie correspond alors au lieu de villégiature exotique qui pourrait être des pays du Sud économique d'aujourd'hui et dans lesquels les riches Européens ou Américains pourraient vivre confortablement, avec du personnel de maison, tout en dépensant finalement peu. Et pour mieux comprendre cela, la visualisation des billets italiens ne manque pas de faire sourire avec des billets dont la taille croit en fonction de la valeur faciale, comme s'il fallait davantage de papier quand la valeur du billet augmentait!
Il y a enfin une représentation de la sécurité tout à fait étonnante dans le film. La plus caractéristique est la manière de fermer les portes à clé en déposant ensuite celle-ci dans une ouverture située juste à côté de la porte, sans même une dissimulation minimum, rendant la clé accessible à quiconque. Cette séquence se reproduit plusieurs fois. Une telle représentation doit interroger le spectateur d'aujourd'hui qui n'oserait pas partir de chez lui sans fermer tous ses verrous! Or le film se passe en Italie dont la réputation est celle du vol de tout ce qui peut l'être. Le film témoigne donc d'une réalité différente dans ces années 1950, réalité crédible à partir du moment où les spectateurs n'auraient pas pu ne pas réagir négativement si cela n'avait pas été possible. Ce qui est d'ailleurs présent à l'écran en 1960, date de sortie du film en France, l'était dans la vie de chaque citoyen laissant son vélo sans mettre d'anti-vols ou laissant sa clé de maison sous le pot de fleur, quand il fermait sa maison. Cette représentation ne dit pas qu'il n'y avait pas de vol ni qu'il n'y avait pas de cambriolage. Elle témoigne juste de l'absence de ce fameux "sentiment d'insécurité" et aussi certainement d'un plus grand respect des biens d'autrui, les vols étant l'affaire des "professionnels" et non de tout à chacun!

Plein soleil est donc un film admirable, par sa mise en scène, par la manière de tenir le récit de bout en bout, mais aussi par ce témoignage de son époque qu'il laisse aux spectateurs d'aujourd'hui. Un documentaire consacré à René Clément vient d'être réalisé par Alain Ferrari et produit par Caïman Production: René Clément, témoin et poète. Il sera présenté pendant le festival Lumière 2013. À ne pas manquer!

À bientôt
Lionel Lacour

jeudi 12 septembre 2013

Festival Lumière 2013: des master class comme s'il en pleuvait à la Villa Lumière

Bonjour à tous,

alors voilà, la programmation du Festival Lumière est enfin révélée depuis mardi soir. Et elle est monumentale. Inutile de la restituer ici puisqu'il faut plus de 30 pages pour évoquer tout ce qu'il y a à voir et donc faire un marché qui procurera autant de plaisir que de frustration!
Des films, bien sûr. Des documentaires évidemment. Présentés par des réalisateurs et des artistes, c'est la règle depuis la première édition.
Mais surtout, le Festival Lumière propose de rencontrer directement ceux qui font ou parlent du cinéma!
En effet, en entrée libre, la salle de la Villa Lumière (désormais désignée sous le nom de SALLE 2 de l'Institut Lumière sur le programme officiel) vous accueille gratuitement pour les Master Class et dans l'intimité: moins de 100 places! À condition de réserver sa place à l'avance, bien entendu. Car ces places seront très convoitées. Il suffit de consulter la liste des Master Class pour se rendre compte que les invités sont encore et toujours des personnages exceptionnels!

PROGRAMME DES MASTER CLASS


Jean Gabin serrant Françoise Arnoul
dans French Cancan de Renoir
Mardi 15 octobre
17h Master Class de Françoise Arnoul, merveilleuse actrice qui tourna avec Renoir dans French Cancan, avec Guitry dans Si Versailles m'était conté et bien sûr Henri Verneuil dans Le mouton à cinq pattes.





Kirk Douglas
dans Les sentiers de la gloire


Mercredi 16 octobre
18h Master Class de James B. Harris, réalisateur et producteur notamment des premiers films de Stanley Kubrick comme L'ultime razzia, Les sentiers de la gloire ou Lolita.




Pierre Richard, toujours facétieux!
Jeudi 17 octobre
18h Master Class de Pierre Richard, comédien à la popularité incomparable ayant tourné dans des films devenus cultes, du Grand blond à la chaussure noire à La chèvre en passant par Le distrait, Le jouet et autres comédies dans lesquelles il interprète ce personnage lunaire inimitable.
La Master Class est suivie du documentaire Parlez-moi du Che qu'il a réalisé en 1987 (1h)

Serge Toubiana

Vendredi 18 octobre
 11h Master Class sur la restauration des Malheurs d’Alfred de Pierre Richard par Gaumont et les laboratoires Eclair. Depuis 3 ans, Gaumont présente aux spectateurs du Festival comment ce studio restaure les films de son catalogue.
17h15 Master Class de Serge Toubiana, directeur de la cinémathèque de Paris depuis 10 ans.

Françoise Fabian
Samedi 19 octobre
19h15 Master Class de Françoise Fabian. Actrice pour Rohmer (Ma nuit chez Maud), de Bunuel (Belle de jour) ou encore de Lelouch (La bonne année), Françoise Fabian n'a jamais cessé de tourner, touchant à tous les registres du cinéma, aujourd'hui encore.








Tarantino à gauche,
Tim Roth médusé à droite!
Dimanche 20 octobre
11h MASTER CLASS de Tim Roth, comédien anglais, interprète dans Reservoir dogs et dans Pulp fiction réalisé par le lauréat du Prix Lumière 2013, Quentin Tarantino. Il est aussi Thade dans la version de Tim Burton de La planète des singes. Il est enfin ce comportementaliste dans la série populaire Lie to me.








Pour assister à ces Master Class, il est indispensable de retirer les billets (gratuits) aux points billetterie du festival et de venir 15 minutes avant le début des séances.
Renseignements sur le site www.festival-lumiere.org

À bientôt
Lionel Lacour

mardi 10 septembre 2013

Hitchcock en muet: une découverte en ciné concert au Festival Lumière 2013

Bonjour à tous,

comme chaque année, le Festival Lumière gratifie ses spectateurs d'une projection exceptionnelle à l'auditorium Maurice Ravel de Lyon.

Ainsi, mercredi 16 octobre à 20h15, c'est dans un auditorium fraîchement rénové après des mois de travaux que les cinéphiles pourront découvrir Black mail d'Alfred Hitchcock, réalisé en 1929, pour les derniers feux du cinéma muet, copie restaurée par le BFI (British Film Institute).
Ce lieu peu banal pour du cinéma trouve ici tout son sens quand il s'agit de projeter un film muet accompagné en direct par l'Orchestre National de Lyon, dirigé par Leonard Slatkin.Et les amateurs de musique seront particulièrement servis puisqu'ils découvriront à cette occasion la musique inédite en France de Neil Brand, composée en 2008 et orchestrée par Timothy Brock. Ce sont donc bien tous les sens qui seront mis en éveil avec une telle programmation. Voir résumé du film et informations pour les réservations ci-dessous.

 "Du muet au parlant : le muet dans le parlant, le parlant dans le muet : 1927-1931"
En 2010, la soirée d'ouverture proposait Chantons sous la pluie, film parlant de 1952 évoquant non sans humour le passage du muet au parlant (à ce sujet, voir l'article sur Chantons sous la pluie).
En 2011, ce fut la projection en Avant Première de The Artist, film muet de 2011 (!) et qui évoquait à son tour cette transition, toujours dans le ton de la comédie.


Quoi de plus étonnant alors que de voir la programmation du cycle "Du muet au parlant : le muet dans le parlant, le parlant dans le muet : 1927-1931" interrogeant les œuvres de la période charnière du passage du cinéma muet au cinéma parlant? 








Affiche de la version parlante

Avec Blackmail, Alfred Hitchcock a finalement opté de tourner dans les deux versions, une muette et l'autre parlante, une histoire, déjà, au suspens haletant, et sur un vrai faux coupable. L'existence de ces deux versions est donc passionnante pour évoquer cette transition fondamentale de l'histoire du cinéma, bouleversée par le surgissement du parlant en 1927, avec la projection du film Le chanteur de jazz.et qui révolutionnera la mise en scène chez les cinéastes ayant travaillé lors de ces deux périodes.






Al Jolson, le chanteur de Jazz!
Le cycle "Du muet au parlant : le muet dans le parlant, le parlant dans le muet : 1927-1931" proposera d'ailleurs des projections de ce fameux film d'Alan Crosland, dont seulement quelques minutes étaient en fait "parlant" ou plutôt "chantant", et ce dans une copie elle aussi restaurée. Mais c'est également et surtout la version parlante du film d'Alfred Hitchcock qui sera présentée pendant le festival. Une manière unique de comparer deux manières différentes de faire du cinéma et deux sensations nouvelles autour d'un même scénario et d'un même réalisateur!
Résumé de Blackmail
Alice White (Anny Ondra) a pour fiancé l'inspecteur de police Frank Webber (John Longden), mais elle s'ennuie. Elle profite d'une dispute pour rejoindre Crewe (Cyril Ritchard), un artiste peintre. Mais Crewe tente de la violenter. Alice, pour se défendre, se saisit d'un couteau et le poignarde. En toute hâte, elle essaye d'effacer les traces de sa présence dans le studio et s'enfuit. C'est Frank qui est mis sur l'enquête...



Achat des places
12 €
10 € accrédités
Billetterie et programmation du festival Lumière : 04 78 76 77 78 - www.festival-lumiere.org
Billetterie Auditorium de Lyon : 04 78 95 95 95 - www.auditorium-lyon.com
Auditorium de Lyon : 149 rue Garibaldi – 69003 Lyon


Très bon festival

À bientôt
Lionel Lacour

dimanche 8 septembre 2013

Belmondo et "Un singe en hiver" au Festival Lumière: la croisée entre cinéma à papa et nouvelle vague

Bonjour à tous,

Quoi? Un singe en hiver en ouverture du Festival Lumière? Quelle idée? Certains ronchons vont trouver la programmation saugrenue, pas à la hauteur d'un événement qui annonce Tarantino comme lauréat du Prix Lumière et une série de rétrospective invraisemblable et hétéroclite. D'autres se délectent déjà de ce plaisir que de voir, et certainement revoir ce bijou de fantaisie du cinéma français, et sur un très très grand écran! Parce que ceux là ne prennent pas le cinéma pour ce qu'il n'est pas. Un art snob.
Non, le cinéma, celui que le directeur du Festival célèbre pour la cinquième fois à Lyon, est un cinéma qui veut rassembler toutes les cinéphilies. Et quoi de plus juste alors que ce double choix?
Tarantino pour le prix Lumière. Connaît-on plus amoureux du cinéma, lui qui n'arrive pas à envisager de voir des films autrement que sous la forme de pellicule? C'est le récipiendaire parfait pour l'esprit Lumière. Celui qui touche tous les publics.
Un singe en hiver en ouverture. Existe-t-il un film qui symbolise à ce point l'unité retrouvée d'un cinéma français qui rayonnait alors dans le monde entier?
Parce que pour le coup, il faut s'arrêter un petit moment sur ce film.

En 1962, Henri Verneuil retrouvait pour la troisième fois le monstre du cinéma hexagonal, Jean Gabin, et notamment un an après Le président, biographie d'un président du conseil imaginaire qui aurait pu ressembler à Clémenceau mais aussi à de Gaulle. Verneuil s'entoura aussi du fidèle Michel Audiard. Quatrième collaboration. Et quelle collaboration! Une adaptation somptueuse du livre d'Antoine Blondin, respectueuse de la poésie de celui qui aimait aussi le peuple, sans aucune acception péjorative à ce mot.
Enfin, le deuxième personnage principal est tenu par Jean-Paul Belmondo. Mais d'où sort-il celui-là? Que vient-il faire dans ce cinéma qui ne le regarde pas, lui le comédien tellement lié à Godard qu'il semble porter à lui tout seul l'idée même de la Nouvelle Vague qui a tant raillé le cinéma de Verneuil, de Gabin et des autres, Nouvelle Vague qu'Audiard étrillait à son tour, rappelant qu'elle était devenue plus vague que nouvelle!
Voici donc, comme dans les jeux pour enfants, celui de cherchez l'intrus. Pourtant, tout semble fonctionner à merveille. Film passage de témoin entre le monstre sacré et le jeune premier promis à une carrière monstrueuse à son tour. Les voici les deux en train de s'apprivoiser, l'un à essayer de changer de vie, l'autre à vouloir retrouver la sienne. Le point d'intersection est l'alcool, la gnôle, le vin, tout ce qui se boit et conduit à l'ivresse. Parce qu'Audiard sait, mieux que quiconque, faire dire à ses personnages, des répliques dites cultes, devenues parfois aphorisme. "Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait plus le vin, ce serait l'ivresse" dit un Gabin devenu sobre pendant des années à son épouse, Suzanne Flon, épouse modèle.



Que s'est-il donc passé? Albert Quentin a rencontré Gabriel Fouquet. En vérité, Gabin a rencontré Belmondo. Car c'est bien cela que Verneuil a réussi à faire. Comme en mathématiques, il y a un point de symétrie entre ces deux binômes, l'un de personnages de fiction, l'autre d'acteurs. C'est Suzanne Flon qui fait office de point de symétrie, elle dont le prénom est le même que celui de son personnage. Cela laisse penser que cette rencontre était bien la réunion voulue par Verneuil de deux cinémas, dont l'un aurait commencé à ennuyer ferme la jeunesse. Gabin / Quentin s'ennuie aussi dans son confort.Et il le fait savoir à Suzanne qui veut le maintenir dans sa quiétude. Il faut alors lui entendre dire ce qu'il ressent de ses années d'abstinence et de mesure dans son hôtel de la côte Normande:
"Ecoute ma bonne Suzanne, tu es une épouse modèle. Mais si, tu n'as que des qualités et physiquement, tu es restée comme je pouvais l'espérer, c'est le bonheur rangé dans une armoire. Et tu vois, même si c'était à refaire, je crois que je t'épouserais de nouveau... mais tu m'emmerdes. Tu m'emmerdes, gentiment, affectueusement, avec amour. Mais tu m'emmerdes!"

Mais à revoir, c'est tout de même mieux!



Et c'est alors parti pour une aventure improbable entre deux êtres que tout oppose. L'âge, les rêves, le présent et le passé. Quand Gabin se remémore la Chine et le Yang Tsé, nostalgie d'une France impériale qui n'est plus, Belmondo rêve de l'Espagne, déjà l'Europe, horizon moins lointain mais plus réaliste quant à ce vers quoi doit désormais s'orienter la puissance française.
Ces deux France se téléscopent autour d'une culture commune, le vin, mais sont déjà de deux mondes différents. Le village normand renvoie au monde traditionnel, à la ruralité. Belmondo est un urbain, nomade volontaire, aventurier moderne pour les anciens attachés à leurs terres.

Le résultat du film est saisissant. Audiard a su écrire pour Belmondo une partition formidable qui laissait à Gabin sa stature de commandeur et au jeune acteur la place nouvelle que le cinéma nouveau pouvait convoiter. Verneuil fit un coup de maître. Qu'il allait rééditer l'année suivante avec l'autre étoile montante du cinéma français, attaché au cinéma de Visconti. Dans Mélodie en sous-sol, Gabin rencontrait aussi Delon comme il avait rencontré Belmondo un an auparavant.

Belmondo n'allait plus tourné ensuite avec Gabin mais il fut régulièrement le premier rôle d'Henri Verneuil, le cinéaste qui avait réuni les deux branches du cinéma français. Le schisme allait durer malgré tout longtemps. Belmondo ne participa pas à ce conflit sans intérêt. C'est ce qui fait de lui un des comédiens préférés des Français, monument du 7ème art à part entière. Ainsi, programmer en soirée d'ouverture du 5ème Festival Lumière Un singe en hiver, c'est renouer avec ce que Verneuil avait réussi.
Mais inviter Jean-Paul Belmondo sur la grande scène de la Halle Tony Garnier de Lyon, c'est rendre hommage à l'immense artiste qu'il est, qui ne s'est jamais pris pour autre chose que ce qu'il n'était, un comédien, maillon d'une chaîne d'un art populaire de qualité. Adulé par les admirateurs de Godard, reconnu pour ses interprétations de films de Lelouch, pitre mémorable pour Lautner, Jean-Paul Belmondo a plus que sa place au Festival Lumière. Il est la synthèse exacte de ce que Thierry Frémaux recherche dans ce Festival, amoureux du cinéma, du cinéma pour tous si j'osais le dire.


Un singe en hiver, soirée d'ouverture du Festival Lumière, 14 octobre 2013 (déjà complète)
Et pour le voir pendant le festival, consulter le site du Festival Lumière 2013
http://www.festival-lumiere.org/

À très bientôt
Lionel Lacour