dimanche 14 mai 2017

L'Allemagne de Weimar au cinéma: la République mal née

Bonjour à tous,

Mercredi dernier, je donnais une ciné-conférence sur la République de Weimar vue par son cinéma. En voici le compte rendu.

LA RÉPUBLIQUE DE WEIMAR VUE PAR LE CINÉMA, 
LA RÉPUBLIQUE MAL NÉE

Au lendemain de la 1ère guerre mondiale, la représentation du monde le divise entre le mal, symbolisé par des êtres sombres, vivant dans des espaces hostiles et agressant le bien, représentés par des symboles blancs, clairs, lumineux, images de l’innocence ou de la vertu. Cette vision très marquée, très manichéenne, avec des forts contrastes notamment esthétiques, correspond à l'état dans lequel se trouvent l'Allemagne et avec elle, le camp des perdants de la guerre: ce sont des pays ruinés économiquement, traumatisés par les traités de paix dont celui de Versailles, aboutissant notamment à des frais de guerre colossaux et à l'éclatement territorial des pays vaincus. Les arts allaient vite y trouver une forme d'expression correspondant à cette situation, accompagnant par la suite le régime né de la défaite militaire, la République de Weimar. Le cinéma particulièrement, avec des réalisateurs de première importance, sans jamais représenter expressément cette République, témoigne pourtant de l'évolution du pays, de la situation difficile d'après guerre à l'agonie d'une République ne sachant répondre à la crise venue des USA, en passant par une phase d'espérance. 


LA RÉPUBLIQUE DE WEIMAR : NAISSANCE ET ESPÉRANCES
Une Allemagne traumatisée – une identité à reconstruire

Esthétiquement, l’expressionnisme allemand est flamboyant : forts contrastes, forte utilisation des angles saillants, distorsion des perspectives, décors symboliques, ce qui est particulièrement visible dans La cabinet du Docteur Caligari réalisé en 1919 par R. WIENE. Le monde dans lequel vivent les personnages est un monde sans soleil, sans joie, avec des paysages de ronces. L’action évoque des fous, un asile faisant face à d’autres ne l’étant pas. C’est en fait une société de chaos que doit vivre la population allemande. L'expressionnisme permit ainsi de retranscrire l'état psychologique des peuples germaniques après la guerre et la défaite.


Dans Nosferatu de F. W. MURNAU en 1922, le mal vient de l’étranger - suggéré par son arrivée sur un bateau. Le mal est symbolisé par un étranger au physique sec, visage anguleux, yeux exorbités, doigts crochus. Cette description correspond d'ailleurs à celle des êtres mauvais dans l'iconographie traditionnelle. Il est accompagné des rats se trouvant dans le même navire, eux aussi symboles du mal - ils portent les maladies les plus mortelles comme la peste. On y retrouve aussi la symbolique du mal représenté par la couleur noire, les angles aigus et la disproportion, comme l'ombre de Nosferatu quand celui-ci vient s'en prendre à l'héroïne, symbole du bien et de la vertu, forcément représentée en blanc.
Ces deux mondes, celui du mal et du bien, sont séparés (par une fenêtre) mais ils se voient. Et surtout, le mal peut interférer et nuire au bien. L'ombre (forcément noire) de la main de Nosferatu sur le cœur de sa victime montre l'objectif final de l'étranger: tuer la vertu et l'innocence des autochtones...

En 1926, ce même Murnau réalisait sa version de Faust, autre représentation très apocalyptique du monde et donc de la société germanique avec utilisation du mythe de Faust. Plus que dans Nosferatu, il recourt à une utilisation extrême de l’esthétique expressionniste. Le diable couvre le ciel de sa cape noire tandis qu'il fait fort usage des décors symboliques et peu réalistes. Mais la fin est plus optimiste avec le triomphe du bien (les anges sont de blanc vêtus et lumineux) et des valeurs chrétiennes (c'est l'amour des autres qui est plus fort que tout) qui repoussent le diable en dehors de la ville et permet au peuple de retrouver la paix.


Cet optimisme se caractérise aussi par un rapprochement avec l’ennemi d’hier, notamment lors de coproductions franco-allemandes comme ce film, Le chemin du paradis de W. THIELE réalisé en 1930. Mêmes scénarios, mêmes décors, mêmes dialogues, mêmes plans. Juste la langue et les acteurs … et le pas militaire filmé dans une séquence sont différents ! Attention cependant, ce rapprochement franco-allemand est plus du fait du pacifisme français et d’un réel rapprochement franco-allemand de la fin des années 20… Il n'empêche, ces films franco-allemands comme par exemple Allo Berlin? Ici Paris de J. Duvivier  en 1932 manifestent une période moins belliqueuse et revancharde chez les Allemands, malgré la montée en puissance du parti nationaliste d'Hitler.




WEIMAR, LA RÉPUBLIQUE EN CRISE DE LÉGITIMITÉ
De la crise économique à la crise d’autorité

Le réalisateur autrichien G. W. PABST dont une bonne partie de la carrière de cinéaste est allemande, tourne La rue sans joie en 1925  dont l’action se passe à Vienne, en Autriche. Mais les spectateurs sont tout autant Allemands qu’Autrichiens. PABST filme les stigmates de la guerre, comme ce plan avec un unijambiste, victime manifeste de la guerre, usant d'une esthétique encore marquée par l’expressionnisme mais avec davantage de réalisme. Les murs ne sont pas droits, les angles sont encore saillants, les contrastes marqués mais on est loin des décors théâtraux des premiers films expressionnistes. Il dépeint la crise économique avec les difficultés de ravitaillement. La police, dont les membres sont évidemment issus du peuple, fait régner l’ordre au profit des puissants. Ainsi en est-il pour cette file d'attente de personnes attendant de pouvoir acheter de la viande à la boucherie. Tout comme dans Nosferatu, une fenêtre sépare le peuple de ceux qui profitent de lui, comme ici le boucher. Ainsi, pour obtenir de la viande alors qu'il n'y en a officiellement plus, des femmes s'agenouillent pour se montrer au boucher. Elles s'humilient auprès de lui pour obtenir la viande qu'il a cachée - viande à laquelle, de manière très imagée, PABST donne un double sens évident (de la viande contre une faveur sexuelle), montrant de fait que ce monde est pourri par la corruption.
La représentation du mal se fait ici par des figures de personnes grasses (le boucher, une bourgeoise, le capitaliste).  Le capitalisme est le mal et vient forcément de l’étranger. Le spéculateur international s'appelle Canez et il profite du peuple en spéculant sur une grève créée de toute pièce pour pouvoir ensuite acheter les actions à bas prix. La musique jazz jouée dans le restaurant bourgeois accentue l'aspect non germanique de ceux préférant les valeurs non nationales plutôt que de se soucier du peuple. En creux, c'est la non intervention d'autorités publiques pour empêcher ces manœuvres qui vient définir la République de Weimar. Le peuple se trouve livré à lui-même face aux spéculateurs.

Dans Metropolis, F. LANG illustre en 1926 cette même division du monde entre riches et pauvres mais dans un film de science fiction. Les riches sont cette fois ci séparés du monde des pauvres non par une fenêtre mais par une porte. Les mondes ne se voient même plus. Comme les policiers dans La rue sans joie, les domestiques protègent le monde des riches et leur opulence des pauvres dont ils font pourtant partie. On voit ici comment cette société inégalitaire est défendue par ceux qui peuvent obtenir quelques minces avantages sans pour autant faire partie du monde qu'ils défendent. Mais si la jeunesse bourgeoise est oisive et richement vêtue, le peuple lui est au contraire habillé de vêtements fonctionnels et uniformes, les enfants découvrant les merveilles du monde riche contrastant avec le monde bétonné de leur cité souterraine et de l'usine dans laquelle travaillent leurs pères. LANG filme alors des machines devenues des "dieux" tandis que les ouvriers sont assimilés à des esclaves. L'Allemagne de 1926 est donc marquée par des films dénonçant un capitalisme féroce ne permettant pas aux couches populaires d'accéder au bonheur. Cependant, Metropolis finit de manière optimiste, laissant penser qu'un dialogue entre le patron et les ouvriers est possible.


En 1927, F.W. MURNAU tourne L'aurore, son premier film américain. Il plonge le spectateur dans une histoire intemporelle mais dans laquelle toutes les caractéristiques esthétiques et thématiques de la période se retrouvent. Le vampire de son Nosferatu est alors remplacé par une femme tentatrice mais aux mêmes objectifs : détourner les hommes du Bien. Mais cette fois, MURNAU propose une approche à la fois plus réaliste tout en restant poétique et un point de vue de sa société idéale. Il sur-valorise le monde traditionnel: monde rural, travail de la terre, le mariage, la famille et dénonce le monde urbain, corrupteur et sans valeur, oisif et tentateur. Ce sont les valeurs positives qui l'emportent comme le symbolise la musique traditionnelle jouée dans une fête pour les héros du film, se retrouvant soudain en ville, faisant de fait cesser la musique jazz qui y était interprétée jusque là.



Le monde de la ville et ses valeurs sont également mis en cause dans Asphalt de J. MAY en 1929. Une jeune femme est surprise en train de voler une bague dans une bijouterie ouverte la nuit. Deux systèmes de valeurs s'affrontent ainsi: la permissivité, l’excès de tolérance face aux infractions d'un côté et de l'autre, le respect pointilleux des lois. Comme le film précédent, le rôle tentateur de la femme soumise à la mode, aux plaisirs futiles, au plaisir du crime est dénoncé. Elle réussit à corrompre un policier pourtant intègre, le conduisant à tuer l'amant de cette femme, une voleuse. Coupable, il cherche du soutien auprès des ses parents. Si sa mère protège son fils, le père, policier, décide lui de protéger la société en arrêtant son fils pour le livrer à la justice. Film analysé parfois comme pré-nazi puisque le père met sa fonction au-dessus de sa nature paternelle, il ne montre cependant que le fait que les spectateurs acquiesçaient à une police faisant respecter la loi et dont l'autorité était non négociable ni corruptible.


C'est bien de cela qu'il s'agit d'ailleurs dans le chef-d'œuvre de J. VON STERNBERG L'ange bleu en 1930. Là encore, la ville est montrée avec des espaces interlopes séparés des quartiers civilisés. Mais le déclin de Weimar, c’est-à-dire de ceux censés la représenter, vient du fait que ces derniers s’abaissent à s'amuser et vivre avec ceux qui ne vivent que de plaisirs futiles, aux valeurs immorales, c'est-à-dire contraire à la morale convenue pour un pays en reconstruction. Le héros, un enseignant, se décrédibilise ainsi en se rendant au cabaret "L'ange bleu" dans lequel chante Lola Lola, interprétant notamment qu'elle n'est faite que pour l'amour. Amour charnel évidemment, et donc infidèle! Pire, il l'épouse et abaisse son statut jusqu'à même faire la poule lors du repas de mariage. Avec lui, c'est la déchéance des valeurs républicaines qui sont ainsi projetées à l'écran, puisqu'il en est un des serviteurs.

Et ce désamour avec la République de Weimar se retrouve dans les derniers instants d’expressionnisme au cinéma. Dans M le maudit, F. LANG réalise en 1931 une œuvre ambiguë. Autour d'une histoire tirée d'un fait divers, il montre que les assassins n’ont pas peur des autorités publiques et la défient même, comme l'ombre, symbolisant le mal, portée sur l’affiche de recherche de l’assassin d'enfants et qui est justement celle ... de l'assassin!
LANG décrit l'hystérisation de la population prête à accuser quiconque pourrait ressembler au criminel, notamment par l'utilisation de plongées et contre plongées extrêmes, accentuant les impressions et les tensions. À cette angoisse de la population, la police échoue à trouver le meurtrier. Pourtant, elle utilise tous les moyens modernes (empreintes digitales, police scientifique) et même le profilage avec analyse psychologique et psychanalytique, discipline récente et due aux travaux de Freud. Mais à l'image, tous ses efforts semblent minimisés, représentés comme peu efficaces. En réalité, il y a une rupture entre deux mondes : le monde légal dépositaire de l’autorité publique (celui de la République de Weimar), moderne mais ne refusant de s'appuyer sur le peuple, et de l'autre, un monde illégal, incarné par le syndicat du crime, qui réussit à arrêter le criminel avec l’appui des témoignages des populations les plus misérables, notamment un vendeur de ballons aveugle. De fait, la justice semble ne pas protéger les citoyens des assassins. Et le film témoigne de l'échec de Weimar face au triomphe de ceux qui, bien qu'étant des malfrats, savent eux compter sur les citoyens pour empêcher un criminel de sévir. Pis encore, en organisant un simulacre de procès, le juge-procureur répond aux demandes de l'assassin qu'il est hors de question de le livrer à la police et de le faire comparaître devant un vrai juge, car il serait emprisonné puis libéré pour bonne conduite. Il constituerait de fait à nouveau un danger pour la société. Si les SA de Hitler se sont sentis représentés dans le syndicat du crime, c'est davantage le divorce entre la République de Weimar et les Allemands que LANG avait filmé.
Sur ce film, voir M le maudit: critique de Weimar ou du nazisme

LE NAZISME OU L’ANTI-WEIMAR
Du renoncement des élites à l’évacuation de toute valeur républicaine

Deux ans après M le maudit, F. LANG tourne Le testament du Dr Mabuse, soit en 1933, après l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Le film raconte la mort d’un criminel mais dont le médecin légiste affirme qu’il était un génie avec un dessein de reconstruire un monde nouveau. Séduction post mortem d’une pensée criminelle donc avec un vocabulaire clairement puisé dans la dialectique nazie: fin d'un monde ancien et corrompu, émergence d'un monde nouveau. Le film est clairement destiné aux spectateurs allemands de 1933. En effet, le médecin légiste regarde la caméra en proférant son analyse sur le Docteur Mabuse, tandis que dans le contre-champ suivant, le policier à qui il parle fait  un clin d’œil également face caméra. Ce clin d'œil marque clairement une connivence voulue avec les spectateurs pour qu’ils réalisent combien ces idées sont folles et hors de toute raison.
Le rapprochement avec le parti nazi est encore plus flagrant quand, dans le bureau du Docteur Mabuse, le médecin découvre et lit le testament de ce criminel. Le document semble montrer que les crimes commandités par Mabuse répondent à une logique pour créer le chaos, et l’incompréhension par la société des actes perpétrés ont pour objectif de mieux abattre le régime en place, se tournant vers ceux prétendant pouvoir remettre de l'ordre. Ces textes, tirés de quelques discours de Hitler, prennent ici une dimension moins politique mais montrent l'aspect funeste et manipulateur d'une telle stratégie. Mais LANG va plus loin dans sa démonstration. Par un procédé fantastique, le Docteur Mabuse apparaît à l'écran tel une sorte d'ectoplasme et lit avec le médecin les passages du fameux testament. Et tout en disant ce qui y est écrit, l'ectoplasme rejoint le médecin et investit son corps. Symboliquement, il le vampirise. LANG montre ainsi comment les élites scientifiques ou intellectuelles se sont fait contaminer par ces théories criminelles pour mieux ensuite participer à leur mise en œuvre.

Après l'accession d'Hitler à la chancellerie, bien des cinéastes ont quitté l'Allemagne. F. LANG par exemple en 1933. Mais G.W. PABST également. Il tourna alors un film en France cette même année, Don Quichotte, en se servant d'un personnage de la littérature pour symboliser ce que fut Weimar mais aussi l'arrivée au pouvoir du parti Nazi. Don Quichotte, bien que héros espagnol de fiction du début du XVIIème siècle, devient l’allégorie de la République, qui veut le bien des populations mais qui n’a pas su empêcher les taxes et l’appauvrissement des habitants en se trompant de combat. La séquence des moulins à vent apparaît bien comme la parabole de l’échec de Weimar, n'attaquant pas la cause de la crise économique qui frappe la population. Don Quichotte ruiné, épuisé est donc mis hors d’activité, enfermé et moqué par les habitants. La séquence finale montre que tous les livres qui inspiraient le combat de Don Quichotte l’ont amené à se tromper. Ceux procédant à leur destruction lui disent alors: « une nouvelle vie commence » indiquant alors explicitement que les valeurs et enseignement de ces livres doivent être oubliées. L'autodafé final renvoie évidemment à ceux perpétrés par les Nazis à leur prise de pouvoir en 1933, autodafés devant purifié l'Allemagne des idées du passé l'ayant conduite à la situation de misère et de soumission aux autres puissances européennes dans laquelle elle aurait été depuis 1918. Pabst, exilé hors d’Allemagne, allait pourtant revenir dans le IIIème Reich pendant la guerre… 

Parmi les idées nouvelles, il y avait notamment la valorisation de la culture germanique, le retour de tous les Allemands dans l’Allemagne, et l'émergence d’un nouveau système de valeurs remettant en cause celles du passé qui ont abouti à la défaite. C'est ce que montre Heimat réalisé en 1938 par C. FROELICH. Bien que l'action se passe en 1885, Heimat reprend tous ces thèmes chers aux nazis. Le pangermanisme se voit notamment par le retour en Allemagne d'une cantatrice allemande ayant fait carrière à l'étranger. Mais c'est bien dans la dénonciation d'un monde ancien, reposant sur de vieilles valeurs nuisibles et dépassées, alors qu'un monde nouveau se construit sous leurs yeux, avec un nouvel honneur,  que le film prend sa dimension de propagande nazie. En réalité, ce monde ancien qui se détruit dans le film est bien pour les spectateurs de 1938 la République de Weimar, en leur rappelant de fait que le IIIème Reich, est le monde nouveau, plus favorable au peuple et plus à l'écoute de ses attentes, en voulant leur rendre la dignité perdue depuis le déshonneur du "Diktat" de Versailles.

Ce monde nouveau s’appuie cependant sur des figures historiques mythiques, comme dans le film de G. UCICKY Das Mädchen Johanna réalisé en 1935. Jeanne d’Arc représente une héroïne prisée par le régime nazi car elle est celle qui a chassé les Anglais du continent. Or les Anglais représentent un des deux ennemis à combattre pour Hitler avec l’URSS, parce qu'elle représente une autre forme d' "Internationale", celle du capitalisme.
Ainsi, par analogie, Jeanne est assimilable à Hitler. Comme lui, elle est d’origine modeste, elle est appelée au pouvoir pour mettre fin au désordre et établir une unité nationale, et dans le film, on lui demande de guider le peuple. Or Hitler est bien le guide, le Führer du peuple allemand. 
Dans la séquence pendant laquelle on lui demande de devenir la guide du peuple, la mise ne scène ressemble à celle des cérémonies filmées par L. RIEFENSTAHL dans le Triomphe de la volonté. Les torches brûlent et encadrent la place où s'est réuni le peuple. Jeanne est située en haut des escaliers, filmée en contre-plongée, comme pouvait l'être le Führer. Et à peine le pouvoir de conduire le peuple lui est-il confié qu’un incendie est déclaré contre le symbole de l’autorité fédératrice : dans le film la Cathédrale, représentant une autorité religieuse. En Allemagne, ce fut le Bundestag représentant ce qui restait de Weimar…

Avec ce film, c’est la fin de la République  Weimar qui est représenté par l’avènement d’un chef charismatique pour sauver le peuple. Cette République  naquit sans enthousiasme, devant gérer l'après guerre mondiale (traités, crises économiques) et l'opposition de ses adversaires, communistes ou nationalistes. Elle mourut dans l'indifférence du peuple allemand. Le cinéma accompagna ce régime mal aimé en illustrant autant ses déboires que les aspirations des Allemands à un régime restaurant une autorité respectable et soucieuse du sort de la population. Comme le dit S. Kracauer (lire à ce sujet Kracauer, l'Allemagne et le cinéma), le cinéma allemand témoigna des dispositions psychologiques de ce peuple pour un régime plus fort. Les films qui en témoignèrent n'étaient pas des films nazis. Mais ils permettaient de comprendre comment les Allemands purent finalement accepter le pouvoir nazi et la propagande anti-Weimar qui suivit.


À bientôt
Lionel Lacour


lundi 8 mai 2017

Compte rendu conférence "La Révolution bolchevique: la propagande face à l'Histoire"

Bonjour à tous

le jeudi 4 mai 2017, je donnais une conférence à l'Institut Lumière sur le thème "La Révolution bolchevique: la propagande face à l'Histoire".
En voici le contenu.

La Révolution bolchevique :
la propagande face à l’Histoire

INTRODUCTION
L’empire russe, fondé par Pierre le Grand en 1721, est un pays à la fois le plus peuplé d’Europe, mais également le plus inégalitaire. À la veille de la Première guerre mondiale, l’empire compte près de 130 millions d’habitants dont près de 100 millions sont des paysans plutôt pauvres et analphabètes. Beaucoup ont d’ailleurs rejoint les villes grâce à l’industrialisation du pays dans les