samedi 29 juin 2013

Un marché du film classique pour le Festival Lumière: un coup de maître

Bonjour à tous

Le 20 juin, lors de la conférence de presse annonçant la programmation du prochain Festival Lumière, son directeur Thierry Frémaux a donc proposé d'y organiser un marché du film classique. Au regard de son lauréat connu pour sa cinéphilie, Quentin Tarantino, quoi de plus évident alors que la mise en place ce marché pour cette occasion.
Certains se diront peut-être qu'un tel événement sent la nostalgie à plein nez. Ce serait encore reléguer le cinéma à un art qui ne se verrait que par tranche d'âge, ne se construisant pas par accumulation entre les générations comme peut l'être la littérature notamment. 

Or, si ceci était vrai avant, du fait de la nature même du cinéma s'appuyant sur des projections en salle sur une période plus ou moins longue. Mais avec l'avènement de la vidéo, VHS d'abord, DVD ensuite, la multiplication des chaînes télévisées, les moyens diversifiés de pouvoir visionner les films, du grand écran à la tablette, l'objet film est devenu un objet culturel qui peut désormais traverser les classes générationnelles parce qu'il est devenu aussi accessible que peut l'être un livre. 

Comme ce dernier, il est transmissible désormais de proche en proche. Grâce à des logiciels simples, il est "découpable" en extraits que l'on charge sur sa messagerie, sur son ordinateur, sur sa tablette. Cette fluidité de l'image n'abolit évidemment pas toutes les frontières générationnelles. Mais elle permet la découverte, par ces extraits notamment, de moment de cinéma que certains spectateurs n'auraient jamais découverts. Ils deviennent des sortes de teasings donnant l'envie de voir le film en entier, avec pour conséquence positive la réactivation de vieux catalogues endormis pour ne pas dire poussiéreux. 

Avec le numérique, les vieux films deviennent des films "classiques". Des projections de copies dans un état pitoyable, mangées par les scotchs et les rayures sur la pellicule n'étaient plus acceptables que par des cinéphiles "extrêmistes". Avec les restaurations numériques, certains films retrouvent leur jeunesse passée, attirent des spectateurs les ayant vus à leur sortie mais aussi de plus en plus d'autres voulant découvrir un autre cinéma, celui du passé, grâce à des copies de qualité. Et le plus étonnant est l'engouement pour un retour en grâce de la salle de cinéma qui permet de partager l'émotion collective plutôt que de la vivre seul dans son salon devant un DVD ou un Blu Ray. 

Le marché du classique est donc une idée formidable qui va permettre la mise en contact de tous ces professionnels du cinéma qui œuvrent pour que des films, mythiques ou oubliés, connaissent une résurrection en salle ou sur support numérique pour une consommation domestique. En réactivant ce cinéma patrimonial, c'est toute une économie moderne qui est mise en activité: les laboratoires de l'image et du son, les distributeurs, les juristes devant négocier les différents droits, les exploitants de salle, les commerçants vendant des DVD... Mais surtout, en multipliant l'offre pour ces films d'antan, c'est tout un discours de cinéphiles qui va pouvoir se régénérer. Bien des films analysés par les premiers historiens du cinéma ou critiques n'avaient été visibles que par eux, les sources étant inaccessibles de fait. C'est donc un bond en avant phénoménal pour la recherche en Histoire du cinéma que permet le développement de l'économie du film classique.

Et surtout, et le coup de maître est d'une grande cohérence, en faisant du réalisateur de Pulp fiction comme futur récipiendaire du prix Lumière, Thierry Frémaux rejoint les deux bouts du festival: faire la part belle du cinéma du patrimoine tout en mettant en avant la modernité du 7ème art. Tarantino dont les œuvres se nourrissent des cinémas du monde entier et de toutes les époques mais qui produit des films d'une extrême singularité, démontre tout l'intérêt que de créer ce marché du film classique. Intérêt économique, scientifique mais aussi, et c'est peut-être là l'essentiel, intérêt pour la production cinématographique elle-même, avec des jeunes cinéastes qui pourront de plus en plus se nourrir de références variées comme les écrivains peuvent le faire en arpentant les bibliothèques du monde entier.

Et vous, vous en pensez-quoi de ce prochain marché du film classique?
Pour le reste de la programmation, consultez le site du Festival:
http://www.festival-lumiere.org/

À bientôt

Lionel Lacour

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