lundi 22 octobre 2018

Lumière 2018: Netflix et le cinéma de demain

Bonjour à tous,

les deux derniers Festivals de Cannes avaient été l'occasion d'un débat enflammé entre les amoureux des projections des films sur grand écran et ceux qui ne voyaient l'avenir de la production audiovisuelle de moins en moins en salle, de plus en plus sur des écrans personnels. Et de fait, les productions des films par des plateformes audiovisuelles étaient rejetées de la programmation par les premiers tandis que les seconds dénonçaient une forme d'ostracisme anachronique. Or, en septembre 2018, voilà qu'Alfonso Cuarón recevait le Lion d'or au Festival de Venise pour son film Roma produit par Netflix, qui n'avait pas été sélectionné justement à Cannes. De quoi raviver le débat et mettre un peu plus les choix de Cannes sur la sellette.

Pourtant, un mois plus tard, du 13 au 21 octobre, ce même Alfonso Cuarón est l'un des invités principaux de la 10ème édition du Festival Lumière à Lyon, dirigé par Thierry Frémaux, celui-là même qui dirige le Festival de Cannes. Et les spectateurs lyonnais ont pu alors découvrir en avant-première le film de Cuarón lauréat de Venise. Tout ceci pourrait paraître étrange, une sorte de reculade ou de retournement de veste. Or à bien y regarder, la programmation de Roma s'insère dans une programmation beaucoup plus subtile qu'il n'y paraît, avec un enjeu à plusieurs volets.

Tout d'abord, Roma n'était pas le seul film de Cuarón à l'affiche du Festival Lumière qui est un événement faisant la promotion du cinéma classique international. Ainsi, c'est une rétrospective de la filmographie du réalisateur mexicain qui a été proposée aux festivaliers, avec notamment Gravity ou Y tu mamá también, ainsi qu'une Master Class lui étant consacrée. Roma apparaît donc non pas comme une continuité de canal de diffusion des films de Cuarón sur une plateforme audiovisuelle numérique mais plutôt comme une évolution d'exploitation mais aussi de production d'une œuvre filmique chez le cinéaste. J'y reviendrai plus tard.

Ensuite, Roma ne fut pas le seul film produit par Netflix a bénéficié de la programmation du Festival Lumière. En effet, le film The other side of the wind, inachevé par Orson Welles, a été finalement produit par Netflix qui en a financé le montage définitif et la promotion. Ce à quoi a été rajouté la production d'un documentaire au sujet de l'histoire de ce film et intitulé They'll love me when I'm dead réalisé par Morgan Neville en 2018. Or ces deux films, celui de Welles comme le documentaire, ont été projeté dans des salles combles.

Ce qui se passe en temps réel et sous nos yeux est donc une sorte d'accélération du temps, faisant de Netflix un acteur désormais obligatoire de la production cinématographique, obligatoire et même nécessaire. Le plus drôle vient alors du fait que Netflix ait été conspué à Cannes par des contempteurs qui poussaient le directeur du Festival à ne pas sélectionné un film Netflix puisque son exploitation aurait eu lieu hors salle. Et cet argument est entendable pour qui aime l'expérience cinéma, c'est-à-dire en salle, l'essence même du cinéma depuis ses origines. Mais si Cannes, Festival de films inédits, a repoussé Netflix, c'est à Lyon et au Festival Lumière que la puissante plateforme a projeté ses programmes sur des grands écrans, sans être critiquée ou huée par quiconque. Quel paradoxe que de voir la mutation numérique trouver une sorte de reconnaissance, ou au moins une acceptation, dans un festival de films du patrimoine!

Ainsi, voici Netflix vilipendé à Cannes, récompensé à Venise et adoubé à Lyon. La réalité est que la venue sur la scène de la production cinématographique de Netflix, mais aussi des autres entreprises du secteur numérique, correspond non pas à l'éviction du modèle traditionnel mais à une mutation avec laquelle le cinéma devra faire avec, au risque de bouleverser un équilibre toujours mouvant reposant sur la chronologie des médias. En produisant ses propres films, avec des cinéastes de renommée internationale, Netflix contourne les limites lui interdisant de programmer des films récents avant un certain temps, celui de l'exploitation en salle, puis en DVD/BluRay/VOD, puis sur les chaînes payantes, puis gratuites. Ainsi, Netflix se crée son propre catalogue d'exclusivité filmique, en plus de celui qu'il s'est constitué avec les films du patrimoine, ce qui correspond d'ailleurs à ce qui était le cœur de métier de la plateforme quand elle n'était qu'un loueur de VHS/DVD!

Netflix entraîne avec lui des concurrents mais aussi et surtout des spectateurs de plus en plus nombreux qui consomment des films et des séries sur tablette ou pc. En intégrant des films produits par Netflix au Festival Lumière, Thierry Frémaux entérine de fait une situation qui s'impose dans le milieu du cinéma: Netflix a besoin de contenus audiovisuels pour satisfaire la demande de ses abonnés. Ces contenus passent par des films classiques mais aussi par des nouveautés et des exclusivités. Si on peut comprendre que ce modèle puisse être répulsif pour les anciens acteurs de la production cinématographique comme pour les puristes de la salle, il serait vain de le rejeter définitivement car le sens de l'Histoire du cinéma passe non par la suppression de la salle mais par l'acceptation qu'il puisse y avoir plusieurs modes d'apprécier ou de voir des œuvres cinématographiques. Certains continueront à ne voir les films qu'en salle, d'autres préféreront les voir confortablement (ou pas) chez eux, d'autres encore auront une attitude hybride, regardant des films en salle ou par leur abonnement.

Ainsi, l'arrivée de Netflix sur le secteur de la production cinématographique ressemble furieusement à ce qui était arrivé avec l'avènement de la télévision dans les années 1950: la crainte de la baisse de la fréquentation des salles et des réponses techniques (le cinémascope par exemple) pour la maintenir. Depuis bien longtemps, les chaînes de télévision co-produisent ou financent les films de cinéma pour bénéficier d'une première exploitation face aux chaînes concurrentes. Parfois même elles financent leurs propres programmes de prestige, comme par exemple Canal Plus avec par exemple Le bureau des légendes dont la 4ème saison débute aujourd'hui. Netflix se cale sur le même modèle. À ceci près que ce modèle s'inscrit à la fois dans la technologie numérique et dans une logique transnationale. Netflix fait donc peur par le caractère hégémonique qu'il peut incarner, représentant comme d'autres grandes entreprises une sorte de symbole de la mondialisation écrasant toute forme d'originalité culturelle.

Vouloir empêcher voire interdire Netflix comme partenaire du cinéma est strictement suicidaire car il dispose des moyens financiers pour attirer à lui les plus grands cinéastes. Mais si les chaînes de télévision qui pouvaient menacer le cinéma pouvaient être contrôlées à l'échelle nationale, la réponse à apporter pour intégrer Netflix dans une chaîne vertueuse de production et d'exploitation des films passe par une réflexion à échelle internationale et sûrement par une redéfinition de la chronologie des médias. Le chantier est donc à la fois ouvert, formidable, terriblement compliqué mais fatalement nécessaire pour que les partenaires historiques de la production de films continuent d'exister et d'apporter leurs spécificités aux spectateurs cinéphiles. Si le Festival Lumière a pu permettre de comprendre cette nécessité, c'est déjà un pas en avant non négligeable.

À très bientôt
Lionel Lacour

mercredi 10 octobre 2018

Lumière 2018: "Walkover", une jeunesse polonaise

Bonjour à tous

en 1965, Jerzy Skolimowski réalisait Walkover, son deuxième long métrage, dans lequel il joue lui même le rôle d'Andrzej, personnage récurrent de ses premiers films. Le festival Lumière l'a donc programmé en avant première de sa ressortie (prévue en 2019) et il sera projeté à l'Institut Lumière le mercredi 17 octobre à 18h15.

Le film vaut tant pour la forme que pour ce qu'il raconte, notamment de la société polonaise de ces années 1960. La forme tout d'abord. Avec 28 plans seulement, Skolimowski réussit une vraie prouesse pour raconter une histoire riche en

mardi 9 octobre 2018

Lumière 2018: "Olivia" ou le film d'une intruse

Bonjour à tous

Dimanche 14 octobre à 22h sera projeté à l'Institut Lumière salle 2 le film de Jacqueline Audry Olivia. Réalisé en 1951, ce film n'a comme rôles principaux que des femmes dont l'immense Edwige Feuillère dans le rôle de Mademoiselle Julie, nommée d'ailleurs aux BAFTA pour son interprétation pour ce rôle.
Il s'agit du 5ème film de la réalisatrice qui commença par une adaptation de la comtesse de Ségur, Les malheurs de Sophie en 1946.

Lumière 2018: "FTA", un documentaire sur Jane Fonda, militante anti-guerre du Vietnam


Bonjour à tous

En 1972, Jane Fonda est désormais une des plus grandes stars du cinéma mondial. Elle a joué pour René Clément avec Alain Delon dans Les félins, avec Arthur Penn pour La poursuite impitoyable, avec Sydney Pollack pour On achève bien les chevaux.
Dès 1971, elle participe à une tournée aux USA avec l'acteur Donald Sutherland, son partenaire dans Klute d'Alan J. Pakula,  se rendant avec d'autres artistes militants de garnisons militaires en garnisons militaires, d'abord aux USA puis dans les bases du Pacifique avec un slogan: "FTA", abréviation aux multiples significations, allant de "Free THeater Associates" à "F*** The Army".


Lumière 2018: "In the tracks of Alexandre Desplat"


Bonjour à tous

Alexandre Desplat fait partie de ces compositeurs très prolifiques pour le cinéma et travaillant pour des cinéastes de tous les horizons. De Roman Polanski à Jacques Audiard en passant par George Clooney, Gilles Bourdos, Stephen Frears et tant d'autres encore. 
Dans In the tracks of Alexandre Desplat, Pascale Cuénot nous fait découvrir la passion qui anime ce compositeur, deux fois oscarisé (pour The grand Budapest hotel de Wes Anderson et The

Lumière 2018: Master class ' Evolution de la restauration du son" des films classiques

Bonjour à tous

depuis que le Festival Lumière existe, la société Gaumont propose chaque année une Master Class consacrée à la restauration des films. Il faut dire qu'en étant née la même année que le cinéma, Gaumont est certainement une des entreprises ayant le catalogue le plus important au monde.

Les années précédentes ont permis aux festivaliers, aux passionnés par la technique cinématographique et aux étudiants en cinéma ou audiovisuel de mieux comprendre tous les enjeux

jeudi 4 octobre 2018

Lumière 2018 - "Rien n'est jamais gagné": un portrait du producteur Jean-Louis Livi

Bonjour à tous

Jeudi 18 octobre sera projeté pendant le Festival Lumière Rien n'est jamais gagné dans la Villa Lumière.  C'est un documentaire qui touchera tous ceux qui aiment les coulisses de la production des films ou pour ceux qui souhaitent comprendre le miracle du cinéma, celle de la genèse d'une œuvre.
Avec Rien n'est jamais gagné, Philippe Le Guay, réalisateur de Le coût de la vie ou de Alceste à

mercredi 3 octobre 2018

Lumière 2018 - Redécouvrir Peter Bogdanovich:"One day still yesterday"

Bonjour à tous

Peter Bogdanovich sera certainement l'un des invités majeurs du dixième Festival Lumière. Et sa venue sera accompagnée d'une programmation de ses films mais aussi d'un documentaire lui étant consacré, One day still yesterday, projeté le vendredi 19 octobre 2018 à 14h45 à la Villa Lumière (Salle 2 de l'Institut Lumière).

Quand Bill Teck réalise en 2014 ce documentaire, au sous-titre révélateur (Peter Bogdanovich et le film perdu), il revient sur la deuxième partie de carrière d'un cinéaste culte des années 70

mardi 2 octobre 2018

Lumière 2018: Orson Welles en un documentaire majeur

Bonjour à tous

Le nom d'Orson Welles résonne pour tous les cinéphiles. Depuis son premier film Citizen Kane, le cinéaste s'est d'emblée imposé comme un des plus grands cinéastes de l'Histoire du Cinéma. C'est donc ce personnage gargantuesque qui est au cœur du documentaire They'll love when I'm dead réalisé par Morgan Neville et qui sera projeté à la Villa Lumière (Salle 2 de l'Institut Lumière le mardi 16 octobre 2018 à