lundi 29 septembre 2014

Festival Lumière 2014: "La grande muraille", dernier grand mélodrame de Capra

Bonjour à tous

À l'occasion du Festival Lumière 2014, une rétrospective de l'œuvre de Franck Capra est proposée aux spectateurs avec entre autres certains de ses films pas forcément les plus connus mais pas les moins intéressants non plus. En 1933, Franck Capra décide de réaliser un film pour lequel il serait enfin lauréat d'un oscar, récompense ayant été attribuée pour la première fois en 1928 et que le réalisateur d'origine italienne espérait obtenir un jour. Si le film ne fut retenu pour aucune des récompenses couvertes par les Oscars, il offre cependant un intérêt multiple à ne pas manquer!

Un intérêt cinématographique
Capra retrouve son actrice Barbara Stanwick à qui il avait confié le premier rôle dans Femme de luxe en 1930 pour un film adapté du roman de Grace Zaring Stone The bitter tea of General Yen. La Columbia lui donne carte blanche pour produire ce mélodrame pour lequel il s'accompagne du chef opérateur Joseph Walker avec qui il avait déjà fait ses premiers films et qui allait collaborer avec lui jusqu'au chef-d'œuvre La vie est belle (1946).
Cette continuité artistique (même comédienne, même technicien) lui permit alors de produire un film ambitieux et "artistique" autour d'un sujet particulièrement difficile et provocateur pour l'époque.

Un intérêt historique
La puissance d'Hollywood se retrouve dans ce film et la capacité d'adapter des œuvres traitant de sujets contemporains. Si le film aborde par le petit bout de la lorgnette la guerre civile chinoise qui sévit alors, il est néanmoins assez stupéfiant de voir une major financer un film dont l'action évoque une guerre n'impliquant pas directement les USA. Le rôle de Barbara Stanwyck est évidemment le point d'accroche pour les spectateurs et qui leur permet d'essayer de comprendre les enjeux historiques du conflit entre nationalistes et communistes. Le film n'est d'ailleurs pas à un cliché près et la barbarie des Chinois est souvent extrêmement caricaturale. Mais il est peu de films qui permettent d'avoir une représentation de cette Chine en proie à une Révolution majeure ayant renversé un régime millénaire. À l'heure où les films occidentaux filmant les territoires colonisés évoquaient surtout la supériorité de la civilisation européenne et justifiaient de fait le colonialisme, le film de Capra ouvre, malgré un point de vue essentiellement occidental, une fenêtre sur le monde extra-européen sans que celui-ci ne comprenne vraiment ce qui arrive dans l'Empire du Milieu.

Un intérêt sociétal
Le film est particulièrement osé également dans la possibilité qu'il laisse aux spectateurs d'imaginer une relation "inter-raciale" entre une "Blanche" et un Asiatique, fût-il général! Cette approche extrêmement provocatrice était celle du livre. Mais la projection sur écran de cette histoire d'amour, certes extrêmement compliquée, faisant s'affronter des référentiels culturels terriblement antagonistes, ne pouvait qu'entraîner des réactions violentes chez les spectateurs comme les spectatrices. Cette inter-racialisme était d'autant plus choquant qu'il touchait une femme blanche. Les situations pour lesquelles des Européens avaient des relations sexuelles avec des femmes de couleur étaient plus acceptables, les conséquences étant moins grave quant à la perpétuation de la "Race". En inversant les sexes des personnes impliquées, le message était extrêmement tabou car correspondait à une vraie transgression et, consciemment ou pas, impliquait que la femme blanche mise enceinte par un homme de couleur mettrait forcément au monde un être avilissant sa propre race.

Malgré ses qualités et le succès critique, le film ne rencontra donc pas un succès public, d'autant plus que l'empire britannique refusa de le distribuer, les autorités étant certaines du risque de réception de ce film auprès de sa communauté!

C'est donc avec grand intérêt que cette Grande muraille doit être regardée, d'autant qu'après l'échec au box office, Capra allait réaliser des comédies qui allaient lui permettre de trouver la consécration en salles mais aussi auprès de ses pairs! Et quoi de mieux que de le faire au Festival Lumière!

VENDREDI 17 OCTOBRE, 20h30, Institut Lumière Salle 2 (Villa):
 La grande muraille, Franck Capra, 1933
6 € / 5 € accrédités
Réservations: par téléphone au 04 78 78 18 95
par internet: www.festival-lumiere.org

À très bientôt
Lionel Lacour


samedi 27 septembre 2014

Les films gopro: l'anticinéma

Bonjour à tous,

Il vous est peut-être arrivé de voir déambuler, rouler ou courir un individu équipé d'une caméra sur sa tête alors que vous vous promeniez tranquillement. Ce qui constituait encore une vraie innovation il y a peu, censé donner des images à sensations est devenu désormais commun, ces caméras pouvant se vendre dans des magasins aussi incongrus que ceux dédiés au sport. On est donc loin de 1895 quand les frères Lumière inventaient le cinématographe. Cette technologie nouvelle qui allait révolutionner le monde de l'image fut pendant longtemps réservée à filmer les autres, soit pour des captations comme les premières vues Lumière, soit pour réaliser des fictions ou des documentaires. Quand le prix des caméras super 8, puis caméscopes de toutes tailles permit à tous de filmer, la pratique du tournage familial se propagea, chacun voulant garder un souvenir de sa propre vie. Ce n'était plus du cinéma mais il y avait encore cette idée de témoigner des autres sans se mettre en scène. Les émotions fixées étaient celles que les autres proposaient. Bien sûr, le choix de les enregistrer revenaient à celui ou celle qui tenait la caméra, mais il ou elle n'était que le témoin de cette émotion qu'il allait pouvoir revivre, plus tard, ou faire revivre aux autres. Les qualités de prises de vue, le sens du montage, les aléas de cadrages, tout ce qui fait qu'un film amateur est souvent particulièrement pénible à regarder quand on est hors du groupe filmé ont ont moins une valeur qui est celle de la sincérité marquée par la volonté de représenter le groupe, un moment de vie dont le souvenir sera d'autant plus fort que le film sera vu plus tard, parfois plusieurs années après.

Avec l'avènement des caméras miniaturisées comme la Gopro, la capture d'image vient de changer de sens. Paradoxalement, elle se rapproche de la mode du selfie bien que celui qui filme ne soit pas à l'écran. On est passé de l'image support d'émotion collective à l'image témoin de soi.

La fin des sensations collectives
Le cinéma et la télévision avaient pour objectif de toucher un public large. Spectacle de masse, le film avait pour objectif de toucher un maximum de personnes. Avec l'amélioration des technologies de prise de vue, notamment par l'allègement des machines et leur miniaturisation, les plans réalisés allaient proposer des images de plus en plus incroyables, suivant les courses les plus folles, s'adaptant aux mouvements des sujets filmés, atteignant des endroits jusque là inaccessibles, donnant aux images une sensation de plus en plus naturelle tout en étant savamment composées et réfléchies.
Les premières caméras ultra-légères, ancêtres des Gopro, ont permis de filmer les exploits de sportifs d'exception ou des aventuriers vivant sur quelques instants intenses des émotions qu'il était a priori impossible de restituer. Et tous de nous souvenir de ces parachutistes équipés de ces caméras vivant l'expérience de la chute libre en caméra subjective.
L'objectif de toutes ces prises de vues était toujours de transmettre aux autres l'émotion qu'elles portaient. Avec la démocratisation de la Gopro et autres marques, l'image subjective change de registre car elle n'est plus tant destinée aux autres qu'à soi. En effet, les coureurs de fond, les skieurs et autres sportifs s'équipant de ce matériel n'ont d'autre objectif que de pouvoir regarder ces images filmées à l'occasion de leur activité. Mais la différence avec le caméscope d'antan est évidente. Tout est filmé à la hauteur du possesseur de la caméra. Toutes les émotions filmées sont inexorablement celles qu'il a pu ressentir, excluant de fait presque celles de ceux pouvant être filmés. En fait, les images sur Gopro excluent justement les autres qui deviennent des éléments du paysage, de l'environnement du cameraman-acteur.
Si les images du mariage de "Tata Suzette" étaient souvent de qualité médiocre, au moins avaient-elles le mérite de témoigner d'un moment heureux, celui des autres.Avec l'effort, souvent vain, d'avoir une qualité de cadre, et au pire, des effets de zoom à défaut de pouvoir réaliser un travelling! Avec les images Gopro, impossible de voir autre chose qu'une immense suite d'images sans intérêt particulier, si ce n'est qu'à attendre le moment tragique d'une chute, d'un accident ou toute autre intervention extérieure créant enfin une émotion autre que celle censée être vécue par le porteur de caméra. En ce sens, l'image Gopro démontre qu'il ne suffit pas de filmer pour faire du cinéma!


L'aboutissement narcissique par l'image
Le cinéma puis la télévision entraient dans une continuité de la logique du spectacle. Le premier était fidèle au théâtre en ce sens où le spectateur s'extrayait de son domicile pour assister à un événement. À la différence du théâtre, l'œuvre proposée sur grand écran serait exactement l'identique à celle proposée dans d'autres salles, magie de la copie des pellicules. La télévision conservait ce principe mais en maintenant désormais les spectateurs au sein du foyer. La diffusion restait collective mais n'entraînait ni déplacement ni mélange des spectateurs avec d'autres, des inconnus. L'émotion commune se partageait dans l'entre soi. Mais il y avait au moins cette possibilité d'une culture commune et d'une transmission générationnelle. La démocratisation des télévisions permettant à ce que chaque pièce et chaque individu d'un foyer soit doté d'un poste de télévision, la multiplication des chaînes de télévision segmentant l'offre, le déploiement des sources d'émissions d'image que ce soit par la voie hertzienne, par satellite ou par internet, la capacité d'enregistrer sur divers supports les productions audiovisuelles, le tout sur les 30 dernières années a conduit à ce que chacun s'organise sa propre émotion liée à l'image forcément différente de celle des autres. Cette individualisation de la consommation de l'image a permis de faire croire que le dénominateur commun de l'émotion n'était plus forcément l'image mais soi. Cette mise en avant de sa propre personne comme générateur d'émotion conduit donc à montrer aux autres combien sa propre image a autant de valeur sinon plus que toute autre image filmée par les autres. Le selfie en est une manifestation évidente. Se photographier devant un lieu célèbre ou avec une personnalité consiste à se donner finalement plus de valeur que l' "objet" mis en scène pour la photo, et tant pis si cet objet est bien vivant! Le faire valoir n'est plus soi mais l'autre. Et fier de cette image captée, et parfois arrachée, beaucoup la partagent sur des réseaux dits sociaux mais qui mettent en relation des personnes qui ne se connaissent parfois pas du tout.
L'image Gopro vient clore la boucle. À la différence du selfie, le réalisateur de ce type d'image n'a même plus besoin de se montrer vraiment. Et sauf élément perturbateur de l'image tournée, le film réalisé - ce qui est un abus de langage - n'est destiné à personne d'autre qu'à soi, c'est à dire à celui qui a filmé. Une sorte d'auto-émotion, je produis l'image d'un événement qui m'a donné une émotion et je revis cette émotion en me projetant dans cette reproduction d'image... Une boucle sans fin, ultra-narcissique, sans histoire, sans récit, sans progression. Ce que le cinéma proposait était la projection et l'identification des spectateurs dans des situations à la fois étrangères au spectateur et en même temps familières. Le côté imaginaire combiné à la familiarité des situations filmées constituaient le ciment des spectateurs réunis dans la salle, voire dans le salon. La qualité du scénario, l'art de la mise en scène et du montage apportaient cette émotion supplémentaire et collective qui permettaient ensuite de parler aux autres des sensations vécues lors de la projection. L'image Gopro est l'inverse de cela. Pas de mise en scène, pas d'altérité du vécu, pas de montage, rien qui puisse être partagé aux autres sinon que de se raconter soi, avec pour les plus doués la possibilité de montrer des images à caractère sensationnel, et pour le commun des mortels, des films d'un ennui mortel!


Le cinéma, et avec lui les séries télévisées, ne risquent donc pas d'être supplantées par ces images qui, bien qu'étant plus vraies, ne procurent justement aucune émotion, sauf au mieux lorsque les images relèvent de l'exceptionnel, au pire à ceux qui en sont la source et les producteurs. La recherche de l'image vraie n'a toujours pas de sens si celle-ci ne trouve pas de prolongement à celui qui réalise l'image. Véritable outil pour améliorer les gestes des sportifs ou des autres professionnels nécessitant de se perfectionner, les caméras individuelles ne sont que des moyens pour produire des images. Filmer sa vie par ce moyen puis regarder ses exploits relèvent d'une vraie pathologie, celle de croire que sa vie est tellement importante qu'elle mérite d'être filmée et de la revivre sans cesse. Une forme de "jour sans fin" pour lequel on serait cette fois-ci le décideur. Si on reproche à certains de vivre par procuration par les biais du cinéma, au moins la vivent-ils généralement au travers d'œuvres et de héros qui ne reproduisent pas la médiocrité de leur vie.

À bientôt
Lionel Lacour

vendredi 26 septembre 2014

Festival Lumière 2014 - The Go Go Boys: The Inside Story of Cannon Films

Bonjour à tous

présenté lors du Festival de Cannes cette année, ce documentaire sera proposé lors du Festival Lumière 2014 à la salle 2 de l'Institut Lumière le mardi 14 octobre à 20h15.
Réalisé par Hilla Medalia, le film revient durant près d'1h30 sur cette incroyable histoire de production cinématographique:

Bande annonce:


Si le documentaire a été une commande des deux fondateurs de la compagnie Cannon, Menahem Golan et son cousin Yoram Globus, deux Israéliens longtemps vus comme des zozos ou des bouffons de la production, la réalisatrice n'oublie pas d'évoquer avec eux les moments de la carrière de la Cannon les plus critiquables.
Il faut dire que le sujet qu'elle avait entre les mains était en or. Connue d'abord et surtout pour ses films d'action populaires, un brin réacs, virils à la morale simpliste, la Cannon s'est aussi distinguée dans la production de films plus intéressants avec des cinéastes de renom international.
C'est ainsi que l'on pouvait voir des films avec Stallone (Over the top), Jean-Claude Van Damme, Chuck Norris et autres acteurs reconnus pour la mise en valeur de leurs biceps, les spectateurs découvraient aussi que c'était aussi la Cannon qui produisait des films pour John Cassavetes, Robert Altman, Andreï Konchalovsky mais aussi, et cela fait le lien avec le Festival Lumière 2014, pour Barbet Schroeder avec Barfly dans lequel jouaient Mickey Rourke et Faye Dunaway. Cette dernière ouvrira le festival Lumière le lundi 13 octobre 2014.

Mais la Cannon, c'est aussi cette société qui a compris l'intérêt des super héros qu'elle avait su créer avec ses acteurs improbables mais dont elle avait aussi parfois acheté les droits pour ceux existant déjà, avec un bonheur très relatif: Superman IV fut un échec complet mais rien comparé à leur version ridicule de Captain America. Pire, la Cannon qui avait acquis les droits pour Spiderman ne produisit aucun film!

L'un des deux protagonistes, Menahem Golan s'est éteint en août dernier et ne pourra pas voir si son histoire de cinéma intéressera les spectateurs qui ont vu les films de sa société de production.

The Go Go Boys: The Inside Story of Cannon Films sortira en salles le 22 octobre en France mais vous pourrez donc le voir en avant première lors du Festival Lumière!

MARDI 14 OCTOBRE 20H15: The Go Go Boys: The Inside Story of Cannon Films - Salle 2 de l'Institut Lumière - Comme tous les films du Festival, une présentation du documentaire précédera la projection.
Tarif: 3 €
Réservations:
Par téléphone 04 78 78 18 95
Sur le site du Festival: www.festival-lumiere.org

À très bientôt
Lionel Lacour

jeudi 25 septembre 2014

Festival Lumière 2014: Le western italien à la villa Lumière

Jean-François Giré, Historien du Cinéma
Bonjour à tous,

Le festival Lumière 2014 propose une programmation sur le western italien pendant toute la semaine du 13 au 20 octobre. À cette occasion, des documentaires et une master class seront proposés à la salle 2 de l'Institut Lumière (salle de la Villa) pour évoquer cette étrangeté.
En effet, quelle idée fut celles de cinéastes italiens que de vouloir réaliser des films dont l'action se passait en Amérique, en abordant un genre qui commençait sérieusement à décliner dans les années 1960 au point que la production hollywoodienne de westerns se réduisait considérablement.

Pour découvrir cela, deux documentaires seront proposés: Il était une fois Sergio Leone de Antoine Lassaigne et Django, Trinita et les autres de Jean-François Giré ainsi qu'une Master Class de ce même Jean-François Giré.

Hormis le plaisir de retrouver en image des nombreux extraits, témoignages et analyses sur ces films et sur ce genre mythique improprement qualifié de "spaghetti", ces moments seront encore une fois l'occasion de comprendre que ce qui est évoqué au cinéma compte moins que ceux à qui les films sont destinés. Les références, qu'elles soient esthétiques, thématiques ou dans les détails des décors ou de la narration dépassent en fait le genre utilisé par le cinéaste. Comme je l'évoquais déjà dans un autre article, Le bon, la brute et le truand: la guerre de sécession en accusation,les cinéastes italiens ont tourné autour d'un genre pour en donner une autre signification, une autre portée, jusqu'à se moquer justement de ce mythe du western, notamment dans la dérive burlesque de certains films comme les Trinita.

Pour en savoir donc plus, rendez-vous aux séances du festival:
Master Class Jean-François Giré, Vendredi 17 octobre, 16h30
Il était une fois Sergio Leone, 52 min, Antoine Lassaigne, Vendredi 17 octobre, 18h15
Django, Trinita et les autres, 52 min, J.-F. Giré: Mercredi 15 octobre, 21h et Dimanche 19 octobre, 11h30

Entrée libre pour la Master Class (billet à retirer cependant)
3 € pour les documentaires

Informations et Réservations
par téléphone: 04 78 78 18 95
sur www.festival-lumiere.org

À très bientôt
Lionel Lacour


lundi 22 septembre 2014

Festival Lumière 2014 - Master Class de Warren Lieberfarb, l'inventeur du DVDr

 Bonjour à tous

Le mercredi 15 octobre à 17h30, à la Villa Lumière se tiendra la Master Class de Warren Lieberfarb.

Depuis le temps que nous l'utilisons, nous avons oublié combien cet objet a révolutionné la vie des cinéphiles. Si François Truffaut affirmait aimer la vidéo dans la possibilité qu'elle offrait de pouvoir voir, revoir et analyser ses films préférés, il évoquait la cassette magnétique dont le format VHS s'était finalement imposé. Mais en 1995, le Digital Versatil Disc allait permettre d'aller plus loin encore dans le plaisir de retrouver les films. Et c'est à Warren Lieberfarb que l'on doit cette invention.

mercredi 17 septembre 2014

Festival Lumière 2014: "Le Pays des Motzi", une restauration qui tombe bien

Bonjour à tous,

Le Pays des Motzi (Tara Motilor titre original) fait partie de ces restaurations exceptionnelles présentées au Festival Lumière 2014. Réalisé en 1938 par le réalisateur roumain Paul Calinescu, reçut le prix du meilleur documentaire en 1939 au Festival de Venise.
20 minutes de la vie d'un peuple en Transylvanie, dans cette Roumanie à la veille de la Seconde guerre mondiale, vivant des quelques ressources naturelles du territoire: bois, bétail, minerais de tous ordres.
À ce titre, je renvoie à l'article de Robert Ficheux  datant de 1942 pour des précisions sur ce peuple à cette époque:
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bagf_0004-5322_1942_num_19_142_7121

Dans une qualité exceptionnelle, le documentaire présente un triple intérêt. Esthétique tout d'abord, avec une qualité de photographie remarquable, témoignant du fait que le cinéma documentaire est d'abord du cinéma. Historique ensuite puisque cette œuvre offre une mise en scène d'une population européenne souvent ignorée par les historiens, avec un point de vue d'ethnologue. Politique enfin car ce qui est présenté de ce peuple, et notamment de sa misère et de son fonctionnement social ne peut pas ne pas faire écho à certaines images contemporaines d'autres populations venant des mêmes régions et qu'on désigne aujourd'hui sous le terme de Rom ou autre substantif à connotation péjorative.

Pour cette pépite, 3 projections seront donc possibles à la Villa Lumière (salle 2 de l'Institut Lumière) pendant le festival:
- Mardi 14 octobre - 14h45
- Jeudi 16 octobre - 17h00
- Vendredi 17 octobre - 10h45

Les places sont à retirer (entrée libre mais réservation obligatoire!):
- Par téléphone: 04 78 78 18 95
- Par internet: www.festival-lumiere.org
- Sur places dans toutes les billetteries du festival (liste sur le site)

samedi 13 septembre 2014

"Seconds" de J. Frankenheimer: la philosophie postmoderne à l'écran!

Bonjour à tous,

cette année, Marc Olry a encore frappé fort en distribuant cette pépite de 1966 pour sa société de distribution LOST qui porte décidément bien son nom puisqu'il propose de remettre à l'écran des œuvres ayant disparu de notre paysage de spectateurs non pour leur piètre qualité mais parce que l'accueil initial des films a parfois conduit à ne pas conserver ou entretenir les copies. Seconds est donc de ce tonneau là. Une œuvre oublié d'un cinéaste connu pour des films d'action, et qui allait réaliser un film hallucinant d'audace à la fois esthétique, de traitement et surtout de sujet.
Pour tous ceux qui n'ont pas encore vu ce film, je révélerai quelques informations qui pourraient vous gâcher le plaisir de la découverte. Je vous propose donc une analyse en deux points où seul le premier pourra être lu par les spectateurs qui n'ont pas encore la chance d'avoir vu ce film.

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jeudi 11 septembre 2014

"3 cœurs", un mélodrame anachronique

Bonjour à tous,

Avec 3 cœurs, qui sortira en France le 17 septembre prochain, Benoît Jacquot réalise un nouveau film sur une trame amoureuse dramatique avec un casting top niveau avec Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg, Chiara Mastroianni et la grande Catherine Deneuve. Coproduction Rhône-Alpes Cinéma, l'action se partage d'abord entre Valence et Paris pour se concentrer sur Valence, et, hors champ en quelque sorte, les USA.
Thriller mélodramatique, Jacquot insiste sur le rôle de la musique soulignant, ou plutôt surlignant les moments de tension qui ne manquent pas. Pour résumer, Marc (Benoît Poelvoorde) erre un soir à Valence pour avoir manqué son train. Il rencontre Sylvie (Charlotte Gainsbourg) et tous deux tombent follement amoureux. Après une nuit dont on ne saura rien, ils se séparent sur le quai d'une gare, se donnent rendez-vous à Paris sans connaître ni leur nom ni se donner leur téléphone. Ce rendez-vous n'aboutit pas - je préserve ici le scénario sur les raisons de cet échec - et Marc retourne à Valence. Il n'y retrouve par Sylvie mais Sophie (Chiara Mastroianni) dont il tombe amoureux. Mais Sylvie est la sœur de Sophie. Le spectateur le sait, mais aucun des trois protagonistes ne sait qui est le troisième larron. Cette base scénaristique est originale au cinéma mais comme le dit Benoît Jacquot, elle est assez proche d'une trame dramatique d'opéra, et, quoiqu'il s'en défende, d'un drame antique. Et c'est là que l'anachronisme s'invite dans le traitement du film...

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mercredi 10 septembre 2014

Festival Lumière 2014: Edgar Morin, un anthropologue du cinéma

Bonjour à tous, 

Le 15 octobre 2014, à 19h00 et à la Villa Lumière, le Festival Lumière proposera le documentaire Edgar Morin, chronique d'un regard de Céline Gailleurd et de Olivier Bohler (achat des places en ligne sur www.festival-lumiere.org). Edgar Morin s'est en effet distingué sur sa réflexion sur le cinéma non en tant qu'art mais en tant que phénomène sociologique dans plusieurs livres. Dans son premier consacré à ce sujet, en définissant comme « essai d’anthropologie » dans une des préfaces des nombreuses éditions de son livre Le cinéma ou l’homme imaginaire[1], Edgar Morin place d’emblée le lecteur comme étant également spectateur de cinéma. Il s’adressa donc à lui pour lui expliquer son rapport au cinéma.
Morin insiste en fait sur plusieurs points pouvant expliquer le succès du cinématographe et du cinéma. Pour lui, l’attrait du public n’était pas dans le fait de voir l’arrivée du train mais de voir une image de l’arrivée du train, pas le réel mais l’image du réel.[2] Son explication est multiple et commence tout d’abord par le fait que l’image n’est qu’un double de l’homme, ce qui selon lui, constitue le seul grand mythe humain universel.[3]
« Autre et supérieur, le double détient la force magique. Il se dissocie de l’Homme qui dort pour aller vivre la vie littéralement sur-réelle des rêves. »[4]

vendredi 5 septembre 2014

"Bon rétablissement" de Jean Becker: le temps qui passe...

Bonjour à tous

Le dernier film de Jean Becker sortira en France le 17 septembre 2014. 5ème collaboration avec Rhône-Alpes Cinéma, ce film bénéficie d'un casting très hétéroclite, avec des valeurs plus que confirmées (Gérard Lanvin et Jean-Pierre Darroussin), d'autres qui s'affirment (Fred Testot et Claudia Tagbo) et enfin certains qui viennent d'ailleurs (Maurane, Daniel Guichard et Anne-Sophie Lapix). Si le film Hippocrate propose un point de vue de l'hôpital du côté des médecins, le film de Becker se place lui de celui de l'hospitalisé. Et consciemment, et inconsciemment aussi, Becker raconte plus un film sur le temps qui passe... pas toujours bien d'ailleurs, ce que le titre du film évoque d'ailleurs de fait: Bon rétablissement indique implicitement une notion de temps.



mardi 2 septembre 2014

"Lucie Aubrac" pour les 70 ans de la libération de Lyon

Bonjour à tous

À l'occasion des 70 ans de la libération de Lyon, l'Institut Lumière propose le jeudi 4 septembre à 20h30 à la salle du Hangar une projection exceptionnelle de Lucie Aubrac, le film de Claude Berri réalisé en 1996 et co-produit par Rhône-Alpes Cinéma.

Ce film fut l'occasion de redécouvrir cette histoire d'amour entre Lucie et celui qu'elle allait épouser, Raymond Aubrac. Entièrement tourné à Lyon avec une qualité de reconstitution très minutieuse, le film a permis de découvrir cette géographie de la capitale des Gaules et de la Résistance, mettant en scène les incroyables solutions trouvées pour échapper à la Gestapo ou pour faire s'évader des prisonniers de Klaus Barbie. Les spectateurs retrouveront la prison Montluc où fut emprisonné Jean Moulin, mais aussi la place des Terreaux, la Montée de l’Observance, le quartier de la Préfecture, le Parc de la Tête d’Or et d'autres lieux fréquentés par les Résistants. La qualité de la reconstitution passe également par la possibilité qui fut offerte d'utiliser du matériel d'origine et conservé comme par exemple les tramways, conduits par de véritables conducteurs des transports en commun... de 1996! Même la ficelle montant vers la Cx Rousse est bien de Lyon. Mais la ligne n'existant plus, c'est celle montant sur l'autre colline, celle de Fourvière, qui fut utilisée dans le film, petite entorse à la vérité. 

Si Simone Signoret, (qui fut véritablement l'élève de Lucie Aubrac!) avait incarné Mathilde, sorte d'alter ego de Lucie dans L'armée des ombres, c'est Carole Bouquet qui interpréta le rôle de la résistante lyonnaise. 
Réalisé par Claude Berri que la période a forcément marqué de par le fait qu'il dut se cacher pendant la guerre en tant que juif (cela donna Le vieil homme et l'enfant, film autobiographique) le film permet de retrouver derrière cette histoire romanesque la grande Histoire et ses personnages qui constituent aujourd'hui encore des références pour la République, à commencer par Jean Moulin incarné par Patrice Chéreau. 

La projection de ce film permettra bien sûr de revenir sur cette histoire majeure de cette période qui a vu Raymond Aubrac, joué par Daniel Auteuil, arrêté à Caluire le 21 juin 1943 ainsi que Jean Moulin.  
Jean-Dominique Durant, historien et adjoint au Maire de Lyon, accompagnera alors la séance, permettant de revenir sur le destin incroyable de cette femme qui devint une figure essentielle de la Résistance en France et qui sut transmettre jusqu'à son dernier souffle en 2007 la mémoire de cette période aux plus jeunes, témoignant dans les écoles, collèges et lycées de France de ce que fut son engagement.
La soirée sera précédée d’images d’archives tournées lors de la libération de Lyon.

Lucie Aubrac, Claude Berri, 1996
jeudi 4 septembre, 20h30 , Institut Lumière - Salle du Hangar, 25 rue du Premier Film, Lyon 8ème
Réservations:
téléphone: 04 78 78 18 95
ou par internet: www.institut-lumiere.org

À très bientôt
Lionel Lacour

lundi 1 septembre 2014

"Save film": pour sauver les films en 35 mm

Bonjour à tous,

l'an dernier, lors du Festival Lumière qui honorait Quentin Tarantino, une cérémonie venait célébrer le format "pellicule" en enterrant une boîte contenant un film dans le format initial du cinéma, et ce avec un projecteur 35 mm.
Loin de vouloir mettre fin à ce format, l'idée était bien de permettre symboliquement qu'une trace de la pellicule puisse subsister, en se projetant dans le futur, imaginant que des archéologues des prochains siècles découvrent ce trésor et rappellent aux gens que le cinéma fut d'abord numérique.

Une organisation se bat aujourd'hui pour que le format pellicule soit préservé et lance une pétition en ce sens. De nombreux artistes, de nombreuses institutions sont aujourd'hui signataires de cette pétition que vous pouvez rejoindre sur ce site:
savefilm.org

Si vous hésitez, voici quelques arguments:
Certains envisagent la disparition totale du celluloïd pour n'avoir recours qu'à l'image numérique. Si ce support offre bien des avantages, à la fois techniques, qualitatifs mais aussi de facilité d'exploitation pour les salles, il faut reconnaître aussi que le charme peut-être suranné de la pellicule n'est pas le seul intérêt de ce format.

Oui le bruit des bobines passant dans le projecteur peut troubler les plus jeunes quand il manque aux cinéphiles ayant séjourné tant de temps dans les petites salles. Oui la qualité des films se réduit à chaque projection, les films risquant les poussières, griffures, cassures et autres détériorations inhérentes à un fonctionnement mécanique, mais qui constituent pour les amoureux du cinéma la preuve que le film vit, circule. Mais ceux qui soutiennent la pellicule ne sont pas non plus des simples nostalgiques qui n'apprécieraient un film projeté que s'il était couvert de scotch. Indéniablement, ils savent apprécier la restauration, souvent onéreuse, des copies et voit dans le numérique cette possibilité de rendre à certaines œuvres une qualité originelle perdue: lumière, couleurs, contraste mais aussi son.

Ce qu'offre le film pellicule aux spectateurs est déjà l'idée du cinéma: ce sont des photographies qui projetées par la lumière au rythme de 24 images par secondes créent l'illusion du mouvement. Avec le numérique, cette idée de la photographie disparaît. Avec la pellicule, c'est donc le lien direct entre la modernité (n'importe quel film, y compris avec effets spéciaux numériques peut être tiré sur pellicule) et les origines du cinéma.
L'autre qualité de la pellicule est, aujourd'hui du moins, son caractère universel. Quand un projecteur numérique nécessite un air frais en cabine, il empêche les pays du Sud au développement tout relatif d'accéder aux films récents qui n'existeraient que sous format DCP, c'est-à-dire numérique. Cet art populaire serait alors impossible à voir dans ces pays.
Le format pellicule offre encore un lien entre le projectionniste et le film. Il doit être présent en cabine, il connaît les films qu'il présente aux spectateurs. Il n'est pas seulement un "envoyeur de film", il est un technicien qui réfléchit au format de projection, veille à ce que le cinémascope soit bien respecté, que le point soit fait, que le son soit assez fort. Il est un passeur d'image à sa manière et presque autant que le programmateur. Avec le numérique, on peut envoyer 10 films en même temps, parfois le même dans plusieurs salles, sans se soucier du point et du son puisque tout est réglé.
Le format pellicule peut s'altérer, mais il peut être restauré malgré la dégradation. On peut reconstituer un film à partir de plusieurs copies altérées. Cet avantage est énorme face à une copie numérique qui est aujourd'hui irrécupérable une fois altérée ou corrompue.
Le format pellicule, quoiqu'en disent certains, offre un grain et une épaisseur à l'image que le numérique ne permet pas encore. Ceci vaut bien sûr pour les films classiques, ceux tournés avec des caméras traditionnelles. Et si pour le Noir et Blanc, cela est moins vrai, les films couleur restaurés souffrent plu souvent de ces défauts.
Enfin, et c'est peut-être l'essentiel, le support du film a été imposé au réalisateur pendant longtemps puisque le numérique n'est arrivé que récemment dans l'industrie cinématographique. Il n'empêche que l'œuvre a été pensée en fonction de la nature du support. Si le numérique est une solution pratique et qualitative pour pouvoir diffuser le film, il ne peut se substituer définitivement au support initial. Est-ce qu'un restaurateur d'un tableau de Van Gogh s'amuserait à changer la toile parce qu'il y en a désormais de meilleure qualité? Qui oserait changer les panneaux de bois de La Joconde sous prétexte qu'ils ne sont pas les meilleurs supports pour cette œuvre? Copier, oui, restaurer, oui, s'approcher le plus possible de la qualité originelle, cent fois oui, mais pas en éliminant le support initial.

Les critiques à ce dernier argument sont connues. Le film n'est pas un tableau. Ce dernier est unique quand le film est répliqué. Ne dit-on pas une copie? Vrai à ceci près. Si l'œuvre cinématographique se diffuse auprès des spectateurs par des copies, celles-ci sont identiques à la matrice. L'œuvre s'est faite sur une pellicule et sera projetée sur pellicule. Elle est pensée ainsi. Ce qui fait qu'améliorer les films par les apports numériques posent de vrais soucis esthétiques. Ainsi, le Blu Ray de La planète des singes de 1968 voyait l'effet spécial final dans lequel la statue de la Liberté était ensablée se transformer en un vulgaire collage sur pellicule. Cette restauration non réfléchie est certes corrigeable et ne vient pas rejeter le numérique. Mais elle montre combien les réalisateurs et leurs techniciens travaillaient en fonction du support dont ils disposaient pour que les effets spéciaux soient les plus crédibles.

Vous voulez voir qui souhaite sauver le format 35mm, pas contre le numérique mais pour le respect du cinéma ? Consultez le site www.savefilm.org

À très bientôt
Lionel Lacour

dimanche 31 août 2014

"Les combattants": les angoisses de la jeunesse à l'écran

 Bonjour à tous,

Très remarqué lors du Festival de Cannes à la Quinzaine des réalisateurs en 2014, le film Les combattants de Thomas Cailley a été extrêmement bien accueilli par la critique et les festivaliers. Sa sortie au mois d'Août était attendue mais pouvait ne pas rencontrer le succès public. Il n'en est rien et il fait partie des bonnes surprises, même si annoncée, du cinéma français cet été quand tant de blockbusters américains ont pu décevoir.




mercredi 27 août 2014

Faye Dunaway au Festival Lumière !





Bonjour à tous,

Et non, ce ne sera pas Brigitte Bardot qui sera honorée à la soirée d'ouverture du Festival Lumière le lundi 13 octobre 2014 à la Halle Tony Garnier mais la grande actrice américaine Faye Dunaway, qui fut Bonnie avant Brigitte. En revanche, il y aura bien la projection du film Bonnie and Clyde d'Arthur Penn devant encore à n'en pas douter, un parterre spectaculaire de ce que le cinéma peut offrir de réalisateurs et réalisatrices, d'acteurs et d'actrices et de tous ceux et celles qui animent le cinéma.

Bande Annonce:

Ceux qui avaient acheté leur place dès juin après la révélation du préprogramme ont eu raison. En effet, les années précédentes, la soirée d'ouverture réservait toujours un film surprise et forcément un chef-d'œuvre. Mais l'édition 2013 semble avoir véritablement marqué un tournant pour ce festival exceptionnel. En effet, l'ouverture avait célébré le grand Jean-Paul Belmondo pour une projection du Singe en hiver. Cette soirée mémorable avait ému les presque 5000 spectateurs, notamment lorsque Quentin Tarantino rendit un hommage vibrant à l'idole française.


Ainsi, alors que les années précédentes les places pour cette soirée finissaient de se vendre courant août, elles furent toutes vendues avant même que le mois de juillet ne commence, comme si les spectateurs du Festival avait compris que désormais, cette soirée spéciale ne serait plus seulement une soirée d'ouverture. La nouvelle officielle de ce jour leur a donné manifestement raison.

Avec Faye Dunaway, c'est le Nouvel Hollywood et ses nouveaux mythes qui s'invitent au Festival Lumière. Arthur Penn, Warren Beatty et donc Faye Dunaway, actrice d'une grande sophistication, à la beauté moderne, loin de celle des actrices du cinéma classique.
Avec Faye Dunaway, c'est aussi toute une filmographie qui revient en mémoire. Bien sûr L'affaire Thomas Crown avec le grand Steve McQueen, mais encore Chinatown, Network ou encore Les trois jours du condor et plus tard Barfly et Arizona dream, encore du cinéma nouveau!

Plus rare aujourd'hui dans les productions hollywoodiennes, Faye Dunaway reste pour tous les cinéphiles une véritable icône ayant évidemment et plus que jamais sa place dans un festival comme celui de Lyon, célébrant le cinéma classique et ceux qui ont participé à faire du 7ème art un art majeur.

Et comme pour faire un lien avec la soirée d'ouverture 2013, la projection de Bonnie and Clyde est une formidable transition avec Jean-Paul Belmondo puisqu'Arthur Penn rendait ouvertement hommage à celui qui allait incarner la Nouvelle Vague aux USA dans À bout de souffle de Jean-Luc Godard.

Vivement le 13 octobre!

À très bientôt
Lionel Lacour


Du cinéma italien pour la rentrée 2014 de l'Institut Lumière

Bonjour,

Si vous êtes de Lyon, ou pas loin, ou que vous aimez le cinéma dans toute sa diversité, l'institut Lumière n'est pas seulement l'organisateur du Festival Lumière. Toute l'année, c'est une programmation exigeante, avec des thématiques, des focus, des conférences et des rencontres avec des cinéastes, des journalistes ou des spécialistes de cinéma.

Ainsi, à l'occasion de la rentrée de septembre 2014, c'est le cinéma italien qui est mis à l'honneur, celui des années 1970, avec des films qui ont marqué certainement la période la plus intéressante pour ce pays avec des réalisateurs à la fois drôles et féroces, et en tout cas extrêmement critiques sur la société italienne, sa corruption, son conservatisme religieux, sa mafia et tous ses autres maux. Cinéma engagé de cinéastes majeurs de la cinématographie mondiale, ce cinéma italien des années 1970 constituait en quelque sorte l'apogée du 7ème art de la péninsule qui allait être suivi d'un long retrait de la production italienne, du moins dans son influence sur les autres productions et assurément dans sa qualité. C'est parce que, tel le phénix renaissant de ses cendres, le cinéma italien retrouve aujourd'hui petit-à-petit de la vigueur et sa force contestatrice d'antan que la redécouverte de ce cinéma des années glorieuses est aussi réjouissante, avec un message, hélas, toujours autant d'actualité!

Et cela commence fort dès vendredi 29 août avec la soirée d'ouverture de la programmation présentée par Fabrice Calzettoni, responsable du service pédagogique de l'Institut Lumière et suivie de la projection de Nous nous sommes tant aimés d'Ettore Scola.

Cette soirée permettra de découvrir quelques extraits des films programmés avant le festival. Les italiens bien sûr (Mes chers amis, Affreux sales et méchants ou encore Au nom du peuple italien et bien d'autres encore), mais aussi quelques grands chefs-d'œuvre du cinéma avec La chienne de Renoir, Le jour se lève de Carné, L'homme qui tua Liberty Valance de Ford et La mort aux trousses d'Hitchock.

C'est également un focus sur Jane Campion, dernière présidente du Jury du Festival de Cannes et à ce jour, unique réalisatrice honorée par la Palme d'Or, qui sera offert aux spectateurs, avec ni plus ni moins que 5 films en deux jours, du 19 au 20 septembre, tous présentés par le critique de cinéma de Positif Michel Ciment. Cette rétro se conclura bien évidemment par la palme d'or La leçon de piano.

Et comme une mise en bouche avant le Festival qui honorera Pedro Almodovar, deux de ses films seront projetés les jeudi 18 et 25 septembre, Attache moi le 18, présenté par Thierry Frémaux, directeur du Festival Lumière, et La mauvaise éducation le 25. Cette séance sera précédée d'une ciné-conférence animée par Fabrice Calzettoni.

Pour en savoir davantage sur la programmation en plus de ce qui est annoncé ici, rendez-vous sur www.institut-lumiere.org, comme par exemple la projection de Lucie Aubrac de Claude Berri, tourné à Lyon et projeté à l'occasion des 70 ans de la libération de la ville, ou encore l'invitation faite à Dominique BESNEHARD, personnalité incontournable du cinéma français.


Informations et réservations des places sur www.institut-lumiere.org
ou par téléphone au 04 78 78 18 95.

À très bientôt
Lionel Lacour






lundi 25 août 2014

"La vie et rien d'autre": 100 ans de Première guerre mondiale au cinéma

Bonjour à tous

en 1989, tandis que la France allait célébrer le bicentenaire de la Révolution française, Bertrand Tavernier s'attaquait pour la première fois à la Grande Guerre (il y reviendra quelques années après avec Capitaine Conan) dans La vie et rien d'autre, les deux d'ailleurs scénarisés par Jean Cosmos. Mais son film ne retrace pas les moments glorieux du conflit mais les conséquences de cette boucherie industrielle. En commençant l'action en 1920, la question qui se pose n'est donc pas le suspense sur la victoire ou sur une attaque de tranchée quelconque mais sur ce qu'est la France au lendemain du conflit le plus meurtrier qu'elle ait connu alors. Et si le film évoque les morts, les centaines de milliers de morts, Tavernier insiste en fait davantage sur la place des vivants, de tous les vivants. L'angle est original et quand la France s'apprête à célébrer l'abolition des privilèges et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le réalisateur lui plonge sa caméra dans une autre mythologie de la République triomphante, le soldat inconnu, en écornant au passage tous les profiteurs de guerre.

vendredi 22 août 2014

"Dallas": une analyse de Florence Dupont, grille de lecture pour les autres séries!

Bonjour à tous,

En 1991, Florence Dupont, grande historienne de l'Antiquité, et surtout romaine, publiait chez Hachette une des premières analyses (sinon la première) sur une série culte, en donnant à Dallas, série si méprisée, critiquée comme apologie d'un capitalisme sauvage (Ah! JR et les puits de pétrole de South Fork!), sinon des lettres de noblesse, du moins un intérêt majeur en comparant cette série aux œuvres d'Homère. Et avec ce livre, la série devenait enfin un objet d'études universitaires... enfin, il fallut encore quelques années!

jeudi 21 août 2014

Les soirées de présentation du Festival Lumière 2014: c'est dès septembre!

Bonjour à tous,
Le programme du Festival Lumière est en phase de finalisation. Si vous voulez en savoir davantage avant tout le monde, voici les dates des prochaines soirées de présentation du festival, pendant lesquelles sera dévoilée la programmation complète,concoctée par l'équipe de l'Institut Lumière sous la houlette de Thierry Frémaux son directeur.
La mise en vente de toutes les séances sera possible à l'issue de ces présentations. Chaque séance du Festival est présentée par un invité en lien avec le cinéma: acteur, réalisateur, journaliste, directeur de cinémathèque... Le nom des ces invités n'est connu au moment de la révélation de la programmation. Mais vous pourrez le savoir en vous abonnant à la Newsletter du Festival ou sur sa page facebook.
Ces soirées de présentation se dérouleront à l'Institut Lumière, salle du Hangar du Premier Film, 25 rue du Premier Film, Lyon 8ème.
PRÉSENTATIONS DE LUMIÈRE 2014
Le programme / Le Prix Lumière / Les clips / Les évènements / Les invités / L'accréditation / Le point billetterie

Présentation du programme détaillé :
Mardi 9 septembre à 19h et 20h30
Mercredi 10 septembre à 17h
Jeudi 11 septembre à 19h
Samedi 13 septembre à 11h


Les dernières annonces :
Jeudi 2 octobre à 19h et 20h30
Mardi 7 octobre à 19h
Rendez-vous au Hangar du Premier-Film. Soirées suivies d'un verre avec l'équipe 

En attendant le dévoilement de la grille de programme détaillée, n'attendez pas pour vous inscrire par mail : communication1@institut-lumiere.org
Et n'hésitez pas à en parler autour de vous !

Institut Lumière
25, rue du Premier-film, 69008 Lyon
Suivez l’actualité du festival sur www.festival-lumiere.org
 

Quant à moi, je reviendrai vers vous pour vous informer sur toutes les séances importantes, les rencontres insolites et cinéphiliques que vous pourrez faire dans la salle de la Villa de l'Institut Lumière où je vous accueillerai avec le plus grand plaisir. Cette salle reçut notamment les éditions précédentes Jacqueline Bisset, Clotilde Courau, Pierre Richard, Michel Cimino, Françoise Fabian, Tim Roth et bien d'autres encore dont le Prix Lumière 2013: Quentin Tarantino himself !

Alors à très bientôt pour le Festival Lumière 2014

À très bientôt


Lionel Lacour

jeudi 14 août 2014

Johnny s'en va-t-en guerre: une adaptation, trois guerres

Bonjour à tous

en cette période de commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale, je vous propose de faire régulièrement un point sur un film ayant évoqué ce conflit, quelque soit l'angle choisi par le réalisateur. Au mois de novembre, le film de Dalton Trumbo Johnny s'en va-t-en guerre ("Johnny got his gun") sera projeté dans les cinémas participant au cycle Ciné Collection du GRAC de Rhône-Alpes. Réalisé en 1971, le film est l'adaptation de son propre roman, édité en 1939 (traduit en français en 1971), et unique réalisation pour ce grand scénariste, fameux blacklisté lors du la chasse aux sorcières qui toucha Hollywood lors du Maccarthysme.




mardi 12 août 2014

Un jour sans fin: une parabole du modèle américain

Bonjour à tous

Régulièrement, le film d'Harold Ramis The groundhog day (bêtement traduit par Un jour sans fin) et réalisé en 1993 est diffusé sur les chaînes de télévision (cable, satellite et même cette semaine sur Arte!). Cette comédie subtile donnait à Bill Murray certainement son premier très grand rôle au cinéma après les succès d'autres comédies dont le fameux SOS fantômes (Ghost busters, dont le scénario était déjà en partie écrit par Ramis).
Sur une base très simple, celle d'une journée qui se répète à l'infini pour le personnage principal, Phil Connors (Bill Murray donc), Ramis va pouvoir développer une certaine vision du Bien et du Mal, des rapports des uns avec les autres et, au final, une image d'une société idéale, assez conforme au modèle (au rêve?) américain.


Bande annonce:


Good night Robin Williams!

Bonjour à tous,

comme tous les amateurs de cinéma, j'ai donc appris ce jour la disparition de Robin Williams. Il y a des acteurs qui marquent chacun pour différentes raisons, pour différents films. Le cercles des poètes disparus pour les romantiques, Madame Doubtfire pour ceux aimant les comédies déjantées, Will Hunting pour ceux sensibles à la marginalité ou encore Hook pour tous ceux refusant de grandir (vieillir?) et bien d'autres films encore dont la liste serait fastidieuse mais aussi sacrément impressionnante de par les réalisateurs qui les auront dirigés (Spielberg, Gilliam, Allen...)

lundi 11 août 2014

Quand "Michel Strogoff" évoque autant la guerre d'Algérie que la Russie tsariste!

Bonjour à tous,

En 1956, Carmine Gallone réalisait une adaptation cinématographique du livre de Jules Verne Michel Strogoff. Ce film est clairement un film européen de par sa coproduction franco-italo-germano-yougoslave. La distribution est elle aussi très européenne avec un réalisateur italien, un acteur principal allemand, d’autres comédiens français, yougoslaves ou même russe!
Carmine Gallone, réalisateur italien ayant notamment beaucoup tourné sous l’ère fasciste - notamment son fameux Scipion l’Africain en 1937 - était un adepte des grandes fresques mais aussi de films populaires, comme notamment La grande bagarre de Don Camillo. Pour interpréter Michel Strogoff, héros du roman éponyme de Jules Verne, paru en 1876, le choix se porta sur Curd Jürgens, acteur né allemand, naturalisé autrichien après 1945 pour manifester sa condamnation du nazisme, et francophile. Il est alors certainement l’acteur européen le plus célèbre aux USA, notamment grâce au succès planétaire du film Et Dieu créa la femme en 1956, avec Brigitte Bardot.
Cette nouvelle adaptation du roman de Jules Verne s’inscrivait dans une volonté des producteurs européens de répondre au cinéma d’aventure américain: on le voit notamment à l’utilisation de la couleur et du cinémascope, procédé alors nouveau et coûteux. Cette super-production visait  une exploitation internationale. Le film fit des entrées satisfaisantes en France (plus de 6 millions de spectateurs) et sortit aux USA en 1960 sous le titre Michael Strogoff.  Mais ni la langue de tournage du film - le français - ni le parti pris russophile n’ont séduit les spectateurs américains. Il était particulièrement difficile de leur faire admettre que des Russes, même au XIXème siècle, aient le beau rôle!

dimanche 10 août 2014

Le pion: une comédie pas si drôle

Bonjour à tous

les années 1970 ont donné lieu à des comédies reposant le plus souvent sur une vague idée ou sur des "comiques" faisant des films à la pelle, comme Michel Galabru par exemple. S'appuyant souvent sur des comédiens populaires à l'humour potache, des films comme la série des Charlots... faisaient le plein dans les salles de cinéma. Plus tard, ils faisaient la joie des téléspectateurs qui voyaient et revoyaient La 7ème compagnie ou Les gendarmes. Vous me direz, on continue à les revoir!
En 1978, Christian Gion, obscur réalisateur, réalisait pourtant un drôle de film: Le pion.
Drôle de film voulait dire à sa sortie un film drôle. Aujourd'hui, les gags arrivant à la vitesse d'un cycliste non dopé grimpant l'ascension de l'Alpe d'Huez, le rire ne viendrait que chez les nostalgiques de ce cinéma et certainement pas chez les plus jeunes. En revanche, les propos du film sont très intéressants et montrent que même pour un film assez faible, il y a des informations qui témoignent d'une transformation à venir de la société.

samedi 9 août 2014

Le juge et l'assassin: un discours de lutte des classes!

Bonjour à tous,

en 1976, Bertrand Tavernier réalisait Le juge et l'assassin, retrouvant son acteur fétiche Philippe Noiret et donnant à Michel Galabru certainement son premier grand rôle au cinéma, rôle qui lui valut d'avoir le César en 1977 devant Alain Delon pour Monsieur Klein, ce qui n'était tout de même pas rien!

L'action se passe donc en 1893 quand un vétéran, un certain Bouvier, incarné donc par Galabru, est éconduit par une femme. Après l'avoir tué, il se suicide mais se rate. Il est arrêté, interné puis s'échappe et devient alors ce qu'on appelle aujourd'hui un tueur en série.

Le film de Tavernier ne vaut pas tant pour cette histoire de criminel qui sert en fait de prétexte au réalisateur pour faire un point historique sur la situation de la République en pleine affaire Dreyfus, point dont le spectateur ne peut pas voir selon un autre angle, celui de la situation économique et sociale française de ces années post 68 et de début de crise économique remettant en cause le modèle français.


BANDE ANNONCE:


mardi 5 août 2014

La proie nue: un ovni cinématographique de Cornel Wilde

Bonjour à tous,

Paramount Channel diffuse en ce moment un film produit et réalisé par Cornel Wilde et qui constitue un véritable ovni hollywoodien. Avec un budget de 900 000 $, le film fut nommé aux oscars pour le meilleur scénario. Le réalisateur, grande star des années 1950 (il fut "Le grand Sébastian" du film de Cecil B. DeMille Sous le plus grand chapiteau du monde), tourné une histoire inspirée d'un fait réel où le trappeur John Colter fut fait prisonnier de la tribu indienne des Black Foot (lire à ce propos le très bon article du blog Chronique du cinéphile stakhanoviste sur ce film). Cornel Wilde réussit un long métrage d'autant plus intrigant qu'il ne s'inscrit à la fois dans la tradition du cinéma américain évoquant l'Afrique et le cinéma à venir, celui sortant des sentiers battus des récits héroïques et bavards.


BANDE ANNONCE


Un film classique
Comme ses prédécesseurs, John Ford, Howard Hawks et d'autres encore (voir à ce propos mon article sur les Africains noirs vus par le cinéma occidental), Cornel Wilde propose une forme permettant dès le générique de reconnaître l'Afrique telle que les spectateurs américains l'envisagent: tam-tam et percussions, imagerie de tribus... Ce recours aux musiques africaines sera permanent dans tout le film, maintenant une ambiance particulièrement exotique.
L'autre aspect classique relève du sujet. Un riche blanc se paie un safari avec un guide, sorte d'Allan Quatermain joué par Cornel Wilde lui-même. Et bien évidemment, les noirs sont relégués à deux statuts classiques: les porteurs et les membres d'une tribu sauvage. Ce safari satisfait aussi les désirs de ces colons européens d'exercer leur puissance en abattant les animaux les plus gros et les plus symboliques du continent: les éléphants. Hormis leur taille, ces animaux sont aussi riches de leur ivoire, matériau noble s'il en est.
De manière toujours classique, ce chasseur est imbus de sa civilisation, veut imposer aux peuples sa manière de concevoir la vie et les bons usages. Il refuse de payer une sorte de tribut modique à une tribu se trouvant sur le passage de son parcours le conduisant au troupeau d'éléphants à abattre puis il abat de manière industrielle et sans la moindre retenue des bêtes dont certaines ne sont pas porteuses de défenses et n'ayant par conséquent aucun intérêt commercial. Il tue pour le plaisir. À l'instar des guides des autres films se déroulant en Afrique noire et "sauvage", le guide est plus pragmatique. Il ne comprend pas l'attitude de son client, essaye de lui faire comprendre que le mode de vie des tribus doit s'imposer aux occidentaux. Et s'il a tué moins d'éléphants que lui, ce n'est que parce qu'il ne tue que ceux offrant des défenses exploitables.

Le film s'accompagne, comme tous les autres, d'un bestiaire particulièrement abondant, exotique et de toutes les tailles: éléphants donc, mais aussi gazelles, girafes, singes fauves mais encore scorpions, serpents ou caméléons!
Enfin, ce qui devait arriver arriva. La tribu "vexée" de l'attitude du chasseur et avec lui des autres Blancs, s'en prit à eux, dont le guide. Si les premiers subissent des tortures d'une cruauté réjouissante d'imagination, le guide voit son destin se dessiner rapidement. Il est transformé en proie chassée par des membres de la tribu!



Un film moderne
Si on vient de voir que, dans le fond, le sujet et apparemment la forme n'ont rien d'exceptionnels, le spectateur va pourtant rapidement se retrouver face à une sorte de fiction documentaire. À partir du moment où les Blancs sont faits prisonniers, plus de dialogue compréhensible n'est alors prononcé par les personnages, dont il ne restera de survivant que le guide. Si les membres de la tribu s'exprime, nul sous-titre ne vient donner du sens. De fait, les attitudes, les intonations suffisent à comprendre ce qui se passe.
Si les films classiques utilisaient les rythmes africains pour rappeler le lieu où se passait l'action, ils avaient recours régulièrement à une bande son plus classique accompagnant les mouvements des héros. Or rien de ceci dans La proie nue. Le film n'utilise pas d'autre musique que celle sensée être africaine, plongeant le héros dans une situation de domination et d'inconfort permanent. Il n'est jamais supérieur et apparaît parfois bien ridicule quand il réussit, momentanément, à empêcher ses poursuivants de le rejoindre.
Cette absence de dialogues ou même de monologues voire de voix off donne au film un caractère étrangement subjuguant. Cela impose que tout passe par l'image. Si le style a vieilli un peu, il n'en demeure pas moins que Cornel Wilde utilise toute la palette du montage cinématographique pour illustrer ses propos. S'il montre des animaux, il les représente très souvent en tant que prédateur et gibier. Son personnage se trouve entre les deux catégories, tantôt gibier voire future charogne (un plan sur un vautour nous en indique le sens!). Sa place dans la hiérarchie des prédateurs n'est pas très haute. Et malgré sa réussite pour tuer un koudou, il ne peut rien pour empêcher un lion de lui prendre la victime de sa chasse!
Voici donc un homme blanc traqué, armé des seules armes qu'il a pu prendre aux chasseurs qui le traquent, poignard, lance et arc. On est bien loin des films où les Européens imposent leur ordre à l'Afrique et aux Africains.
Pendant près d'une heure, le guide doit affronter la nature, se nourrir d'insectes ou de serpent crus, repousser ou tuer ses assaillants, le tout sans aucune explication!

Du point de vue artistique, on se rapproche donc de ce nouveau cinéma américain qui ose mettre les héros traditionnels en situation d'infériorité. Je le montrais dans un précédent article sur Un homme nommé cheval. Tout comme le guide de La proie nue, l'aristocrate anglais se retrouve soumis à un peuple indien et une grande partie du film est une sorte d'observation des rituels indiens devant les yeux d'un Anglais du XIXème siècle. Le film de Cornel Wilde se passe dans le même siècle, avec un personnage qui comme celui interprété par Richard Harris, doit survivre dans un milieu hostile.

Des séquences audacieuses
Si les séquences de tortures apparaissent insoutenables, aucune image sanguinolante n'est pourtant présente. De même, quand le guide tue des poursuivants, la caméra évite de s'attarder sur les entrées de lame dans le ventre. L'audace n'est donc pas dans la représentation de la mort ni même dans le fait de montrer un homme manger un animal non cuit. Elle est d'abord dans le montage, des gros plans sur le regard par exemple suivis par des plans animaliers, parfois de combat entre un serpent constrictor et un varan dont on ignore qui finit véritablement vainqueur. Très symbolique, le montage a dû interpeller bon nombre de spectateurs américains devant un tel spectacle, plus digne du cinéma soviétique dans le montage que des grosses productions des majors américaines.
Hormis la forme, c'est aussi un des rebondissements du film qui présente une particularité peu abordée au cinéma avant, et bien peu depuis, y compris (et surtout?) en France.
Ainsi, quand le guide arrive dans un village qui pourrait lui permettre éventuellement d'être sauvé, il assiste à une attaque en règle de ce village africain paisible par... d'autres Africains! Cette attaque aussi soudaine que violente n'est pas en soi une nouveauté dans la représentation cinématographique. Les Noirs étant montrés comme des sauvages, ils le sont aussi parce qu'ils le sont entre eux, les épisodes de la saga de Tarzan l'homme singe en témoignent! Mais ce qui est nouveau à l'écran réside dans la motivation de cette attaque. Les assaillants font des prisonniers qu'ils attachent avec des ustensiles spécifiques qui laissent à comprendre qu'ils sont réduits en esclavage. Les moins intéressants, notamment les plus jeunes, sont ostensiblement abandonnés à leur sort qu'il est aisé de deviner.
Cette séquence renverse donc un autre schéma du cinéma américain, y compris celui qui commence à poindre. Si une mise en accusation des USA dans le sort réservé aux Indiens pendant la conquête est en œuvre et que l'esclavage est dénoncé dans les années 1970, Cornel Wilde filme un élément particulièrement troublant puisque les Noirs réduits en esclavage l'ont été par des ... Noirs. On peut y voir aussi une manière de dédouaner les Européens de ce commerce qui les enrichira et leur permettra l'exploitation du nouveau monde. Après tout, il n'ont pu faire cette traite négrière que parce que d'autres Noirs le leur permettait.
Mais au regard de la tonalité du film, on peut aussi y voir une mise à égalité, certes pas très positive, des peuples dans leur cruauté et leur volonté de dominer les autres. Le guide se trouve juste être en mauvaise situation. Peu importe d'ailleurs la réception du film ou la motivation du scénariste. Représenter une telle situation était particulièrement audacieux au regard de la situation noire américaine de l'époque!


Ainsi, La proie nue offre un spectacle extrêmement surprenant. En cinémascope et technicolor, le film prend des atours du cinéma hollywoodien grand spectacle. Mais en réduisant les dialogues à la portion congrue, en réduisant l'épilogue à presque rien, en osant montrer un héros blanc en situation quasi permanente de gibier, Cornel Wilde proposait un film atypique, certainement déjà trop moderne pour les classiques, sûrement trop classique pour ceux qui commençaient à se détourner du cinéma des studios hollywoodiens. Il n'empêche, ce film est une œuvre rare à redécouvrir.

À bientôt
Lionel Lacour





mercredi 30 juillet 2014

La planète des singes - l'affrontement: parabole du chaos de notre civilisation?




Bonjour à tous,
j'ai déjà écrit 2 articles sur les versions précédentes de La planète des singes à l'occasion de la sortie de la version de 2011 (http://cinesium.blogspot.fr/2011/08/le-retour-de-la-planete-des-singes.html et http://cinesium.blogspot.fr/2011/08/la-planete-des-singes-les-origines.html). Et cette-dernière, réalisée par Ruppert Wyatt était particulièrement réussie. C'était donc avec impatience que j'attendais la suite qui sort ce jour. Réalisé par Matt Reeves, mais toujours avec Andy Serkis dans le rôle de César, le singe intelligent, La planète des singes - l'affrontement ("Dawn of the planet of the Apes") avait un défi à relever, celui d'être capable de garder l'alchimie du précédent combinant grand spectacle et contenu sociétal. Défi relevé!

Bande annonce


mardi 29 juillet 2014

Mort de James Shigeta: un asiatique bien Américain!

Bonjour à tous,

James Shigeta est mort ce jour à l'âge de 81 ans. Si beaucoup ignorent son nom, ils savent pourtant qui il est tant ce comédien d'origine hawaïenne avait incarné avec quelques autres les personnages d'asiatiques au cinéma comme à la télévision des productions hollywoodiennes.

Il fut japonais, chinois peu importe. Il servit les réalisateurs qui avaient besoin de trouver une valeur sûre dans des productions d'avant le "politiquement correct" qui ne s'embarrassaient pas des quotas ethniques à l'écran. Comme pour les comédiens noirs qui étaient finalement peu nombreux jusqu'à l'explosion de la Blaxploitation, ceux asiatiques n'étaient pas légion! Et quand ils devaient avoir un vrai premier rôle, les producteurs recouraient alors aux vedettes japonaises comme Toshirô Mifune, notamment dans Soleil rouge de Terence Young en 1971. Mieux, ils pouvaient aussi engager des acteurs non asiatiques! L'exemple le plus drôle est pour la série Kung Fu dont le premier rôle revint non à Bruce Lee comme il fut un temps imaginé mais à David Carradine, dont le caractère asiatique est tout de même bien lointain!
James Shigeta joua pourtant dans cette série, mais un rôle secondaire sur deux épisodes seulement.

Les rôles au cinéma furent moins nombreux qu'à la télévision. Pour celle-ci, il joua dans toutes les séries phares des années 1960 et 1970, des Rues de San Francisco à La croisière s'amuse en passant par... La petite maison dans la prairie!

Mais sur grand écran, sa présence plus rare l'a tout de même conduit à tourner dans quelques œuvres devenues classiques. Yakuza de Sydney Pollack en 1974 fait partie de ceux-là. Mais il n'a qu'un rôle de second plan, jouant le frère de celui qui donne la réplique à Robert Mitchum, la star du film. Or Ken Takakura, ce fameux frère, est un grand acteur japonais, autre légende du cinéma nippon comme put l'être Mifune.
En 1976, James Shigeta joue encore un Japonais dans La bataille de Midway, incarnant un vice-amiral de la marine impériale.


Dans Piège de cristal de John McTiernan en 1988, il est encore un Japonais méchant!
Cantonné aux rôles secondaires des films américains, il se retrouve en 2000 encore en arrière plan, mais cette fois-ci dans un film de Takeshi Kitano, Aniki, mon frère. Une sorte d'hommage du réalisateur japonais en faisant tourner celui qui avait tenu tant de fois le rôle d'un de ses compatriotes, lui l'Américain de Hawaï.

Le cinéma perd donc un second rôle qui aura marqué la mémoire visuelle des spectateurs du grand et du petit écran des années 1960 aux années 1990. Si son nom n'était pas forcément connu, son visage, son style, sa classe naturelle aura marqué les esprits. Il n'a pas bénéficié de cette évolution télévisuelle imposant des rôles importants à des comédiens issus de toutes les communautés. Mais au moins s'est-il imposé avec quelques autres au point de pouvoir jouer sans discontinuer pendant près de 50 ans.

À bientôt
Lionel Lacour