mardi 15 mars 2011

La crise dans le cinéma français (3): comparaison années trente et aujourd'hui - TROISIEME PARTIE

Bonjour à tous
Suite et fin

3. Une république malade ?
Ce qui saute aux yeux dans le cinéma français de cette fin des années 30, c’est que les personnages positifs finissent plutôt mal. Pire que ça. Ils sont souvent contraints de faire le Mal, au sens judiciaire, pour faire valoir le Bien, au sens moral.
Jean Gabin se trouve de très nombreuses fois dans la situation de celui qui élimine ceux qui enfreignent la loi ou sont ce qu’on appellerait aujourd’hui des délinquants.
Quand dans Le jour se lève de Marcel Carné il tue l’infâme Jules Berry qui était d’ailleurs lui-même venu tuer Gabin, c’est bien un être amoral qu’il tue. Un personnage qui n’hésite pas à séduire les très jeunes femmes. Or cet homme bien qu’est Gabin devient lui le criminel. C’est lui que la police vient arrêter, alors que tout le monde sait que Gabin est un homme bien et que Berry est un nuisible pour la société.
Ce même Gabin doit également affronter Michel Simon qui lui propose d’éliminer Pierre Brasseur dans Quai des brumes, toujours de Marcel Carné en 1938. « Chaque fois qu’un vaurien disparaît, c’est la société qui s’en porte mieux » dit Michel Simon. Une justice parallèle donc pour suppléer ce que la police puis la justice légales sont incapables de faire. Et malgré la nouvelle colère de Gabin, c’est bien lui qui élimine Brasseur, un vrai vaurien. Mais dans les deux cas, Gabin meurt, suicidé ou tué.
Jean Renoir n’est pas en reste non plus pour montrer combien la société française va mal. Son héros du Crime de Monsieur Lange (1936) croit que le patron du journal pour lequel il travaille est mort. Il monte une sorte de coopérative avec tous les employés et fait de ce journal proche de la ruine une affaire florissante. Or le patron, interprété toujours par Jules Berry, s’était fait passé pour un ecclésiastique et sachant que son journal rapportait à nouveau, réclame au héros de lui rendre ce qui légalement lui appartient. On se rend donc bien compte que la loi protège le malhonnête. L’honnête, poussé dans ses retranchements par le patron voyou (déjà ?) est contraint de le tuer. Si contrairement à Gabin le héros ne meurt pas, il n’en est pas moins contraint à fuir la police.
Tous ces exemples montrent que ceux qui représentent la vertu semblent abandonnés par la société qui défend davantage les droits des malfaisants comme aurait dit plus tard Audiard.
Pas de happy end donc dans bien des films. Et ce n’est pas Renoir dans sa Règle du jeu (1939) qui dit le contraire avec un crime couvert par l’ensemble des témoins et maquillé en accident de chasse.
Peu de comparaison possible avec le cinéma français de ces dernières années dans lequel ce serait les être bons qui ne seraient pas défendus par la société.
La haine de Kassovitz en 1995 est peut-être un des rares films qui puissent présenter un personnage aux vraies valeurs positives, Hubert joué par Hubert Koundé, qui commet soudain un crime parce qu’il a été poussé à bout. Là aussi, la police ne peut faire sortir ceux qui occupent illégalement le toit des immeubles. Les jeunes se sentent observés par la presse tels des animaux de zoo. Mais alors que Hubert est celui qui retient ses amis de recourir à la violence et à utiliser leur pistolet, c’est lui qui, provoqué une fois de trop, tuera un policier Cette fin relève du même sentiment que pour Gabin dans Le jour se lève. Mais cette fois, ce n’est pas un citoyen qui a provoqué le héros, c’est un policier. Si Gabin est un gars des faubourgs, Hubert et ses amis sont de banlieue, plus éloignée de la ville, plus pauvre encore, et tellement plus violente.
C’est cette violence qui se retrouve dans de nombreuses morales de films. Ainsi, on trouve des personnages qui sont parfois de vrais criminels et dont la fin du film laisse présager que le crime paie. Pour ne prendre que deux exemples, José Garcia dans Le couperet (2006) de Costa Gavras se met à tuer toutes les personnes qui pourraient être embauchées à sa place. Si la police intervient, il n’est pourtant pas pris. Sa femme le couvre même. Le film se finit avec une morale très étonnante car si le film passe clairement du registre du réaliste à celui de conte moral, c’est justement la morale qui est absente du conte. Ou plutôt une morale individualiste qui pourrait se résumer par « pas vu pas pris » combiné à « la fin justifie les moyens, fussent-ils criminels ». Cette morale fait bien sûr réagir le spectateur en comprenant la dénonciation du réalisateur du struggle for life poussé à son extrême. Mais que dire d’ Un prophète de Jacques Audiard en 2009 ? Le spectateur suit l’histoire d’un gamin emprisonné, illettré, qui devient un assassin, certes à son corps défendant mais qui continue à l’être même quand les contraintes du clan corse qui le protège n’existent pas. Audiard manipule le spectateur avec une grande habileté au point de lui faire ressentir de l’empathie, voire de la sympathie pour son héros qui devient de plus en plus violent et de plus en plus puissant. Devenu véritable caïd, il quitte la prison en ayant non seulement réussi son business quand il était incarcéré mais également en ayant créé un véritable réseau criminel en dehors. Ce personnage si charmant, attendu par une jeune femme tendre, est devenu un chef de gang de tueurs et de trafiquants de drogue. La réussite coût que coûte, qu’importent les moyens. Le succès de ce film s’explique bien sûr par la maestria de la mise en scène. Mais il correspond aussi à une dose d’acceptation des spectateurs vis-à-vis d’un tel message qui aurait été impossible dans les années 1950 ou 1960. Car un bandit auquel on s’était attaché ne pouvait malgré tout qu’être à la fin mis hors d’état de nuire. Il suffit de se souvenir qu’après avoir accompagné Maurice Biraud et Jean Gabin dans Le cave se rebiffe de Gilles Grangier en 1961 dans leur production et écoulement de fausse monnaie, le générique de fin rappelle que bien sûr, ils ont été arrêtés par la police. La morale était sauve. Elle ne l’est plus aujourd’hui. Mais si dans les années 30, elle poussait les héros vertueux à se défendre illégalement et violemment parce que la société ne les défendait plus, désormais, ce sont des héros négatifs qui réussissent face à une société trop faible pour les empêcher de nuire.

Un autre aspect des films des années 1930 est la dénonciation de la montée des idées racistes et antisémites ou xénophobes, d’autant plus que de l’autre côté du Rhin, ces idées devenaient même des idées portées par un Etat.
Si Renoir rappelle la définition du citoyen français dans La marseillaise (1938), celle d’une citoyenneté choisie par ceux qui se reconnaissent des valeurs communes et un destin commun, il en profite pour faire dire à une émigrée réfugiée bien sûr en Allemagne qu’ «à la vue du roi de Prusse, le plus borné des jacobins ne pourrait croire en l’égalité des hommes » !
Cette idée de race se retrouve sous différents aspects. Ainsi, dans Le jour se lève, une habitante d’un immeuble trouve à un certain Gerbois une tête de coupable parce qu’ « il a une sale tête ». Le coupable reconnaissable à sa tête. Dans La règle du jeu, Renoir va encore plus loin en étant beaucoup plus direct. Un domestique rappelle que son maître était d’origine métèque avec une aïeule du nom de Rosenthal. « C’est tout ». On demande alors à un autre domestique son avis sur la question. Un certain Schumacher. Le doute n’est plus permis quant aux allusions. Et le cuisinier de rajouter : « en parlant de juif… ». Ainsi Renoir, après nous montre un antisémitisme qui ne se trouvait pas que dans les classes bourgeoises mais également dans les classes les plus populaires. Ce film dynamitait en fait toutes les valeurs républicaines en montrant combien certains principes étaient oubliés de puis longtemps. Quand un personnage remercie son maître « Monsieur le marquis, vous m’avez réhaussé en faisant de moi un domestique » - peut-on être moins qu’un domestique ? Renoir montre que loin d’être égalitaire, la société républicaine a conservé et peut-être même accentué la société hiérarchique de classe. Mais c’est Renoir lui-même qui dit que depuis trois ans, tout le monde ment, du gouvernement aux journaux.
Sur quoi leur ment-on notamment. Bien sûr sur ce qui se passe en France, mais aussi sur ce qui se passe ailleurs. Dans La belle équipe, Gabin rabroue son ami qui a des ennuis avec la police parce qu’il s’occupe d’affaires en Espagne. Cette indifférence est encore plus manifeste dans Hôtel du Nord de Marcel Carné (1939) quand un policier reproche à un ami de s’occuper d’un enfant venu de Barcelone : « c’est un étranger ». Cette indifférence se retrouve dénoncée même dans des films anodins comme le film de 1939 d’Henri Decoin Retour à l’aube. Dans un film qui se passe en Autriche alors que l’action pourrait se passer n’importe où, Danièle Darrieux dit à un ami qui se demandait si le fait de dormir près de la gare ne la dérangeait pas à cause du bruit des trains, elle dit avec candeur qu’in s’habitue au bruit et qu’après on apprécie mieux le silence. Cette allusion à l’entrée des troupes allemandes en Autriche montrait toute l’indifférence des Français à cet événement majeur mais qui n’avait pas suscité plus de réaction de quiconque.

Le racisme ordinaire est montré lui aussi dans de nombreux films des années qui suivent la crise des années 1970 jusqu’à aujourd’hui. Ce racisme vient notamment du chômage. On fait alors porter la faute sur l’étranger. Mais il vient aussi et peut-être surtout d’un passé non digéré d’ancienne puissance coloniale. C’est ainsi que dans Dupont Lajoie d'Yves Boisset en 1975, des vacanciers font une ratonnade pour punir ceux qu’ils croient coupables d’un viol et ce malgré l’enquête policière qui disculpe les travailleurs algériens parlant à peine le français. Les relents racistes viennent pour certains des rancoeurs liées à la guerre d’Algérie amenant à l’indépendance. Le personnage de Victor Lanoux incarne ici le parfait raciste. A ce racisme primaire qu’on retrouve également dans des films comme Train d’enfer de Roger Hanin en 1985 dénonçant un autre crime raciste tiré d’un fait divers suivent des films où le racisme est moins montré comme une réaction idéologique d’extrême droite ou de nostalgiques des colonies mais comme une réaction sociale primaire contre ceux qui pourraient prendre le travail ou les logements des Français. Dans La crise, Coline Serreau fait jouer en 1992 à Patrick Timsit le rôle d’un SDF qui se proclame raciste. Dans une séquence incroyable, il est interrogé par un député socialiste vivant dans un hôtel particulier des beaux quartiers. Celui-ci lui dit que ce n’est pas moral d’être raciste. Et quand Timsit lui dit que sa belle sœur est en phase terminale de cancer, qu’il n’a pas de logement ni d’emploi et que tous les malheurs du monde lui sont tombés sur la tête, la seule interrogation du député est de savoir s’il vote Le Pen. Cette séquence a ceci de fascinant qu’elle montre juste 10 ans avant la rupture entre les élus de gauche et leur électorat : « vous voyez, vous vivez dans cette belle maison et vous n’êtes pas raciste, et moi je vis à Saint Denis et je suis raciste ». Dans cette réplique apparemment simpliste voire populiste ressort en fait une situation qui va se traduire politiquement en 2002. Au lieu de se soucier de comment venir en aide au SDF, la seule interrogation de l’élu réside dans le bulletin de vote mis dans l’urne. Cette rupture entre l’élite et le peuple se retrouve encore dans La haine. Voir un gamin insulter le maire « Le maire Ta mère ! » montre à quel point l’autorité politique est décrédibilisée. Cela ne signifie pas que les jeunes n’insultaient pas les maires dans les années 1950. Mais cela n’aurait pas pu être montré au cinéma. Plus que de racisme, le cinéma va montrer les exclus de la cité. Paradoxalement, ils habitent ce qu’ils appellent justement la cité. Et ceux-ci vont de plus en plus être des exclus sont présentés parmi ce qui va être appelé les minorités visibles. A la suite de La haine, c’est toute une suite de films de banlieue, de Ma 6-T va crack-er, tourné dans un style vidéo en 1987 par Jean-François Richet se voulant entre la fiction et le genre documentaire, à Raï de Thomas Gilou en 1995. Ces communautés d’origines essentiellement africaines sont montrées souvent comme en décalage avec les comportements et les règles de la société. Ces films parlent des jeunes de cité, s’adressent aussi à eux mais l’image qui est renvoyée les renvoie à ce qu’ils ne sont pas, c'est-à-dire des citoyens en plein.
Dans Le ciel, les oiseaux... et ta mère, c’est une autre image de ces jeunes de banlieues qui est donnée par le cinéma de Djamel Bensalah en 1999. Les jeunes des quartiers se reconnaissent dans ces personnages dont Jamel Debbouze. Mais ce sont surtout les autres, ceux qui ne vivent pas dans ces quartiers qui les voient évoluer ailleurs que dans ces grands ensembles hostiles. Cette projection dans des lieux apaisés rend alors ces jeunes banlieusards touchant pour d’autres spectateurs que ceux des cités.
Ainsi, sans le dire ouvertement, le cinéma qui aborde les difficultés des quartiers évoque en creux le racisme ordinaire dont ces victimes ces populations, comme dans les films de Kechiche, que ce soit L’esquive en 2003 ou La graine et le mulet en 2007. De même, Laurent Cantet dans Entre les murs en 2008 montre les difficultés d’enseigner dans des quartiers avec une proportion élevée d’enfants issus de populations immigrées.
Mais finalement, le racisme n’est plus dénoncé de manière aussi directe que dans le film d’Yves Boisset. Il peut l’être sous l’angle de la comédie, comme le personnage de médecin d’Omar Sy dans Tellement proches en 2009 d'Olivier Nakachehe et Eric Toledano, dans lequel tout le monde le prend pour moins que ce qu’il n’est sous prétexte de sa couleur de peau. Mais ce racisme est dénoncé surtout dans des films qui évoquent un racisme ou un antisémitisme passé. Pour le racisme, on peut citer la Venus noire de Kechiche en 2010 qui renvoie à un racisme passé mais qui ne manque pas d’interpeller le racisme contemporain. Quant à l’antisémitisme, il est devenu une source quasi inépuisable de films dénonçant celui criminel de la seconde guerre mondiale, de Monsieur Batignole de Gérard Jugnot en 2002 à La rafle de Rose Bosch en 2010. Pour ce film, la réalisatrice affirmait dans ses interventions à la presse que cela permettrait d’avoir un document pour les enseignants pour raconter cet événement. Ce souci de toucher les enseignants et par la même les élève montre encore, s’il fallait une nouvelle fois le démontrer, qu’un film est un document d’histoire du temps de sa production. Et ce film s’inscrit dans cette logique comme les autres. Parler de l’antisémitisme d’hier ou d’avant-hier, c’est une manière de parler de celui d'aujourd'hui, car les questions sur une possible reproduction de tels événements ne manquent jamais à la sortie de ces films. Or la multiplication de films sur ce sujet montre que le sujet est plus que jamais d’actualité. Et la force de Kechiche est de rappeler que n’existe pas seulement l’antisémitisme mais bien le racisme dans ce qu’il a de plus simpliste et de plus révoltant aussi.

Conclusion

La crise des années 30 pouvait-elle se comparer avec celle qui dure maintenant depuis près de 40 ans dans sa représentation au cinéma ? Si bien des points ont des ressemblances, que ce soit le chômage, le radicalisme des réponses et l’espérance en des politiques plus sociales, ceci est dû au fait que les crises produisent par exemple du chômage. Et que donc, un chômeur est appelé chômeur, dans les années 30 comme dans les années 80. La difficulté de comparer ces deux périodes au cinéma réside surtout en deux points. Le premier est la durée de la crise, finalement à peine dix ans pour celle des années 30, et près de 40 pour celle que nous connaissons depuis la fin des trente glorieuses. Le second est lié à la production cinématographique beaucoup plus importante aujourd'hui qu’il y à 70 ou 80 ans.
Cependant, le vrai point commun entre les deux périodes est la mise en avant du recul des valeurs de la République. Si le racisme est un fait dans les année s30, il est idéologiques et centré surtout sur l’antisémitisme. Aujourd’hui, l’antisémitisme n’a pas disparu mais il est montré en rappel de ce qu’il a produit. Quant au racisme, il est l’héritage post colonial et de plus en plus un racisme social ressemblant davantage à de la xénophobie.
Mais là où le cinéma nous apporte un point de vue éclairant, c’est bien dans la représentation de héros négatifs qui prospèrent sur les terres et sur les piliers de la République. Le héros de Jacques Audiard, ce prophète est devenu quelqu’un grâce à ce que la prison lui a apporté. Mais pas la réhabilitation, pas le retour dans le droit chemin. Elle lui a appris à lire pour mieux commander ; elle lui a appris à être un dur. Elle l’a rendu plus fort contre les valeurs de la République quand Gabin lui se suicide dans Le jour se lève pour être devenu finalement un assassin, c’est-à-dire avoir bafoué les lois de la République.

Le cinéma d'aujourd’hui ne nous montre rien de bien réjouissant de ce que devient notre société modèle !

A bientôt

Lionel Lacour

samedi 12 mars 2011

La crise vue par le cinéma français: comparaison années trente et aujourd'hui - DEUXIEME PARTIE

Le crime de Monsieur Lange
Bonjour à tous,

voici la deuxième partie de cette comparaison entre années 30 et aujourd'hui. La dernière partie viendra bientôt.

2. Quelles réponses à la crise ?
Deux types de réponse sont apportés dans les films des années 30. Le retour à la terre que prône par exemple Pagnol en 1939 dans Regain en adaptant une nouvelle de Jean Giono vante le vrai travail et montre la perte des vraies valeurs des populations des villes. On retrouve la même logique dans L’homme du jour de Duvivier en 1936, les bourgeois et citadins étant ridiculisés par la mère du héros, interprété par Maurice Chevalier. Celle-là est une paysanne qui ne connaît rien des potins qui font le succès d’un jour mais connaît la vraie vie, celle qui permet aux hommes de se nourrir.
Duvivier, dans son film précédent déjà évoqué, La belle équipe, illustre le rêve des amis chômeurs ayant gagner à la loterie : une ferme avec des poils et des plumes !

A cette réponse classique s’oppose celle portée par le Front populaire. Dans A nous la liberté, René Clair préfigurait déjà en 1931 les aspirations de la classe ouvrière : la machine doit libérer l’homme du travail et non l’asservir, lui permettre d’augmenter ses temps de loisirs à partager entre ses proches, famille ou amis. Le rêve n’est pas celui de la consommation mais celui du temps passé ensemble. Des guinguettes du bord de la Marne aux séjours à la montagne proposés sur affiches dans La belle équipe, c’est une autre manière de concevoir la société. Même le travail peut être fait dans la bonne humeur, sans le sentiment d’être exploité. Le crime de Monsieur Lange (1936) propose justement un exemple de coopérative dans laquelle tous les salariés profiteraient de leur travail à part égale. Cette forme d’égalitarisme se retrouve encore chez Renoir dans La marseillaise, rendant l’importance de chacun dans la société.

Comparativement, la réponse à la crise proposée au cinéma depuis les années 1970 est elle aussi double. Elle est d’abord une volonté de changer de conception de la société, mettant en avant bien des principes nés des mouvements de la jeunesse des années 60 et magnifiés en 1960. Dans La gifle de Claude Pinoteau en 1974, Isabelle Adjani rappelle à son père que ses diplômes ne l’ont pas empêché de se trouver au chômage. Elle veut vivre pas autrement « mais autre chose ». Si cette affirmation correspond à sa volonté d’émancipation vis-à-vis de son père, cette réplique résume pourtant tout ce qui va être proposé pour s’opposer au modèle productiviste en place à qui on reproche finalement de profiter de la crise aux dépens des populations d’abord, de la nature surtout. Car c’est une des caractéristiques majeures du cinéma français que de proposer finalement une vision plus politique que dans la crise des années 30. Dans La zizanie, Annie Girardot, femme de l’industriel Louis de Funès mais aussi son adversaire politique à la mairie, propose une « croissance plus juste, respectueuse de la nature ». Les idées écologistes n’avaient pas attendu Yann Arthus Bertrand pour être proclamées. Ce même retour aux valeurs écologiques s’observe dans bien des films. En 1992, Coline Serreau propose dans La crise une réflexion sur le plaisir de la contemplation simple de la nature. A ce rythme effréné imposé par la société qui broie les individus, elle oppose une volonté de prendre son temps. A la course au profit et au rendement, elle propose l’écoute. C’est vrai pour son héros Vincent Lindon qui ne pense qu’au travail pour le confort de sa famille, ne voyant pas que cette conception l’éloigne justement de sa famille. C’est vrai aussi pour le médecin qui préfère devenir homéopathe, quitte à passer une heure ou plus avec un patient pour mieux le soigner et le comprendre plutôt que de faire des ordonnances tous les quarts d’heure.
C’est donc souvent une approche de remise en cause de la société de la superficialité, des convenances, de l’argent roi qui est dénoncé. Un retour aux valeurs simples qu’on retrouve curieusement souvent dans des comédies ou des comédies dramatiques. Les films scénarisés par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri (Cuisine et dépendances, Un air de famille, On connaît la chanson…) ne sont que dénonciation d’une société qui oublie l’essentiel : l’individu et les relations humaines simples.
Néanmoins, le retour à la terre et aux valeurs des anciens n’a pas pour autant disparu du cinéma français. Comme dans les années 30, bien des films vantent les méritent du travail de la terre ou des goûts authentiques. Les marmottes d’Elie Chouraqui (1993), Le bonheur est dans le pré d’Etienne Chatiliez (1995), Une hirondelle a fait le printemps de Christian Carion (2001) et même Fatal de Michael Youn (2010) et bien d’autres encore ont pour propos que les vraies relations sont dans les espaces humanisés en communion avec la nature, coupés du rythme frénétique de la ville.
Le film de Chatiliez en est un exemple parfait jusque dans le titre. Ce que Gabin souhaitait dans La belle équipe, Serrault va le vivre en devenant le patron, malgré lui, d’une ferme produisant du foie gras de canard. Certaines répliques sont aujourd’hui devenues cultes comme la fameuse « c’est pas lourd le confit », adressées à des spectateurs urbains qui voient qu’une autre vie est possible. Que les plaisirs simples de voir un coucher de soleil, de manger des plats roboratifs et d’être généreux avec même ceux qu’on ne connaît pas sont accessibles à tous, même à un vieil homme comme Serrault dans le film.

Ainsi, que ce soit dans les années 1930 ou depuis les années 1970, deux réponses à la crise sont proposées : une remise en cause de la modernité qui n’aboutit qu’à l’asservissement des classes populaires et un retour aux sources, c'est-à-dire un retour à la terre. Si ce dernier point se retrouve dans les deux périodes, la remise en cause de la société de production et de consommation n’a pas été si importante que cela durant les années 1930. Peut-être parce que le Front populaire a été au pouvoir en 1936 et que la guerre a été déclenchée en 1939. La crise de la croissance depuis les années 1970 dure finalement depuis près de 40 ans, sans guerre sur le sol européen. La critique de la société a pu donc s’exprimer sur davantage de temps. Et l’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981 puis en 1997, sorte d’équivalents du Front populaire des années 30 (de l’ « Union de la gauche » à la « gauche plurielle ») n’a pas eu pour effet d’endiguer réellement la crise pour les classes les plus populaires.


A venir:
3. Une république malade ?


A bientôt

Lionel Lacour

vendredi 11 mars 2011

Easy Rider, le nouveau western?

Bonjour à tous,

Parmi les séances du CinéClub de Lyon 3 que j'anime a été projeté hier Easy Rider. Ce film de 1969, prix de la première oeuvre à Cannes pour Dennis Hopper est considéré comme un film générationnel majeur, sorte de manifeste du "Road movie" même si d'autres films avant lui avait évoqué des aventures tout au long d'un trajet tumultueux, les fans de Franck Capra se souvenant du multi oscarisé New-York Miami de 1935.

Film que nous qualifierions d'indépendant puisqu'il a été fait avec un budget ridicule comparé à ceux d'Hollywood, il a été pourtant un grand succès commercial, touchant une génération nouvelle de spectateurs.

A bien y regarder, ce film s'inscrit dans cette nouvelle Amérique, celle des hippies et des contestataires de cette fin des années 70 mais est aussi un pur film américain, ne reniant pas les valeurs qui ont construit ce pays du nouveau monde.

La théorie du film
C'est le personnage de l'avocat incarné par Jack Nicholson qui la donne dans un des nombreux bivouacs du film: les USA sont le pays de la liberté. Mais il ne sait pas ce qui cloche désormais. Les gens ont vendu leur liberté au monde de la consommation. Ils parlent de liberté individuelle mais ont peur des individus libres comme les deux héros hippies du film.
Et de rajouter que ceux qui ne sont plus libres deviennent dangereux face à ceux qui le sont puisque cela leur rappelle justement qu'ils ne le sont plus!
Tout le film, avant et après cette séquence, se trouve résumé dans le dialogue de l'avocat.

1. Le western en trame de fond du film
Il n'est pas anodin de s'arrêter sur les prénoms des héros. Dennis Hopper est Billy et Peter Fonda est Wyatt. Billy comme Billy le kid et Wyatt comme Wyatt Earp, le shérif de Tombstone, celui du Règlement de compte à Ok Corral. Ils ont donc deux prénoms de l'ouest légendaire mais surtout deux prénoms de héros qui ont vraiment existé.
Le reste ne cesse d'évoquer le western: le chapeau de cow boy de Billy, les troupeaux de bestiaux visibles le long des highways, les paysages de Monument Valley si chers à John Ford, les tentes des hippies.
Quand ils s'arrêtent pour réparer leur moto, c'est dans un ranch. Et tandis qu'ils s'occupent de la roue du chopper, le fermier répare le fer de son cheval.
La moto devient le moyen de transport des nouveaux pionniers. A ceci près que le fermier est désormais installé et travaille la terre, ce qui suscite l'admiration de Wyatt. Tout comme il sera admiratif de ceux de la ville retournant à la terre et semant sur une terre aride. Aux doutes de Billy, Wyatt affirme "ils y arriveront".
Il y a une confiance incroyable en ceux qui reviennent aux valeurs fondatrices des USA: l'acharnement et la foi en la réussite, pas celle de l'enrichissement, mais celle qui permet l'accomplissement de chacun (ce à quoi un des hippies aspire d'ailleurs).

2. Une ode à la liberté
Le film commence assez violemment pour un public de 1969, américain de surcroit. Les duex héros sont au Mexique pour acheter de la drogue. Puis, par une ellipse, les voici aux USA à revendre leur drogue. Ils se jouent des frontières pour pouvoir non devenir des dealers, mais pour pouvoir aller de Los Angelès à la Nouvelle Orléans pour "Mardi gras".
Sur leurs motos choppers, ils sont prêts à partir. Wyatt regarde sa montre et la jette. Gros plan sur la montre.
Par ce geste, le spectateur de 1969 comprend que les héros se libèrent du temps, celui de l'Amérique moderne, celle du travail à la chaîne, celle d'Henry Ford, celle du productivisme et du capitalisme.
La bande son qui accompagne leur départ est alors explicative: Born to be wild, "né pour être sauvage" autrement dit "libre".
Cette liberté est rappelée dans quasiment toutes les séquences. Ils jouent sur leurs motos, ne portent pas le casque, ont les cheveux longs. Arrivés dans un camp hippie, ils comprennent rapidement que la liberté sexuelle prévaut et ne manque pas d'en profiter. Mais on est en 1969. Les plans de nudité restent chastes. On imagine ce qui aurait pu être tourné pour que le spectateur le comprenne! Mais à l'époque, quelques plans d'hommes et de femmes nus dans un étang suffisent à comprendre tout l'érotisme de la scéne.
C'est encore dans leur liberté avec l'usage des drogues que le film devient franchement provocateur. Son usage est montré comme déinhibant, mais aussi parfois comme abrutissant, voire rendant fou.
Esthétiquement parlant, le film lui aussi est particulièrment libre des conventions techniques, notamment pour les scènes tournées à la Nouvelle Orléans pendant Mardi Gras. Semblant être des films de super 8 tournées à l'épaule, en lumière naturelle, cela donne un effet très particulier au film. Le spectateur est plus que jamais avec les personnages, dans cette fête où la liberté est de mise. C'est d'ailleurs à l'issue de cette séquence qu'une autre est tournée. Un trip hallucinogène est montré pendant plus de 5 minutes, enchaînant propos incohérents, images surexposées, plans incompréhensibles. C'est l'effet dévastateur de la drogue qui est montré. La drogue ne rend pas si libre que cela. Wyatt le dit d'ailleurs à Billy: "on a déconné".

3. Une vraie quête spirituelle
C'est surtout par le personnage de Wyatt - captain America que cette recherche spirituelle est présente dans le film. Si Billy est un hédoniste défoncé du matin au soir, Wyatt admire ceux qui travaillent la terre. Les rencontres qu'ils font l'amènent à réfléchir sur sa place dans la société. Au paysant qui a 8 enfants, parce que sa femme est catholique, il lui répond qu'il peut être fier de ce qu'il a construit.
Quand il rencontre un hippie sur la route, il lui fait confiance. C'est lui qui les amène dans le camp où tout est partagé dans la communauté. Il a foi en l'humain et dans ceux qui essaient de construire leur avenir.
Dans une cérémonie rappelant la cène, un hippie se prend pour un nouveau prophète et appelle à la générosité et à l'humilité. Si Billy est goguenard, et la séquence peut lui donner raison, Wyatt est lui très impliqué dans ce sermon avant le repas frugal.
Même la drogue est montrée comme un élément de spiritualité. Elle est transmise aux novices comme on essaierait de convertir quelqu'un à prendre l'hostie chrétienne. La conversion faite, c'est la porte ouverte avec l'au-delà mystique. Pour le nouveau converti, Jack Nicholson, c'est le contact avec les extra-terrestres qu'il imagine dans un délire jouissif.
Enfin, leur périple à la Nouvelle Orléans les amène à un bordel dans lequel des évocations picturales religieuses foisonnent: crucifix, vierge à l'enfant, jusqu'à une citation résumant finalement la quête de Wyatt: "Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer".

4. Une Amérique qui a oublié ses valeurs fondamentales
A leur première étape, les deux héros comprennent que leur identité ne convient pas aux Américains moyens. Le motel aux chambres libres devient subitement complet, ils sont arrêtés et mis en prison parce qu'ils participent dans un défilé de majorettes sans autorisation, ils sont raillés et insultés en Louisiane par tous les hommes qu'ils rencontrent dans une scène mémorable dans un bar. Traités de gorille, de Pédé et autres sobriquets, ils sont contraints de partir. Seules les jeunes filles leur courent après car ils symbolisent la liberté, ce que les hommes de la Louisiane ont bien compris d'ailleurs.
Wyatt et Billy sont sensés faire peur et être les agresseurs de la société, or ils sont ceux qui refusent le conflit. Ils fuient, reculent et ne sont pas armés au contraire des autres.
L'avocat leur rappelle que la belle Amérique a les cheveux courts et qu'on poursuit ceux qui ont tué un homme, si cet homme est blanc! C'est donc une Amérique puritaine, raciste et très conservatrice qui est décrite dans laquelle évolue ces deux héros.
Bastonnés une première fois, ils seront une nouvelle fois attaqués par des citoyens ordinaires qui voyaient en eux une provocation à la société. Pour reprendre les paroles de Nicholson, ce n'est pas ce qu'ils sont qui fait peur, c'est ce qu'ils représentent. Certains parlent de liberté individuelle, mais d'autres sont des individus libres. C'est bien ça qui dérange!

Conclusion: "happy end" ou pas "happy end"?
Le début du film montre deux personnages qui réussissent à faire un trafic de drogue pour s'enrichir et faire un voyage à moto. Dans Guet apens, Peckinpah avait permis à ses héros braqueurs, Steve Mc Queen et Ali Mc Graw, de se sauver de la police. Pas de happy end au regard de la morale classique dans laquelle le mal ne doit pas triompher.
Dans le cas d'Easy rider, si les deux personnages continuent à vivre sans jamais voir leur course être arrêtée, on pourrait alors être dans la logique de Peckinpah. Or leur parcours est stoppé net et brutalement. Une fois cela compris par le spectateur, un plan rapide nous éloigne d'eux, les laissant à leur condition. Moralement, la fin est cohérente avec les deux premières séquences. Les laisser s'en tirer, c'était faire dire au film:
"si vous voulez réussir vos rêves, aller chercher de la drogue, vendez la plus chère et après c'est la belle vie".
Film moral alors? D'une certaine manière oui car ils ne pouvaient pas finir sans payer ce qu'ils avaient fait au début du film. Sauf que ce n'est pas la police qui met fin à leur rêve mais des citoyens normaux, qui les élimine non pour ce qu'ils ont fait mais pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils représentent. Et la séquence finale ne laisse aucun doute au spectateur: ces citoyens ne seront pas inquiétés par la police.

Ce film ne cautionne donc pas l'origine de l'enrichissement des deux héros, mais par l'empathie qu'il nous permet d'avoir vis-à-vis d'eux, il nous montre que la société dans laquelle ils évoluent est archaïque et éloignée des rêves dont elle est soi-disant porteuse, à commencer par le goût de la liberté.
C'est donc un film plutôt désespéré, correspondant à une jeunesse désenchantée, ne se reconnaissant plus dans les films hollywoodyens vieillissant. Version cinématographique de Sur la route de Kerouac, ce film va ouvrir la voie à tout un nouveau cinéma américain qui va s'engouffrer dans la critique de la société américaine. Scorcese ou Cimino en profiteront comme bien d'autres ensuite.


A bientôt

Lionel Lacour

mercredi 9 mars 2011

la crise vue par le cinéma français: comparaison années trente et aujourd'hui - PREMIERE PARTIE

Bonjour à tous

Certains pensent que nous vivons une situation économique et politique assez proche des années 30 : crise économique, montée de l’antisémitisme et menaces extérieures par des pays belliqueux.
L'objet de ce blog n'est pas de vérifier si cette perception est pertinente quant aux faits. En revanche, il serait intéressant de voir si comment le traitement cinématographique a abordé ces deux crises. Et par cette comparaison, peut-être pourrions-nous arriver à valider ou non certaines comparaisons.

1. Montrer la crise
La crise économique des années 30 est finalement très peu montrée dans ses aspects économiques. Rares sont les films qui mentionnent ouvertement le chômage qui caractérise cette période. On peut cependant voir dans le film de Julien Duvivier La belle équipe (1936) que dès la première séquence, Gabin s’en prend à son logeur qui lui réclame le paiement de la chambre, lui reprochant d’être chômeur par paresse et non par absence de travail : « Chômeur, c’est pas ce qu’on avait rêvé étant môme » lui crie Gabin dans une de ses colères mémorables du cinéma d’avant guerre.
C’est encore Gabin qui dans le film de Renoir Les bas fonds (1936) vit dans une sorte de « squat » avec bon nombre de chômeurs. Le film est une adaptation du livre de Gorki et l’action se passe en Russie. Mais l’identification est bien rapide à la situation française où les rentiers sont eux aussi touchés par la crise. Louis Jouvet jouant le rôle d’un aristocrate ruiné incarne de fait le rôle de ces rentiers français qui voient leurs revenus s’effondrer. Toujours Renoir, Le crime de Monsieur Lange (1936) évoque lui aussi la situation de crise qui se manifeste par le chômage des employés d’un journal dirigé par Jules Berry.
C’est davantage la situation des classes populaires qui est montrée comme peu avantageuse. La fiancée de Gabin dans Le jour se lève (1939) de Marcel Carné vit au bord de la voie ferrée, séparée par une seule palissade, subissant autant le bruit que les projection de vapeur et de poussières des locomotives.
Le cinéma français d’aujourd’hui est beaucoup plus prolixe en films montrant la crise et ses effets. La différence tient dans le fait que cette crise montrée date des années 70. On la trouve dans des comédies avec par exemple La zizanie de Claude Zidi en 1978 dans laquelle l’entrepreneur interprété par Louis de Funès est aussi maire de sa ville. Son programme repose sur trois points : « le plein emploi, le plein emploi et le plein emploi », preuve que le chômage touche de plein fouet le pays. D’autres films montrent encore la crise économique comme Que les gros salaires lèvent le doigt de Denys Granier Deferre en 1982 dans lequel les cadres d’une entreprise sont licenciés cyniquement par leur patron interprété par le génial Jean Poiret. Toujours concernant le chômage, Costa Gavras pousse cette situation à son paroxysme en 2005 avec Le couperet dans lequel José Garcia, un cadre dynamique au chômage, élimine ses concurrents à la recherche d’emploi en les assassinant.
A partir des années 1990, ce qui marque le cinéma français c’est l’émergence d’un réel cinéma « social » avec des réalisateurs qui se spécialisent dans ce genre, à mi-chemin entre la fiction et le documentaire. En 1999, Laurent Cantet et Ressources humaines présente dans un style très brut avec de nombreux comédiens non professionnels, la situation d’une ville dépendant particulièrement des emplois concentrés essentiellement dans une entreprise. Le parcours d’un fils d’ouvrier en passe de devenir cadre amène à montrer comment la société française se désindustrialise, entraînant le licenciement massif des employés sous qualifiés des usines. Les frères Dardenne, bien que belges, sont également des cinéastes dits sociaux, et leurs films La promesse (1996) ou encore Rosetta (1999) illustrent la situation désespérée des classes populaires, vivant dans des conditions plus misérables encore que dans les films des années 30.

Et si Carné montrait les faubourgs dans Le jour se lève, c’est bien la banlieue qui devient un espace privilégié pour ceux voulant montrer les effets de la crise. Celle de 1973 avec Elle court elle court la banlieue réalisé par Gérard Pirès n’est plus celle des « trente glorieuses » dans toute une série de films postérieurs, que ce soit dans Le choix des armes d’Alain Corneau (1981) ou du Thé au harem d’Archimède de Mehdi Charef en 1985. Mais le film qui a marqué le genre « film de banlieue » est bien le film de Mathieu Kassovitz La haine réalisé en 1995, montrant justement au-delà de la ghettoïsation des populations y vivant, leur éloignement de la ville, faisant de celle-ci une terra incognita.



Prochaines parties:
2. Des réponses à la crise?
3. Une république malade?

A bientôt

Lionel Lacour

dimanche 6 mars 2011

The searchers ou "La prisonnière du désert": le premier film pro indien de John Ford?

Bonjour à tous,

j'ai mis beaucoup de temps à parler de ce film bien qu'il soit certainement un de mes préférés, du genre dont on dit qu'on l'emporterait sur une île déserte!
Tout a été dit ou presque sur ce chef-d'œuvre tourné en décors naturels, dans le site de Monument valley dans lequel Ford tourna si souvent avant et qu'il réutilisera notamment dans Le sergent noir et dans Les cheyennes après l'avoir tant utilisé avant comme dans La chevauchée fantastique en 1939.

En quoi donc cette Prisonnière du désert tourné en 1956 constitue-t-elle ce film presque parfait alors même qu'il n'est pas forcément aussi positif que bien d'autres films de ce genre?

L'immense John Wayne
Pour ceux qui douteraient encore du talent du "Duke" parce qu'il jouerait toujours de la même manière, avec des rôles faits sur mesure pour montrer sa force, ou parce qu'il était un républicain anti-communiste avéré, regardez ce film en oubliant tous ces préjugés.
Wayne y joue un personnage, Ethan, qui a toutes les caractéristiques habituelles de ses rôles: il sait tout des Indiens, de la stratégie à adopter, il est reconnu comme un homme fort et est respecté, et manifestement, il a été aimé secrètement par la femme de son frère et a même sauvé un jeune enfant métis indien.
Pourtant, Ethan est absolument antipathique. Rien de ses caractéristiques ne nous le rend sympathique. Son savoir, son expérience le conduisent à chaque fois dans une haine de l'autre de plus en plus redoutable et à laquelle le spectateur ne peut adhérer. C'est son alter ego, le jeune métis, Martin Pawley, devenu adulte qui, bien qu'inexpérimenté, montre de l'humanité dans laquelle chaque spectateur peut s'identifier.

John Wayne incarne de manière brillantissime ce Ethan sans surjouer, tout en retenue, y compris dans sa fureur ou sa haine des Indiens, jusqu'à la dernière séquence! Héros sans empathie possible. À croire que seul John Ford pouvait le faire sortir du rôle de héros triomphant, comme ce sera encore le cas dans L'homme qui tua Liberty Valance.

Une mise en scène en miroir
Tout spectateur ayant vu ce film se souvient toujours de la première séquence du film et de la dernière. Et pour cause, elles sont construites à l'identique, s'ouvrant ou se fermant sur une porte au travers de laquelle on aperçoit Ethan. Si ces deux portes ne sont pas les mêmes, cette mise en scène n'est pas juste un effet de style. En effet, on retrouvera cette idée d'intérieur/extérieur tout le long de l'histoire tandis que tout le film est construit sur la reproduction d'un événement, d'un objet, d'un son avant et après une séquence servant de miroir.
Ainsi, un chien aboie quand Debbie est enlevée par le chef indien au début du film Et celui-ci souffle dans sa corne pour prévenir le reste de sa tribu. Et un chien aboie avant l'attaque, signalée par le bruit du clairon, par l'armée du camp de ce chef à la fin du film. Et que dire de la symétrie de comportement entre Ethan portant Debbie à son arrivée dans la ferme de son frère, comme un acte de reconnaissance et Ethan portant Debbie quand celui-ci la porte à bout de bras après qu'elle s'est échappée de Scar, comme un acte d'acceptation.

Il fallait néanmoins une séquence centrale pour cette mise en scène miroir. Et cette séquence se situe à l'exact milieu du film. Elle est construite visuellement avec un décor symétrique à gauche et à droite de l'image, comme si celle-ci pouvait se plier: Martin et Ethan sont de part et d'autre d'un feu de bois, au pied de deux petites buttes. Cette information visuelle soutient le propos d'Ethan: les indiens qu'ils pourchassent sont les Nayakis, qui veut dire manège. Et d'expliquer avec des mots comme avec les gestes que leur nom vient du fait qu'on croit qu'ils vont dans un sens alors qu'ils vont dans l'autre.
De fait, le film change lui aussi de sens à ce moment précis.

Une séquence quasi documentaire
Durant la pérégrination de Martin et Ethan, ceux-ci en arrivent à rencontrer des tribus indiennes. C'est ce que raconte Martin à Laurie dans une lettre qu'il lui a écrite. John Ford semble alors quitter le récit à proprement parlé pour nous montrer une scène de négociation entre Martin et le membre d'une tribu. La musique de Max Steiner se veut pittoresque, représentant un point de vue indien et non occidental - quand bien même Martin est censé avoir du sang indien. Sans dialogue, le spectateur assiste à un troc bienveillant entre deux représentants de deux peuples distincts mais qui peuvent néanmoins s'entendre voire se comprendre. Et la séquence aboutit à l'achat d'une couverture par Martin. Du moins le croit-il.
Cette séquence a en fait un double intérêt. D'une part, elle permet à terme d'apporter une piste dans la quête des deux hommes pour retrouver Debbie. Mais le scénario aurait pu se contenter de trouver une situation différente. Et John Ford aurait pu la filmer avec moins de bienveillance. Certes, Martin n'a pas maîtrisé l'ensemble de la négociation, achetant une couverture, et un peu plus. Mais Ford montre que les deux civilisations qui s'affrontent ont beaucoup plus en commun que ce que les plus anti-Indiens imaginaient. Y compris dans la surprise liée à l'achat de Martin!


Qui est le plus barbare?
L'histoire commence véritablement quand la famille du frère d'Ethan est massacrée par la tribu du chef Nayaki "Scar" ("Cicatrice"). Alors que Ethan vient de revenir auprès de son frère après plusieurs années d'absences, il reconnaît à peine ses neveu et nièces, soulevant la jeune Debbie. Mais à peine arrivé, il est contraint de repartir avec Martin car des Indiens rôderaient. Profitant du départ des hommes, ces Indiens attaquent la maison du frère d'Ethan au crépuscule. Le chien de la famille aboît. Scar découvre la petite fille, Debbie,et après avoir claironné dans une corne, la kidnappe.
Ethan et Martin Pauley arrivent après avoir été éloignés du ranch et découvrent le massacre. Ils n'auront alors de cesse que de chercher la nièce d'Ethan durant des années.
Durant cette quête, le spectateur découvre un Ethan de plus en plus haineux. Et tandis que le chef indien semblait être celui le plus détestable, le comportement d'Ethan le rend tout aussi détestable. Plusieurs séquences nous permettent de comprendre qu'ils ont beaucoup de points en commun. Et si Scar correspond à un surnom lié à sa cicatrice sur le visage, le spectateur comprend que Ethan en a une ouverte à l'âme.
Quand le camp indien détenant la nièce devenue grande et interprétée par Natalie Wood est attaqué par Ethan et la cavalerie, c'est l'exacte situation inverse de l'attaque perpétrée par les indiens des années plus tôt: l'attaque se fait au matin et non au crépuscule, avec les mêmes bruits: le chien aboie, le clairon annonce l'attaque et le massacre de tout le village a lieu. Sauf qu'Ethan veut tuer Debbie, devenue désormais une indienne. Pourtant, alors que le spectateur s'attend à ce que, malgré les cris de Martin, Ethan tue Debbie, il la porte comme dans une des premières séquences et la ramène finalement parmi les "blancs".

John Ford n'a donc dans ce film aucune complaisance avec les Blancs. Si Scar exhibe ses scalps, Ethan pratique la même torture. Si les guerriers comanches massacrent la maison  des Edwards, l'armée américaine écrase femmes et enfants sans discernement.


Le propos de Ford est dans sa mise en scène. Blancs et Indiens font partie d'un tout, le territoire, celui grandiose de Monument valley, véritable personnage à part entière, dominant les individus et les groupes. C'est dans ces grands espaces américains que les destins s'accomplissent, avec des Blancs plus forts, mais pas meilleurs.


Le titre original The searchers est enfin un titre à double sens, beaucoup plus riche que la traduction française. "Ceux en quête" n'ont pas le même objectif. Martin Pauley recherche Debbie, sa sœur par adoption en quelque sorte. Son sang indien ne l'aura pas empêché de faire partie à part entière de la famille Edwards et de pouvoir constituer une autre famille avec celle qui l'a attendu si longtemps (une jeune fille interprétée par Vera Miles). John Wayne/Ethan était en quête de paix et de famille dès la première séquence. C'est celle-ci qu'il recherche durant ces années à chercher Debbie. En la reniant, puis en la retrouvant, il est en fait exclu de ce pourquoi il était revenu vers son frère au début du film. À l'extérieur de la maison à la première séquence quand la porte s'ouvre, il reste encore en dehors d'une autre tandis que tous les autres entrent à l'intérieur. Les autres ont accompli leur quête, pas lui. Sa haine des Indiens l'a conduit à haïr son propre sang tandis que Martin Pawley, celui qui n'était rien d'autre qu'un métis indien a su accomplir le rêve américain: être un membre à part entière de la communauté malgré ses origines.
Ford magnifie le melting pot et exclut ceux qui ne voit de bons Américains que dans ceux qui ne se sont jamais mêlé aux Indiens, ni par le sang - Martin, même si son appréciation évolue à la fin du film- , ni par la culture - Debbie, même s'il l'épargne finalement.


Avec La prisonnière du désert, Ford ne tourne certainement pas le premier film dans lequel il respecte les Indiens. Il l'avait déjà fait avec Le massacre de Fort Apache en 1948 ou dans La charge héroïque en 1949. Mais c'est peut-être la première fois que la barbarie attribuée généralement aux Indiens l'est aussi aux Blancs. La prisonnière du désert ne place pas les Indiens en situation victimaire mais bien à égalité avec les Blancs.
Il y aurait bien d'autres choses à dire encore sur ce film, que ce soit dans ses références au christianisme, à sa construction esthétique, à son rapport au temps qui passe. Mais ceci sera sûrement pour un autre message!

A bientôt

Lionel Lacour

mardi 1 mars 2011

Millénium, une autre prison possible?

Bonjour à tous,

A quelques jours du début des Rencontres Droit Justice et Cinéma, je me suis replongé dans l'édition 2010 pour me rappeler qu' Un prophète avait été projeté et avait suscité un débat de plus de deux heures.
Je me suis alors souvenu de ce film Millénium, sorti en 2009 et adapté du best seller suédois.
Ce que je souhaiterais évoqué ici n'est pas l'histoire du journaliste Mikael Blomqvist ou de l'héroïne Lisbeth Salander mais bien des conditions de privation de liberté subie par justement Blomqvist.

Le journaliste du journal Millénium est en effet condamné pour diffamation et emprisonné. Sauf que cette condamnation ressemble à de la science fiction pour un spectateur français ou américain ou de tout autre pays. Que voit-on à l'écran? Un homme qui, condamné, voit sa peine ne commencer à être exécutée que bien des jours après le verdict. Il s'y rend seul, sans que la police ne s'en mêle. Une fois emprisonné, le spectateur non suédois ne peut qu'être stupéfait. Les visites qui lui sont faites ne sont pas dans des parloirs avec une surveillance policière outrancière. Il peut discuter presque comme dans une salle d'attente. La cellule et l'ensemble de la prison ressembleraient davantage à un hôtel dont les occupant seraient empêchés de partir.

Ma réaction première est tout d'abord dubitative. Comment peut-on qualifier de prison ce qui est montré? Si c'est ça la prison, alors où est la sanction? La crédibilité de la situation est douteuse car jamais en France on ne pourrait montrer un tel lieu pour une peine d'emprisonnement. Pourtant, ce film s'adresse d'abord à des Suédois. C'est donc que l'auteur puis le réalisateur ont dû proposer une situation que les Suédois reconnaitraient et identifieraient comme conforme à la réalité.

Cette séquence pose alors une question fondamentale sur laquelle personne n'a finalement rebondi lors de la sortie du film ailleurs qu'en Suède. Il existerait bien un autre modèle que la prison telle que nous la concevons en France ou dans la majorité des pays. Ce modèle suédois tel qu'il est présenté dans Millénium montre que la sanction est la suppression de liberté de mouvement et pas la suppression de la dignité. Si les conditions de vie dans la prison suédoise semble confortable, c'est que nous associons à la confiscation de la liberté une autre sanction: l'humiliation du condamné.

Ce modèle suédois tel qu'il est filmé pourrait inspirer bien des pays. Il est économe en moyens car il serait alors inutile de contruire des prisons aussi sécurisées que celles construites dans les pays plus répressifs. Le personnel nécessaire serait lui aussi bien moins important.

On imagine bien sûr que ce lieu de privation de liberté ne peut se concevoir que pour certains délits et selon les condamnés. Il est compréhensible que les violeurs et autres psychopathes ne puissent bénéficier d'une telle condition d'emprisonnement. Mais quel pourcentage représentent-ils?

Millénium a donc le mérite de montrer qu'il n'y a pas qu'une seule manière de priver de liberté ceux que la justice a condamnés. Cela repose aussi sur une acceptation de la sanction par le citoyen d'autant plus facilement que sa dignité est préservée. Bien entendu, le film ne montre pas certaines dérives possibles d'un tel système car tel n'est pas l'objet du film. Mais compte tenu des dérives du système carcéral le plus répandu, on peut envisager que celui suédois est bien plus humain et acceptable.
A défaut de changer immédiatement les choses en France ou ailleurs, il est bien dommage que ce qui est montré dans ce film ne serve pas d'illustration aux défenseurs des conditions de vie dans les prisons comme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté en France ou l'Observatoire International des Prisons.

A bientôt

Lionel Lacour

mercredi 23 février 2011

True Grit où l'omniprésence de la justice?

Bonjour à tous,

aujourd'hui sort le film des frères Coen, True grit, que je n'ai pas encore vu. Il faut rappeler que ce film est un remake d'un film d'H. Hataway sorti en 1969 sous le même titre aux USA mais traduit en France par Cent dollars pour un shérif. Le personnage du shérif était alors interprété par John Wayne et qui reçut l'Oscar du meilleur acteur. Recevant son prix heureux comme un débutant, Wayne s'était alors écrié que s'il avait su, il aurait joué des rôle de borgnes avant si telle était pour lui la solution pour gagner cette récompense!

Mais revenons à l'histoire. Une jeune fille, Mattie Ross, veut venger son père tué par un odieux bandits. Sa vengeance a ceci d'intéressant qu'elle veut passer par la légalité: elle demande au Shérif d'arrêter l'assassin de son père. Devant sa réticence, elle lui promet une prime de 100 dollars (d'où le titre français de la première version). On ne peut qu'être surpris par cette forme de justice qui passerait par la récompense d'un personnage qui est justement payé pour arrêter les assassins. Une prime au mérite en quelque sorte, mais payée par le justiciable.

Pourquoi choisir Rooster Cogburn, ce shérif borgne? C'est que la jeune Mattie a vu en lui un personnage impitoyable avec les bandits. Elle assiste aussi à la pendaison de ceux qu'il a arrêtés. On a donc dès le début du film une présentation assez radicale de la "bonne" manière de traiter les suspects, puis les coupables: pas de pitié pour les suspects, pas de pitié pour les coupables. La peine de mort n'est jamais dénoncée ni même critiquée. Si le shérif est contesté par quelques uns, c'est davantage pour ses manières et son goût pour l'alcool que pour ses résultats. Et en tout cas, la jeune Mattie voit en lui celui qui pourra lui permettre de faire condamner l'assassin de son père.

Avec une telle présentation, on pourrait penser que le film d'Hataway est un véritable manifeste républicain. Pourtant, d'autres aspects du film tempère cette impression.
Tout d'abord, la jeune fille n'engage pas un chasseur de tête. Elle tient à ce qu'un représentant officiel soit le bras de la justice pour ramener l'assassin et le juger. En ce sens, il n'y a pas de vengeance privée mais bien la volonté que la justice passe selon les règles.
Le légalisme de Mattie passe également par le recours systématique à l'évocation de son avocat quand ses intérêts, notamments économiques, sont en jeu. Véritable menace, l'avocat apparaît comme un défenseur redoutable, même si nous ne le voyons pas et qu'aucun des personnages menacés ne le connaissent. Ce monde de l'ouest semble donc encore assez sauvage, marqué par les rapports de force, mais la force de la loi progresse grâce justement à ceux qui sont sensés aider à ce qu'elle soit respectée.
Enfin, le personnage du shérif devient rapidement autre chose qu'un simple grossier personnage. Il est montré tantôt sensible au courage de Mattie qui s'impose à lui dans la traque contre le criminel, tantôt lui même courageux, ayant du cran (d'où "true grit") notamment dans une séquence mémorable de combat à un contre plusieurs bandits. Cette même séquence est d'ailleurs sur la bande-annonce du film des frères Coen, comme pour faire le lien entre les deux versions.
Mais c'est surtout l'honnêteté des relations entre les différents personnages qui a fait le succès de ce film en 1969, où chacun défend finalement les mêmes valeurs, mais avec les moyens de son époque. Cogburn - Wayne incarne le farwest des westerns jusqu'aux années 50, ceux de Rio Bravo ou de La prisonnière du désert. Mattie incarne ce que vont devenir les USA, un pays conquis, où la loi prévaut pais où la violence n'a pas disparu pour autant. On retrouvait déjà cette opposition en 1961 dans L'homme qui tua Liberty Valance de John Ford. Wayne incarnait déjà celui qui défendait le Bien par les mêmes moyens que ceux qui faisaient le mal: à coup de revolver ou de carabine. James Stewart était le représentant d'une autre voie pour défendre les intérêts et les droits des citoyens: il n'en appelait pas aux avocats, il était avocat. Mais Ford l'avait féminisé un temps, le tranformant l'espace d'une séquence en un serveur de restaurant.

Le point commun entre Cent dollars pour un shérif  et le film de Ford est alors la foi en la primauté de la loi sur la violence. Mais aussi la certitude que les USA se sont construits sur la légende de l'Ouest, celle des homme comme ceux incarnés par Wayne qui ont permis de contenir un temps la brutalité de l'Ouest, le temps que l'ordre et la loi s'imposent, sans pour autant renier le rôle de ces pionniers: "Quand la légende dépasse la réalité, imprimer la légende" dit le journaliste à James Stewart!

L'intérêt aujourd'hui est donc de voir ce que les frères Coen auront fait de cette oeuvre, comment ils vont présenter ces personnages et quelles valeurs ressortiront à la conclusion du film. A en croire les critiques, que ce soit aux USA ou en France, le film est un réjouissement.

A découvrir donc!

A bientôt

Lionel Lacour

samedi 19 février 2011

Gran Torino: Eastwood et le rêve américain

Bonjour à tous,

deuxième message aujourd'hui pour ne pas rester sur une critique de film désagréable.
Pas de grande révélation aujourd'hui pour les amoureux de l'oeuvre de Clint Eastwood. Gran Torino est sorti en France il y a déjà deux ans et la production du réalisateur s'est déjà enrichie de deux films! Bien des critiques ont pu être faites sur son Gran Torino, dénonçant un certain aspect conservateur pour ne pas dire réactionnaire. D'autres reprochent quelques séquences un peu grossières, notamment quand le héros se dit à lui même qu'il a plus d'affinités avec ses voisins asiatiques qu'il connaît depuis quelques jours qu'avec sa propre famille.
D'autres critiques tout aussi juste ont été faites contre ce film.

mercredi 16 février 2011

Les lundis du MégaRoyal: mai 2011

Bonjour à tous,

pour la troisième année, le Multiplex de Bourgoin Jallieu me confie l'organisation des "Lundis du MégaRoyal". Tous les lundis du mois de mai, cette manifestation propose de voir des films du patrimoine autour d'un thème commun. Ces films sont ensuite expliqués tout en images pour les cinéphiles, les fans ou les curieux.
En 2009, le thème était le western. En 2010, les comédies musicales étaient mises à l'honneur.
Nous avons décidé cette année de profiter finalement de l'actualité cannoise pour revisiter quelques films qui ont marqué ce grand festival.
Le choix risquait bien sûr d'être difficile. Nous avons alors décidé de sélectionner les films issus d'adaptations littéraires.

Vous pourrez donc revoir A l'Est d'Eden et le mythe James Dean, M.A.S.H. et son humour décapant, Excalibur avec un Merlin sans barbe blanche et enfin Cyrano de Bergerac pour peut-être le plus grand rôle de Depardieu.

Vacances obligent, les "Lundis du MégaRoyal" commenceront non pas le 2 mai  2011mais le 9 mai 2011.
Une page dédiée à cet événement vous sera bientôt proposée sur ce blog ainsi que quelques informations sur ces films, chefs-d'oeuvre du 7ème art.

A très bientôt,

 Lionel Lacour

mardi 15 février 2011

Quel est l'intérêt du "director's cut"? Réflexion autour d'Apocalypse now

Bonjour à tous,

depuis quelques années, et du fait notamment des sorties DVD permettant de nombreux bonus que les VHS ne permettaient pas, sortent des versions "director's cut" de films plus ou moins célèbres.
Pour bien préciser les choses, il ne s'agit pas ici de versions retouchées numériquement comme la première trilogie de Star wars voire de E.T. - même si sur certains points, on peut parler d'analogies dans le raisonnement que je vais développer - mais bien de montages différents voulus par les réalisateurs par rapport à la première sortie en salle.

Il faut donc rappeler que de très nombreux réalisateurs n'ont pas la main sur le montage final, notamment aux USA et que les studios contrôlent donc la forme finale du film. A ce propos, John Ford ne voulant pas que son oeuvre soit trahie par un montage qu'il aurait désapprouvé, ne tournait aucun plan qui aurait permis un plan de coupe qu'il n'aurait pas souhaité!

Parmi les films qui ont été "remontés", il y a le cas célèbre d' Apocalypse now, de Copolla, palme d'or à Cannes en 1979. Une version "director's cut" est donc sortie de nombreuses années après avec des séquences inédites, mettant notamment en scène des Français dans leur ancienne colonie vietnamienne (ou autrefois indochinoise).

L'objet de ce message n'est pas de savoir quelle est la meilleure version mais bien de savoir si la fameuse "director's cut" est bien celle qui aurait dû sortir initialement.
De même, la version montée par le réalisateur a-elle-été faite dès la sortie du film, mais refusée par le producteur, ou bien cette nouvelle version a-t-elle été faite après, parfois plusieurs années après. Cette différence est, vous vous en doutez, fondamentale.

Pourquoi? Tout simplement parce que si la version du réalisateur a été montée en même temps que la version exploitée, cela permet de voir les vraies différences artistiques mais aussi idéologiques d'un film entre le metteur en scène et les producteurs. En revanche, si la version remontée est faite plusieurs années après, rien ne nous dit que la version du réalisateur aurait été celle-ci à la sortie du film.

Pour prendre un exemple imaginaire mais évident, choisissons un film évoquant la menace terroriste islamique à New York réalisé avant 2001 (Couvre feu correspond à ce thème et réalisé par Edward Zwick en 1998). En acceptant que ce film soit remonté de nos jours, comment le réalisateur pourrait ne pas être influencé par ce qui s'est passé un certain 11 septembre? Le montage ne pourra pas être le même que s'il avait été réalisé avant 2001, quand bien même celui présenté aux spectateurs n'était pas celui que souahaitait Zwick.

Le "remontage" d'un film pose donc un problème quand il est postérieur, voire vraiment postérieur, au montage exploité en salle car il s'agit non seulement d'un autre film, mais surtout d'un film d'un autre temps, non de 1979 pour le cas d'Apocalypse now mais de 2001 pour Apocalypse now redux. Une sorte de remake mais à partir d'un matériau déjà existant.
Certes la séquence avec les Français a été éliminée du premier montage. Mais le film perdait-il en cohérence? Combien de réalisateurs ont finalement décidé de ne pas intégrer dans leurs films des séquences qu'ils avaient pourtant à disposition?  Sommes-nous assurés que Copolla ait vraiment intégré ces séquences dans son montage quand on sait que la version qu'il présenta à Cannes était déjà un work in progress?

Ainsi, l'intérêt de ces films "nouveau montage" est multiple mais pas forcément celui affiché. Moins que la version telle qu'elle aurait dû être, ces nouvelles versions montrent souvent que l'environnement qui entoure le film a changé. Apocalypse now était à sa sortie une critique philosophique de la vanité de l'impérialisme américain. En intégrant de nouvelles séquences, le film intègre un contexte historique plus large de ce conflit et s'adresse à davantage de personnes. La présence de Français "dilue" aussi la seule faute des Américains dans le conflit.
 Mais remonter un film, c'est aussi pour les distributeurs une manière d'exploiter à nouveau un film à succès de leur catalogue dont on sait que les fans seront intéressés par les quelques nouveautés apportées par la nouvelle version, que ce soit en salle ou en DVD et maintenant Blu Ray.

L'historien travaillera sur les deux oeuvres, celle de 1979 pour évoquer l'immédiate après-guerre du Vietnam et le traumatisme américain de la défaite honteuse en le comparant avec les autres films sur ce sujet; celle de 2001 dans un contexte nettement différent, où la cause de l'intervention américaine, à savoir l'anticommunisme, n'existe plus, où le sentiment de honte s'est amenuisé et tandis que d'autres menaces se manifestent.

Quant aux versions des films améliorés comme ceux évoqués précédemment (Star war, E.T.), si le montage n'a pas varié, l'utilisation des technologies numériques modifie la perception que les premiers spectateurs avaient eu des films. Ainsi Jabba le Hutt fut d'abord interprété en 1977 par un acteur et fut ensuite numérisé en image de synthèse en 1997 afin qu'il ressemblât à un monstre mi-crapaud, mi-limace! L'univers initialement créé, lié aux limites de la technologie des années 1970, était donc beaucoup plus antropomorphisé que depuis les modifications apportées par l'imagerie de synthèse. Il en ressort une projection différente des spectateurs vis-à-vis des personnages "exotiques", même si ceux-ci pouvaient ressembler par leurs caractères à bien des êtres humains contemporains, y compris Jabba!.

Pour E.T., les armes portées par ceux cherchant la créature extra-terrestre sont désormais transformées en talkie-walkies, radoucissant le conte, estompant la violence de la version originale. L' "autre" n'est plus forcément considéré par l'Etat comme un ennemi à détruire. La fin de la guerre froide est passée par là.
Comme pour un "director's cut", et malgré cette fois un même montage, les modifications apportées transforment donc bien le film. Il ne s'agit alors pas de la "vraie" version, mais d'une "autre" version, liée à l'époque pour laquelle le film est destiné.

Le "director's cut" a donc plusieurs intérêts, mais pas celui de voir "la version réelle" du film mais plutôt "une" version différente, une vision modifiée par le temps, le contexte, la technologie. Chaque version doit être analysée à part, dans un contexte différent, sans penser que la dernière proposée est celle définitive. Ces montages différents montrent surtout l'importance des choix des réalisateurs de tourner certains plans ou pas puisque ce sont ces plans qui seront ensuite montés pour donner un sens au film. Pour preuve, Fritz Lang, dans Les contrebandiers de Moonfleet (1952) se vit imposer une dernière séquence se rajoutant à "sa dernière séquence", changeant la morale du film et entraînant par là même, son reniement par le réalisateur lui-même!


A bientôt
Lionel Lacour

lundi 14 février 2011

Flyer des 2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma

Bonjour à tous,

vous pouvez désormais télécharger et diffuser le flyer des 2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma avec la liste de tous les films et de tous les intervenants aux diiférents débats.

Vous pouvez télécharger sur le lien suivant:
Flyer 2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma

A très bientôt
Lionel Lacour

mercredi 9 février 2011

2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma: La presse en parle

Bonjour à tous,

Les 2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma font déjà parler d'elles.

 Suite à notre soirée de présentation officielle de ces Rencontres mardi 1er février au Sofitel, partenaire de cette manifestation, Le progrès et Le tout Lyon ont relayé l'information dès cette semaine, prouvant, s'il en était besoin, que ces Rencontres s'inscrivent dans une logique citoyenne et sur du long terme dans la ville de Lyon.
Nous vous attendons donc nombreux du 21 au 25 mars 2011.
Les inscriptions pour la soirée conférence avec Robert Badinter se feront à partir du 1er mars sur le site:

A très bientôt
Lionel Lacour


dimanche 6 février 2011

L'Horloger de Saint Paul, marqueur d'une époque

Bonjour à tous,

quand Bertrand Tavernier réalise en 1974 cette adaptation du livre de Georges Simenon, L'horloger d'Everton, il plonge son héros dans sa ville natale, Lyon. Pour le spectateur d'aujourd'hui, il s'agit d'un vrai dépaysement. En effet, nous pouvons voir dans ce long métrage un vrai document archéologique de ce qu'étaient ces débuts des années 1970 et pour la France, la fin des "Trente glorieuses", dans une approche bien sûr particulière de Bertrand Tavernier qui signait là son premier long métrage.



BANDE ANNONCE



mercredi 2 février 2011

Programme des 2ème Rencontres Droit Justice et Cinéma

Bonjour à tous,

comme promis dans un précédent message, je vous présente en avant première le programme des 2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma se tenant du 21 au 25 mars 2011.

Lundi 21 mars 2011: Soirée d'ouverture
Soirée exceptionnelle se tenant à l'Auditorium Malraux du Site de La Manu - Lyon 3. Nous accueillerons pour l'occasion Robert Badinter pour une conférence intitulée "L'instant criminel au cinéma". S'appuyant sur de nombreux extraits de films de toutes périodes et de toutes origines, Robert Badinter réagira face à Jean-Jacques Bernard, journaliste et rédacteur en chef de Ciné Cinéma Classic.
La conférence commencera à 18h. La réservation des places commencera à partir du 1er mars. Je vous en dirai davantage bientôt.

Mardi 22 mars 2011: L'ivresse du pouvoir
Ce film de Chabrol sera projeté au Comoedia à partir de 20 h et suivi par un débat notamment en présence d'Odile Barski, co-scénariste.

Mercredi 23 mars 2011: Les tontons flingueurs
Ce grand classique du cinéma français sera l'occasion de présenter notamment les activités notariales sous un angle décalé, ainsi que de parler des activités plus ou moins légales (!) de ces fameux tontons. Le débat qui suivra sera notamment en présence de Mme le Bâtonnier de Lyon, Myriam Picot. La projection aura lieu au Comoedia à partir de 20h.

Jeudi 24 mars 2011: L'oeil invisible
Ce film hispanico-argentino-français a été proposé à la quinzaine des réalisateurs de Cannes en 2010 sera projeté en Avant Première à partir de 20h au Comoedia. L'action se passe dans l'Argentine du temps de la dictature et montre comment la surveillance des individus se faisait en s'appuyant sur le zèle de certains, ici celui d'une jeune femme espionnant des jeunes hommes dans un lycée.
Le débat qui suivra se fera notamment en présence d'un membre de la production du film.

vendredi 25 mars 2011: Soirée de clôture
Le Comoedia accuillera dès 20h Philippe Lioret pour la projection de son film Welcome. Le réalisateur nous fera aussi l'honneur de participer au débat, notamment avec le Président de l'Université Jean Moulin - Lyon 3, Hugues Fulchiron.

La liste de tous les participants aux débats vous sera très bientôt donnée dans la plaquette distribuée dans tout Lyon dès la mi-février.

J'espère que la programmation vous séduit et que vous pourrez venir nombreux à ces Rencontres 2ème édition.

A bientôt
Lionel Lacour

dimanche 30 janvier 2011

La mort aux Trousses à l'Institut Lumière

Bonjour à tous,

Après une une remarquable rétrospective Hitchcock en mars 2011, l'Institut Lumière propose de revenir sur le génial réalisateur anglais sur quelques uns de ses films (le programme sur le lien suivant: http://www.institut-lumiere.org/)
A partir du 12 septembre 2014 sera projeté La mort aux trousses réalisé en 1959. Dans ce film longtemps sous estimé car a priori plus léger, Hitchcock nous gratifie de séquences parmi les plus mémorables du cinéma et semble faire étalage de toute sa palette de cinéaste.
L'histoire est assez classique pour Hitchcock: un homme, Roger Thornill (interprété par Cary Grant, une nouvelle fois dans un film du maître du suspens) est pris pour un espion américain du nom de George Kaplan par les hommes d'un businessman trafiquant manifestement avec des puissances ennemies. Moins que l'intrigue, c'est la quête de Thornill/Grant à prouver son identité en démasquant Kaplan qui intéresse le spectateur.
Pour les extra-terrestres qui n'auraient pas vu le film ou qui ne s'en souviendraient plus, je ne dévoilerai rien des différents rebondissements. Mais je reviendrai sur deux séquences du film qui montrent que le cinéma, c'est avant tout savoir se servir de l'image.

mercredi 26 janvier 2011

Harry Brown, un nouveau justicier dans la ville?


Bonjour à tous.
À l'affiche ces jours, Harry Brown. Ce film de 2009 de Daniel Barber sort donc en France en 2011. C'est Michael Caine qui joue le rôle titre.
Après l'avoir vu, plusieurs réflexions à vous soumettre.

1. Le style
Après une introduction assez pénible, genre tournage avec un portable, image saturée, aucun cadrage et ouvertement violent, le film continue après le générique sur une réalisation beaucoup plus classique. Cinéma intimiste, radiographie sociale de l'Angleterre, nous retrouvons là un cinéma avec lequel nous avons été habitué par les réalisateurs outre-manche.
Néanmoins, si aucune séquence ne retrouvera le choix esthétique de celle d'ouverture du film, il ressort de certaines une violence assez crue, mêlant plusieurs influences, tant nord américaine qu'asiatique.
Mais c'est moins le style que le contenu qui est intéressant dans le film.

2. Une crise sociale visible
La peinture du quartier décrit montre une situation sociale terrbile pour cette Angleterre de début de XXIème siècle. Les immeubles présentés ressemblent en bien des points aux grands ensembles français: immenses barres, des locataires entassés, déterrioration des façades par des tags, incivilités contre les plus faibles, notamment les retraités, errance des jeunes le soir dans des zones coupe-gorges, séparation de ces quartiers de la ville par une voie rapide, trafics de drogues en tout genre et prostitution.
Le tableau  n'est donc pas sans nous rappeler ce que nous connaissons en France. Cela prouve aussi que la France n'a pas le monopole des crises de banlieue, ce qui n'est pas fait pour rassurer!


3. Une population de ces banlieues différente
Ce qui saute aux yeux pour un Français, c'est que le quartier présenté ne soit pas peuplé par des populations d'origine immigrées. Là où Kassovitz avait décrit dans La haine desimmeubles habités par une population cosmopolite, le réalisateur d'Harry Brown ne montre que des Anglais bien anglo-saxons. La violence de la jeunesse anglaise des banlieues apparaît donc comme interne à la société britannique et non comme une conséquance de l'échec d'une immigration.
De même, jeunes et vieux vont dans les mêmes pubs, honnêtes gens et délinquants également.
Que penser de cette présentation?
On peut imaginer que le point de vue est une point de vue généraliste et que le réalisateur n'a pas voulu mettre en avant, stigmatiser comme on dit aujourd'hui, une communauté plutôt qu'une autre. La société britannique étant plutôt commnautaire, celà pouvait éventuellement être reproché à Daniel Barber.
Mais on peut aussi accepter le représentation du réalisateur non comme une vision générale mais comme un simple constat. La violence du quartier de son film est celle que subit l'Angleterre, sans qu'aucune communauté étrangère ne soit impliquée dedans. A la différence de la perception française, l'analyse qui est faite dans ce film est bien une analyse sociale. Plusieurs plans, en début et en fin de film semblent bien montrer que c'est l'environnement dans lequel vivent ces populations qui est propoice, surtout en période de chômage et de crise, aux violences et à l'existence de "gangs".

4. Le feu dans le quartier
Comme dans les événements urbains français, le déclencheur est une suite de faits divers meurtriers qui entraîne une réaction policière mal comprise par les victimes ou les proches des victimes. Daniel barber montre comment alors la montée de la violence se fait à coup de règlements de compte personnels que la police ne maîtrise pas.Dans des plans spectaculaires, le quartier s'embrase lors d'une intervention musclée de CRS à l'anglaise. La réponse des voyous du quartiers est similaire à celle des quartiers français: pratique de guerilla faisant reculer les forces de l'ordre.
La conclusion est tout aussi semblable: rien n'a vraiment changé, sinon une paix illusoire, dans un quartier qui reste le même mais dont on pressent qu'il sera prêt à exploser à nouveau.

5. Une violence gratuite?
Michael Caine joue le rôle d'un héros de l'armée ayant servi en Irlande du Nord. A bien des égards, il peut être assimilé à un vétéran de la guerre d'Algérie. Surtout quand il fait son analyse sur la violence qu'il a subi en Irlande et celle qu'il voit dans son quartier. Pour lui, l'IRA défendait une cause. Pour la jeunesse du quartier, c'est juste "entertainment" (divertissement, plaisir). Or c'est bien ce que la séquence d'ouverture montrait d'emblée, doublée par une autre séquence dans le film. La violence devient un spectacle dans lequel l'agresseur est à la fois acteur puis son propre spectateur.
L'incapacité de la police à protéger les sujets de sa Majesté (ou des citoyens de la République) pousse inexorablement les honnêtes gens à se défendre par eux mêmes. Leur violence n'est pas gratuite, mais elle affronte ceux pour qui la vie des autres ne mérite aucun respect.

6. Les institutions de la société
La police montre donc à plusieurs reprise son incompréhension de la situation. Les victimes pouvant devenir même des suspects d'agressions contre les vrais voyous. La réaction disproportionnée montre aussiles limites de la gestion de ces quartiers laissés à l'abandon.
Le politique est absent du film. Cette absence démontre combien la police est laissée seule face à la situation. A aucun moment on ne voit une décision du maire ou d'un élu quelconque aider les forces de l'ordre à agir.
Enfin, la présence de l'avocat pendant ce qui ressemble à des garde-à-vues est essentiellement visuelle car jamais l'avocat ne parle. Pourtant, sa présence n'est pas que symbolique. Son influence, son rôle dans la défense des prévenus sont suggérés non par des interventions verbales mais par la police elle-même: "votre avocat vous a conseillé de ne rien dire".

Conclusion
Ce film résonne curieusement pour les spectateurs français qui se retrouvent fortement dans la situation proposée et dans le personnage de Michael Caine. A la différence du film qui fit la gloire de Charles Bronson, il n'y a pas de plaisir à voir le héros vengeur à débarrasser le quartier de la racaille. Nous sommes juste en voyeurs d'une situation dans laquelle certains pourraient se dire qu'ils pourraient un jour être contraints à faire de même, tout en espérant ne jamais avoir à le faire. Harry Brown est une victime de la société et n'est animé que par la volonté de vengeance plus que par celle de régler les problèmes du quartier tout entier.
La défiance envers la justice, envers la police, le fait qu'un particulier soit celui qui ait finalement ramené le calme dans le quartier n'est pas une vision en soi très optimiste des sociétés occidentales.
Celà montre le déficit du politique quant à la gestion des quartiers de banlieue minés par le chômage et dans lesquels, des trafiquants en tout genre prospèrent. Les réponses coup de poing ne sont pas des réponses dignes d'Etats progressistes et soi-disant civilisés, n'offrant qu'une paix illusoire.
Rien que pour cette morale, ce film est bigrement intéressant.

À bientôt
Lionel Lacour