mercredi 26 janvier 2011

Harry Brown, un nouveau justicier dans la ville?


Bonjour à tous.
À l'affiche ces jours, Harry Brown. Ce film de 2009 de Daniel Barber sort donc en France en 2011. C'est Michael Caine qui joue le rôle titre.
Après l'avoir vu, plusieurs réflexions à vous soumettre.

1. Le style
Après une introduction assez pénible, genre tournage avec un portable, image saturée, aucun cadrage et ouvertement violent, le film continue après le générique sur une réalisation beaucoup plus classique. Cinéma intimiste, radiographie sociale de l'Angleterre, nous retrouvons là un cinéma avec lequel nous avons été habitué par les réalisateurs outre-manche.
Néanmoins, si aucune séquence ne retrouvera le choix esthétique de celle d'ouverture du film, il ressort de certaines une violence assez crue, mêlant plusieurs influences, tant nord américaine qu'asiatique.
Mais c'est moins le style que le contenu qui est intéressant dans le film.

2. Une crise sociale visible
La peinture du quartier décrit montre une situation sociale terrbile pour cette Angleterre de début de XXIème siècle. Les immeubles présentés ressemblent en bien des points aux grands ensembles français: immenses barres, des locataires entassés, déterrioration des façades par des tags, incivilités contre les plus faibles, notamment les retraités, errance des jeunes le soir dans des zones coupe-gorges, séparation de ces quartiers de la ville par une voie rapide, trafics de drogues en tout genre et prostitution.
Le tableau  n'est donc pas sans nous rappeler ce que nous connaissons en France. Cela prouve aussi que la France n'a pas le monopole des crises de banlieue, ce qui n'est pas fait pour rassurer!


3. Une population de ces banlieues différente
Ce qui saute aux yeux pour un Français, c'est que le quartier présenté ne soit pas peuplé par des populations d'origine immigrées. Là où Kassovitz avait décrit dans La haine desimmeubles habités par une population cosmopolite, le réalisateur d'Harry Brown ne montre que des Anglais bien anglo-saxons. La violence de la jeunesse anglaise des banlieues apparaît donc comme interne à la société britannique et non comme une conséquance de l'échec d'une immigration.
De même, jeunes et vieux vont dans les mêmes pubs, honnêtes gens et délinquants également.
Que penser de cette présentation?
On peut imaginer que le point de vue est une point de vue généraliste et que le réalisateur n'a pas voulu mettre en avant, stigmatiser comme on dit aujourd'hui, une communauté plutôt qu'une autre. La société britannique étant plutôt commnautaire, celà pouvait éventuellement être reproché à Daniel Barber.
Mais on peut aussi accepter le représentation du réalisateur non comme une vision générale mais comme un simple constat. La violence du quartier de son film est celle que subit l'Angleterre, sans qu'aucune communauté étrangère ne soit impliquée dedans. A la différence de la perception française, l'analyse qui est faite dans ce film est bien une analyse sociale. Plusieurs plans, en début et en fin de film semblent bien montrer que c'est l'environnement dans lequel vivent ces populations qui est propoice, surtout en période de chômage et de crise, aux violences et à l'existence de "gangs".

4. Le feu dans le quartier
Comme dans les événements urbains français, le déclencheur est une suite de faits divers meurtriers qui entraîne une réaction policière mal comprise par les victimes ou les proches des victimes. Daniel barber montre comment alors la montée de la violence se fait à coup de règlements de compte personnels que la police ne maîtrise pas.Dans des plans spectaculaires, le quartier s'embrase lors d'une intervention musclée de CRS à l'anglaise. La réponse des voyous du quartiers est similaire à celle des quartiers français: pratique de guerilla faisant reculer les forces de l'ordre.
La conclusion est tout aussi semblable: rien n'a vraiment changé, sinon une paix illusoire, dans un quartier qui reste le même mais dont on pressent qu'il sera prêt à exploser à nouveau.

5. Une violence gratuite?
Michael Caine joue le rôle d'un héros de l'armée ayant servi en Irlande du Nord. A bien des égards, il peut être assimilé à un vétéran de la guerre d'Algérie. Surtout quand il fait son analyse sur la violence qu'il a subi en Irlande et celle qu'il voit dans son quartier. Pour lui, l'IRA défendait une cause. Pour la jeunesse du quartier, c'est juste "entertainment" (divertissement, plaisir). Or c'est bien ce que la séquence d'ouverture montrait d'emblée, doublée par une autre séquence dans le film. La violence devient un spectacle dans lequel l'agresseur est à la fois acteur puis son propre spectateur.
L'incapacité de la police à protéger les sujets de sa Majesté (ou des citoyens de la République) pousse inexorablement les honnêtes gens à se défendre par eux mêmes. Leur violence n'est pas gratuite, mais elle affronte ceux pour qui la vie des autres ne mérite aucun respect.

6. Les institutions de la société
La police montre donc à plusieurs reprise son incompréhension de la situation. Les victimes pouvant devenir même des suspects d'agressions contre les vrais voyous. La réaction disproportionnée montre aussiles limites de la gestion de ces quartiers laissés à l'abandon.
Le politique est absent du film. Cette absence démontre combien la police est laissée seule face à la situation. A aucun moment on ne voit une décision du maire ou d'un élu quelconque aider les forces de l'ordre à agir.
Enfin, la présence de l'avocat pendant ce qui ressemble à des garde-à-vues est essentiellement visuelle car jamais l'avocat ne parle. Pourtant, sa présence n'est pas que symbolique. Son influence, son rôle dans la défense des prévenus sont suggérés non par des interventions verbales mais par la police elle-même: "votre avocat vous a conseillé de ne rien dire".

Conclusion
Ce film résonne curieusement pour les spectateurs français qui se retrouvent fortement dans la situation proposée et dans le personnage de Michael Caine. A la différence du film qui fit la gloire de Charles Bronson, il n'y a pas de plaisir à voir le héros vengeur à débarrasser le quartier de la racaille. Nous sommes juste en voyeurs d'une situation dans laquelle certains pourraient se dire qu'ils pourraient un jour être contraints à faire de même, tout en espérant ne jamais avoir à le faire. Harry Brown est une victime de la société et n'est animé que par la volonté de vengeance plus que par celle de régler les problèmes du quartier tout entier.
La défiance envers la justice, envers la police, le fait qu'un particulier soit celui qui ait finalement ramené le calme dans le quartier n'est pas une vision en soi très optimiste des sociétés occidentales.
Celà montre le déficit du politique quant à la gestion des quartiers de banlieue minés par le chômage et dans lesquels, des trafiquants en tout genre prospèrent. Les réponses coup de poing ne sont pas des réponses dignes d'Etats progressistes et soi-disant civilisés, n'offrant qu'une paix illusoire.
Rien que pour cette morale, ce film est bigrement intéressant.

À bientôt
Lionel Lacour

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