Bonjour à tous,
A quelques jours du début des Rencontres Droit Justice et Cinéma, je me suis replongé dans l'édition 2010 pour me rappeler qu' Un prophète avait été projeté et avait suscité un débat de plus de deux heures.
Je me suis alors souvenu de ce film Millénium, sorti en 2009 et adapté du best seller suédois.
Ce que je souhaiterais évoqué ici n'est pas l'histoire du journaliste Mikael Blomqvist ou de l'héroïne Lisbeth Salander mais bien des conditions de privation de liberté subie par justement Blomqvist.
Le journaliste du journal Millénium est en effet condamné pour diffamation et emprisonné. Sauf que cette condamnation ressemble à de la science fiction pour un spectateur français ou américain ou de tout autre pays. Que voit-on à l'écran? Un homme qui, condamné, voit sa peine ne commencer à être exécutée que bien des jours après le verdict. Il s'y rend seul, sans que la police ne s'en mêle. Une fois emprisonné, le spectateur non suédois ne peut qu'être stupéfait. Les visites qui lui sont faites ne sont pas dans des parloirs avec une surveillance policière outrancière. Il peut discuter presque comme dans une salle d'attente. La cellule et l'ensemble de la prison ressembleraient davantage à un hôtel dont les occupant seraient empêchés de partir.
Ma réaction première est tout d'abord dubitative. Comment peut-on qualifier de prison ce qui est montré? Si c'est ça la prison, alors où est la sanction? La crédibilité de la situation est douteuse car jamais en France on ne pourrait montrer un tel lieu pour une peine d'emprisonnement. Pourtant, ce film s'adresse d'abord à des Suédois. C'est donc que l'auteur puis le réalisateur ont dû proposer une situation que les Suédois reconnaitraient et identifieraient comme conforme à la réalité.
Cette séquence pose alors une question fondamentale sur laquelle personne n'a finalement rebondi lors de la sortie du film ailleurs qu'en Suède. Il existerait bien un autre modèle que la prison telle que nous la concevons en France ou dans la majorité des pays. Ce modèle suédois tel qu'il est présenté dans Millénium montre que la sanction est la suppression de liberté de mouvement et pas la suppression de la dignité. Si les conditions de vie dans la prison suédoise semble confortable, c'est que nous associons à la confiscation de la liberté une autre sanction: l'humiliation du condamné.
Ce modèle suédois tel qu'il est filmé pourrait inspirer bien des pays. Il est économe en moyens car il serait alors inutile de contruire des prisons aussi sécurisées que celles construites dans les pays plus répressifs. Le personnel nécessaire serait lui aussi bien moins important.
On imagine bien sûr que ce lieu de privation de liberté ne peut se concevoir que pour certains délits et selon les condamnés. Il est compréhensible que les violeurs et autres psychopathes ne puissent bénéficier d'une telle condition d'emprisonnement. Mais quel pourcentage représentent-ils?
Millénium a donc le mérite de montrer qu'il n'y a pas qu'une seule manière de priver de liberté ceux que la justice a condamnés. Cela repose aussi sur une acceptation de la sanction par le citoyen d'autant plus facilement que sa dignité est préservée. Bien entendu, le film ne montre pas certaines dérives possibles d'un tel système car tel n'est pas l'objet du film. Mais compte tenu des dérives du système carcéral le plus répandu, on peut envisager que celui suédois est bien plus humain et acceptable.
A défaut de changer immédiatement les choses en France ou ailleurs, il est bien dommage que ce qui est montré dans ce film ne serve pas d'illustration aux défenseurs des conditions de vie dans les prisons comme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté en France ou l'Observatoire International des Prisons.
A bientôt
Lionel Lacour
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