Bonjour à tous,
aujourd'hui sort le film des frères Coen, True grit, que je n'ai pas encore vu. Il faut rappeler que ce film est un remake d'un film d'H. Hataway sorti en 1969 sous le même titre aux USA mais traduit en France par Cent dollars pour un shérif. Le personnage du shérif était alors interprété par John Wayne et qui reçut l'Oscar du meilleur acteur. Recevant son prix heureux comme un débutant, Wayne s'était alors écrié que s'il avait su, il aurait joué des rôle de borgnes avant si telle était pour lui la solution pour gagner cette récompense!
Mais revenons à l'histoire. Une jeune fille, Mattie Ross, veut venger son père tué par un odieux bandits. Sa vengeance a ceci d'intéressant qu'elle veut passer par la légalité: elle demande au Shérif d'arrêter l'assassin de son père. Devant sa réticence, elle lui promet une prime de 100 dollars (d'où le titre français de la première version). On ne peut qu'être surpris par cette forme de justice qui passerait par la récompense d'un personnage qui est justement payé pour arrêter les assassins. Une prime au mérite en quelque sorte, mais payée par le justiciable.
Pourquoi choisir Rooster Cogburn, ce shérif borgne? C'est que la jeune Mattie a vu en lui un personnage impitoyable avec les bandits. Elle assiste aussi à la pendaison de ceux qu'il a arrêtés. On a donc dès le début du film une présentation assez radicale de la "bonne" manière de traiter les suspects, puis les coupables: pas de pitié pour les suspects, pas de pitié pour les coupables. La peine de mort n'est jamais dénoncée ni même critiquée. Si le shérif est contesté par quelques uns, c'est davantage pour ses manières et son goût pour l'alcool que pour ses résultats. Et en tout cas, la jeune Mattie voit en lui celui qui pourra lui permettre de faire condamner l'assassin de son père.
Avec une telle présentation, on pourrait penser que le film d'Hataway est un véritable manifeste républicain. Pourtant, d'autres aspects du film tempère cette impression.
Tout d'abord, la jeune fille n'engage pas un chasseur de tête. Elle tient à ce qu'un représentant officiel soit le bras de la justice pour ramener l'assassin et le juger. En ce sens, il n'y a pas de vengeance privée mais bien la volonté que la justice passe selon les règles.
Le légalisme de Mattie passe également par le recours systématique à l'évocation de son avocat quand ses intérêts, notamments économiques, sont en jeu. Véritable menace, l'avocat apparaît comme un défenseur redoutable, même si nous ne le voyons pas et qu'aucun des personnages menacés ne le connaissent. Ce monde de l'ouest semble donc encore assez sauvage, marqué par les rapports de force, mais la force de la loi progresse grâce justement à ceux qui sont sensés aider à ce qu'elle soit respectée.
Enfin, le personnage du shérif devient rapidement autre chose qu'un simple grossier personnage. Il est montré tantôt sensible au courage de Mattie qui s'impose à lui dans la traque contre le criminel, tantôt lui même courageux, ayant du cran (d'où "true grit") notamment dans une séquence mémorable de combat à un contre plusieurs bandits. Cette même séquence est d'ailleurs sur la bande-annonce du film des frères Coen, comme pour faire le lien entre les deux versions.
Mais c'est surtout l'honnêteté des relations entre les différents personnages qui a fait le succès de ce film en 1969, où chacun défend finalement les mêmes valeurs, mais avec les moyens de son époque. Cogburn - Wayne incarne le farwest des westerns jusqu'aux années 50, ceux de Rio Bravo ou de La prisonnière du désert. Mattie incarne ce que vont devenir les USA, un pays conquis, où la loi prévaut pais où la violence n'a pas disparu pour autant. On retrouvait déjà cette opposition en 1961 dans L'homme qui tua Liberty Valance de John Ford. Wayne incarnait déjà celui qui défendait le Bien par les mêmes moyens que ceux qui faisaient le mal: à coup de revolver ou de carabine. James Stewart était le représentant d'une autre voie pour défendre les intérêts et les droits des citoyens: il n'en appelait pas aux avocats, il était avocat. Mais Ford l'avait féminisé un temps, le tranformant l'espace d'une séquence en un serveur de restaurant.
Le point commun entre Cent dollars pour un shérif et le film de Ford est alors la foi en la primauté de la loi sur la violence. Mais aussi la certitude que les USA se sont construits sur la légende de l'Ouest, celle des homme comme ceux incarnés par Wayne qui ont permis de contenir un temps la brutalité de l'Ouest, le temps que l'ordre et la loi s'imposent, sans pour autant renier le rôle de ces pionniers: "Quand la légende dépasse la réalité, imprimer la légende" dit le journaliste à James Stewart!
L'intérêt aujourd'hui est donc de voir ce que les frères Coen auront fait de cette oeuvre, comment ils vont présenter ces personnages et quelles valeurs ressortiront à la conclusion du film. A en croire les critiques, que ce soit aux USA ou en France, le film est un réjouissement.
A découvrir donc!
A bientôt
Lionel Lacour
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