mercredi 9 mars 2011

la crise vue par le cinéma français: comparaison années trente et aujourd'hui - PREMIERE PARTIE

Bonjour à tous

Certains pensent que nous vivons une situation économique et politique assez proche des années 30 : crise économique, montée de l’antisémitisme et menaces extérieures par des pays belliqueux.
L'objet de ce blog n'est pas de vérifier si cette perception est pertinente quant aux faits. En revanche, il serait intéressant de voir si comment le traitement cinématographique a abordé ces deux crises. Et par cette comparaison, peut-être pourrions-nous arriver à valider ou non certaines comparaisons.

1. Montrer la crise
La crise économique des années 30 est finalement très peu montrée dans ses aspects économiques. Rares sont les films qui mentionnent ouvertement le chômage qui caractérise cette période. On peut cependant voir dans le film de Julien Duvivier La belle équipe (1936) que dès la première séquence, Gabin s’en prend à son logeur qui lui réclame le paiement de la chambre, lui reprochant d’être chômeur par paresse et non par absence de travail : « Chômeur, c’est pas ce qu’on avait rêvé étant môme » lui crie Gabin dans une de ses colères mémorables du cinéma d’avant guerre.
C’est encore Gabin qui dans le film de Renoir Les bas fonds (1936) vit dans une sorte de « squat » avec bon nombre de chômeurs. Le film est une adaptation du livre de Gorki et l’action se passe en Russie. Mais l’identification est bien rapide à la situation française où les rentiers sont eux aussi touchés par la crise. Louis Jouvet jouant le rôle d’un aristocrate ruiné incarne de fait le rôle de ces rentiers français qui voient leurs revenus s’effondrer. Toujours Renoir, Le crime de Monsieur Lange (1936) évoque lui aussi la situation de crise qui se manifeste par le chômage des employés d’un journal dirigé par Jules Berry.
C’est davantage la situation des classes populaires qui est montrée comme peu avantageuse. La fiancée de Gabin dans Le jour se lève (1939) de Marcel Carné vit au bord de la voie ferrée, séparée par une seule palissade, subissant autant le bruit que les projection de vapeur et de poussières des locomotives.
Le cinéma français d’aujourd’hui est beaucoup plus prolixe en films montrant la crise et ses effets. La différence tient dans le fait que cette crise montrée date des années 70. On la trouve dans des comédies avec par exemple La zizanie de Claude Zidi en 1978 dans laquelle l’entrepreneur interprété par Louis de Funès est aussi maire de sa ville. Son programme repose sur trois points : « le plein emploi, le plein emploi et le plein emploi », preuve que le chômage touche de plein fouet le pays. D’autres films montrent encore la crise économique comme Que les gros salaires lèvent le doigt de Denys Granier Deferre en 1982 dans lequel les cadres d’une entreprise sont licenciés cyniquement par leur patron interprété par le génial Jean Poiret. Toujours concernant le chômage, Costa Gavras pousse cette situation à son paroxysme en 2005 avec Le couperet dans lequel José Garcia, un cadre dynamique au chômage, élimine ses concurrents à la recherche d’emploi en les assassinant.
A partir des années 1990, ce qui marque le cinéma français c’est l’émergence d’un réel cinéma « social » avec des réalisateurs qui se spécialisent dans ce genre, à mi-chemin entre la fiction et le documentaire. En 1999, Laurent Cantet et Ressources humaines présente dans un style très brut avec de nombreux comédiens non professionnels, la situation d’une ville dépendant particulièrement des emplois concentrés essentiellement dans une entreprise. Le parcours d’un fils d’ouvrier en passe de devenir cadre amène à montrer comment la société française se désindustrialise, entraînant le licenciement massif des employés sous qualifiés des usines. Les frères Dardenne, bien que belges, sont également des cinéastes dits sociaux, et leurs films La promesse (1996) ou encore Rosetta (1999) illustrent la situation désespérée des classes populaires, vivant dans des conditions plus misérables encore que dans les films des années 30.

Et si Carné montrait les faubourgs dans Le jour se lève, c’est bien la banlieue qui devient un espace privilégié pour ceux voulant montrer les effets de la crise. Celle de 1973 avec Elle court elle court la banlieue réalisé par Gérard Pirès n’est plus celle des « trente glorieuses » dans toute une série de films postérieurs, que ce soit dans Le choix des armes d’Alain Corneau (1981) ou du Thé au harem d’Archimède de Mehdi Charef en 1985. Mais le film qui a marqué le genre « film de banlieue » est bien le film de Mathieu Kassovitz La haine réalisé en 1995, montrant justement au-delà de la ghettoïsation des populations y vivant, leur éloignement de la ville, faisant de celle-ci une terra incognita.



Prochaines parties:
2. Des réponses à la crise?
3. Une république malade?

A bientôt

Lionel Lacour

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