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jeudi 7 septembre 2017

"La journée de la jupe": le diagnostic avant les drames

Bonjour à tous

En 2009, Arte diffusait La journée de la jupe avant sa sortie en salles. Réalisé par Jean-Paul Lilienfeld et avec Isabelle Adjani dans le rôle de Madame Bergerac, professeur de français d'un collège de banlieue, le film avait été accueilli plutôt positivement par les médias sans pour autant pointer forcément du doigt ce que ce film révélait. Le revoir 8 ans après est assez troublant car il porte en lui tous les éléments de l'actualité depuis 2015.

Le recul de l'autorité des enseignants
Le film plonge rapidement dans son sujet: une professeur de banlieue avec une population immigrée majoritaire se fait malmener par les élèves, garçons comme filles. Elle se fait insulter, intimider, humilier mais elle essaie tout de même de

lundi 28 août 2017

"Le prix du succès" : La liberté a un prix

Bonjour à tous,

Dans l’intimité d’une voiture, deux frères discutent quand soudain un homme à l’extérieur, apparemment du même milieu qu’eux, demande à parler à l’un des deux : Bahim (Tahar Rahim). Il le filme, communique en direct sur les réseaux sociaux en montrant Brahim dans une situation peu avantageuse et s’énervant quand il lui est demandé d’arrêter. Le décor est alors planté. Brahim est une vedette du stand-up et Mourad (Roschdy Zem stupéfiant de justesse) est son frère, à la fois manager et garde du corps. Mais surtout du genre sanguin. Le film de Teddy

mercredi 8 mars 2017

"De plus belle": le cancer, Lyon et surtout les femmes

Bonjour à tous

Aujourd'hui 8 mars 2017, Journée internationale des droits des femmes, sort sur les écrans français De plus belle, le premier film d'Anne-Gaëlle Daval et dans lequel Florence Foresti y interprète Lucie, un personnage plus dramatique que dans ses précédents films. En effet, en rémission d'un cancer du sein, Lucie doit désormais vivre avec cette maladie qu'elle a eue, avec les conséquences aussi: perte de ses cheveux, relations amoureuses difficiles, tensions familiales et difficultés à travailler sans être fatiguée.

De plus belle, co-produit évidemment par Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, a les qualités et les défauts d'un premier long-métrage. Un scénario pas toujours clair, avec des incohérences évidentes et des renversements de situation trop rapides. Mais de belles idées de mise en scène, une fraîcheur évidente pour raconter une histoire difficile, des moments d'humour décapants et un vrai regard sur ce qu'est la féminité.

Avec un casting de première classe pour un premier film - Mathieu Kassovitz et Nicole Garcia par exemple! - Anne-Gaëlle Daval réalise pourtant finalement

lundi 12 septembre 2016

Lumière 2016: Drôle de drame: une comédie pas si légère que ça


Bonjour à tous,

Le Festival Lumière fait la part belle cette année au cinéaste français Marcel Carné, en projetant notamment le dimanche 16 octobre 2016 à 11h15 dans la salle 2 de l'Institut Lumière le film qui l'avait révélé en octobre 1937, Drôle de drame, plaçant l'action comme celle du livre d'où est tiré le film, dans l'Angleterre victorienne.
Le jeune réalisateur avait rassemblé une somme de talents vertigineux pour cette comédie loufoque immortalisée par le fameux dialogue entre le Docteur et l'évêque: "Bizarre, vous avez dit bizarre". En effet, le film affiche une distribution de premier choix: Michel Simon, Louis Jouvet, Françoise Rosay sans compter des petits nouveaux qui allaient faire du bruit ensuite: Jean-Louis Barrault et Jean-Pierre Aumont, le tout

mercredi 30 mars 2016

"L'avenir": faire du vieux avec du jeune

Bonjour à tous

le 6 avril 2016 sort donc L'avenir, film français de Mia Hansen-Løve, Ours d'argent au dernier festival de Berlin comme "meilleur réalisateur", avec Isabelle Huppert dans le rôle principal.
Et il faut bien reconnaître que le titre est trompeur car le traitement regarde clairement le passé, et toujours par l'œilleton de la petite bourgeoisie...

Les vieilles lunes soixante huitardes
Nathalie et Heinz sont mariés, parents de deux enfants, professeurs de philosophie tous les deux - Heinz dans le prestigieux Lycée Henri IV - et impliqués dans l'édition d'ouvrages de philosophie. Nathalie dirige une collection, est auteur d'un manuel plusieurs fois édité et soutient des auteurs auprès de sa maison d'édition.
L'environnement du domicile transpire la culture et l'érudition. Les ouvrages des philosophes couvrent les murs envahis par les étagères. Pas de doute, nous sommes chez des lettrés intellectuels.
Les deux époux ont bien sûr été étudiants, lui du genre conservateur, une sorte de Jean-François

lundi 28 septembre 2015

Lumière 2015: "Zanzibar", une curiosité de Christine Pascal

Bonjour à tous

 À l'occasion du Festival Lumière 2015, une partie de la programmation concerne des films des années 1980 ayant été parfois oubliés. Parmi eux, il y a ce film de la Lyonnaise Christine Pascal: Zanzibar
Ce curieux film était sa troisième réalisation, la première ayant été conclue 10 ans auparavant! Et le sujet du film n'est pas bien loin de ce temps mis par la réalisatrice pour tourner cette troisième œuvre.
Christine Pascal s'attache à montrer les tourments pour monter le projet de production d'un film, qu'ils soient d'ordre financiers, techniques mais aussi affectifs.
Elle n'élude pas les relations qui peuvent se nouer entre un réalisateur et son actrice. Le cinéma regorge d'exemples d'union, plus ou moins durable, entre un metteur en scène et la vedette féminine de son film.


Le choix du casting est à ce titre intéressant puisque c'est Francis Girod, le réalisateur alors de films comme La banquière ou Le bon plaisir, qui va interpréter le personnage du metteur en scène Maréchal. Le fait de choisir un véritable metteur en scène pour ce rôle montre combien il y avait le souci de trouver dans l'interprète des gestes justes, un comportement suffisamment réaliste dans l'ambiguïté de la fonction de réalisateur.
Cette relation intime entre réalisateur et actrice a été en partie écrite par Catherine Breillat dont on sait combien son œuvre cinématographique est irriguée par les vicissitudes de sa propre vie.

S'il existe de nombreux films sur  la création d'un film, avec toutes les relations intimes qui pouvaient exister autour - on pense évidemment à La nuit américaine de F. Truffaut - le film de Christine Pascal est certainement le premier réalisé par une femme portant un regard sur le pouvoir que peut exercer un homme, un réalisateur, sur ses comédiennes.



Pour voir Zanzibar, le Festival Lumière vous propose donc 2 séances.

Zanzibar de Christine Pascal (1989)
Samedi 17 octobre 2015 - 17h - Institut Lumière Salle 2
Réservation: www.festival-lumiere.org
ou par téléphone 04 78 78 18 95


À bientôt
Lionel Lacour

jeudi 24 septembre 2015

Lumière 2015: "Cinékino" ou une histoire franco-allemande du cinéma

Bonjour à tous

Mardi 13 octobre 2015 à 14h15, le Festival Lumière propose la projection des deux volets du documentaire Cinékino. Ce documentaire croise le regard de deux réalisateurs. L'un, Laurent Heynemann, est français, ayant tourné des films autant pour le cinéma (La vieille qui marchait dans la mer en 1991) que pour la télévision (on lui doit par exemple des épisodes de la série Maigret avec Bruno Kremer et des adaptations de nouvelles de Maupassant). L'autre, Matthias Luthardt, est allemand, près de 25 ans plus jeune que le premier et réalisateur essentiellement d'œuvres pour la télévision allemande. Réalisé en 2015, il s'agit fort logiquement d'une co-production franco-allemande de Ideale Audience (société française), Zero One Film (société allemande) et de Arte, chaîne de télévision qui porte dans ses gènes l'idée d'une culture et d'une collaboration franco-allemande.

Ce sont donc deux cinématographies, deux histoires qui se téléscopent dans ce documentaire qui vient rendre compte de ces relations parfois complexes, conflictuelles ou au contraire pleine d'amour réciproque entre la culture française et celle germanique par l'intermédiaire de personnalités marquantes de ces deux cinémas.

Pierre Brice joue Winnetou, mythe du cinéma allemand
Loin d'adopter une démarche chronologique, le documentaire passe d'une idée à l'autre par l'incarnation forte de ces artistes. Ainsi, même si Romy Schneider était autrichienne, le documentaire montre combien elle incarnait la RFA. Cette place dans le cinéma allemand pour lequel elle était une vedette absolue ne satisfaisait pas l'actrice qui préféra s'installer en France, jouer d'autres rôles, quitte à céder la place de vedette à un jeune premier, son compagnon d'alors Alain Delon. Et c'est sur la place que prit celui-ci dans le cinéma français - comme d'autres acteurs aussi - que le documentaire continue son chemin en évoquant l'immense star allemande qui interpréta le personnage de Winnetou, chef apache dans des westerns allemands, ... le français Pierre Brice, simplement inconnu en France.

Par des développements en touches successives, les réalisateurs de ce documentaire, richement illustré d'extraits de films, d'archives de l'époque de tournage ou de réception des films à leurs sorties, mais aussi d'entretiens avec des spécialistes savamment compilés, développent ce qui constitue une singularité européenne: les relations franco-allemandes.

Cinékino permet de comprendre qu'une Histoire européenne voire mondiale peut s'appréhender par l'histoire du cinéma, par exemple lorsque la France devint une terre d'asile autant artistique qu'idéologique pour des artistes germaniques. Ceux-ci virent dans ce pays d'accueil la possibilité d'exercer leur art et d'exprimer leurs opinions. Ce fut le cas pour Fritz Lang qui quitta l'Allemagne en 1933 et tourna en France Liliom. Robert Siodmak arriva la même année en France pour ne la quitter qu'en 1939 pour rejoindre comme nombre de ses compatriotes les USA et Hollywood.
Des destins multiples sont ainsi relatés, mêlant le glamour et le sens des responsabilités de chacun. Ainsi en fut-il pour les relations entre Jean Gabin et Marlène Dietrich évoquées par de nombreuses sources dans ce documentaire.

Tel un puzzle dont chaque pièce est perçue par le spectateur comme un élément d'un tout, Cinékino revient sur des personnages - la belle Romy Schneider et son besoin de tourner La passante du Sans-Souci - ou sur des périodes. Ainsi la première partie du documentaire évoque le cinéma allemand des années 1930. C'est pour mieux y revenir par la suite dans la deuxième partie avec une approche différente.

De gauche à droite: M. Piccoli, F. Lang,
J. Palance, J.-L. Godard
Cette affection réciproque pour le cinéma ou les artistes de l'autre côté du Rhin, quelque soit le point de vue initial, aboutit à une impression d'une infinie proximité entre les deux peuples. Volker Schlöndorff rend un hommage fantastique à la France pour le César remporté en 2015 pour son film Diplomatie mais rappelle que son premier court métrage sur la désertion en Allemagne par des soldats français d'Algérie a été censuré en Allemagne pour ne pas créer un incident diplomatique avec la France. De même, si des collaborations franco-allemandes ont pu être mises en place, y compris et surtout à partir de 1933, avec des coproductions aboutissant à la réalisation de films tournés d'abord en allemand avec un casting allemand puis en français avec un casting français, les auteurs du documentaires montrent combien ce procédé a pu continuer après guerre, notamment avec la RDA, par exemple pour le film Les sorcières de Salem avec Simone Signoret, française et communiste.
C'est enfin le passage de témoin entre deux générations de cinéastes qui s'opère notamment quand Godard réalise Le mépris en 1963 et fait jouer Fritz Lang dans son film pour interpréter son propre rôle!


Montage en split screen des deux fins du film de J. Rouffio
La passante du Sans-Souci
Cinékino n'hésite pas à aborder la thématique du poids du nazisme dans les productions cinématographiques, impliquant de près ou de loin des Allemands. Il est savoureux d'avoir les réactions des spectateurs allemands à la sortie de La grande vadrouille de Gérard Oury en 1966. Margaret Ménégoz, productrice notamment de Michael Haneke, analyse ce rire des Allemands comme une nécessité pour l'acceptation de ce que fut le régime nazi et de la culpabilité collective qui en résultait. Mais cette acceptation est plus problématique quand l'adaptation du livre de Kessel La passante du Sans-Souci connaît une fin différente en France par rapport à celle proposée en Allemagne. En effet, le producteur imposa que le film de Jacques Rouffio sorti en 1982 et dernier film de Romy Schneider, connaisse un happy end en Allemagne quand la version française concluait de fait sur l'existence de mouvements néo-nazis.

Ce documentaire, forme de kaléidoscope cinématographique, correspond donc, de fait, à une forme d'Histoire de l'Europe autour de ces deux piliers, parfois antagonistes, mais dont les deux peuples, et les artistes en particuliers, ressentent une fascination l'un envers l'autre. Cela passe donc par le cinéma, cette culture commune, les cinéphiles français nourris à l'expressionnisme allemand des années 1920, ceux allemands vivant en France bercés par la cinémathèque et la Nouvelle vague. Chacun inspirant l'autre. La venue en France des exilés d'après 1933 renouvela le cinéma français comme celui-ci a pu inspirer avant ou par la suite les réalisateurs allemands. Cette fascination et respect réciproques passe enfin par la volonté des interprètes des deux côtés du Rhin de jouer pour des cinéastes de l'autre pays. En jouant dans la langue du pays du cinéaste. Ce fut vrai pour Romy Schneider, ce l'est également pour Isabelle Huppert qui tourna pour de nombreux cinéastes de langue germanique.

Pour tous les amoureux du cinéma européen, du cinéma allemand et français, et pour tous ceux qui hésiteraient encore à imaginer que la culture est une passerelle évidente entre les peuples, ce documentaire est à voir d'urgence, parce qu'il peut se regarder comme un recueil de poèmes, par touches ou dans son ensemble, ensemble qui donne la cohérence aux deux volets, sans qu'une morale finale ne soit assénée. L'introduction du documentaire se suffisant à elle-même:

"Deux pays, deux langues, un point commun: l'amour du cinéma"...

À bientôt
Lionel Lacour

Cinékino (partie 1 et 2) - Mardi 13 octobre 2015 - 14h15 - Salle 2 Institut Lumière
Billetterie:
Site Festival Lumière
ou par téléphone: 04 78 78 18 95
ou sur les différents points d'achat du festival.



lundi 24 août 2015

"Les aventuriers": vrai film sur l'amitié et la France des Trente glorieuses

Bonjour à tous

en 1967, Robert Enrico réalisait Les aventuriers. Il retrouvait José Giovanni dont il avait adapté le livre pour son film Les grandes gueules (1965) et dans lequel jouait déjà Lino Ventura. Avec Classe tous risques (1960), Avec la peau des autres et Le deuxième souffle (1966) et donc Les grandes gueules, Les aventuriers est la 6ème collaboration entre Ventura et Giovanni. Quant à Alain Delon, c'est la première collaboration avec Giovanni (et pas la dernière) ainsi qu'avec Ventura, avec qui il se lia d'amitié et tourna plus tard, en 1969, Le clan des Siciliens.
Ces présentations rapides servent d'abord à montrer que Les aventuriers constitue un film d'amitié virile forte, de fidélité dans le travail voire dans la vie. Et cela va se ressentir à l'écran. Mais ces liens d'affection ne sont pas factices et le film va au-delà. Au lieu de les montrer, il établit ce qui peut

lundi 17 août 2015

"Le professionnel": une vision de la Françafrique

Bonjour à tous

hier, France 2 diffusait Le professionnel de Georges Lautner. Réalisé en 1981, le film mettait en scène un Jean-Paul Belmondo au sommet du Box office français. Pas son meilleur film, pas les meilleurs dialogues de Audiard - celui-ci ayant plus que traîné les pattes pour écrire scénario et dialogues - mais un film efficace et par certains aspects extrêmement étonnant sur la dénonciation de la politique française vis-à-vis de ses anciennes colonies africaines, alors même qu'il s'agit de l'adaptation du livre de Patrick Alexander Mort d'une bête à la peau fragile, sorti en 1978.

mardi 10 février 2015

Mr Klein: Un travail de mémoire de la France occupée

Bonjour à tous

en 2010, Rose Bosch, réalisatrice de La rafle, prétendait qu'aucun film n'avait montré la rafle du veld'hiv. Au sens propre, elle avait raison. Aucun n'avait reconstitué avec sa minutie cet événement tragique. Mais elle avait juste oublié qu'un autre cinéaste, un vrai celui-là, avait réalisé une œuvre autrement plus puissante que le film lacrymal tourné au XXIème siècle, injonction à choisir son camp et à se déterminer, près de 70 ans après parmi les gentils en vomissant les méchants. Bien plus subtil a été le film de Joseph Losey réalisé en 1976. Mr Klein ne cherche pas l'exactitude à tout crin en ne se gênant pas à faire des entorses à l'Histoire quand la vision de cette période est au final bien plus respectée et nuancée que celle qui fut donc proposée dans La rafle. 
Mr Klein est dans la lignée de ces films qui sont revenus sur le résistancialisme qui avait marqué le cinéma français jusqu'aux années 1960 et qui présentait une vision très binaire de la période de l'occupation. Marcel Ophuls en 1969 avec le documentaire Le Chagrin et la Pitié, Louis Malle en 1974 avec Lacombe Lucien troublaient les Français dans leurs certitudes sur le comportement dans Français pendant la seconde guerre mondiale. Avec Mr Klein, Losey secouait encore un peu plus les spectateurs et ce au-travers d'un personnage double, mais sans double jeu. Une histoire revisitée pour une œuvre magistrale de profondeur.

Bande Annonce:

lundi 29 décembre 2014

West Side Story à l'Auditorium de Lyon en ciné concert: un film classique d'actualité

Ciné-concerts West Side Story à l'Auditorium de LyonBonjour à tous

en cette fin d'année, beaucoup de propositions culturelles s'offrent aux Lyonnais. Celle de l'Institut Lumière est particulièrement exaltante car elle ne s'inscrit pas comme un coup mais bien dans la lignée de plusieurs traditions.

D'abord la promotion du cinéma dit classique. Et à ce titre, la projection du chef-d'œuvre de Robert Wise et Jerome Robbins West side story répond à ce cas de figure.

Ensuite, le soutien au cinéma populaire. Car le cinéma n'est pas que celui vu par quelques cinéphiles mais bien partagé par des millions de spectateurs. Avec West side story, c'est bien le cinéma populaire qui est mis en avant et qui prouve, comme l'aime si bien Thierry Frémaux, directeur de l'Institut Lumière, que le cinéma qui touche les masses peut aussi être exigeant et proposer de véritables œuvres d'auteur.

Encore, la croisée des arts. En proposant un ciné concert, l'Institut Lumière poursuit ce qu'il propose depuis des années, avant même les projections spéciales du festival Lumière. Et quoi de mieux que de redécouvrir la partition de Leonard Bernstein jouée en direct par un orchestre symphonique tandis que les images hollywoodiennes viennent se projeter sur un écran géant. De telles projections permettent de démocratiser l'idée même que d'aller à un concert de musique classique avec des tarifs qui peuvent être élevés encore pour certaines places mais qui débutent malgré tout au tarif de 16 € avec une projection précédée d'un autre spectacle. Quiconque étant allé à l'Auditorium Maurice Ravel sait combien la qualité d'écoute et de projection de la salle permet de profiter au mieux du spectacle, même pour les places les moins onéreuses.

Enfin, le rendez-vous avec l'actualité. Car la projection de West side story s'inscrit à la fois dans un cycle sur la production américaine mais le thème du film est d'un contemporanéité assez singulière, que ce soit avec les événements entre la police américaine et la communauté noire des ces derniers mois, ou avec la marginalisation de certains groupes en France pouvant se sentir rejetés et pas seulement économiquement.

La chanson "America" résume à ce titre assez bien ce qui pouvait se passer aux USA dans les années 1950 - 1960 et qui peut se retrouver en France dans nos banlieues. Les femmes du film veulent s'émanciper de leur culture malgré les contraintes culturelles et religieuses qui pèsent sur elles. Les hommes au contraire rejettent un modèle qui a pu les faire rêver mais qui n'a jamais su ou pu les intégrer, faisant d'eux des victimes (volontaires ou pas) de racisme ou de xénophobie. 
Mieux, le discours des adversaires de Nardo, chantent à qui veut l'entendre que la société est malade de ne pas savoir que faire de ces jeunes qui sont à la fois abandonnés, méprisés et excusés quoi qu'ils fassent. 

Une société ne sachant que faire de sa jeunesse, vivant en bandes s'affrontant, occupant des emplois sous qualifiés, animés par la violence, le rejet des autres communautés et la haine des forces de police. Cela ne rappelle donc rien?

Alors pour voir, revoir ou faire connaître ce film à qui ne l'aurait jamais vu, la liste des séances (entre le 31 décembre 2014 et le 2 janvier 2015) est sur le site de l'Auditorium de Lyon.

À très bientôt
Lionel Lacour



mercredi 24 décembre 2014

Le petit Papa Noël français remercie le cinéma !

Bonjour à tous,

vous la connaissez tous. Cette chanson de Tino Rossi sera encore indétrônable cette année et ce comme depuis près de 70 ans. Mais il faut rappeler qu'elle est issue d'un film de Richard Pottier "Destins" en 1946. Mais elle fut créée en 1944 à Marseille par Lemercier. Un enfant priait pour le retour de son père, prisonnier en Allemagne. La version que vous pourrez entendre ci-dessous est donc celle du film, et elle est légèrement différente (orchestration, nombre de couplets) de celle qui sera ensuite exploitée commercialement et qui sera reprise par de très nombreux artistes.

Si la chanson évoque un personnage clairement identifié, celui-ci n'apparaît pas à l'écran tandis que la crèche est-elle bien présente.

Enfin, il est assez rare de voir des chansons connues par un film français (même si elle a été créée avant) devenir si célèbre que le film en a été oublié. Ce n'est pas le cas par exemple des chansons des Demoiselles de Rochefort pour ne citer que celle-ci.

Enfin, c'est certainement la chanson de Noël la plus célèbre en France, genre de chanson si prisé dans le monde anglo-saxon, rite auquel ont succombé tant d'artistes majeurs (Franck Sinatra notamment) et plutôt déconsidéré dans notre pays.

Et pour se souvenir de cela, voici donc la version originale et remasterisée extraite du film Destins:




À très bientôt et un très joyeux Noël.

Lionel Lacour

lundi 8 décembre 2014

Le cinéma français face aux affaires: une affaire de vocabulaire?

Bonjour à tous

Le cinéma américain est souvent montré comme un relais de Washington, notamment en période de guerre. Ce qui est vrai pour partie. Car s'il est un cinéma qui critique et dénonce les errements de ses dirigeants, ou qui propose une interprétation de l'histoire immédiate du pays, c'est bien celui produit à Hollywood ou ailleurs aux États-Unis. C'est ainsi que des cinéastes ont pu évoquer l'affaire du Watergate (Les hommes du président d'A. J. Pakula, critiquer l'intervention américaine au Vietnam sous différentes formes et à différentes périodes (voir "Les guerres de la guerre froide: INdochine, Corée Vietnam"), railler un candidat à la présidentielle devenu entre temps dirigeant du pays (Primary colors du regretté M. Nichols en 1998), voire dénoncer ouvertement les mensonges d'un gouvernement en place (Farenheit 9/11 de M. Moore en 2004). Ce ne sont que des exemples de ce que la production américaine peut créer allant contre le, les, pouvoir(s) en place, parfois en prenant le risque d'investir dans de tels films.
Pourquoi tant insister sur le cinéma d'outre-atlantique? C'est tout simplement parce que le cinéma français souffre singulièrement de la comparaison. Au regard des affaires, graves ou plus légères, qui ont marqué le pays depuis 40 ans (et ce n'est que pour prendre une période restrainte!), quels sont les films français qui peuvent s'enorgueillir d'avoir mis en cause d'une manière ou d'une autre les protagonistes d'affaires? À vrai dire très peu. Même le cinéma italien, que certains prétendent, sûrement à raison comme moribond, a réussi à faire des films contre Silvio Berlusconi, alors au pouvoir. Quels sont donc les raisons d'une telle retenue du cinéma français?

Le manque de courage?
Cette critique est assez facilement rejetable. Beaucoup de cinéastes, mais aussi de producteurs abordent des sujets dramatiques mettant en cause une situation sociale terrible. En 2009, Philippe Lioret réalisait Welcome montrant combien la question des migrants accueillis dans le Nord de la France pour rejoindre l'Angleterre mettait la France et ses différents gouvernements en situation difficile. De même, Philippe Faucon réalisait en 2012 le film La désintégration évoquant la radicalisation sèche et brutale d'un jeune musulman jusqu'à le conduire à mener un attentat suicide. Réaliser un tel film relevait du courage pur, courage qui aurait peut-être plus difficile à faire valoir après l'affaire Merah, s'étant déroulé seulement quelques semaines après la sortie du film!
L'argument du manque de courage reviendrait également à affirmer que par principe, un Français serait moins courageux qu'un Américain ou qu'un Italien ce qui n'a évidemment aucun sens en soi.
En revanche, si on définit le courage face à la critique, l'argument est peut-être recevable. Mais peut-être que la critique concerne moins les réalisateurs ou producteurs que ceux qui jugent leurs films. Ainsi, si on regarde les cinéastes des années 1960 - 1970 ayant été produits par des Français, on y trouve par exemple des Costa Gavras et des Yves Boisset qui n'ont pas été les derniers à faire des films dénonciateurs. Certes le premier a critiqué la dictature grecque, le stalinisme mais aussi les complots américains au Chili ou ailleurs. Et rien sur la France, si ce n'est sur la seconde guerre mondiale dans Section spéciale en 1975 mais qui évoquait la seconde guerre mondiale. Quant à Boisset, il prit des sujets forts qui pouvaient mettre en défaut la France, notamment lors de la guerre d'Algérie dans L'attentat ou RAS. Par la suite, il s'attaqua à d'autres thèmes sensibles, comme par exemple Le juge Fayard dit le shériff en 1977, reprenant le fait divers de l'assassinat du juge Michel quelques mois avant. Mais finalement lui comme Gavras n'abordèrent pas directement les affaires qui touchèrent les différents gouvernements français. Étonnant? Pas tant que ça. Il faut voir l'accueil de ces films par les critiques. Ils ont souvent été accueillis de manière positive quand il s'agissait de dénoncer l'autre, le méchant: les dictatures militaires, l'impérialisme américain. Elles ont été plus dures quand il s'est agi de s'en prendre au communisme au pouvoir avant la dégringolade idéologique du PCF amorcée dans les années 1970. Quant à s'en prendre aux affaires françaises...

Des exemples peu nombreux de films sur des affaires compromettantes
Longtemps, il a été dit que la guerre d'Algérie n'a pas été traitée au cinéma comme celle du Vietnam a pu l'être aux USA. Il faut dire que les précédents ne manquaient pas de faire reculer ceux qui auraient pu avoir que le début de l'idée d'en faire! La censure en France était d'une efficacité remarquable! Le petit soldat de Jean-Luc Godard fut interdit en France car il y évoquait notamment la torture perpétrée par l'armée française. Le film datait de 1961 et le processus de sortie du conflit était engagé. Mais d'autres films, postérieurs à 1962 ont été tout autant interdits d'écran en France comme par exemple La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo sorti en 1966. Les propos étaient sans équivoques et plaçaient la torture menée par l'armée comme une pratique de guerre non seulement autorisée mais réfléchie par l'état-major. Si le film n'édulcorait pas les agissements du FLN, il n'en fut pas moins interdit de distribution jusqu'à 1970, en encore, dans une version encore amputée de certaines séquences et il a fallu attendre 2004 pour que ce film soit exploité en France dans son intégralité.
Le film Les centurions de Mark Robson évoquait lui aussi en 1966 la guerre d'Algérie pour une partie du récit (la première évoquant la défaite française en Indochine). Lui aussi dénonçait la torture de certains. Et lui aussi se fit descendre par les critiques, au-delà de vraies considérations cinématographiques. On peut alors comprendre combien il était difficile pour des cinéastes français de réaliser des films français sur cette guerre. Ils prenaient le risque de n'être pas distribués après avoir réussi à trouver miraculeusement des producteurs permettant que le film se fasse. Yves Boisset fut parmi ceux-là. Avec L'attentat d'abord et surtout RAS en 1973 qui reçut un succès public étonnant alors que le film fut empêché d'être produits à plusieurs occasions.

D'autres exemples sur cette guerre pourraient être cités. Mais plus récemment, c'est le film de Mathieu Kassovitz de 2011, L'ordre et la morale, qui fut au cœur d'une polémique. En effet, le jeune réalisateur s'attaquait à l'histoire de la prise d'otage à Ouvéa en Nouvelle Calédonie en 1988, alors que des mouvements indépendantistes secouaient l'archipel et que l'élection présidentielle française allait faire s'affronter le président Mitterrand à son premier ministre Chirac. Réalisé 23 ans après les faits, le film se fit assassiner dans les médias par des protagonistes ou des spécialistes de la période. Lors de l'émission Ce soir ou jamais sur France 3 du 14 novembre 2014 durant laquelle Bernard Pons, ministre alors chargé des affaires d'Outre mer critiquait le film tout en reconnaissant ne pas l'avoir vu... mais en ayant lu le scénario!
Pourtant, le film a séduit le public cible et quelques politiques comme Michel Rocard
 comme le prouve ce reportage: La folle journée de Mathieu Kassovitz
Il est d'ailleurs assez étonnant de voir que le passage de l'émission Ce soir ou jamais n'est pas sur Youtube ou Dailymotion et que seul un site russe l'avait mis en ligne mais n'est plus disponible aujourd'hui... En revanche, les propose polémiques de Kassovitz sur le 11 septembre y sont toujours...
Avec une telle campagne médiatique sur un cinéma plus engagé qu'habituellement en France, le film ne fit pas plus que 150 000 spectateurs!

Prendre des chemins détournés
Le cinéma français serait-il donc obligé de ne montrer que des histoires de trentenaires, de quarantenaires et autres tranches d'âges avec leurs problèmes existentiels? Ne peut-on aborder que des grandes causes sociales dont les bons sentiments feront qu'ils seront reçus positivement par la critique ou mieux, par ceux qui donneraient une sorte de label de qualité "bien pensance"? Il est des films dont la qualité esthétique ne devrait même pas être discutée au regard du sujet. Indigènes ou La rafle sont autant de films marqueurs d'une époque. Celle qui impose le devoir de repentance. Car il est bon, parce que facile, de dénoncer les agissements d'un passé lointain. Dénoncer la rafle du vel d'hiv ne risque pas de provoquer une quelconque contestation de l'opinion publique en général, de la force médiatique également. Reprocher le peu d'égards que la France a eu pour ses soldats venus de l'Afrique du Nord lors de la Seconde guerre mondiale est une justice morale mais qui ne trouvera que peu d'échos défavorables dans les médias car critiquer le film serait critiquer le sujet. Ce qui est un vrai scandale du point de vue intellectuel. Mais au moins ces films ont le mérite d'exister mais sur des sujets globalement consensuels car il n'est que quelques extrémistes voire négationnistes à contredire le rôle de la France de Vichy dans la rafle de 1942 et que quelques nostalgiques de la colonisation à ne pas accepter de reconnaître le rôle - qu'il ne faut pas non plus sur-exagérer - de ces fameux "indigènes" dans la libération du pays.

En revanche, quand il s'agit d'évoquer des vrais dysfonctionnements contemporains, des scandales d'État ou des secrets compromettants pour les pouvoirs en place, le cinéma français se voit contraint, pour les raisons exprimées précédemment, de trouver des subterfuges. Si nous faisions la liste de tous les faits divers qui auraient pu donner lieu à des films, il s'avère que très peu se sont trouvés portés à l'écran: les avions renifleurs sous Giscard, l'arrestation des soit-disant espions irlandais ou les écoutes téléphoniques sous Mitterrand, les nombreuses affaires Chirac dont certaines ont abouti tout de même à des condamnations et j'en passe évidemment, dont les nombreux scandales d'affaires ou encore récemment le cas d'un ministre chargé de lutter contre l'évasion fiscale et ...
Le cinéma français souffre donc de cette absence de films sur des sujets sensibles. D'abord du fait des pressions évoquées plus haut. Aussi parce que le marché du cinéma français est surtout un marché domestique. Exporter un film évoquant une affaire franco-française ne risquerait pas d'attirer les spectateurs au-delà. Quand Kubrick réalise Les sentiers de la gloire (voir l'article Les sentiers de la gloire:un travestissement de l'Histoire) dont l'action met en scène l'armée française, le film est d'abord un film destiné au marché américain et il se fiche du marché français. Faire un film sur les emplois fictifs à la mairie de Paris, voire sur les écoutes de Mitterrand, avec des comédiens français dont la majorité est inconnue en dehors de nos frontières n'aurait que peu de chance de toucher des spectateurs étrangers pour compenser ceux perdus de l'hexagone incités à ne ne pas aller voir le film (comme ce fut le cas avec L'ordre et la morale).
Et quand l'affaire judiciaire la plus médiatisée a impliqué un Français, président du FMI et probable candidat à la présidentielle française, il a fallu que ce soit les américains qui adaptent ce fait divers tonitruant en fictions. La télévision d'abord dans un épisode de New York unité spéciale diffusé aux USA dès septembre 2011 (!) et diffusé en France sur TF1 en juillet 2012. Au cinéma ensuite par le réalisateur bel Ferrara dans un film, Welcome to New York projeté hors compétition à Cannes en 2014 et démonté avant même d'avoir été visionné par les critiques. Celles-ci, soutenues par les politiques, dénonçaient l'aspect sordide du film, le côté provocateur et sale de ce qui n'était pas la vérité. Très peu ont suggéré l'absence de production purement française, même s'il faut louer Wild Bunch et Wild Side qui ont produit et distribué le film. Mais qui n'ont pu aller jusqu'au bout puisque le film a été distribué uniquement en VOD. Pour un film d'un cinéaste n'étant pas un inconnu, avec un casting 4 étoiles (Depardieu et Bisset dans les premiers rôles), cette VOD en France ressemble furieusement à une impossibilité de le distribuer en salles. Mais pour quelles raisons? Vu les nombreux films programmés et ne faisant pas recettes, vu le fait que Depardieu se soit engagé à ne pas être payé voire à participer au financement du film, vu le battage médiatique qui pouvait attirer un public suffisant devant le grand écran, l'aspect financier du renoncement à une exploitation commerciale classique n'est pas crédible.

Alors, pour faire des films sur des sujets brûlants, mettant en cause les pouvoirs, politique ou économique, les réalisateurs vont utiliser des subterfuges multiples pour ne pas évoquer directement les noms des protagonistes. Parfois jusqu'au ridicule de l'hypocrisie. Par exemple, dans L'ivresse du pouvoir (cf. L'ivresse du pouvoir de Claude Chabrol), le réalisateur insiste dès le début du film sur l'absence de relation entre l'histoire du film et une affaire mettant en jeu l'ancien PDG de Elf. Or les personnages, le scénario renvoient sans aucun doute à cette affaire, mêlant aux dirigeants d'entreprises incriminés des hommes politiques en fonction lors de l'affaire et encore sous les feux de l'actualité parfois.
En 1984, Francis Girod réalise Le bon plaisir dans lequel un président français aurait un enfant illégitime provoquant un risque d'affaire d'État. Or il s'est avéré que le "vrai" président français en charge à cette époque avait effectivement un enfant illégitime dont les services d'État préservaient le secret. Loin d'être une coïncidence, le film s'appuyait sur un scénario qui révélait ce que le milieu politique et journalistique pouvait connaître mais qu'il était impossible de révéler sous peine de représailles ou de poursuites judiciaires. Le film était d'ailleurs adapté de l'ouvrage de Françoise Giroud, qui se trouvait avoir été journaliste, directrice du magazine Le nouvel observateur et ministre de Giscard d'Estaing. Il est évident qu'elle n'ignorait pas ce secret. En inventant l'histoire d'un président imaginaire, la production, réalisateur y compris, ne pouvait être poursuivi ou menacé car il n'y avait aucune révélation officielle de fait. Le microcosme parisien pouvait alors se délecter du méta-texte au visionnage du film, incompréhensible pour les citoyens ordinaires n'étant pas "initiés". On est donc loin des films américains qui font des révélations soit a posteriori soit pendant le scandale même.
Depuis la disparition de ce même François Mitterrand, des reportages télévisuels ont pu dénoncer certaines pratiques peu scrupuleuses du droit lors de sa présidence, aboutissant à des procès parfois retentissants. Mais le seul film à ce jour sur ce personnage est Le promeneur du champ de mars de Robert Guédiguian, réalisé en 2005, soit 10 ans après le mandat du président Mitterrand et 9 ans après son décès. Et le moins que l'on puisse dire est que la critique est assez absente du propos du film. Comme si le cinéma français s'interdisait encore de reprocher quoi que ce soit à nos élus présidentiels. Et quand on voit ce qu'a subi Mathieu Kassovitz pour L'ordre et la morale, on comprend peut-être mieux les réticences de réalisateurs ou de producteurs de risquer de se faire étriller en amont et lors de la sortie du film. Pourtant la liberté d'expression est possible en France comme l'attestent les nombreux reportages extrêmement acerbes et virulents sur le pouvoir politique, et notamment concernant les deux derniers présidents.

Une production cinématographique trop liée aux subventions?
La grande question est donc de comprendre pourquoi le cinéma se retient là où la presse n'hésite pas à "flinguer" les élus et candidats, créant parfois des affaires ou des scandales inexistants (la photo de François Hollande en voyage officiel au Kazakhstan en étant un symbole flagrant!). Pourtant, la presse est elle aussi financée en partie par des subsides publiques. La pression devrait donc être tout autant forte sur elle que sur le cinéma. Sauf que celui-ci se joue sur bien d'autres tableaux. Un film français bénéficie de subventions publiques, notamment par le CNC et de financements privés liés à l'obligation faite aux chaînes de télévision françaises d'investir dans le cinéma national, sans compter d'autres formes de financement plus complexes encore. Choisir de réaliser un film révélant une affaire ou dénonçant les agissements de certains élus, dont certains auraient été même condamnés relève donc de l'obligation d'affronter plusieurs oppositions possibles. Les subventions publiques sont accordées par des institutions dont les décideurs peuvent avoir été désignés par le monde politique. Selon le principe du courage et du retour d'amabilité, un film pouvant étriller un camp ou un autre pourrait être soumis à pression. Un camp pouvant même finalement empêcher de faire un film sur celui adverse pour se prémunir d'un retour de bâton. Tout ceci n'est que spéculation évidemment. Mais comment expliquer cet apparent manque de courage?
De même, les chaînes de télévision publiques auraient bien des difficultés à financer un film pouvant dénoncer une affaire impliquant un camp politique qui pourrait, un jour ou l'autre, retourner au pouvoir. Et malgré ce qui est affirmé, une chaîne publique est tout de même de près ou de loin sous influence du pouvoir politique... Quant aux chaînes privées, elles sont elles aussi sous pression du pouvoir car l'attribution de leur fréquence est elle aussi soumise à la pression d'institutions en lien plus ou moins direct avec le pouvoir politique.
Les conflits d'intérêts, les relations parfois très serrées entre les pouvoirs politiques, même locaux, et la chaîne de production des films ne permet donc certainement pas d'envisager la réalisation de films un temps soit peu critique à l'égard d'une classe politique qui pourrait se protéger quelque soit le parti ou le clan mis en cause.

Les casseroles, affaires et autres secrets semblent donc avoir des difficultés à être mises à l'écran en France sans risquer de donner la parole à des "experts" souvent de parti pris quand ils ne sont pas des protagonistes de l'affaire, avec toute la subjectivité que cela comporte. En réduisant le cinéma à un DEVOIR de vérité historique, on lui enlève ce qu'il est: un art! Et un art ne s'embarrasse pas de la vérité historique car le cinéaste n'est pas et ne peut être un historien. Il doit apporter sa sensibilité à la perception d'un événement, d'une situation donnée. Il peut se nourrir de faits avérés et les compléter en donnant sa version aux "vides" de l'information ou en choisissant des ellipses. Mais surtout il doit être libre de toute influence politique quand il veut réaliser un film sur des affaires politiques ou financières. Quand doit sortir le film sur l'affaire Cahuzac? Il y a pourtant un sujet fort, non? Et sur l'affaire Clearstream? Non? Toujours rien?
S'il est difficile de produire des films de ce genre aux USA, ils existent malgré tout. Ce qui n'est pas le cas en France. Au risque de se faire détruire. Et comme l'argument du manque de courage ne tient pas, c'est qu'il doit y avoir une autre raison. Celle d'un art qui bénéficie du soutien public, force d'un certain point de vue pour permettre la diversité de la production, mais faiblesse quand il s'agit de traiter des sujets sensibles mettant en cause le monde politique.

À bientôt
Lionel Lacour


mercredi 19 novembre 2014

"La grande illusion" ou l'ambiguïté permanente

Bonjour à tous

1937, Jean Renoir réalise certainement son plus grand film. La grande illusion fait partie de ces œuvres qui ont une modernité permanente. Le scénario, le rythme, le jeu des acteurs (si on excepte Carette dont le phrasé est vraiment marqué "années 30"!), tout concourt à faire de ce long métrage un objet cinématographique indémodable. À sa sortie, l'enthousiasme est quasiment unanime. De l'extrême droite à l'extrême gauche, tous voient dans La grande illusion LE chef-d'œuvre. Et il faut reconnaître que le scénario de Charles Spaak et de Jean Renoir et la maîtrise de la mise en scène du réalisateur sont autant d'éléments qui viennent confirmer objectivement la qualité du film. Cependant, le film recèle quelques ambiguïtés dérangeantes.

Bande annonce:


dimanche 2 novembre 2014

"Le corniaud": la France des Trente glorieuse

Bonjour à tous

Le corniaud, réalisé par Gérard Oury en 1965, réunit deux acteurs majeurs de la comédie française. S'ils avaient déjà travaillé ensemble, notamment dans La traversée de Paris, c'est la première fois qu'ils tiennent la vedette à part quasi égale dans un film dont le succès entraînera la production de La grande vadrouille l'année suivante. Le corniaud plonge d'emblée le spectateur dans une atmosphère coutumière, celle du départ en vacances. Et malgré les aventures rocambolesques du héros, Antoine Maréchal (Bourvil), tout le film va rester dans ce registre. Seul Léolpold Saroyan (incroyable Louis de Funès) semble s'éloigner du Français moyen tel que se l'imaginaient les spectateurs de 1965.

Bande annonce:



La société de consommation
Une 2 CV, des bagages, quitter Paris pour des vacances en Italie. La première séquence est une sorte de constat d'évidence. Les Français ont vu

jeudi 11 septembre 2014

"3 cœurs", un mélodrame anachronique

Bonjour à tous,

Avec 3 cœurs, qui sortira en France le 17 septembre prochain, Benoît Jacquot réalise un nouveau film sur une trame amoureuse dramatique avec un casting top niveau avec Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg, Chiara Mastroianni et la grande Catherine Deneuve. Coproduction Rhône-Alpes Cinéma, l'action se partage d'abord entre Valence et Paris pour se concentrer sur Valence, et, hors champ en quelque sorte, les USA.
Thriller mélodramatique, Jacquot insiste sur le rôle de la musique soulignant, ou plutôt surlignant les moments de tension qui ne manquent pas. Pour résumer, Marc (Benoît Poelvoorde) erre un soir à Valence pour avoir manqué son train. Il rencontre Sylvie (Charlotte Gainsbourg) et tous deux tombent follement amoureux. Après une nuit dont on ne saura rien, ils se séparent sur le quai d'une gare, se donnent rendez-vous à Paris sans connaître ni leur nom ni se donner leur téléphone. Ce rendez-vous n'aboutit pas - je préserve ici le scénario sur les raisons de cet échec - et Marc retourne à Valence. Il n'y retrouve par Sylvie mais Sophie (Chiara Mastroianni) dont il tombe amoureux. Mais Sylvie est la sœur de Sophie. Le spectateur le sait, mais aucun des trois protagonistes ne sait qui est le troisième larron. Cette base scénaristique est originale au cinéma mais comme le dit Benoît Jacquot, elle est assez proche d'une trame dramatique d'opéra, et, quoiqu'il s'en défende, d'un drame antique. Et c'est là que l'anachronisme s'invite dans le traitement du film...

Bande Annonce:

vendredi 5 septembre 2014

"Bon rétablissement" de Jean Becker: le temps qui passe...

Bonjour à tous

Le dernier film de Jean Becker sortira en France le 17 septembre 2014. 5ème collaboration avec Rhône-Alpes Cinéma, ce film bénéficie d'un casting très hétéroclite, avec des valeurs plus que confirmées (Gérard Lanvin et Jean-Pierre Darroussin), d'autres qui s'affirment (Fred Testot et Claudia Tagbo) et enfin certains qui viennent d'ailleurs (Maurane, Daniel Guichard et Anne-Sophie Lapix). Si le film Hippocrate propose un point de vue de l'hôpital du côté des médecins, le film de Becker se place lui de celui de l'hospitalisé. Et consciemment, et inconsciemment aussi, Becker raconte plus un film sur le temps qui passe... pas toujours bien d'ailleurs, ce que le titre du film évoque d'ailleurs de fait: Bon rétablissement indique implicitement une notion de temps.



mardi 2 septembre 2014

"Lucie Aubrac" pour les 70 ans de la libération de Lyon

Bonjour à tous

À l'occasion des 70 ans de la libération de Lyon, l'Institut Lumière propose le jeudi 4 septembre à 20h30 à la salle du Hangar une projection exceptionnelle de Lucie Aubrac, le film de Claude Berri réalisé en 1996 et co-produit par Rhône-Alpes Cinéma.

Ce film fut l'occasion de redécouvrir cette histoire d'amour entre Lucie et celui qu'elle allait épouser, Raymond Aubrac. Entièrement tourné à Lyon avec une qualité de reconstitution très minutieuse, le film a permis de découvrir cette géographie de la capitale des Gaules et de la Résistance, mettant en scène les incroyables solutions trouvées pour échapper à la Gestapo ou pour faire s'évader des prisonniers de Klaus Barbie. Les spectateurs retrouveront la prison Montluc où fut emprisonné Jean Moulin, mais aussi la place des Terreaux, la Montée de l’Observance, le quartier de la Préfecture, le Parc de la Tête d’Or et d'autres lieux fréquentés par les Résistants. La qualité de la reconstitution passe également par la possibilité qui fut offerte d'utiliser du matériel d'origine et conservé comme par exemple les tramways, conduits par de véritables conducteurs des transports en commun... de 1996! Même la ficelle montant vers la Cx Rousse est bien de Lyon. Mais la ligne n'existant plus, c'est celle montant sur l'autre colline, celle de Fourvière, qui fut utilisée dans le film, petite entorse à la vérité. 

Si Simone Signoret, (qui fut véritablement l'élève de Lucie Aubrac!) avait incarné Mathilde, sorte d'alter ego de Lucie dans L'armée des ombres, c'est Carole Bouquet qui interpréta le rôle de la résistante lyonnaise. 
Réalisé par Claude Berri que la période a forcément marqué de par le fait qu'il dut se cacher pendant la guerre en tant que juif (cela donna Le vieil homme et l'enfant, film autobiographique) le film permet de retrouver derrière cette histoire romanesque la grande Histoire et ses personnages qui constituent aujourd'hui encore des références pour la République, à commencer par Jean Moulin incarné par Patrice Chéreau. 

La projection de ce film permettra bien sûr de revenir sur cette histoire majeure de cette période qui a vu Raymond Aubrac, joué par Daniel Auteuil, arrêté à Caluire le 21 juin 1943 ainsi que Jean Moulin.  
Jean-Dominique Durant, historien et adjoint au Maire de Lyon, accompagnera alors la séance, permettant de revenir sur le destin incroyable de cette femme qui devint une figure essentielle de la Résistance en France et qui sut transmettre jusqu'à son dernier souffle en 2007 la mémoire de cette période aux plus jeunes, témoignant dans les écoles, collèges et lycées de France de ce que fut son engagement.
La soirée sera précédée d’images d’archives tournées lors de la libération de Lyon.

Lucie Aubrac, Claude Berri, 1996
jeudi 4 septembre, 20h30 , Institut Lumière - Salle du Hangar, 25 rue du Premier Film, Lyon 8ème
Réservations:
téléphone: 04 78 78 18 95
ou par internet: www.institut-lumiere.org

À très bientôt
Lionel Lacour

dimanche 31 août 2014

"Les combattants": les angoisses de la jeunesse à l'écran

 Bonjour à tous,

Très remarqué lors du Festival de Cannes à la Quinzaine des réalisateurs en 2014, le film Les combattants de Thomas Cailley a été extrêmement bien accueilli par la critique et les festivaliers. Sa sortie au mois d'Août était attendue mais pouvait ne pas rencontrer le succès public. Il n'en est rien et il fait partie des bonnes surprises, même si annoncée, du cinéma français cet été quand tant de blockbusters américains ont pu décevoir.




lundi 25 août 2014

"La vie et rien d'autre": 100 ans de Première guerre mondiale au cinéma

Bonjour à tous

en 1989, tandis que la France allait célébrer le bicentenaire de la Révolution française, Bertrand Tavernier s'attaquait pour la première fois à la Grande Guerre (il y reviendra quelques années après avec Capitaine Conan) dans La vie et rien d'autre, les deux d'ailleurs scénarisés par Jean Cosmos. Mais son film ne retrace pas les moments glorieux du conflit mais les conséquences de cette boucherie industrielle. En commençant l'action en 1920, la question qui se pose n'est donc pas le suspense sur la victoire ou sur une attaque de tranchée quelconque mais sur ce qu'est la France au lendemain du conflit le plus meurtrier qu'elle ait connu alors. Et si le film évoque les morts, les centaines de milliers de morts, Tavernier insiste en fait davantage sur la place des vivants, de tous les vivants. L'angle est original et quand la France s'apprête à célébrer l'abolition des privilèges et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le réalisateur lui plonge sa caméra dans une autre mythologie de la République triomphante, le soldat inconnu, en écornant au passage tous les profiteurs de guerre.