mercredi 17 décembre 2014

Vive le tour: Louis Malle et Bernard Hinault au Festival Cinéma Sport et Littérature

Bonjour à tous

Le programme du 2ème festival Cinéma Sport et Littérature ne cesse de s'étoffer. Et l'ouverture le jeudi 8 janvier marquée par la présence de Jean-Claude Killy (voir à ce sujet l'article Jean-Claude Killy pour l'ouverture du festival Cinéma Sport et Littérature) débutera d'abord par un court métrage d'un des grands cinéastes français Louis Malle.

En 1962, il s'est déjà taillé une réputation de cinéaste de fiction avec notamment Ascenseur pour l'échafaud (1958) ou Zazie dans le métro (1960). Mais il est également un documentariste hors pair, qui plus est oscarisé avec Le monde du silence co-réalisé en 1956 avec le Commandant Cousteau.
En 1962, il suit donc le 49ème tour de France qui voyait le grand Jacques Anquetil être le grand favori d'une épreuve qu'il avait déjà remportée 2 fois. Il y trouvera son meilleur adversaire en la personne de Raymond Poulidor qui allait débuter la compétition la main plâtrée! À une époque où les étapes n'étaient pas couvertes par la télévision comme elles le sont aujourd'hui, où les analyses ne se faisaient pas en direct et le plus souvent par des journalistes dont la plume de certains valait celle des meilleurs écrivains, le témoignage d'un cinéaste sur la compétition la plus prestigieuse du cyclisme ne pouvait que réjouir les spectateurs. D'autant que, plus que pour bien des sports, le cyclisme permet de voir s'affronter des individus aux caractères bien trempés, sympathiques ou antipathiques selon ses préférences, mêlés à des équipes aux tactiques pas toujours claires, et dans une opposition magiquement séquencée par les étapes, de plat ou de montagne, en ligne ou en contre la montre, permettant tous les rebondissements scénaristiques et donc toutes les possibilités de dramaturgie que la mise en scène, le montage ou encore la musique peuvent sublimer.

Ce documentaire en forme de happening de 18 minutes sera accompagné de la présence exceptionnelle d'un autre grand champion cycliste, le seul autre français à avoir remporté 5 éditions de la grande boucle. Ainsi, après la légende de Merckx le cannibale en 2014, ce sera à une autre gloire d'honorer de sa présence le festival. "Le blaireau" Bernard Hinault viendra donc commenter avec Thierry Frémaux ce documentaire évoquant son illustre prédécesseur, lui qui régna sur le tour de 1978 à 1986, avec 5 titres et 2 deuxièmes places, et qui s'implique encore aujourd'hui dans l'organisation de l'épreuve.

Parce que la volonté de Thierry Frémaux est de rapprocher tous les univers, cette séance aura donc lieu le jeudi 8 janvier à 18h45, précédant celle de 21h en présence de Jean-Claude Killy: cyclisme, ski, Louis Malle, Claude Lelouch, Hinault et Killy, ça en fait du beau monde! Et il est fort à parier que d'autres invités prestigieux seront présents dans la salle!

Et pour en profiter encore un peu plus, un temps sera accordé pour une rencontre avec le public et signature dans le hangar entre les deux séances.

Informations pratiques
tous renseignements sur www.institut-lumiere.org
ou par téléphone: 04 78 78 18 95
lieu: Institut Lumière - salle du Hangar - Rue du Premier Film - Lyon 8ème
5 € - gratuit pour ceux ayant leur billet de 21h.
ATTENTION: réservation obligatoire, même pour ceux ayant le billet de 21h.

À très bientôt
Lionel Lacour



vendredi 12 décembre 2014

"Foxcatcher" au festival Cinéma Sport et Littérature 2015

Bonjour à tous,

À l'occasion de la 2ème édition du festival Cinéma, Sport et Littérature (8 - 11 janvier 2015) sera projetée l'avant-première du film Foxcatcher de Bennett Miller, récompensé du Prix de la mise en scène au festival de Cannes 2014. 

Histoire vraie entre un riche héritier John du Pont (Steve Carell) et deux champions olympiques américains de lutte à Los Angeles (1984), Mark (Channing Tatum) et Dave Schultz (Mark Ruffalo), le premier proposant aux deux autres de leur offrir les conditions idéales pour s'entraîner dans l'objectif de décrocher l'or aux jeux olympiques de Séoul en 1988.

Encensé par la critique, le film montre combien les relations entre pouvoir économique et sport existent et ce dans tous les sports. Un jeu de dupe entre tous les personnages où chacun pense pouvoir tirer profit au mieux de la situation.

À une échelle plus petite, et moins coûteuse, il y a derrière cette histoire ce piment qui fait que le sport attire le regard des puissants qui voient dans les champions ce qu'ils ne pourront jamais être et qu'ils pensent cependant pouvoir acheter. Être champion, souffrir pour vivre l'adrénaline de la victoire sportive, la concrétisation des sacrifices par l'obtention d'un titre planétaire ne peut être vécu par les protagonistes. Mais le personnage de du Pont pense pouvoir éprouver ces émotions par substitution. Inversement, la gloire du sportif est éphémère et la quête de ce qui leur manque le plus, reconnaissance et fortune, conduit certains à accepter des propositions qui leur sont faites qui combleraient cette quête mais qui les détourneraient de leurs véritables objectifs. 

Le sujet porte donc sur la lutte mais pourrait être transposé sur n'importe quel autre sport dont certains milliardaires se seraient entichés pour briller autant que ceux qu'ils prétendent financer. Sans aller bien loin, il suffit de regarder le comportement des dirigeants russes ou qataris s'étant offert des clubs de football (en Angleterre, en France...) pour comprendre que Foxcatcher est une parabole sur les relations entre champions et puissants.


La séance aura lieu le dimanche 11 janvier 2015 à 14h30 à l'Institut Lumière. 

Pour tout renseignement: www.institut-lumiere.org
ou par téléphone: 04 78 78 18 95

À bientôt
Lionel Lacour

mercredi 10 décembre 2014

Charlot soldat: la contribution de Chaplin à l'effort de guerre

Bonjour à tous,

En 1918, Chaplin réalise Shoulder arms traduit en français par Charlot soldat. Sorti le 20 octobre 1918, le film ne servira donc que très peu pour l'effort de guerre puisque l'armistice allait être proclamée 3 semaines plus tard. Pourtant, Charlot soldat n'en marque pas moins un vrai effort de la part de son réalisateur pour soutenir les troupes américaines, et au-delà, les troupes alliées, pendant le conflit qui les opposait à l'Allemagne notamment.
Il faut dire que Chaplin ne fut pas ménagé par certains, lui reprochant de s'enrichir tandis que d'autres combattaient. Peu importe qu'il ait été jugé trop chétif pour être enrôlé, qu'il donne de son temps et de sa personne pour une tournée de un mois aux USA afin de récolter des fonds par l'achat d'obligations pour financer la guerre auprès des Américains. De même, l'ambassadeur britannique aux USA pouvait bien affirmer que Chaplin servait davantage la cause alliée en gagnant beaucoup d'argent et donc en payant des impôts et en achetant ces mêmes obligations, une bonne partie ne voyait dans le comédien que celui qui avait obtenu un contrat d'un million de dollars, une somme considérable pour l'époque, pour la réalisation de 8 films pour la First National, la société de production avec laquelle il était désormais lié.
C'est ainsi que Chaplin réalisa Charlot soldat afin de soutenir l'effort de guerre, quitte à risquer de choquer en utilisant la comédie pour évoquer une guerre particulièrement sauvage et meurtrière.



I.                 Un film de commande? Les éléments de la propagande

Dès le début du film, Chaplin propose donc des séquences mêlant à la fois le thème et le genre. Le thème est la guerre et cela passe par l'instruction au combat afin de préparer les recrues aux batailles à venir. Le genre est la comédie, avec le personnage joué par Chaplin lui-même que tous les spectateurs reconnaissent évidemment. Il ressemble au vagabond: moustache, dégaine. Mais il est une recrue parmi les autres, à ceci près que sa démarche caractéristique l'empêche de bien marcher au pas. Après un maniement d'armes difficiles, c'est donc dans les déplacements des troupes que Chaplin fait rire les spectateurs. Ces premiers gags ne sont pas anodins. Chacun d'eux dans cette première séquence donne une information liée à la guerre. S'y préparer, s'est savoir se servir des armes, apprendre à respecter son rang lors des déplacements, c'est savoir obéir au supérieur.

De fait, Charlot soldat n'est pas l'histoire ordinaire de son personnage fétiche. Il s'agit bien d'évoquer la guerre par le prisme d'un combattant ordinaire. Si bien que Chaplin manie l'ellipse brutale qui conduit son héros du camp d'entraînement à la tranchée. Désormais, le héros, désigné par son matricule... n°13 (!), est paré pour le combat avec un paquetage volumineux. La tranchée (construite dans les studios qui ont été mis à disposition par la société de production) est particulièrement réaliste: étayage, sacs de sable pour se protéger, planches au sol pour limiter la boue... Et dans cette réplique de tranchée, les soldats évoluent tels que l'imagine Chaplin.
À nouveau, les gags servent de filtre pour évoquer la réalité de la guerre, sans pour autant la moquer ou la tourner en dérision. N°13 se promène avec une tapette à souris sur son ventre, c'est pour mieux signifier que les tranchées sont infestées de rongeurs. Quand il accroche une rappe à fromage sur le montant de ce qui lui servira de chambre, creusée sous la tranchée, cela implique que le soldat doit à la fois apporter ses ustensiles pour manger, mais, en se frottant le dos contre cette même rappe, il indique qu'en plus des rats, les soldats doivent affronter aussi les parasites comme les puces ou les poux.
Par la maîtrise du langage cinématographique balbutiant encore, Chaplin permet de dédramatiser la guerre sans en effacer la dure réalité. Si son personnage est au premier plan, livrant des moments de fantaisie, l'arrière plan est toujours plus sérieux, des soldats se préparant au combat aux obus éclatant à proximité de la tranchée. La maîtrise de ce discours cinématographique lui sert notamment aussi lorsqu'il s'agit de désigner l'ennemi. Quand celui-ci apparaît pour la première fois à l'écran, il est Les croix de bois en 1931 ou Stanley Kubrick dans Les sentiers de la gloire cf. mon article à ce sujet Les sentiers de la gloire: un travestissement de l'Histoire?).
d'abord accompagné par une musique plus martiale, plus grave. Ensuite, les soldats allemands ressemblent à des géants tandis que leur supérieur est un être à la fois petit, nerveux et brutal, n'hésitant pas à martyriser les grands nigauds qui apparaissent finalement peu antipathiques et davantage contraints à se battre que des ennemis barbares. Ce qui n'est pas le cas de leur chef! Quant à leur positionnement dans la tranchée, Chaplin utilise l'écran comme une carte de géographie avec le nord pointé en haut. Les Américains attaquent de la gauche vers la droite, donc de l'Ouest vers l'Est, et les Allemands de la droite vers la gauche, soit de l'Est vers l'Ouest. Par ce choix de mise en scène, les spectateurs savent automatiquement qui sont les gentils des méchants, puisque le positionnement des belligérants à l'écran respecte la réalité géographique (changer cette représentation brouille de fait les message, comme a pu le faire Raymond Bernard dans
C'est aussi dans les relations entre les soldats et les officiers que le message de Chaplin propose une interprétation des idéologies des deux camps. Le soldat américain, bien qu'encadré, est montré finalement comme plus libre de ses mouvements, avec une certaine capacité d'improvisation, une autonomie et une certaine reconnaissance - mesurée - de la part de ses supérieurs. Les Américains font prisonniers leurs ennemis. Au contraire, les Allemands vus par Chaplin sont décrits comme étant organisés de manière très hiérarchisée, le chef étant omnipotent, les soldats beaucoup plus soumis. Et surtout, les Américains faits prisonniers sont mis immédiatement sur un poteau d'exécution. 

À première lecture, Charlot soldat ressemble donc à s'y méprendre à une œuvre de commande, mettant en place une grammaire cinématographique de propagande efficace valorisant l'idéal américain ou occidental et dénonçant l'autoritarisme et le côté brutal du Reich. Mais derrière ce discours de soutien, Chaplin en profite pour aller plus loin que le simple récit opposant deux conceptions de société, de pouvoir.

II.               La guerre : derrière l’humour, la réalité

En moins d'une heure, le réalisateur brosse un état des lieux de la guerre sans en esquiver les dures réalités, mais en les parant de son humour.
C'est d'abord une vision de la vie dans les tranchées. Comme dit plus haut, chaque gag masque une situation réelle. Ainsi, lors de la distribution de courrier venant de l'Arrière, n°13 ne reçoit rien tandis que ses compagnons récupèrent des lettres ou des colis de nourriture. N°13 lit alors le courrier d'un des soldats derrière son épaule. En réagissant simultanément à ce qui est écrit, c'est à la fois drôle (puisque cette lettre ne lui est pas destinée!) et on comprend le fait que lire des nouvelles de ce qui se passe ailleurs qu'au front est un soutien inestimable. La réaction énervée du soldat à l'égard de n°13 témoigne aussi du manque d'intimité des troupes dans les tranchées.





 Quand le héros reçoit enfin des colis alimentaires, ceux-ci sont périmés. Dans un triple gag, Chaplin arrive à donner en rafale plusieurs informations. C'est d'abord la réception d'un camembert très odoriférant, preuve de la durée de livraison des colis. Sa réaction spontanée est de se protéger d'un masque à gaz, démonstration de l'utilisation des gaz pendant la guerre pour détruire les troupes ennemies. Enfin, quand il lance le dit camembert pour s'en débarrasser en direction de l'Est, le petit chef teigneux allemand le reçoit en pleine figure, preuve de l'extrême proximité des tranchées ennemies!








Cet état de fait apparaît plus tard quand n°13 décide d'ouvrir une bouteille de vin alors qu'il n'a pas de tire-bouchons. En levant la bouteille au-dessus du niveau de la tranchée, il provoque le tir automatique des ennemis dont une balle casse le goulot, permettant alors de servir le vin!
Cette vie dans les tranchées est aussi marquée par l'extrême humidité. Chaplin développe jusqu'à l'absurde cette condition de survie en inondant la "chambre troglodyte" dans laquelle doivent dormir plusieurs soldats. Une succession de gags absurdes permet de voir dans quel situation inconfortable se trouvent les soldats pendant la guerre, devant affronter le climat, les parasites et la promiscuité autant que l'ennemi à attaquer.



Car Chaplin n'en oublie pas l'objet de cette concentration de soldat dans la tranchée. Leur présence est liée à la nécessité de combattre les Allemands. C'est d'abord une attaque de tranchée marquée par une attente longue. Le temps semble important. L'officier regarde sa montre pour attaquer à une heure précise, celle du déclenchement de l'artillerie. N°13 réagit soit par courage, puis peur, superstition, héroïsme, patriotisme ou encore par obligation. L'attaque est montrée comme soudaine et extrêmement dangereuse, n°13 grimpant à l'échelle en premier puis en redescendant quand il se rend compte que ceux d'en face, forcément très près d'eux, ripostent déjà!
Une autre séquence montre que l'attaque de l'ennemi peut se faire de tranchée à tranchée par tir de fusil. Là encore, Chaplin montre par un gag l'extrême mortalité de ce conflit. Tirant vers la droite (l'Est), protégé par les sacs de sable, n°13 marque par un trait de craie chaque ennemi tué. Or en quelques secondes, il trace plusieurs marques, preuve encore de l'aspect sanglant de cette guerre.
C'est enfin l'attaque au-delà des tranchées ennemies que Chaplin montre, avec des missions annoncées comme suicidaire mais nécessaire pour le sort de la guerre. C'est bien le caractère sacrificiel que le réalisateur veut présenter aux spectateurs avec des soldats envoyés à une mort certaine. 
Chaplin use encore du gag pour décrire les subterfuges utilisés par les soldats pour s'introduire dans le camp ennemi. Si n°13 est drôle déguisé en arbre, son compagnon est lui dans un registre plus sérieux. Arrêté alors qu'il se cache et communique des informations à son état-major par télégraphe, son arrestation n'a rien de comique. Mais Chaplin réussit à faire se téléscoper le sort des deux soldats américains, aboutissant à une évasion comique des deux larrons.

Chaplin insiste enfin sur l'effet de la guerre sur l'environnement humain. En se réfugiant dans une maison, le spectateur réalise alors combien les bombardements sont destructeurs. Toujours par les gags, n'°13 détourne l'attention d'un triste constat. Se cachant dans une maison, celle-ci est éventrée de part en part et les murs et cloisons ont presque tous disparus si bien que les portes et fenêtres ne semblent plus servir à grand chose. Pourtant n°13 les ouvre et les ferme comme si elles le protégeaient effectivement! Il en va de même pour les soldats allemands à sa poursuite. Derrière ces gags, c'est bien la destruction massive des villes et maisons provoquée par les bombardements que Chaplin évoque dans cette séquence. Cette déshumanisation du territoire par la destruction du bâti rend tout aussi terrible la guerre puisque ce sont les hommes et femmes qui y vivaient qui en sont victimes, soit par leur mort, soit par leur départ forcé.


III.             Un vrai film de Chaplin

En s'appesantissant sur la réalité territoriale de la guerre et par la destruction des villes, Chaplin rappelle quel réalisateur il a toujours été. En fait dès le début du film, Chaplin propose de nuancer sa vision de la guerre, refusant le manichéisme.
Par exemple, tous les Allemands ne sont pas ses ennemis. Lorsque le héros réussit à "encercler" la tranchée et fait prisonnier les soldats allemands, il ne les traite pas avec violence mais leur propose au contraire des cigarettes. Ce geste correspond à la prise en compte par n°13 du fait que ces soldats font la même guerre que ceux des tranchées alliées et qu'ils sont eux aussi des gens du peuple. Seul le chef refuse avec morgue cette cigarette qui lui est aussi offerte. La violence de n°13 est alors comique mais réelle.

Pour Chaplin, une histoire humaine est aussi une histoire d'amour. Et l'apparition d'une fille française (Edna Purviance) vient comme une sorte de respiration dans ce film jusqu'alors intégralement concentré sur la guerre. Évidemment, Chaplin crée une romance entre son personnage et cette française. Et le réalisateur de montrer que la guerre, c'est aussi la découverte de l'autre, la force des sentiments parfois violents au-delà des mots (King Vidor, dans La grande parade, développera une histoire d'amour similaire entre un soldat américain et une française). Mais rapidement, l'histoire de cœur va coïncider à un autre fait de guerre. Les deux tourtereaux sont faits prisonniers. Loin d'être une potiche, le jeune femme va participer à leur évasion et à la capture du Kaiser (rien que ça!). En apportant ce personnage féminin, inutile en soi dans la narration, Chaplin touche d'autres spectateurs mais aussi d'autres émotions. Le message est extrêmement humaniste. La guerre n'est pas seulement l'affrontement entre des nations ennemies, c'est aussi l'occasion de faire valoir son idéologie. Et celle qui anime Chaplin est manifestement une idéologie non nationaliste. Son comportement avec les soldats allemands faits prisonniers en atteste. Son histoire d'amour avec une française le confirme. C'est une vision extrêmement romantique, mais au sens originel du terme. Le héros de Charlot soldat est un personnage prêt à mourir pour qu'on puisse continuer à aimer qui bon nous semble.

Mais c'est surtout dans la séquence de fin que le message de Chaplin se cristallise. En faisant prisonnier l'empereur. Cet acte héroïque est célébré comme il se doit par les troupes américaines. L'empereur se voit "amputé" d'une médaille qui est aussitôt donnée à un soldat américain. Symboliquement, ce n'est pas tant l'empereur qui est déchu, c'est plutôt l'idée que l'idée d'une hiérarchie entre les hommes n'a pas lieu d'être, avec un soldat américain pouvant être l'égal d'un dirigeant d'un pays.
Surtout, Chaplin insiste sur une notion toute américaine. La caractéristique de ce pays est souvent présentée comme individualiste. Or, ce que rappelle Chaplin est que cet individualisme se fait dans le cadre du sentiment d'appartenance à une communauté, celle américaine. Il y rajoute un élément important. Le film n'est pas l'apologie du pacifisme car il montre que, parfois, hélas, la guerre est nécessaire. Mais en éliminant, par la capture et non par la mort, le chef du camp ennemi, son héros met fin à la guerre. D'où son
carton (presque) final "Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté"!
Un "twist" que je ne révélerai pas ici conclut le film et vient confirmer cet espoir de Chaplin dans une fin de guerre proche. Cette séquence peut être comprise de deux manières: patriotique, avec la nécessité d'envoyer des soldats pour mettre fin à la guerre; pacifiste, avec la nécessité de préserver ses forces vives plutôt que de les envoyer vers le cauchemar d'une guerre qui n'est drôle qu'en apparence et dans le film, mais qui est destructrice et meurtrière, comme le montre aussi le film!



Sorti le 20 octobre 1918, Chaplin ne pensait certainement pas que son appel à la paix allait si vite aboutir! Extrêmement bien reçu par la critique et le public à sa sortie, c'est surtout l'appréciation positive de son film par les vétérans qui allait toucher Chaplin. Charlot soldat va être considéré pendant plusieurs années comme le meilleur film de son réalisateur. Celui-ci reviendra à la Première guerre mondiale en 1940 dans Le dictateur. Si le film évoque la prise de pouvoir d'un ersatz de Hitler (Hynkel) dans un pays imaginaire (la Tomainie), il commence par des séquences renvoyant à la Grande guerre. Son personnage de n°13 était américain. Mais on le retrouve presque à l'identique en 1940 mais du côté adverse. Mais son idéal n'a en rien changé. Le discours final du Dictateur prononcé par le héros, sorte de n°13 bis et sosie de Hynkel, ne dit pas grand chose de différent du carton final de Charlot soldat. Sauf que ce dernier annonçait la fin d'une guerre, alors que Le dictateur n'a pu empêcher la seconde guerre mondiale. 

À bientôt
Lionel Lacour

lundi 8 décembre 2014

Le cinéma français face aux affaires: une affaire de vocabulaire?

Bonjour à tous

Le cinéma américain est souvent montré comme un relais de Washington, notamment en période de guerre. Ce qui est vrai pour partie. Car s'il est un cinéma qui critique et dénonce les errements de ses dirigeants, ou qui propose une interprétation de l'histoire immédiate du pays, c'est bien celui produit à Hollywood ou ailleurs aux États-Unis. C'est ainsi que des cinéastes ont pu évoquer l'affaire du Watergate (Les hommes du président d'A. J. Pakula, critiquer l'intervention américaine au Vietnam sous différentes formes et à différentes périodes (voir "Les guerres de la guerre froide: INdochine, Corée Vietnam"), railler un candidat à la présidentielle devenu entre temps dirigeant du pays (Primary colors du regretté M. Nichols en 1998), voire dénoncer ouvertement les mensonges d'un gouvernement en place (Farenheit 9/11 de M. Moore en 2004). Ce ne sont que des exemples de ce que la production américaine peut créer allant contre le, les, pouvoir(s) en place, parfois en prenant le risque d'investir dans de tels films.
Pourquoi tant insister sur le cinéma d'outre-atlantique? C'est tout simplement parce que le cinéma français souffre singulièrement de la comparaison. Au regard des affaires, graves ou plus légères, qui ont marqué le pays depuis 40 ans (et ce n'est que pour prendre une période restrainte!), quels sont les films français qui peuvent s'enorgueillir d'avoir mis en cause d'une manière ou d'une autre les protagonistes d'affaires? À vrai dire très peu. Même le cinéma italien, que certains prétendent, sûrement à raison comme moribond, a réussi à faire des films contre Silvio Berlusconi, alors au pouvoir. Quels sont donc les raisons d'une telle retenue du cinéma français?

Le manque de courage?
Cette critique est assez facilement rejetable. Beaucoup de cinéastes, mais aussi de producteurs abordent des sujets dramatiques mettant en cause une situation sociale terrible. En 2009, Philippe Lioret réalisait Welcome montrant combien la question des migrants accueillis dans le Nord de la France pour rejoindre l'Angleterre mettait la France et ses différents gouvernements en situation difficile. De même, Philippe Faucon réalisait en 2012 le film La désintégration évoquant la radicalisation sèche et brutale d'un jeune musulman jusqu'à le conduire à mener un attentat suicide. Réaliser un tel film relevait du courage pur, courage qui aurait peut-être plus difficile à faire valoir après l'affaire Merah, s'étant déroulé seulement quelques semaines après la sortie du film!
L'argument du manque de courage reviendrait également à affirmer que par principe, un Français serait moins courageux qu'un Américain ou qu'un Italien ce qui n'a évidemment aucun sens en soi.
En revanche, si on définit le courage face à la critique, l'argument est peut-être recevable. Mais peut-être que la critique concerne moins les réalisateurs ou producteurs que ceux qui jugent leurs films. Ainsi, si on regarde les cinéastes des années 1960 - 1970 ayant été produits par des Français, on y trouve par exemple des Costa Gavras et des Yves Boisset qui n'ont pas été les derniers à faire des films dénonciateurs. Certes le premier a critiqué la dictature grecque, le stalinisme mais aussi les complots américains au Chili ou ailleurs. Et rien sur la France, si ce n'est sur la seconde guerre mondiale dans Section spéciale en 1975 mais qui évoquait la seconde guerre mondiale. Quant à Boisset, il prit des sujets forts qui pouvaient mettre en défaut la France, notamment lors de la guerre d'Algérie dans L'attentat ou RAS. Par la suite, il s'attaqua à d'autres thèmes sensibles, comme par exemple Le juge Fayard dit le shériff en 1977, reprenant le fait divers de l'assassinat du juge Michel quelques mois avant. Mais finalement lui comme Gavras n'abordèrent pas directement les affaires qui touchèrent les différents gouvernements français. Étonnant? Pas tant que ça. Il faut voir l'accueil de ces films par les critiques. Ils ont souvent été accueillis de manière positive quand il s'agissait de dénoncer l'autre, le méchant: les dictatures militaires, l'impérialisme américain. Elles ont été plus dures quand il s'est agi de s'en prendre au communisme au pouvoir avant la dégringolade idéologique du PCF amorcée dans les années 1970. Quant à s'en prendre aux affaires françaises...

Des exemples peu nombreux de films sur des affaires compromettantes
Longtemps, il a été dit que la guerre d'Algérie n'a pas été traitée au cinéma comme celle du Vietnam a pu l'être aux USA. Il faut dire que les précédents ne manquaient pas de faire reculer ceux qui auraient pu avoir que le début de l'idée d'en faire! La censure en France était d'une efficacité remarquable! Le petit soldat de Jean-Luc Godard fut interdit en France car il y évoquait notamment la torture perpétrée par l'armée française. Le film datait de 1961 et le processus de sortie du conflit était engagé. Mais d'autres films, postérieurs à 1962 ont été tout autant interdits d'écran en France comme par exemple La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo sorti en 1966. Les propos étaient sans équivoques et plaçaient la torture menée par l'armée comme une pratique de guerre non seulement autorisée mais réfléchie par l'état-major. Si le film n'édulcorait pas les agissements du FLN, il n'en fut pas moins interdit de distribution jusqu'à 1970, en encore, dans une version encore amputée de certaines séquences et il a fallu attendre 2004 pour que ce film soit exploité en France dans son intégralité.
Le film Les centurions de Mark Robson évoquait lui aussi en 1966 la guerre d'Algérie pour une partie du récit (la première évoquant la défaite française en Indochine). Lui aussi dénonçait la torture de certains. Et lui aussi se fit descendre par les critiques, au-delà de vraies considérations cinématographiques. On peut alors comprendre combien il était difficile pour des cinéastes français de réaliser des films français sur cette guerre. Ils prenaient le risque de n'être pas distribués après avoir réussi à trouver miraculeusement des producteurs permettant que le film se fasse. Yves Boisset fut parmi ceux-là. Avec L'attentat d'abord et surtout RAS en 1973 qui reçut un succès public étonnant alors que le film fut empêché d'être produits à plusieurs occasions.

D'autres exemples sur cette guerre pourraient être cités. Mais plus récemment, c'est le film de Mathieu Kassovitz de 2011, L'ordre et la morale, qui fut au cœur d'une polémique. En effet, le jeune réalisateur s'attaquait à l'histoire de la prise d'otage à Ouvéa en Nouvelle Calédonie en 1988, alors que des mouvements indépendantistes secouaient l'archipel et que l'élection présidentielle française allait faire s'affronter le président Mitterrand à son premier ministre Chirac. Réalisé 23 ans après les faits, le film se fit assassiner dans les médias par des protagonistes ou des spécialistes de la période. Lors de l'émission Ce soir ou jamais sur France 3 du 14 novembre 2014 durant laquelle Bernard Pons, ministre alors chargé des affaires d'Outre mer critiquait le film tout en reconnaissant ne pas l'avoir vu... mais en ayant lu le scénario!
Pourtant, le film a séduit le public cible et quelques politiques comme Michel Rocard
 comme le prouve ce reportage: La folle journée de Mathieu Kassovitz
Il est d'ailleurs assez étonnant de voir que le passage de l'émission Ce soir ou jamais n'est pas sur Youtube ou Dailymotion et que seul un site russe l'avait mis en ligne mais n'est plus disponible aujourd'hui... En revanche, les propose polémiques de Kassovitz sur le 11 septembre y sont toujours...
Avec une telle campagne médiatique sur un cinéma plus engagé qu'habituellement en France, le film ne fit pas plus que 150 000 spectateurs!

Prendre des chemins détournés
Le cinéma français serait-il donc obligé de ne montrer que des histoires de trentenaires, de quarantenaires et autres tranches d'âges avec leurs problèmes existentiels? Ne peut-on aborder que des grandes causes sociales dont les bons sentiments feront qu'ils seront reçus positivement par la critique ou mieux, par ceux qui donneraient une sorte de label de qualité "bien pensance"? Il est des films dont la qualité esthétique ne devrait même pas être discutée au regard du sujet. Indigènes ou La rafle sont autant de films marqueurs d'une époque. Celle qui impose le devoir de repentance. Car il est bon, parce que facile, de dénoncer les agissements d'un passé lointain. Dénoncer la rafle du vel d'hiv ne risque pas de provoquer une quelconque contestation de l'opinion publique en général, de la force médiatique également. Reprocher le peu d'égards que la France a eu pour ses soldats venus de l'Afrique du Nord lors de la Seconde guerre mondiale est une justice morale mais qui ne trouvera que peu d'échos défavorables dans les médias car critiquer le film serait critiquer le sujet. Ce qui est un vrai scandale du point de vue intellectuel. Mais au moins ces films ont le mérite d'exister mais sur des sujets globalement consensuels car il n'est que quelques extrémistes voire négationnistes à contredire le rôle de la France de Vichy dans la rafle de 1942 et que quelques nostalgiques de la colonisation à ne pas accepter de reconnaître le rôle - qu'il ne faut pas non plus sur-exagérer - de ces fameux "indigènes" dans la libération du pays.

En revanche, quand il s'agit d'évoquer des vrais dysfonctionnements contemporains, des scandales d'État ou des secrets compromettants pour les pouvoirs en place, le cinéma français se voit contraint, pour les raisons exprimées précédemment, de trouver des subterfuges. Si nous faisions la liste de tous les faits divers qui auraient pu donner lieu à des films, il s'avère que très peu se sont trouvés portés à l'écran: les avions renifleurs sous Giscard, l'arrestation des soit-disant espions irlandais ou les écoutes téléphoniques sous Mitterrand, les nombreuses affaires Chirac dont certaines ont abouti tout de même à des condamnations et j'en passe évidemment, dont les nombreux scandales d'affaires ou encore récemment le cas d'un ministre chargé de lutter contre l'évasion fiscale et ...
Le cinéma français souffre donc de cette absence de films sur des sujets sensibles. D'abord du fait des pressions évoquées plus haut. Aussi parce que le marché du cinéma français est surtout un marché domestique. Exporter un film évoquant une affaire franco-française ne risquerait pas d'attirer les spectateurs au-delà. Quand Kubrick réalise Les sentiers de la gloire (voir l'article Les sentiers de la gloire:un travestissement de l'Histoire) dont l'action met en scène l'armée française, le film est d'abord un film destiné au marché américain et il se fiche du marché français. Faire un film sur les emplois fictifs à la mairie de Paris, voire sur les écoutes de Mitterrand, avec des comédiens français dont la majorité est inconnue en dehors de nos frontières n'aurait que peu de chance de toucher des spectateurs étrangers pour compenser ceux perdus de l'hexagone incités à ne ne pas aller voir le film (comme ce fut le cas avec L'ordre et la morale).
Et quand l'affaire judiciaire la plus médiatisée a impliqué un Français, président du FMI et probable candidat à la présidentielle française, il a fallu que ce soit les américains qui adaptent ce fait divers tonitruant en fictions. La télévision d'abord dans un épisode de New York unité spéciale diffusé aux USA dès septembre 2011 (!) et diffusé en France sur TF1 en juillet 2012. Au cinéma ensuite par le réalisateur bel Ferrara dans un film, Welcome to New York projeté hors compétition à Cannes en 2014 et démonté avant même d'avoir été visionné par les critiques. Celles-ci, soutenues par les politiques, dénonçaient l'aspect sordide du film, le côté provocateur et sale de ce qui n'était pas la vérité. Très peu ont suggéré l'absence de production purement française, même s'il faut louer Wild Bunch et Wild Side qui ont produit et distribué le film. Mais qui n'ont pu aller jusqu'au bout puisque le film a été distribué uniquement en VOD. Pour un film d'un cinéaste n'étant pas un inconnu, avec un casting 4 étoiles (Depardieu et Bisset dans les premiers rôles), cette VOD en France ressemble furieusement à une impossibilité de le distribuer en salles. Mais pour quelles raisons? Vu les nombreux films programmés et ne faisant pas recettes, vu le fait que Depardieu se soit engagé à ne pas être payé voire à participer au financement du film, vu le battage médiatique qui pouvait attirer un public suffisant devant le grand écran, l'aspect financier du renoncement à une exploitation commerciale classique n'est pas crédible.

Alors, pour faire des films sur des sujets brûlants, mettant en cause les pouvoirs, politique ou économique, les réalisateurs vont utiliser des subterfuges multiples pour ne pas évoquer directement les noms des protagonistes. Parfois jusqu'au ridicule de l'hypocrisie. Par exemple, dans L'ivresse du pouvoir (cf. L'ivresse du pouvoir de Claude Chabrol), le réalisateur insiste dès le début du film sur l'absence de relation entre l'histoire du film et une affaire mettant en jeu l'ancien PDG de Elf. Or les personnages, le scénario renvoient sans aucun doute à cette affaire, mêlant aux dirigeants d'entreprises incriminés des hommes politiques en fonction lors de l'affaire et encore sous les feux de l'actualité parfois.
En 1984, Francis Girod réalise Le bon plaisir dans lequel un président français aurait un enfant illégitime provoquant un risque d'affaire d'État. Or il s'est avéré que le "vrai" président français en charge à cette époque avait effectivement un enfant illégitime dont les services d'État préservaient le secret. Loin d'être une coïncidence, le film s'appuyait sur un scénario qui révélait ce que le milieu politique et journalistique pouvait connaître mais qu'il était impossible de révéler sous peine de représailles ou de poursuites judiciaires. Le film était d'ailleurs adapté de l'ouvrage de Françoise Giroud, qui se trouvait avoir été journaliste, directrice du magazine Le nouvel observateur et ministre de Giscard d'Estaing. Il est évident qu'elle n'ignorait pas ce secret. En inventant l'histoire d'un président imaginaire, la production, réalisateur y compris, ne pouvait être poursuivi ou menacé car il n'y avait aucune révélation officielle de fait. Le microcosme parisien pouvait alors se délecter du méta-texte au visionnage du film, incompréhensible pour les citoyens ordinaires n'étant pas "initiés". On est donc loin des films américains qui font des révélations soit a posteriori soit pendant le scandale même.
Depuis la disparition de ce même François Mitterrand, des reportages télévisuels ont pu dénoncer certaines pratiques peu scrupuleuses du droit lors de sa présidence, aboutissant à des procès parfois retentissants. Mais le seul film à ce jour sur ce personnage est Le promeneur du champ de mars de Robert Guédiguian, réalisé en 2005, soit 10 ans après le mandat du président Mitterrand et 9 ans après son décès. Et le moins que l'on puisse dire est que la critique est assez absente du propos du film. Comme si le cinéma français s'interdisait encore de reprocher quoi que ce soit à nos élus présidentiels. Et quand on voit ce qu'a subi Mathieu Kassovitz pour L'ordre et la morale, on comprend peut-être mieux les réticences de réalisateurs ou de producteurs de risquer de se faire étriller en amont et lors de la sortie du film. Pourtant la liberté d'expression est possible en France comme l'attestent les nombreux reportages extrêmement acerbes et virulents sur le pouvoir politique, et notamment concernant les deux derniers présidents.

Une production cinématographique trop liée aux subventions?
La grande question est donc de comprendre pourquoi le cinéma se retient là où la presse n'hésite pas à "flinguer" les élus et candidats, créant parfois des affaires ou des scandales inexistants (la photo de François Hollande en voyage officiel au Kazakhstan en étant un symbole flagrant!). Pourtant, la presse est elle aussi financée en partie par des subsides publiques. La pression devrait donc être tout autant forte sur elle que sur le cinéma. Sauf que celui-ci se joue sur bien d'autres tableaux. Un film français bénéficie de subventions publiques, notamment par le CNC et de financements privés liés à l'obligation faite aux chaînes de télévision françaises d'investir dans le cinéma national, sans compter d'autres formes de financement plus complexes encore. Choisir de réaliser un film révélant une affaire ou dénonçant les agissements de certains élus, dont certains auraient été même condamnés relève donc de l'obligation d'affronter plusieurs oppositions possibles. Les subventions publiques sont accordées par des institutions dont les décideurs peuvent avoir été désignés par le monde politique. Selon le principe du courage et du retour d'amabilité, un film pouvant étriller un camp ou un autre pourrait être soumis à pression. Un camp pouvant même finalement empêcher de faire un film sur celui adverse pour se prémunir d'un retour de bâton. Tout ceci n'est que spéculation évidemment. Mais comment expliquer cet apparent manque de courage?
De même, les chaînes de télévision publiques auraient bien des difficultés à financer un film pouvant dénoncer une affaire impliquant un camp politique qui pourrait, un jour ou l'autre, retourner au pouvoir. Et malgré ce qui est affirmé, une chaîne publique est tout de même de près ou de loin sous influence du pouvoir politique... Quant aux chaînes privées, elles sont elles aussi sous pression du pouvoir car l'attribution de leur fréquence est elle aussi soumise à la pression d'institutions en lien plus ou moins direct avec le pouvoir politique.
Les conflits d'intérêts, les relations parfois très serrées entre les pouvoirs politiques, même locaux, et la chaîne de production des films ne permet donc certainement pas d'envisager la réalisation de films un temps soit peu critique à l'égard d'une classe politique qui pourrait se protéger quelque soit le parti ou le clan mis en cause.

Les casseroles, affaires et autres secrets semblent donc avoir des difficultés à être mises à l'écran en France sans risquer de donner la parole à des "experts" souvent de parti pris quand ils ne sont pas des protagonistes de l'affaire, avec toute la subjectivité que cela comporte. En réduisant le cinéma à un DEVOIR de vérité historique, on lui enlève ce qu'il est: un art! Et un art ne s'embarrasse pas de la vérité historique car le cinéaste n'est pas et ne peut être un historien. Il doit apporter sa sensibilité à la perception d'un événement, d'une situation donnée. Il peut se nourrir de faits avérés et les compléter en donnant sa version aux "vides" de l'information ou en choisissant des ellipses. Mais surtout il doit être libre de toute influence politique quand il veut réaliser un film sur des affaires politiques ou financières. Quand doit sortir le film sur l'affaire Cahuzac? Il y a pourtant un sujet fort, non? Et sur l'affaire Clearstream? Non? Toujours rien?
S'il est difficile de produire des films de ce genre aux USA, ils existent malgré tout. Ce qui n'est pas le cas en France. Au risque de se faire détruire. Et comme l'argument du manque de courage ne tient pas, c'est qu'il doit y avoir une autre raison. Celle d'un art qui bénéficie du soutien public, force d'un certain point de vue pour permettre la diversité de la production, mais faiblesse quand il s'agit de traiter des sujets sensibles mettant en cause le monde politique.

À bientôt
Lionel Lacour


samedi 6 décembre 2014

Jean-Claude Killy pour ouvrir Cinéma, Sport et Littérature 2015 à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

Après Eddie Merckx, ce sera donc au tour d'une autre légende du sport d'ouvrir le festival Cinéma, Sport et Littérature organisé par l'Institut Lumière du 8 au 11 janvier 2015. Avec Jean-Claude Killy, c'est aussi un régional qui honorera les spectateurs de sa présence à l'occasion de la projection du film 13 jours en France réalisé par Claude Lelouch et François Reichenbach en 1968 à l'occasion des Jeux Olympiques d'Hiver organisés à Grenoble. Et c'est peu dire que l'invité de cette soirée sera présent sur le film puisqu'il remporta les 3 titres du ski alpin décernés à cette occasion (l'épreuve du "Super Géant" entre Géant et Descente n'existant pas encore!).

Ainsi, après l'ouverture à 20h le jeudi 8 janvier dans la salle du Hangar, le documentaire reviendra sur cette quinzaine olympique qui marqua à tout jamais le personnage de Jean-Claude Killy pour en faire ce sportif unique puisque son exploit est à ce jour inégalé. Mais les autres disciplines seront également montrées, d'autres champions filmés, avec les exploits et les drames inhérents à toute compétition sportive, et ce pendant 1h52.

Le mérite de ce festival, outre la projection de films de fiction (Les chariots de feu notamment en copie restaurée) ou de documentaires (Foot et immigration, 100 ans d'histoire commune réalisé par Eric Cantona entre autres), est de montrer combien le langage cinématographique permet de suivre des compétitions autrement que ce que peuvent le faire les télévisions. Celles-ci ont vu leurs moyens augmenter au point que la caméra semble épouser le moindre geste, la moindre émotion des sportifs, des spectateurs ou des équipes entourant les champions. Mais les commentaires en direct, ou en différé, viennent rappeler au téléspectateur qu'il s'agit d'une actualité sportive, certes marquée par les pics de tensions, l'angoisse du résultat, de la faute ou de l'accident, mais dont la couverture médiatique est essentiellement caractérisée par une grammaire événementielle et instantanée.

Les films de cinéma ont une autre vertu. Ils n'ont pas l'objectif de l'exhaustivité en couvrant chaque athlète. Pas l'obligation de s'appesantir sur chacun d'eux de manière égale. Le cinéaste est d'abord un artiste dont le montage a posteriori se combine aux choix faits au moment du tournage. Il peut filmer une ambiance, une atmosphère, décider de choisir un athlète qui ne gagnera pas, proposer de montrer la victoire d'un champion par le regard de celui qui sera battu. La télévision est soumise à la dramaturgie imposée par la course, par le match. En ce sens, les sportifs imposent un tempo, un suspens qui échappe au réalisateur. Seuls peuvent éventuellement modifier ceci le talent des commentateurs. Et certains seraient capables de créer une émotion pour des compétitions sans importance. Mais cela n'est qu'un pis-aller.
En revanche, le cinéma reconstruit la dramaturgie, la déplace parfois là ou l'information ne la voit pas. Parce que le temps du cinéma n'est pas celui de l'immédiateté. N'est pas celui imposé par la compétition. De même, la qualité de captation du cinéma n'est pas celle de la télévision. Celle-ci impose une image lisse, laissant tout net, y compris les logos des sponsors sans qui les compétitions modernes n'existeraient pas. Le cinéaste peut au contraire décider de ne pas accorder à la netteté l'attention que la télévision exige. Il peut exclure de son cadre tout ce que les émissions en direct captent sans pouvoir l'effacer. Il peut raconter une autre histoire que celle imposée par le déroulé des Jeux, revenir en arrière, utiliser des flash backs ou des flash forwards dans son montage.

En (re)découvrant 13 jours en France, les spectateurs comprendront certainement l'intérêt du cinéma comme témoin des grandes compétitions sportives, apportant non pas la vérité mais une autre émotion que celle proposée par le direct télévisuel. Avoir en plus un des protagonistes de ce documentaire cinématographique, et quel protagoniste, sera à n'en pas douter un autre moment intense permettant de raconter plus de 46 ans après comment il a vécu le fait de se voir (et peut-être de se revoir) comme héros d'un film de cinéma après avoir été héros d'un sport français alors triomphant.

Pour toute information concernant ce festival, rendez-vous sur www.institut-lumiere.org

À bientôt
Lionel Lacour


vendredi 5 décembre 2014

L'instant criminel au cinéma - 1: Une conférence mémorable de Robert Badinter

Photographie David Venier - Université Jean Moulin Lyon 3
Bonjour à tous,

en 2011, Robert Badinter donnait une conférence intitulée "L'instant criminel au cinéma" à l'Auditorium Malraux, - Manufacture des Tabacs. Organisée par l'Université Jean Moulin Lyon 3 et le Barreau de Lyon à l'occasion des 2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma, j'ai eu le privilège d'en concevoir les contours avec Robert Badinter, notamment les extraits des films proposés.
Animée par mon ami Jean-Jacques Bernard, rédacteur en chef de Ciné+ Classique, cette conférence fit sensation, montrant tous les talents et l'humanisme de celui qui avait mis fin à la peine de mort en France 30 ans auparavant.

Vous trouverez dans ce premier message 4 vidéos correspondant à la moitié de la conférence. Un second message vous permettra de visionner le reste de la conférence prochainement.

Afin de ne conserver que le contenu, les divers remerciements des discours précédant la conférence elle-même ont été coupés au montage. Ces discours avaient été prononcés par Mme le Bâtonnier du Barreau de Lyon, M. le Président de l'Université Jean Moulin Lyon 3, M. le doyen de la faculté de droit et par moi-même en tant que délégué général de la manifestation.

L'instant criminel au cinéma


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mercredi 3 décembre 2014

À qui sont destinés les films? De la difficulté de comprendre un film venu d'ailleurs

Bonjour à tous,

il nous est tous arrivé de voir un film, de comprendre la trame générale, l'intrigue, mais de ne pas en comprendre les enjeux, l'intérêt ou parfois juste une ou deux séquences. Parfois même, certaines scènes peuvent nous sembler compréhensibles alors même que nous n'en percevons pas l'importance.
En fait, tous les films de cinéma sont d'abord une production d'un ensemble d'individus liés à leur temps et à leur public. Ainsi, pour prendre un exemple précis, La vie est belle de Franck Capra est un film américain de 1946 destinés d'abord à être vu par... des Américains de 1946.
Cette affirmation peut apparaître comme une évidence tellement simple que beaucoup ne se la posent pas. Or elle est non seulement fondamentale, mais elle explique pourquoi certains cinémas venus de pays loin nous semblent même venus d'une autre planète. Le loin renvoie autant à l'espace (que

vendredi 28 novembre 2014

"Le Pigeon", l'exagération pour un tableau tout en nuance de l'Italie des années 50

Bonjour à tous

Mario Monicelli a excellé dans ce qu'on allait appeler la comédie italienne et qui fit du cinéma de la Péninsule un modèle pour tant de cinéastes.
Avec Le pigeon, Monicelli réalisait en 1958 certainement son premier chef-d'œuvre, considéré comme une des plus grandes comédies du 7ème art par certains, et qui témoigne pourtant de la situation extrêmement contrastée de la société italienne de ces années d'après guerre, des ces années d'après "néoréalisme".

Parodie, pastiche, farce
De nombreuses analyses du film rappellent qu'il fut largement inspiré du film de Jules Dassin Du rififi chez les hommes, film noir présentant

"J'accuse" en Ciné Concert à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

À l'occasion de la programmation consacrée aux films sur la Grande Guerre, l'Institut Lumière propose 2 ciné-concerts exceptionnels le mardi 2 décembre, à 14h30 et à 20h du film d'Abel Gance "J'accuse" (1919)Accompagnement au piano par Romain Camiolo.
Ces projections exceptionnelles permettront de découvrir en copie restaurée ce chef-d'œuvre longtemps resté en dehors de tout écran et qui marqua les spectateurs à la sortie de la guerre et qui offrait des séquences absolument dantesques dont peut-être la première séquence de morts-vivants du cinéma, avec en figurant, l'écrivain Blaise Cendrars, lui-même invalide de guerre.

Réalisé en partie avec l'aide de l'armée américaine, le film aborde la guerre avec l'enthousiasme de la déclaration permettant de récupérer l'Alsace et la Lorraine et libérant les sentiments nationalistes. Puis progressivement, le film évolue en accusant non plus les Allemands mais ceux qui ont poussé des jeunes Français à mourir au nom de valeurs non respectées. Il est également un des rares films à montrer des soldats français venus des colonies pour combattre sur le front.
Avec des effets spéciaux impressionnants à l'époque, Abel Gance réussit là une œuvre référence.
En 1938, Abel Gance réalisera un remake parlant dans lequel, cette fois-ci, l'anti-germanisme sera l'unique motivation des soldats.

Pour tout renseignement complémentaire, vous pouvez aller sur le lien suivant:
Institut Lumière ou appeler le 04 78 78 18 95

À bientôt
Lionel Lacour

mardi 25 novembre 2014

Festival "À nous de voir" en danger: le cinéma au cœur du débat citoyen

Bonjour à tous,

Une fois n'est pas coutume, j'évoquerai un festival autant pour sa programmation que pour le combat que mènent ceux sans qui peu de festivals n'existeraient.
Aujourd'hui, mardi 25 novembre 2014, se tenait une conférence de presse peu ordinaire. En effet, et alors que le festival "À nous de voir - Cinéma et Sciences" d'Oullins a débuté sa 28ème édition depuis le 20 novembre (et ce jusqu'au 30 novembre prochain), les "faiseurs" du festival ont mobilisé la presse et tous ceux pouvant être concernés par leur événement pour présenter la situation dans laquelle ce dernier ce trouvait.
Au cœur du problème, un blocage de la part de la direction de la MJC d'Oullins, organisatrice officielle du festival qui semblerait refuser que celui-ci ne se développe en permettant une autonomisation de cet événement, conduisant à ce que la MJC ne soit plus qu'un partenaire et non l'organisateur en plein.

Mickael Théodore, bénévole du festival et fondateur de l'association YAKA, est revenu longuement sur l'origine de ce blocage et sur les souhaits des nombreux autres bénévoles de s'approprier à la fois un lieu, le théâtre de la Renaissance mais surtout une idée. Celle que le cinéma participe à l'éducation populaire, offre un lieu d'échanges, de débats publics, ici autour des enjeux de la science, de toutes les sciences. Avec de nombreux scientifiques, venus de tous les domaines, comme Spyros Franguiadakis chercheur à Lyon 2 dans le domaine des sciences humaines, le festival s'est doté depuis près de 30 ans d'un espace de parole de plus en plus apprécié, dépassant les simples limites de la ville d'Oullins. Mickael Théodore s'est plu à rappeler l'augmentation de la fréquentation de 50% sur les trois dernières éditions, preuve s'il en était et de la qualité de la programmation mais aussi de l'adhésion, pour ne pas dire du besoin des citoyen de s'ouvrir aux questions scientifiques qui bouleversent leur quotidien, et pas seulement dans les seules considérations techniques.

S'il n'y eut pas de débat contradictoire lors de cette conférence de presse, puisque les représentants de la MJC ont décliné l'invitation qui leur était faite, un point fondamental ressort de ce moment. La présence importante de bénévoles, d'acteurs de la vie culturelle oullinoise mais d'ailleurs également, de la presse, montre combien la diversité culturelle repose de moins en moins sur des décisions verticales mais aussi et surtout sur l'engagement citoyen et passionné. Les grands festivals nécessitent une organisation extrêmement structurée et financièrement puissante car leur rayonnement dépasse les limites de la ville ou de l'agglomération. Et pourtant, même eux nécessitent des bénévoles. En revanche, les festivals plus modestes, modestes dans l'ambition initiale du moins, ne vivent que grâce à la mobilisation de ceux qui ne voient comme intérêt que l'expression de la culture dans leur territoire.

L'expérience du festival "À nous de voir" est une illustration par les actes de ce qui fut en son temps appelé "démocratie participative" dont on comprenait assez vite que la participation ressemblait surtout à un leurre. Dans le cas de ce festival, ce sont bien les citoyens qui se sont appropriés l'événement, l'ont fait croître. La MJC fut une couveuse formidable et permit il y a longtemps que cet événement naisse et se développe. La mise à disposition de personnels salariés pour encadrer l'enthousiasme des bénévoles était une aide considérable. Mais désormais, le festival "À nous de voir" propose une programmation de plus en plus dense, de plus en plus variée, de plus en plus importante (voir le programme sur le site À nous de voir, nécessitant certainement un déploiement nouveau, avec de nouvelles structures, de nouveaux partenaires.

De fait, cette conférence de presse a mis en lumière une réalité nouvelle sur la transmission de la culture en France. L'invention des MJC au lendemain de la guerre répondait à une demande d'accès et de de diffusion de la culture dans tout le territoire français. Les résultats furent considérables et ces MJC se sont multipliées sur le territoire national, devenant de véritables pépinières de talents, avec les effets de modes inhérents parfois à cette effervescence qu'apportait ce dynamisme culturel. Mais les décennies passant, l'accès à la culture ou d'expression culturelle ont emprunté d'autres voies, d'autres formes. La télévision et plus tard internet ont relégué "la culture MJC" à une culture parfois folklorique, parfois conservatrice. Et la jeunesse du "J" se faisant de plus en plus absente, ces lieux sont devenus des lieux de pouvoir, certes modeste, mais réel. Et en tout cas suranné.
Ce que les MJC ont permis, elles ne le permettent plus. Ou tout du moins, pas dans un fonctionnement archaïque. Pourtant, l'ambition originelle des MJC était la responsabilisation et l'autonomisation des citoyens. Les bénévoles et salariés du festival "À nous de voir" n'attendent que ça. Ils sont prêts. Prêts à remercier la MJC d'avoir permis que ce festival existe mais aussi à la remercier de les soutenir à se développer dans une structure autonome.

Ainsi, le combat pour un cinéma multiple ne passe pas que par l'amont de la production ou par la distribution. Il passe aussi par la nécessité que les spectateurs qui désirent un autre usage du cinéma puissent s'organiser pour proposer des moments de débat. Si Lyon est devenue la capitale pour la sauvegarde du cinéma classique (ou de patrimoine) avec le festival Lumière, et plus récemment capitale de la préservation du patrimoine des salles de cinéma historiques, l'exemple du festival d'Oullins montre qu'il faut également préserver les spectateurs qui s'engagent pour organiser des événements touchant d'autres publics encore, croyant également que le cinéma n'est pas 24 fois la vérité par seconde comme le disait Godard mais une vérité à décrypter avec des experts, des spécialistes pour un public avide de comprendre ce que le cinéma se propose de lui montrer.

Que le cinéma fasse encore vibrer la société, qu'il conserve ses fonctions de divertissement des masses mais aussi de générateur de débats citoyens, c'est tout ce que revendiquent les "faiseurs" de "À nous de voir". Et ils le font bien. Parce que le cinéma reste peut-être le dernier lieu où les citoyens de toutes conditions peuvent encore se rencontrer et discuter de ce que devient la société après le visionnage d'un film, interprétation sensible du monde par un réalisateur.
Espérons que leurs efforts leur permettront de trouver une solution qui permettra de pérenniser le festival, de le développer, avec le soutien bienveillant d'une MJC qui doit permettre l'émancipation des projets citoyens.

À bientôt
Lionel Lacour

mercredi 19 novembre 2014

"La grande illusion" ou l'ambiguïté permanente

Bonjour à tous

1937, Jean Renoir réalise certainement son plus grand film. La grande illusion fait partie de ces œuvres qui ont une modernité permanente. Le scénario, le rythme, le jeu des acteurs (si on excepte Carette dont le phrasé est vraiment marqué "années 30"!), tout concourt à faire de ce long métrage un objet cinématographique indémodable. À sa sortie, l'enthousiasme est quasiment unanime. De l'extrême droite à l'extrême gauche, tous voient dans La grande illusion LE chef-d'œuvre. Et il faut reconnaître que le scénario de Charles Spaak et de Jean Renoir et la maîtrise de la mise en scène du réalisateur sont autant d'éléments qui viennent confirmer objectivement la qualité du film. Cependant, le film recèle quelques ambiguïtés dérangeantes.

Bande annonce:


mercredi 12 novembre 2014

Recherche d'intervenant pour le film iranien "La vache"

Bonjour à tous

Malgré tous leurs efforts depuis 3 semaines, l'association "Enjeux sur image" n'a pas trouvé d'intervenant pour parler de ce film iranien inédit à Lyon mais très connu dans sa communauté.
Ce film sera projeté à Lyon le 13 novembre. Si vous connaissez-vous quelqu'un qui pourrait animer le débat avec le public, contactez moi au plus vite pour que je vous mette en relation avec cette association.

Vous pourrez disposer du DVD et de liens sur des articles pour préparer l'intervention.
Merci d'avance


Lionel Lacour

mercredi 5 novembre 2014

Marc Ferro et Pierre Sorlin: les continuateurs

Bonjour à tous,

Après mes articles consacrés à S. Kracauer (Kracauer, l'Allemangne et le cinéma)et à E. Morin (Edgar Morin, un anthropologue du cinéma), ce nouveau post propose d'aborder leurs successeurs dont les travaux universitaires ont finalement eu une portée plus grande encore sur le lien entre le cinéma et les sociétés qu'il filme. Deux voies ont été envisagées mais qui arrivent finalement aux mêmes conclusions : une approche historienne, une autre plus sociologique.


  
« Histoire et Cinéma » : l’œuvre de Marc FERRO

Marc Ferro est un historien spécialiste du XXème siècle, et notamment des questions coloniales. Il s’est aussi spécialisé dans l’exploitation des sources nouvelles du XXème siècle, c'est-à-dire les films. Le recours à ces sources l’a alors conduit à travailler plus précisément sur l’apport de ces sources aux historiens et à en définir quelques principes de base.
Dès la fin des années 60, Marc Ferro publia des articles montrant la possibilité d’utiliser le cinéma dans l’étude historique d’une période. Mais c’est en 1975 qu’il publie son œuvre majeure sur la question, Analyse de film, analyse de société. Dès la page 12, il assène une vérité tellement évidente aujourd’hui mais qui n’allait pas forcément de soi pour les historiens : « Tous les films sont objet d’analyse. »