lundi 5 mars 2018

De quelle ambition européenne le cinéma est-il le témoin?



Bonjour à tous

en novembre 2017, je donnais une courte conférence aux Semaines Sociales de France sur le thème "De quelle ambition européenne le cinéma est-il le témoin?" En voici une transcription écrite.

Si le cinéma américain raconte son territoire continental avec ses mythes, ses ambitions mais aussi la remise en question du modèle américain, qu'en est-il de la représentation de l'Europe au cinéma? Si bien des films peuvent constituer une mémoire des grands lieux de l’Europe, en Italie, Allemagne, France ou ailleurs encore, peu d’entre eux semblent constituer un ciment du sentiment d’appartenance à l’Europe.
Pourtant, les débuts du cinématographe Lumière offraient une illusion de réalité européenne. Par exemple, le film Lumière Cortège des Anciens Germains (1896 opérateur inconnu) tourné à Stuttgart, permet de réaliser combien notre continent a une culture commune : histoire, traditions et religion se sont entremêlées tout au long des siècles. Pourtant peu de films abordent le fait européen en tant que tel, le cinéma européen se construisant sur des modèles nationaux. Expressionisme allemand des années 20, réalisme poétique français des années 30, néoréalisme italien d'après-guerre, nouvelle vague française de la fin des années 50 aux années 60. Si les genres ou les écoles ont influencé les autres cinémas, y compris hors d'Europe, les films évoquent bien la situation du pays où ils sont produits, à quelques rares exceptions près, comme Allemagne année zéro de Roberto Rossellini en 1947 évoquant la situation de l'Allemagne au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Sinon, pas le moindre vrai road movie digne de New-York Miami de Franck Capra en 1934 ou bien entendu de Easy Rider de Dennis Hooper en 1969. Rien qui n'exprime clairement les Européens comme un peuple avec un projet commun, sauf quelques tellement rares exceptions qu'elles ne font que confirmer la règle. Et encore, ces exceptions sont-elles quasiment exclusivement françaises.

Après la Première Guerre mondiale : le cinéma témoin d’une Europe traumatisée
Le cinéma d’après la Première guerre mondiale évoque surtout des pays disloqués, détruits. Le cinéma germanique propose un style, l’expressionnisme, pour accentuer les contrastes et témoigner du chaos qui a frappé l’Allemagne comme l’Autriche, ce que montre particulièrement Le cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene en 1920. Les angles aigus, les noirs et les blancs intenses témoignent de ce monde manquant d’harmonie comme d’autres films de même inspiration l’évoquent (Faust, Nosferatu, Metropolis…).
Mais le cinéma d’après-guerre, c’est aussi l’idée que les Européens ont tous été victimes. Dans Les croix de bois de Raymond Bernard en 1932, c’est bien l’idée que Français et Allemands ont participé à une expérience commune et humainement destructrice. Cette vision est celle d’un vainqueur prêt à faire la paix avec l’ennemi. Cet élan pacifiste s’observe dans bien d’autres films. Ainsi, dans  Allô Berlin ? ici Paris ! de Julien Duvivier en 1932, l’espérance d’un continent devenu immense fédération pacifiste accompagne l’idée même qu’une histoire d’amour entre une Française et un Allemand est possible.
Ce rapprochement passe également par des collaborations franco-allemandes comme le démontrent les deux versions du film Le chemin du paradis, réalisé en 1930, l’un en français et l’autre en allemand par Wilhelm Thiele, avec le même scénario et où seuls les comédiens changent selon la version.
Mais si la question européenne ne concerne pas que les relations franco-allemandes, ce qui se passe en Espagne intéresse peu les Européens comme le démontre La belle équipe de Julien Duvivier en 1936 dans lequel les affaires d’outre-Pyrénées semblent bien éloignées des soucis des ouvriers français, davantage intéressé par les réformes sociales du Front Populaire.  Ce désintérêt est encore plus frappant dans Hôtel du Nord de Marcel Carné en 1938 qui évoque clairement la guerre d’Espagne et un positionnement clairement nationaliste et xénophobe de beaucoup de Français.
Et tandis que la menace Nazie devient plus pressante, les cinéastes français adoptent des points de vue variés. Abel Gance revisite son Napoléon en 1935 et le transforme en visionnaire d’un bâtisseur d’une Europe des peuples face à l’hégémonie du peuple aryen.  Ce en quoi Jean Renoir semble acquiescer dans La Marseillaise en 1938 opposant deux visions de la nation, celle républicaine et celle nazie. Mais c’est certainement Jacques Feyder qui, dans La kermesse héroïque en 1935 qui, réitérant le pacifisme d’avant 1933 avec comme morale simple « tout vaut mieux que la guerre ! » correspond au mieux à l’opinion publique d’alors.
Pourtant, la réalité est tout autre. Et le cinéma nazi de propagande est bien explicite. Dans Hôtel Sacher d’Erich Engel en 1939, si l’action se passe le 31 décembre 1913, c’est bien la situation de la date de sortie du film qui est décrite pour les spectateurs, celle qui remet en cause tout système multinational et vante l’idée d’un territoire sous contrôle d’un seul peuple, d’un seul Etat : le IIIème Reich.

Après la Seconde Guerre Mondiale : quand la réconciliation franco-allemande inspire les cinéastes
Après la Seconde guerre mondiale, on retrouve une transcription cinématographique du désastre. À l’expressionnisme d’après 1918 répond le néo-réalisme italien, témoignant de l’état de destruction de l’Europe en général, de l’Allemagne en particulier, comme Allemagne, année zéro de Roberto Rossellini en 1949.
Deux ans auparavant, Jacques Tourneur, dans Berlin express démontre cependant que cette Europe s’envisage, certes autour d’une reconstruction par les puissances victorieuses mais aussi et surtout sur deux piliers européens : la France et l’Allemagne.
C’est bien ce repère qui va alors orienter les spectateurs. La construction européenne passe par cette entente entre les deux ennemis d’hier. La question qui se pose est donc bien de comprendre comment l'Europe se présente désormais aux Européens sur grand écran. Et dans ce registre, avec Le déjeuner sur l’herbe, Renoir est certainement un des seuls qui, en 1959, imagine la construction européenne dans une dimension politique. Ainsi, Jean Renoir commence son film par la présentation d'un personnage interprété par Paul Meurisse, "probable futur président de l'Europe". Il est alors incroyable de voir que la logique du processus de la construction européenne puisse s’envisager par la création d'une Europe politique alors même que l'Europe économique n’était portée sur les fonts baptismaux par le Traité de Rome qu’en 1957. L'autre aspect intéressant du film de Renoir repose aussi sur le fait que ce "futur" président n'est pas un homme politique mais un scientifique parlant de problèmes scientifiques liés à la reproduction du vivant pour expliquer ce que l'Europe pourrait apporter comme solution. Ainsi, dès le début du film, tout le rapport de l'Europe aux citoyens qui la composent est présenté: projet en lien avec l’agriculture, seul domaine ayant finalement depuis une politique européenne commune avant l'Euro. Mais cela se fait dans des termes incompréhensibles et techniques qu'aucun spectateur ne peut comprendre, avec, pour couronner le tout, la conclusion du discours du "professeur futur président" que le journaliste estime très claire. Belle prémonition d'une élite qui comprend une Europe que les peuples ne comprennent pas !
En 1961, Audiard dialogue la construction de l'Europe dans le film d'Henri Verneuil Le Président avec dans le rôle-titre Jean Gabin. Dans un monologue extraordinaire, le dit président (du Conseil c'est-à-dire chef du gouvernement sous les Républiques précédant la Vème),  après s'être fait retoquer son projet d'union douanière en Europe met en accusation le contre-projet qu'il qualifie de projet des trusts "qui veulent s'étendre partout, sauf en Europe". Il reproche à ce projet d'être celui des banques et de ne pas s'occuper des Européens. Ce discours présente donc aussi et déjà les volontés d'impérialisme économique des Etats européens sous influence des lobbies industriels désireux de s'implanter dans les pays producteurs de matières premières. La délocalisation et ses dérives sont donc déjà envisagées alors même que l'idée de mondialisation telle que définie depuis la chute du bloc soviétique n’est évidemment pas à l'ordre du jour en 1961.
Le cinéma européen est cela-dit essentiellement un cinéma qui parle de France et d'Allemagne et plus largement du monde germanique. Ainsi, pour reprendre le film de Renoir, c'est bien avec une "germanique" que le futur président de l’Europe est fiancé. Et ces fiançailles à l’écran accompagnent celles entre la France de De Gaulle et l’Allemagne d’Adenauer. Elles se poursuivent au cinéma, dans celui notamment d'Audiard, que ce soit avec Denys de la Patellière pour Un taxi pour Tobrouk (1961) ou avec Gilles Grangier pour Le cave se rebiffe (1961). Ces films mettent souvent en scène la nouvelle entente franco- allemande. Pour le film Un taxi pour Tobrouk, il est tout à fait remarquable de voir comment le personnage interprété par Hardy Kruger, officier allemand fait prisonnier par des soldats français, dont un juif interprété par Charles Aznavour, se retrouve à devenir un compagnon de route dans ce road movie des sables. Pour la première fois peut-être, un soldat allemand n'est pas montré comme un sale nazi. Mieux, Audiard montrait ce que Français et Allemands partagent. Ils participent aux mêmes événements sportifs, le personnage de Ventura étant boxeur avant la guerre et empêché de boxer un Allemand pour cause de déclaration de guerre! De même, Kruger et Ventura ont fait la bataille de Narvik, l'un rapportant la Croix de guerre… l'autre des engelures ! Par des dialogues savoureux, le soldat interprété par Maurice Biraud rappelle à l'officier allemand que depuis Napoléon, les Français ne supportent pas que quiconque n'envahisse la Pologne à leur place. Déjà un projet européen !
Dans Le cave se rebiffe, Bernard Blier évoque d’abord l’industrie dans toute l’Europe avec par exemple des productions de « chaussures italiennes à Grenoble » puis des clients prestigieux de sa maison close: « des Hanovre, des Hollen Zollern, rien que des biffetons garantis Croisade ». Outre les origines allemandes des nobles cités, c'est bien encore la culture commune, celle des croisades chrétiennes, entre Français et Allemands qui est présentée ici. Ce rapprochement franco-allemand se fait également par des coproductions de films dans lesquels le passé "nazi" de l'Allemagne semble devenu un objet d'humour plutôt étonnant, comme par exemple dans le film de Georges Lautner Les tontons flingueurs en 1963
Mais le "cinéma à papa" n'est pas le seul à témoigner de ce rapprochement. François Truffaut adapte Jules et Jim à l'écran en 1962, racontant l'histoire d'un Français (Jim) et d'un Allemand (Jules) amis et amoureux d'une même femme. Outre ce ménage à trois sulfureux, c'est bien encore leur culture commune qui est mise en avant, notamment lors d'un visionnage de diapositives d'objets archéologiques européens.

L'Europe, terre d’espérance ? Le scepticisme des cinéastes

Pourtant, il n’est rien de dire que l’idée même de l’Europe ne soulève pas l’enthousiasme populaire. Ne serait-elle qu'une construction pour les entreprises et les Etats? Dans Rue des prairies de Denys de la Patellière en 1959, le fils de Jean Gabin se demande bien l'intérêt de connaître les volumes des différentes productions économiques en Europe. Elle apparaît donc comme inintéressante pour les citoyens et la jeunesse car elle ne fait manifestement pas rêver! Trente ans plus tard, Eric Rochant fait d’ailleurs dire au personnage principal de son film Un monde sans pitié :
« Si au moins, on pouvait en vouloir à quelqu'un. Si même, on pouvait croire qu'on sert à quelque chose, qu'on va quelque part. Mais qu'est-ce qu'on nous a laissés ? Les lendemains qui chantent ? Le grand marché européen ? On n’a que dalle. On n'a plus qu'à être amoureux, comme des cons et ça, c'est pire que tout ».
Cette mise en comparaison du modèle communiste, autre proposition d’unité européenne mais à l’agonie avec le projet européen clairement libéral montre à quel point ce projet se déconnecte de plus en plus de la population, en tout cas française. Les illusions d’après-guerre, avec lesquelles se trouve la construction européenne ne conduisent finalement pas au bonheur espéré.
Pourtant, il y a des volontés de montrer que l’Europe peut être une chance et une force. En 1992, un projet cinématographique a pour ambition à la fois de célébrer la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb par la réalisation de 1492 de Ridley Scott. Film européen par le casting comme par la production, 1492, date clé dans l’Histoire mondiale, fait écho à l’année 1992, année de l’acte de naissance du projet d’Union Européenne, prémices des possibles futurs États-Unis d’Europe. Ce rêve européen est d’autant plus légitime en 1992 qu’il propose un modèle vers lequel s’est finalement tourné toute la partie Est du continent.
Ouvertement libéral et pacifique, ce projet européen est clairement séducteur pour ceux ne le vivant pas. Et Good bye, Lenin ! de Wolfgang Becker témoigne formidablement de cette aspiration à la démocratie de l’Europe occidentale et à ces libertés nouvelles. Mais le film montre aussi combien les Allemands de l’Est deviennent immédiatement un nouveau marché et une proie pour les entreprises capitalistes, avec toutes les désillusions que cela entraînent pour ces populations.
Pourtant, l'Europe devient un sujet central d'un projet cinématographique dans L'auberge espagnole de Cédric Klapisch en 2002. Raillant l'aspect technocratique et économique de l'Union européenne, le cinéaste fustige la complexité administrative, et donc répulsive, pour qu’un étudiant puisse participer au dispositif Erasmus permettant de suivre un cursus universitaire en Europe. En rappelant qu’Erasmus vient de l'Humaniste ayant vécu au XVIème siècle ayant voyagé dans toute l'Europe, Klapisch inscrit encore une fois l’identité culturelle et donc civilisationnelle des Européens. Mais contrairement aux films d'Audiard vantant cette culture commune, le personnage semble justement ignorer l'existence de ce personnage, héraut de l'Europe s'il en est! Ceci montre donc bien un effacement d'une culture à dimension clairement  européenne chez les Européens! En revanche, une fois arrivé à Barcelone, le héros parvient à se loger dans un appartement dans lequel vivent des étudiants de toutes nationalités: espagnols, italien, irlandaise, allemand, danois... Or, bien qu'en Espagne catalane, tous parlent en anglais, langue européenne non officielle mais de fait commune à tous. L’acceptation du Français dans l’appartement passe par la négociation et par le pragmatisme pour aboutir à une décision unanime des déjà locataires. Le cinéaste sous-entend finalement que cette volonté de vivre ensemble n’aboutit que si on se connaît, que si on partage des choses ensembles. Pas si on les impose.
Ainsi, moins que protéger, le cinéma relaie surtout l’image d’une Europe technocratique, impuissante à faire face aux lois du marché capitaliste et libéral. Dans It’s a free world, Ken Loach dénonce en 2007 un marché du travail ne servant que les intérêts des capitalistes et des patrons, y compris les plus petits, exploitant les travailleurs européens, ici ukrainiens, donc hors Union Européenne, sacrifiant leur vie, et leurs économies, pour des salaires misérables.
À ce libéralisme échevelé que dénonce Ken Loach ne répond même plus une protection des Européens par les Etats construisant cette Europe. Dans No man’s Land en 2001, Denis Tanovic rappelle que le sort de la Yougoslavie est réglé par l’ONU et les USA, la présence européenne étant davantage symbolique, par la venue notamment du président de la République française François Mitterrand, ou en tant que Casque bleu, donc sans autorité européenne. Si l'Europe capitaliste et libérale ne fait plus rêver ses propres habitants, elle n’arrive également plus à représenter une solution alternative qu’elle se proposait d’être pour ses voisins européens : une solution généreuse pour vivre dans la prospérité et dans la paix entre les peuples.

Conclusion
Le cinéma français, mais il en est de même pour les autres cinémas européens, montre donc très peu d'enthousiasme quant à la représentation de la construction européenne. En revanche, il montre que les Européens, et particulièrement les Français et les Allemands, ont une culture et une histoire communes. Moins que des films montrant l'Europe, c'est davantage des collaborations d'acteurs et d'actrices européens dans des projets européens qui montrent l'Europe à l'écran, que ce soit dans l’entre-deux guerres ou depuis les années 1960. Luc Besson a appelé sa société de production EuropaCorp et a distribué en 2010 un film s'appelant La révélation évoquant les procès des crimes perpétrés en Yougoslavie dans les années 1990 faisant intervenir le Tribunal Pénal International de La Haye. Les Européens s'intéressent de plus en plus aux pays d'Europe qui avaient justement été hors du processus de construction européenne, c'est-à-dire les pays du bloc communiste comme ce fut le cas pour Good bye, Lenin ! Cette volonté de raconter le passé de la part des cinéastes de l'Europe de l'Est semble aujourd'hui satisfaire les spectateurs européens dans leur envie d'Europe au sens large, comme autrefois les Français ont vu leur rapprochement avec les Allemands consacré à l'écran. Mais cela montre surtout que pour l'instant, l'Europe n'est qu'une somme de nations qui vivent côte à côte, avec des références communes, mais pas encore ensemble. Si le modèle de L'auberge espagnole où tout le monde conserve sa langue mais échange avec les autres par l'anglais est un fait qui est encore loin de pouvoir être institutionnellement appliqué tant la désignation d’une langue commune reste certainement un des derniers remparts à la construction européenne, plus fort que la monnaie commune et unique qui elle a pu se décréter par les Etats membres.
Or, et la langue en est une des caractéristiques, il s’avère que ce sont bien les différences culturelles et historiques entre les peuples qui resurgissent pour remettre en cause le projet d’une Europe pacifiée. Dans la séquence introductive de Joyeux Noël, Christian Carion montre le point de vue des Européens avant la Première guerre mondiale, imposant à leur jeunesse une propagande nationaliste prononcée dans chacune des langues du continent. Mais son film s’adresse aux spectateurs du XXIème siècle, rappelant de fait le danger de ces revendications nationales aboutissent au repli sur son identité et dans ses frontières. Et on sait le tribut que les Européens ont payé il y a un siècle après avoir adopté ce comportement. Au regard des situations dans certaines régions d’Europe, le message du cinéaste est plus que jamais d’actualité montrant que les tentations nationalistes sont une menace évidente pour la pérennité du projet européen devant conduire à la paix et à la prospérité des peuples.

À très bientôt
Lionel Lacour

mercredi 21 février 2018

Remake "Sortie d'usine" 2018

Bonjour à tous

c'est devenu désormais une tradition. Tous les ans, chaque 19 mars, l'Institut Lumière propose à tous les Lyonnais ou visiteurs du berceau de cinéma de rejouer le 1er film de l'histoire du cinéma Sortie d'usine réalisé par Louis et Auguste Lumière le 19 mars 1895.

Cet événement festif et gratuit est l'occasion de (re)découvrir le Hangar qui servit de décor pour ce film historique et qui accueille aujourd'hui une des plus belles salles de cinéma de Lyon.

Pour participer à ce film, vous pouvez venir seul ou seule ou en groupe. Profitez de cette occasion unique pour être identifié par un costume ou par des accessoires originaux. 
Redoublez d'imagination pour vous distinguer dans un film d'une minute à peine. Il suffit de choisir sa session de tournage parmi les 14 proposées: 

Horaires de tournage : 10h / 10h30 / 11h / 11h30 / 12h30 / 13h / 14h / 14h30 / 15h / 15h30 / 16h / 18h / 18h30 / 19h


Pour participer au tournage du remake de Sortie d'usine, les inscriptions se font ici : http://www.institut-lumiere.org/actualités/nouvelles-sorties-d-usine-2018.html

Après, il suffira de vous rendre le Lundi 19 mars à l'Institut Lumière au 25 rue du Premier-Film, Lyon 8ème.

Et si vous ne l'avez pas encore fait, faites une escale pour visiter de l'autre côté du jardin Lumière le Musée Lumière. Vous y retrouverez le "vrai" Premier film et bien d'autres encore.

À bientôt
Lionel Lacour

lundi 19 février 2018

Séminaire "Le management par le cinéma"

Bonjour à tous

Cinésium propose un séminaire organisé à l'Institut Lumière, dans le berceau du cinéma, avec une approche décalée pour permettre aux managers et dirigeants d’entreprises d’optimiser leur pratique managériale et leur communication en se servant du cinéma sous toutes ses formes.  Parce que le cinéma est un art universel, compris et vécu par tous, il permet de créer du lien dans les équipes, de révéler les talents de chacun et peut être réinvesti à chaque nouveau film, à chaque nouvelle projection.

Ce séminaire est ouvert à différentes entreprises. Attention, pour de meilleurs échanges avec les participants, et pour profiter d'un déjeuner dans le somptueux jardin d'hiver de la Villa Lumière, le nombre de place est limité.

Téléchargement du dossier complet de présentation et de la fiche d'inscription des participants:

À très bientôt
Lionel Lacour

mercredi 10 janvier 2018

Hommage à Danielle Darrieux à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

Danièle Darrieux a eu cette mauvaise idée de nous quitter en plein festival Lumière en 2017 l'année de ses 100 ans. Du 9 janvier au 4 mars 2018, l'Institut Lumière a donc décidé de lui rendre un hommage à la hauteur de son talent et de son importance pour le cinéma français.

Actrice précoce, elle tourne à 14 ans pour le cinéaste autrichien Wilhelm Thiele dans Le bal. En 1935 elle épouse le réalisateur français Henri Decoin pour lequel elle tournera 5 films avant de divorcer d'avec lui en 1941, puis 4 autres films après leur séparation!
Actrice sachant interpréter les personnages ingénus ou fragiles, subtile et gaie, Danielle Darrieux fait partie de ces comédiennes ayant tourné avec les réalisateurs les plus talentueux, français, allemands ou américains comme Max Ophüls, Julien Duvivier, Claude Autant-Lara, Joseph Mankiewicz, Robert Rossen et tant d'autres encore comme François Ozon, et ce jusque en 2010 pour Pièce montée de Denys Granier-Deferre.

Cette rétrospective en 12 films et deux soirées spéciales est dédiée à Raymond Chirat, historien et fondateur de l'Institut Lumière et qui consacra tant de projection des films en 16 mm dans lesquels avait tourné Danielle Darrieux.

DEUX SOIRÉES SPÉCIALES


Mardi 13 février 2018
19h: Conférence de Clara Laurent, auteure de Danielle Darrieux, une femme moderne.
22h45: Projection de La vérité sur Bébé Donge d'Henri Decoin (1952) 

Première fois du duo Danielle Darrieux - Jean Gabin (qu'elle retrouve la même année dans Le plaisir de Max Ophüls).

Autres séances:  Sa 27/01 à 16h30 - Je 1er/03 à 19h - Di 4/03 à 16h30


Jeudi 22 février 2018
19h: Projection de La ronde de Max Ophüls (1950) 

Copie restaurée 35 mm, présentée par Martin Barnier, historien du cinéma à l'Université Lumière - Lyon 2.
À l'issue de la projection, Martin Barnier signera son livre Une brève histoire du cinéma coécrit avec Laurent Jullier en 2017. 

Autres séances: Di 18/02 à 16h15 - Ma 20/02 à 19h -  Di 25/02 à 14h30


SUITE DU PROGRAMME
RARETÉS


Le Bal  de Wilhelm Thiele (1931, 1h15, N&B) 


Copie restaurée du premier film de Danielle Darrieux.


Me 17/01 à 19h - Sa 20/01 à 16h30




Volga en flammes de Victor Tourjansky (1933, 1h18, N&B) 


Première vraie collaboration avec Albert Préjean. Ils tourneront ensemble 10 films (même si Danielle Darrieux n'est pas toujours créditée au générique).

Ve 12/01 à 19h

Mauvaise graine de Billy Wilder (1934, 1h26, N&B)
Premier film de Billy Wilder en tant que cinéaste dans lequel on trouve déjà le style et le rythme qui fera sa patte.
Je 25/01 à 19h - Sa 10/02 à 16h30 - Ve 16/02 à 19h

HENRI DECOIN

Battement de coeur d'Henri Decoin (1939, 1h37, N&B)
Raymond Chirat : « Le scénario a de la vivacité, de l’élégance, du charme, de la fantaisie. Il fait la part belle à une collection d’artistes, Tissier, Carette, Saturnin Fabre qui renvoient la balle à Danielle Darrieux, radieuse. »
Me 10/01 à 19h - Sa 13/01 à 16h30 - Di 14/01 à 14h30 – Ma 27/02 à 21h

L’Affaire des poisons d'Henri Decoin (1955, 1h43, coul)
Dernière collaboration Decoin - Darrieux dans cette adaptation du célèbre fait divers sous le règne de Louis XIV.
Ma 27/02 à 19h - Di 4/03 à 14h30


MAX OPHÜLS
Le Plaisir de Max Ophuls (1952, 1h33, N&B)
Deuxième film avec ce cinéaste après La ronde en 1950 dans un film à la distribution prestigieuse adapté de Guy de Maupassant.
Je 18/01 à 19h - Di 21/01 à 16h30 - Ma 23/01 à 21h - Di 4/03 à 14h30

Madame de... de Max Ophuls (1953, 1h40, N&B)
Troisième et dernière collaboration entre le réalisateur et Danielle Darrieux avec Vittorio de Sica et Charles BOyer.
Ma 9/01 à 19h Soirée d’ouverture Danielle Darrieux présentée par Fabrice Calzettoni  
Di 14/01 à 16h30 Di 28/01 à 14h30 - Je 8/02 à 19h

RÉALISATEURS FRANÇAIS
Une chambre en ville  de Jacques Demy (1982, 1h28, coul)
Retour au film musical pour un des derniers films de Jacques Demy.
Me 21/02 à 21h - Ve 23/02 à 19h

Quelques jours avec moi de Claude Sautet (1988, 2h11, coul) 
Danielle Darrieux est la mère de Daniel Auteuil qui continue à explorer ses talents d'acteur dramatique depuis Jean de Florette.
Me 14/02 à 21h - Sa 17/02 à 18h15

À très bientôt
Lionel Lacour

vendredi 1 décembre 2017

"12 jours": l'art assez vain du cinéma photographique

Bonjour à tous

Ce mercredi 29 novembre est sorti le nouveau documentaire de Raymond Depardon, tourné entièrement dans l'hôpital psychiatrique du Vinatier, près de Lyon. Plusieurs mois de tournage pour filmer ce que peu de monde a pu voir. Ce moment désormais obligé par la loi de valider par un juge un placement en hôpital psychiatrique.
Depardon est d'abord un photographe. Mais s'il sait utiliser un dispositif cinématographique, s'il fait pourtant du cinéma par exemple par l'utilisation du format "scope", la question est bien de savoir s'il est véritablement un cinéaste au sens classique.

Ainsi, son format large, incongru pour filmer des entrevues entre un interné, son avocat et un juge, prend tout son sens quand il filme les séquences placées entre chacun des entretiens. Plan séquence dans les couloirs d'hôpital devenu labyrinthe, plan sur un hospitalisé fumant à l'extérieur de sa chambre, plan sur les extérieurs de l'hôpital sous la brume...

Bande Annonce:


Pour ce qui est du contenu propre, Depardon propose une série d'entretiens qui sonnent comme autant de portraits d'internés ayant des profils tous différents, étant hospitalisés pour des motivations différentes. On peut frémir à l'idée que certains puissent un jour sortir de cet hôpital. On peut aussi redouter d'être soit même victime d'un internement non consenti. Mais ce qui ressort de ces multiples séquences, c'est bien le rôle du juge des libertés et de la détention dont la présence est liée à l'obligation faite par la loi du 27 septembre 2013 imposant à la justice de vérifier sous 12 jours la conformité d'un internement sans consentement en hôpital psychiatrique. Or ce que le spectateur peut ressentir est bien une certaine gêne. En effet, dans tous les exemples proposés, le juge valide l'internement, se déclarant, et c'est bien légitime, incompétent dans le domaine de la médecine, et ne jugeant que par le respect de la procédure mise en œuvre pour l'internement. Et si la présence de l'avocat de l'interné semble faite pour protégé ce dernier, il apparaît manifeste que celui-là découvre le cas de celui-ci presque au dernier moment. Et que la plupart du temps, il ne fait que confirmer le dossier et la décision du juge.
Le spectateur ne peut donc être que troublé car il comprend que seul un vice de procédure peut faire ressortir un interné. Et que s'il y a appel de la décision, comme il y est fait mention, cet appel ne semble pas reposer sur une possible contre-expertise médicale. Et c'est bien ce qui peut surprendre. Car en aucun cas l'idée d'un internement abusif n'apparaît - même si les cas présentés laisse penser que ces internements ne sont pas abusifs. Quid d'une procédure parfaitement légale dans la forme mais fausse quant à la motivation?

Depardon filme donc ces internés mais aussi les juges. Ils sont peu nombreux à se succéder à l'écran et des personnalités différentes apparaissent. Si chacun lit ou s'appuie sur le même droit, cela n'empêche pas une approche différente des cas qui sont présentés. En revanche, un point commun surgit à l'écran. Tous les juges, hommes comme femmes, jeunes ou plus expérimentés, s'adressent aux internés avec un vocabulaire technique et élaboré souvent incompréhensible pour ces personnes. On rit à les entendre demander de répéter ce qui a été dit, pour comprendre. On devance même parfois ces demandes. Mais après le rire, c'est bien les difficultés de communication de la justice vis-à-vis des justiciables qui se posent. Car si les spectateurs comprennent ce que disent les juges dans ce film, ils se projettent très facilement dans le fait que, dans d'autres circonstances, ils pourraient être dans la situation des internés. Cette rupture de niveau de langue, malgré quelques efforts des juges pour mieux se faire comprendre, est manifestement aussi un problème pour la compréhension d'une décision de justice. Et à l'écran, les juges deviennent des détenteurs de pouvoirs autres que ceux de leur seule fonction. Ils sont les "sachants" dépositaires du droit, validant des décisions d'autres "sachants" dont le vocabulaire peut sembler tout aussi incompréhensible pour les personnes qui se sentent victimes de ces internements.

Depardon filme mais il ne donne pas son point de vue. Il n'est pas celui qui interroge les internés. Tel un photographe mais au dispositif plus ambitieux, plus lourd, plus présent, il témoigne de ces audiences réalisées dans l'hôpital psychiatrique. Certes certains peuvent prétendre que le point de vue de Depardon passe par le montage, par l'assemblage des différents cas, allant de cas plus légers à des cas parfois très lourds, ayant entraîné des meurtres. Cette progression serait alors là pour justifier les décisions finales des juges, dont la validation des internements demandés et confirmés par les autorités médicales contribuerait à la protection de la société comme des internés?
Pas si sûr. Les séquences intermédiaires, accompagnées magnifiquement par la musique d'Alexandre Desplat,  présentent des internés dont l'humanité semble être réduite du fait de la réduction de leur liberté. Reprenons, un labyrinthe, une femme chantant seule, un homme fumant seul... Ils sont filmés comme des animaux en cage, incapable de pouvoir sortir du lieu où ils sont enfermés. Développant des tocs. Déprimant par des comportements dépressifs. Un autre plan, très cinématographique encore nous laisse à l'extérieur d'une salle de repos et de laquelle semble sortir des cris, des relations violentes. Le son "off", hors champ, est très présent dans ces séquences intermédiaires. Il y aurait donc une vie dans ces hôpitaux mais nous n'y avons pas accès. Et là, que veut nous dire Depardon? Que les internés sont davantage des prisonniers que des malades ayant vocation à être soignés, guéris puis à sortir de ces murs?

Peut-être veut-il nous dire tout ça, tout et son contraire, la nécessité d'internés ces personnes pour le bien de la société mais avec la conséquence d'une difficulté énorme à pouvoir les en voir sortir. Ou bien veut-il montrer que la justice fait bien son travail en vérifiant les procédures d'internement, ou alors que la justice est trop distante de celle dont elle est amenée à juger les situations. Ou bien...

Le film de Depardon pose donc un vrai problème, sans compter celui du fait que les personnes internées apparaissent à l'écran quand bien même il est spécifié que leurs noms ont été modifiés.
Le problème est que nous ne savons pas ce que pense le cinéaste Depardon de ce qu'il filme. Que pense-t-il de ces audiences? Les trouve-t-il nécessaires? Les internés, qui sont des citoyens, sont-ils protégés par la loi, par les juges? La réponse est peut-être ailleurs. Depardon n'a pas fait un film. Il a fait un album photographique. Un témoignage de différents cas dans une situation donnée. Ses photographies ont la particularité d'être animées. Avec des images d'illustration que sont ces interludes situés entre chaque photographie mais qui sont les parties artistiques et esthétiques des captations d'audience qui constituent le fond de ses photographies. Sauf que les photographes de guerre, sans avoir besoin de donner leur avis sur les belligérants, illustrent a minima l'horreur de la guerre, avec pour simplifier: "La guerre, c'est mal". Leur point de vue apparaît par l'image ce qui n'est pas le cas pour Raymond Depardon. Lui ne donne pas cette opportunité de savoir ce que nous devrions être amenés à penser de par son œuvre. Quelle morale est dans son film? Quelle théorie peut-on déduire de son travail?
Aussi stupéfiante soient les images qu'il a pu saisir, aussi intéressantes soient-elles, le spectateur ressort d'un tel film avec la sensation d'avoir été un voyeur sans aucune possibilité de se dire quoi que ce soit d'autre que d'être bien heureux que certains restent en hôpital psychiatrique... et heureux de ne pas y être non plus. Ce qui est, au final, tout de même pauvre comme sentiment...

À très bientôt
Lionel Lacour

vendredi 10 novembre 2017

"Carré 35": Histoire(s) cachée(s)

Bonjour à tous,

C'est avec un titre aussi étrange que Carré 35 qu'Éric Caravaca réalise son premier documentaire, présenté au festival de Cannes 2017, avec ce pari incroyable de raconter une histoire de sa famille en imaginant que cela pourrait intéresser les spectateurs n'en faisant pas partie. Pourtant, les spectateurs sont happés par la narration. Ceci est dû à un habile travail tant sur le fond que sur la forme, donnant au réalisateur suffisamment de distance avec un sujet l'impliquant intimement tout en faisant entrer les spectateurs dans la vie de sa famille qui pourrait être leur famille.

Oui, Éric Caravaca avait un sujet en or, sujet que beaucoup auraient peut-être traité sous l'angle de la fiction. Et pourquoi pas? Il choisit néanmoins le mode du documentaire. Mais un documentaire pas linéaire, qui conduit le spectateur à suivre une enquête improbable de la redécouverte d'un membre disparu de la famille du réalisateur: une sœur qu'il n'a pas connue, morte bien avant sa propre naissance et dont il ne reste plus aucune trace: ni photo, ni film. Rien.  Et dont il ignore à peu près tout, du fait du silence - pour ne pas dire du déni - de ses parents. Et le hasard conduit Éric Caravaca à des rebondissements qu'un scénariste de fiction aurait pu écrire pour maintenir un degré de tension et entretenir suspens et mystère, à commencer par la recherche de la tombe de sa sœur Catherine, dans le fameux "Carré 35" du cimétière français de Casablanca jusqu'à une conclusion que certains pourraient appeler "Happy end" mais qui n'en est pas vraiment une. Voici pour ce qui est de la trame du documentaire.

L'aspect universel du film s'appuie donc sur une histoire incroyable. Mais chaque famille peut, si on cherche bien, présenter une histoire propre avec des caractères incroyables. Caravaca a donc su donner à son récit une profondeur autre. D'abord en associant son histoire familiale à un contexte historique. Évidemment, le documentaire est un film personnel et le réalisateur associe à sa propre histoire des faits qui lui semblent sinon correspondre, du moins répondre à une situation proche. À la vie de sa famille, chrétiens de Casablanca pendant le protectorat français au Maroc jusqu'à la décolonisation et même jusqu'après, Caravaca associe des images terribles de cette période de décolonisation avec en voix over les commentaires d'époque contredisant les images présentes à l'écran. Ainsi, le mensonge ou le déni officiel des autorités françaises - relayés par les médias officiels, trouvent un écho avec le mensonge et le déni de la famille Caravaca.
Le documentaire se nourrit de références cinématographiques pour renforcer ce parallèle. Des images de moutons prêts à être sacrifiés pour les rites cultuels musulmans mis en parallèle avec les crimes de guerre perpétrés par l'armée française renvoient aux images d'Eisenstein dans La grève en 1925. Mais c'est peut-être la juxtaposition d'un mensonge d'État, celui des gouvernements français vis-à-vis de la décolonisation du Maroc, au mensonge familial qui est le plus subtil. Jean Renoir, en 1939, dans La règle du jeu déclamait "tout le monde ment, le gouvernement, les journaux, pourquoi voudrais-tu qu nous simples particuliers, on dise la vérité".

C'est donc aussi par la forme que le réalisateur donne un sens universel à son documentaire. Par une vraie écriture cinématographique. Par un recours à des images tournées non en numérique mais avec une caméra super 8, donnant un grain particulier, proche des films 8 mm que son père utilisait pour immortaliser sa famille. Si bien que les images de la maison du Maroc dans laquelle son père, sa mère et sa sœur ont vécu ouvrent le documentaire. Et le grain très fort, qui contraste avec les images nettes et lisses des films numériques, plonge le spectateur dans le doute. Voit-il des images d'archives, car le super 8 renvoie au temps passé, suggérant qu'il y avait alors déjà un mystère? Est-ce un traitement en post-production? Cette confusion à l'image n'est pas un artifice. Elle permet d'être à la fois avec le mystère familial, de mettre de la distance que permettent les images d'archive comme celles sur les exactions de l'armée française, de faire des parents d'Éric Caravaca des parents de leur époque. Y compris dans cette séquence tournée en super 8 montrant le père du réalisateur à l'hôpital. Et cette confusion images d'archives officielles, images d'archives familiales et images récentes tournées en super 8 apportent une explication sociologique et historique à ce secret familial: les parents Caravaca ont porté et supporté un malheur comme sûrement d'autres parents de leur génération, de leur culture, ont pu porter. Peut-être pas de la même manière, peut-être parfois moins dans le déni, peut-être parfois de manière plus brutale.

Éric Caravaca ne juge pas ses parents, ni sa famille. Son témoignage est celui d'un artiste sensible, qui prend en compte un contexte social et sociétal, rappelant comment les enfants malades comme l'était sa sœur étaient perçus par la société, et avec eux leur famille. À l'heure où tant de personnes jugent le passé à l'aune du présent, avoir un film aussi puissant et aussi intelligent pour traiter d'un sujet à la fois si personnel et si universel est une chance pour les spectateurs comme pour le cinéma. Et Caravaca démontre, s'il le fallait encore, que le genre du documentaire est un genre cinématographique à part entière, à condition d'avoir des choses à dire en se servant de ce que seul le cinéma peut apporter: un langage spécifique porteur de sens.

À très bientôt
Lionel Lacour

mercredi 8 novembre 2017

"Prendre le large": film hommage au monde ouvrier?

Bonjour à tous

Mercredi 8 novembre sort Prendre le large, le nouveau film de Gaël Morel. Film ouvertement social, dont le générique commence par des plans sur des métiers à tisser et les tissus qui en sortent, le sujet est ambitieux par les différents points qu'il soulève. Un plan social, des actions syndicales, le reclassement des ouvriers dans un pays à faible coût de main d'œuvre, mais encore l'émigration, le regard sur un pays du Maghreb et son islamisation, mais encore les relations mère-fils, l'acceptation de l'homosexualité du second par la

jeudi 26 octobre 2017

Un site internet pour la légende Gregory Peck

Bonjour à tous

Le Festival Lumière 2017 est terminé mais cela n'empêche pas de revenir sur ceux qui ont fait le cinéma de l'âge d'or d'Hollywood. Et Gregory Peck fait partie de ceux-là.
Pour les Français, il est celui qui joua dans Les canons de Navarone en 1961, dans Moby Dick en 1956 ou encore Vacances romaines en 1953.
Pour les Américains, il est assurément un immense acteur oscarisé pour son rôle d'Atticus Finch dans l'adaptation cinématographique de To kill a mocking bird par Robert Mulligan en 1962 (voir à ce sujet Du silence et des ombres:chef-d'œuvre indispensable).

La carrière de Gregory Peck se caractérise par un éclectisme incroyable, tournant dans des films de guerre comme dans des westerns, des films d'aventures, d'espionnage ou des films plus romantiques.

jeudi 5 octobre 2017

Lumière 2017 - "Le Nouveau monde": pour partager le cinéma d'Art et Essai

Bonjour à tous,

Le cinéma désigne à la fois un art mais aussi le lieu où cet art est visible.
Dans Le nouveau monde, Vincent Sorrel s'attache à montrer combien ces deux acceptions se conjuguent en filmant comment l'association qui gérait le cinéma "Le Méliès" à Grenoble a décidé de construire un nouveau lieu, un nouveau "Méliès", et donc une salle qui s'appellerait "Un nouveau monde".
Le documentaire de Vincent Sorrel suit alors les différentes étapes de cette construction de salle coordonnée par ces passionnés de cinéma, soucieux de partager des films d'auteurs et du patrimoine pour un public ne trouvant pas cette offre dans leur agglomération.
Le film évacue rapidement le fait qu'aucune aide des collectivités locales ne leur a été apportée, pour ne pas faire une concurrence aux autres salles. Une motivation qui ne peut que surprendre tant la ligne éditoriale du Méliès puis du Nouveau monde sont aux antipodes des cinémas commerciaux des multiplex.
Mais Vincent Sorrel a préféré l'aventure de cette construction, tant du point de vue architectural que technique, tant du point de vue de la

lundi 2 octobre 2017

Lumière 2017 - Documentaire sur Carlo Di Palma: un regard sur l'Italie

Bonjour à tous,

Le festival Lumière, comme chaque année, propose des documentaires consacrés à ceux qui permettent aux cinéastes d'obtenir les images, les couleurs et les contrastes de leurs rêves. Cette année, c'est donc autour du grand chef opérateur italien Carlo Di Palma qu'un documentaire sera proposé le Vendredi 20 octobre 2017 à 11h, à l'Institut Lumière (Salle 2 Villa)
Intitulé De l'eau et du sucre, Carlo Di Palma, les couleurs de la vie et réalisé par Fariborz Kamkari, ce documentaire plonge pendant 1h30  le spectateur dans l'Italie de la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu'à la fin de la carrière de

jeudi 28 septembre 2017

Lumière 2017 - "La Continental, le mystère Greven" ou le cinéma français sous l'occupation

Bonjour à tous

Découvrir ce documentaire, c'est comme découvrir un pan entier d'une histoire cachée depuis longtemps et que Bertrand Tavernier avait commencé à révéler dans Laissez passer en 2002. C'est donc tout légitimement que le réalisateur français intervient autant comme réalisateur cinéphile que comme historien du cinéma dans ce passionnant documentaire. Car Claudia Collao, la réalisatrice, a trouvé ce qui se fait de mieux comme historiens du cinéma français. Jean Ollé-Laprune et Pascal Mérigeau apportent leurs connaissances mais aussi leurs doutes sur cette période étonnante du cinéma français

Lumière 2017 - "Dans les pas de Jean-Paul Rappeneau", une histoire de cinéma

Bonjour à tous

Le Festival Lumière 2017 projettera le documentaire Dans les pas de Jean-Paul Rappeneau à l'Institut Lumière (salle 2 - Villa) le mercredi 18 octobre à 19h45. Réalisé par Jérôme Wybon, le film propose à la fois un entretien avec le réalisateur de Cyrano de Bergerac et une leçon de cinéma pour les spectateurs.

Toute la filmographie de Rappeneau est abordée par des anecdotes qu'il apporte lui-même ou par

vendredi 22 septembre 2017

Lumière 2017 - "Jean Douchet, l'enfant agité": la passion cinéphilique

Bonjour à tous,

Samedi 21 octobre à 11h sera projeté un documentaire sur le critique de cinéma, mais surtout cinéphile Jean Douchet. Ce n'est pas la première fois qu'un film est consacré à cet historien du cinéma, plume majeure dans Les cahiers du cinéma et grand spécialiste d'Hitchcock, de Truffaut et de tant d'autres. Mais Jean Douchet, l'enfant agité a cette particularité

lundi 18 septembre 2017

Lumière 2017 - Gene Tierney, une star oubliée: une Histoire américaine

Bonjour à tous

Après Et la femme créa Hollywood programmé au Festival Lumière 2016, Clara et Julia Kuperberg reviennent pour l'édition 2017 avec leur nouveau documentaire Gene Tierney, une star oubliée présenté le vendredi 20 octobre à l'Institut Lumière (salle 2 - Villa).

Les amateurs du cinéma de l'âge d'or d'Hollywood ne pourront qu'être ravis de ce documentaire qui s'ouvre sur le témoignage formidable de Martin Scorcese, cinéphile par excellence. Et l'histoire de l'actrice commence, comme par une ouverture de rideaux, avec les affiches de Laura et de Péché mortel de part et d'autre, deux de ses nombreux films, suivant le point de vue de la comédienne par la lecture des quelques extraits de ses mémoires.

Gene Tierney, une star oubliée fait, au travers de l'actrice, un panorama sur ces réalisateurs tyranniques des studios avec qui elle a travaillé, de Fritz Lang à Ernst Lubitsch en passant par John Ford, puis un autre sur les actrices qui comme elle remplissaient les salles de cinéma, de Lana Turner à Marilyn Monroe. Au travers de sa filmographie, on voit sa spécificité d'actrice, dépassant les archétypes des personnages féminins satisfaisant habituellement les fantasmes masculins, "la pucelle ou la putain" comme l'affirme une autre historienne intervenant dans le documentaire.

Mais là où nombre de documentaires biopics se contentent de n'aborder que la partie artistique et personnelle des stars, celui-ci propose une sorte d'Histoire parallèle entre la carrière de l'actrice et son époque, à commencer par la machine hollywoodienne. Ainsi, quand une historienne du cinéma évoque les personnages de femmes exotiques incarnés à l'écran par Gene Tierney, c'est pour ensuite mieux expliquer les stratégies commerciales des majors visant une exploitation internationale avec des comédiens n'étant pas trop typés. Voici comment Gene Tierney pouvait incarner une chinoise comme une orientale: pour répondre à une logique économique, depuis appelé soft power.

Plus encore, c'est une partie de l'Histoire de ces années de seconde guerre mondiale et post-guerre que le film révèle. Par exemple, nous apprenons, images à l'appui, que Gene Tierney, comme d'autres stars, masculines ou féminines, a participé à l'effort de guerre, comme Humphrey Bogart ou John Wayne, en tournant des films de propagande et en soutenant les troupes américaines, comme Thunder birds de W. Wellman en 1942.

Loin des hagiographies, Gene Tierney, une star oubliée permet donc de comprendre, par le prisme d'une actrice dont le nom s'est, comme d'ailleurs tant d'autres à l'instar de Jean Simmons, effacé de nos mémoire, d'appréhender une période de l'Histoire des USA, tant du point de vue culturel, économique que politique. Mais également de comprendre que la machine à rêves que représentait Hollywood était aussi une machine à broyer, qui a fait la fortune des studios comme des institutions psychiatriques californiennes.

Riche d'archives de studios ou privées, avec une iconographie dense, Clara et Julia Kuperberg donnent donc aux spectateurs un documentaire captivant, dans lequel on découvre autant une actrice qu'un âge du cinéma béni par certains. Il donne surtout envie de redécouvrir les films que Gene Tierney a tourné pour John Ford, Mankiewicz, Preminger et tant d'autres!

FILM PRESENTÉ PAR LES RÉALISATRICES
Gene Tierney, une star oubliée de Clara et Julia KUPERBERG
Vendredi 20 octobre - 16h45 - Institut Lumière (Salle 2 - Villa)

À très bientôt
Lionel Lacour

dimanche 17 septembre 2017

Lumière 2017 - "Filmworker": dans l'ombre de Kubrick

Bonjour à tous,

Quand on est un Kubrick addict, le documentaire Filmworker est celui qu'il faut voir absolument. Régulièrement, le Festival Lumière apporte un éclairage nouveau sur ce cinéaste, comme en 2013 quand il recevait son producteur James B. Harris. Pour sa neuvième édition, ce documentaire passionnant présenté par son réalisateur Tony Zierra, vient encore un peu plus satisfaire les fans du réalisateur de The Shining.

Filmworker est le portrait de Leon Vitali, acteur prometteur et

jeudi 14 septembre 2017

"Histoire et Cinéma" à l'Institut Lumière 2017 - 2018

Bonjour à tous


Comme chaque année, je propose un cycle de conférences "Histoire et Cinéma" à l'Institut Lumière, avec cette année des nouvelles séances pour coller au plus près des programmes de collèges et de lycées pour les classes étudiant le monde contemporain.

Le programme de ciné-conférences « Histoire et Cinéma » a pour objectif de montrer combien les films sont des témoins de leur temps. Chaque séance aborde des points des programmes d’Histoire