samedi 13 avril 2013

La famille française des années 1950 à aujourd'hui dans le cinéma populaire


Bonjour à tous

Le cinéma français comme d’autres cinéma s’est souvent attaché à montrer sa vision de la famille destinée à toucher les spectateurs. La dramaturgie filmique des films abordant cette thématique joue sur une corde assez sensible et finalement assez commune au travers des époques. Filmer une famille heureuse n’a finalement que peu d’intérêt. En revanche, montrer les failles ou les plaies d’une famille, voilà qui crée bien de l’intérêt pour les spectateurs. Dès lors, c’est bien de ces faiblesses montrées à l’écran que nous pouvons mieux comprendre à la fois le modèle familial qui est en jeu au moment de produire le film et les difficultés pour atteindre ce modèle. Si la question dramaturgique pose donc peu de question, c’est bien le comment cette dramaturgie est mise en place qui importe et avec cela, comment cette représentation en dit long sur la société et sa perception de la famille. C’est autour de six films de réalisateurs de films populaires que je vous propose cette petite analyse.

  1. Une famille, un ou des parents, un ou des enfants: un modèle cabossé
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les familles connaissent divers traumatismes, que Denys de la Patellière aborde dans Rue des prairies, faisant du personnage joué par Jean Gabin, le père d’enfant dont l’un fut engendré alors même qu’il était prisonnier. Pourtant, il l’élève comme son propre fils, même après la disparition de sa femme. Le cinéma à Papa jouait sur la fibre paternelle et masculine. Paradoxalement, François Truffaut, réalisateur de la Nouvelle Vague qui avait tant critiqué ce cinéma dépassé, ne montrait pas une meilleure image de la mère dans son premier film Les 400 coups. Volage, peu aimante, elle ne permet pas au jeune Antoine Doisnel de se construire dans un modèle familial solide. S’il essaie d’être aimé par elle, celle-ci se détourne de ce modèle maternel qui lui serait imposé par la société, comme elle se détourne de la fidélité à son mari. Dans ces deux films, c’est la mère qui est mise sinon en accusation, du moins en cause dans la perturbation du modèle familial classique.
En 1973, La gifle de Claude Pinoteau semblait reprendre le même schéma. Lino Ventura incarnait un père ayant la charge de sa fille, étudiante en médecine, interprétée par Isabelle Adjani. Or il vit une relation avec une femme qui n’est pas son épouse officielle tandis que la mère de sa fille, Annie Girardot, vit sa passion avec un Australien. Ils ne sont pas divorcés. Et si c’est bien la femme de Lino Ventura qui est partie, il n’y a plus d’accusation du réalisateur dans cet amour vécu par elle. C’est une famille éclatée qui est présentée, en rupture avec les modèle précédent, avec la banalisation d’un mariage qui s’est fini parce qu’il n’y avait plus assez d’amour, avec la difficulté aussi du père/mari de se trouver dans cette situation.
En 1980, le même Claude Pinoteau continuait son approche de la famille avec La boum présentant un couple au-dessus de tout soupçon, semblant vivre un parfait amour. La mère, jouée par Brigitte Fossey, travaille, est autonome comme un homme mais doit faire face à l’infidélité de son mari incarné par Claude Brasseur. Cette famille présente une caractéristique nouvelle par la présence de l’arrière grand-mère de Vic – Sophie Marceau – interprété par Denise Grey. Ce personnage haut en couleur est aussi l’incarnation d’une nouvelle figure de la famille moderne, celle d’une personne du troisième âge qui mène une vie autonome et moins dépendante de ses enfants. Si la morale du film est sauve avec un happy end, ce même happy end est présent dans La crise de Coline Serreau en 1992. Pourtant, le personnage du mari interprété par Vincent Lindon n’a pas trompé sa femme. Il l’a juste négligé. Et la soudaine absence de celle qu’il aime va lui faire prendre conscience de cette famille à laquelle il aspire. Il découvre stupéfait que d’autre modèles existent, famille éclatées et recomposées qui seraient heureuses alors que lui ne semble plus l’être. Même sa mère refait sa vie avec un homme plus jeune qu’elle! Si sa femme revient, c’est parce que c’est lui qui a dû s’amender de son comportement entièrement tourné vers son travail. Ce qui pouvait être valorisé dans les films des années 1950 est désormais montré comme un élément négatif dans la vie de famille. L’épouse est désormais à la fois amante, mère et indépendante économiquement. La fonction “nourricière” du mari est donc obsolète car le contrat social du couple, qu’il passe de manière formelle par le mariage ou par un accord tacite, ne repose jsutement plus sur cette répartition des fonctions de chaque membre du couple. La famille du film LOL de Lisa Azuelos en 2008 en témoigne de manière assez stupéfiante, faisant du mari de Sophie Marceau – et père de Lola, héroïne du film – un personnage quasi absent, divertissement sexuel du personnage de la mère, père cadeau de sa fille mais plus vraiment décideur de la vie de famille dans laquelle la mère est désormais la seule à décider de tout, à commencer par l’éducation de sa fille.

  1. La représentation de l’autorité parentale: une évolution en phase avec celle de la société
Si la représentation de la famille évolue, c’est également celle de l’autorité parentale, et particulièrement paternelle qui voit son image se transformer: autoritaire chez Denys de la Patelière, oscillant entre l’ouverture née de 1968 et le conservatisme d’antant dans La gifle, cette autorité évolue rapidement vers l’incompréhension totale d’un père qui ne comprend plus les aspirations de ses enfants. C’est particulièrement vrai dans La boum, jusqu’à la quasi absence de la figure masculine de l’autorité, par exemple dans LOL. A la régression du rôle paternel se substitue au contraire le rôle de plus en plus important de la mère, deplus en plus présente, jouant progressivement le rôle habituellement attribué au père.
Si dans Les 400 coups, l’autorité de la mère apparaît comme une autorité négative, preuve du non amour de son fils, rendant par la même occasion la figure du père particulièrement insignifiante, la mère de Vic dans La boum n’hésite pas à la punir. La figure de Poupette, la grand-mère pétillante, reprenant finalement le rôle de la mère qui passait derrière la sanction du père pour la faire accepter à ses enfants. Dans La gifle, l’autorité paternelle contestée, remise en cause par sa fille est curieusement argumentée par sa perte d’emploi. Tombé de son piedestal, le père ne peut alors plus se prévaloir de cette autorité que son statut social lui conférait, y compris dans sa famille. C’est au contraire l’autorité de la mère lointaine qui s’impose. L’éloignement du père d’autrefois du fait de son temps passé au travail se substitue à celui de la mère qui a choisi sa vie en toute liberté.
Cette autorité parentale est représentée aussi par des prises de décisions parentales qui sont censées donner des repères aux enfants. Si ceux-là sont d’abord moraux, ils doivent aussi s’accompagner de l’exemplarité des parents quant à leur respect de leurs précepts. Cette autorité est alors entière dans Rue des prairies, le père étant une image même de la rectitude morale. Au contraire, le rôle de la mère de Lola dans LOL est bien plus difficile à tenir tant elle n’est pas en accord avec les principes qu’elle impose à sa fille. Cinématographiquement, le père de Rue des prairies est montré comme une figure forte, pouvant remettre en place sa fille et son amant qui a 50 ans comme lui, tandis que la mère de Lola culpabilise de son oncapacité à appliquer les règles qu’elle édicte et se réfugie dans une posture d’adulescente inexistante au cinéma dans les décennies précédentes.
Enfin, c’est surtout la notion de séparation des informations qui concernent les parents des enfants qui se transforme particulièrement et qui se transpose au cinéma. Si la famille du film de Denys de la Patelière vit avec des secrets que tout le monde connaît mais dont personne ne parle, il s’agit bien d’une représentation des années 1950. Même le film de Truffaut évoque des non-dits, des cachoteries que le fils ne doit pas connaître. Or, progressivement, la frontière est plus floue entre ce qui doit être dit aux enfants par les parents et ce que les enfants peuvent admettre de leurs parents. Le personnage de Lino Ventura se livre à sa fille qui lui manque de respect dans La gifle. Dans La boum, Vic se confie à son arrière grand-mère et exclut ses parents de sa vie privée, jusqu’à parfois les exlure de leur propre appartement! A l’image, Claude Pinoteau reste néanmoins dans la discrétion des histoires d’adultes. Les relations du père et de la mère du personnage d’Isabelle Adjani sont évoquées de manière très discrètes. Dans La boum, ce que Claude Brasseur et Brigitte Fossey se disent est certes montré mais le spectateur n’entend rien. Cette intimité est absolument effacé dans LOL. La mère ne se cache plus vraiment de ses relations tumultueuses avec son ex mari ou avec son amant tandis que sa fille ne préserve pas particulièrement son intimité avec sa mère. Pis encore, les autres parents du film, montrés comme des réactionnaires dans leur modèle éducatif sont raillés jusqu’à ce qu’ils évoluent et acceptent les décisions prises par leurs enfants.


CONCLUSION

Les films du cinéma populaire français ont donc accompagné l’évolution de la société, particulièrement dans l’image qu’ils ont renvoyée de la famille. Pas prophétiques, souvent en phase avec les tendances qui n’étaient parfois encore que naissantes, ces films ont été des succès en salle et constituent des marqueurs pour des générations. Pourtant, les différences entre ces films provient du point de vue des réalisateurs. Paradoxalement, les deux films de 1959 ont chacun un point de vue clair. Rue des prairies suit le point de vue du père tandis que Les 400 coups prend ouvertement le point de vue du jeune héros. Les autres films sont eux beaucoup plus hésitants, suivant le point de vue des parents comme des enfants. Seul La crise suit le point de vue exclusif du héros, Vincent Lindon. Mais c’est qu’il est à la fois père, époux et fils dans le film! Cette hésitation récurrente dans le point de vue à suivre dans le cinéma n’est peut-être pas anodin et témoigne certainement d’une réalité de la famille française, qui subit une influence venue d’outre-Atlantique qui affirme le règne des enfants sur les adultes, comme en témoignent les teen-movies, mais qui tente de résister en cherchant ses racines dans la prééminence de l’adulte dans la famille. Reste à savoir ce qui adviendra de la famille française. Pour le savoir, il faudra peut-être aller en salle de cinéma!

À bientôt
Lionel Lacour

mercredi 10 avril 2013

"Pasolini, mort d'un poète" à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

Le vendredi 26 avril à 20h30

Le cinéaste italien 
Marco Tullio Giordana présentera son film Pasolini, mort d'un poète réalisé en 1995.

Marco Tullio Giordana est un cinéaste engagé dans l'histoire de son pays et livre à travers ses films une vision sans concession de l'Italie. Il a notamment réalisé Nos meilleurs années et Les Cent pas.

Le film qu'il viendra présenter le vendredi 26 avril à l'Institut Lumière part d'un fait divers qui a meurtri à la fois l'Italie mais également les cinéphiles du monde entier. En effet, le 1er novembre 1975 à Ostie, Pier Paolo Pasolini était découvert sans vie sur un terrain vague. Le procès qui a suivi coupa l'Italie en deux...
Adoptant un traitement oscillant entre le polar et le documentaire, Marco Tullio Giordana revient sur cette mort pour le moins mystérieuse du cinéaste à l'œuvre si controversée, si puissante et si contestataire d'un ordre moral établi, réalisant entre autres Accatone,  L'évangile selon Saint Mathieu et bien évidemment Salo ou les 120 jours de Sodome réalisé l'année de sa mort.

Pasolini, mort d'un poète: Un film à découvrir d'urgence!

Tous renseignements et billetterie à l'Institut Lumière
www.institut-lumiere.org
04 78 78 18 95


À bientôt
Lionel Lacour

vendredi 5 avril 2013

"Outreau, l'autre vérité" au Mégaroyal de Bourgoin Jallieu


Bonjour à tous,


PROJECTION EXCEPTIONNELLE DU DOCUMENTAIRE
OUTREAU, L’AUTRE VÉRITÉ – 2013 – 92 minutes
LUNDI 29 AVRIL 20H00

Après la projection en clôture des 4èmes Rencontres Droit Justice Cinéma, une nouvelle soirée dans la région Rhône-Alpes est consacrée à ce documentaire choc.
Ce film, réalisé par Serge GARDE en 2012 et qui revient sur cette affaire judiciaire que certains ont appelé « le fiasco d’Outreau » mais en partant du point de vue trop souvent oublié, celui des enfants reconnues victimes a été refusé par les télévisions, peut-être parce qu’elles se sont senties mises en cause dans ce documentaire, la société Zelig a alors décidé de le distribuer dans les salles de cinéma partout en France.

Documentaire extrêmement documenté, interrogeant de nombreux témoins directs de cette affaire mais également des experts incontestables, le film de Serge GARDE ose rappeler aux spectateurs comment la tourmente médiatique a créé une atmosphère peu propice au travail serein de la justice.

Bernard de la VILLARDIÈRE, journaliste et producteur de ce documentaire choc, sera présent à cette soirée. À cette occasion, je l'interrogerai et il expliquera pourquoi il s’est lancé dans la production de ce film puis répondra aux questions des spectateurs.

Renseignements et achat des places:
MÉGAROYAL – Multiplexe indépendant de Bourgoin Jallieu – 12 salles 
6 place Jean-Jacques ROUSSEAU

 À très bientôt

Lionel Lacour

mercredi 3 avril 2013

La chevauchée des bannis: un pré - Peckinpah?

Bonjour à tous,

tout a été dit semble-t-il sur ce film d'André De Toth, réalisé en 1959. La chevauchée des bannis, mis à l'honneur par le cinéaste Bertrand Tavernier qui a réhabilité ce réalisateur d'origine hongroise dans son livre Amis américains, est un film d'une beauté rare: noir et blanc magistral, travail sur la représentation d'une nature hostile et sauvage comme jamais, thème musical utilisé avec parcimonie et qui soutient véritablement les séquences plutôt que de couvrir l'ensemble du film, casting irréprochable. Réalisé la même année que Rio Bravo (voir à ce propos mon article consacré à ce film), il y a des points communs quant à cette manière minimaliste de représenter l'espace habité. Pourtant, si le premier fut un succès considérable, La chevauchée des bannis fut un échec cuisant, poussant son réalisateur hors d'Hollywood pendant des années et n'y revenant que pour deux films. Comment alors expliquer l'absence de succès pour une œuvre que chacun aujourd'hui considère comme la plus aboutie du réalisateur, et sans conteste un sommet du 7ème art?
La modernité du traitement du sujet n'y est certainement pas pour rien et les spectateurs qui allaient encenser Sam Peckinpah quelques années plus tard n'étaient pas encore ceux qui remplissaient les salles.