Bonjour à tous,
Mardi 9 février, j'ai donné une conférence à la cinémathèque de Saint-Etienne dirigée par Philippe Léonard, en présence de Clayton Stanger, Consul des USA et de Victor Vitelli, directeur de communication du consulat. En voici une synthèse.
Mardi 9 février, j'ai donné une conférence à la cinémathèque de Saint-Etienne dirigée par Philippe Léonard, en présence de Clayton Stanger, Consul des USA et de Victor Vitelli, directeur de communication du consulat. En voici une synthèse.
Introduction : Un Noir est-il un Américain comme un autre ?
La conférence porte à partir du cinéma parlant et donc ne prendra pas en compte les films d'avant 1927. Naissance d’une Nation de Griffith, film particulièrement raciste faisant quasiment l'apologie de mouvement comme le Ku Klux Klan est donc en dehors du champ d'analyse. De même, la filmographie étant immense, une sélection restreinte de films était proposée pour correspondre aux différents thèmes abordés.
En 1927, le film d'Alan Croland Le chanteur de jazz évoquait magnifiquement la place des noirs dans la société américaine. En effet, le personnage principal, un juif américain, se retrouve dans la situation de chanter du jazz dans une comédie musicale de Broadway en adoptant la Black face, maquillage caricaturant ce à quoi étaient censés ressembler les Noirs. Cela témoigne en fait de l'interdiction faite aux artistes noirs de jouer dans certains théâtres leur étant interdits. Si un Blanc se maquille en noir, ce n'était que parce que la société américaine était raciste et ségrégationniste, avec ce paradoxe que la société blanche appréciait cette musique noire: le jazz.
Ainsi, le cinéma américain a longtemps été à l’image de sa société : un monde ségrégationniste qui reproduisait les inégalités entre Blancs et Noirs, mettant en avant la culture noire, le Jazz notamment, et acceptant de montrer parfois des relations entre Blancs et Noirs mais régulièrement sous un angle paternaliste, faisant des Noirs des éternels mineurs. Cette représentation cinématographique allait évoluer progressivement à mesure des mutations de la société et des revendications de la communauté noire du pays.
La conférence porte à partir du cinéma parlant et donc ne prendra pas en compte les films d'avant 1927. Naissance d’une Nation de Griffith, film particulièrement raciste faisant quasiment l'apologie de mouvement comme le Ku Klux Klan est donc en dehors du champ d'analyse. De même, la filmographie étant immense, une sélection restreinte de films était proposée pour correspondre aux différents thèmes abordés.
En 1927, le film d'Alan Croland Le chanteur de jazz évoquait magnifiquement la place des noirs dans la société américaine. En effet, le personnage principal, un juif américain, se retrouve dans la situation de chanter du jazz dans une comédie musicale de Broadway en adoptant la Black face, maquillage caricaturant ce à quoi étaient censés ressembler les Noirs. Cela témoigne en fait de l'interdiction faite aux artistes noirs de jouer dans certains théâtres leur étant interdits. Si un Blanc se maquille en noir, ce n'était que parce que la société américaine était raciste et ségrégationniste, avec ce paradoxe que la société blanche appréciait cette musique noire: le jazz.
Ainsi, le cinéma américain a longtemps été à l’image de sa société : un monde ségrégationniste qui reproduisait les inégalités entre Blancs et Noirs, mettant en avant la culture noire, le Jazz notamment, et acceptant de montrer parfois des relations entre Blancs et Noirs mais régulièrement sous un angle paternaliste, faisant des Noirs des éternels mineurs. Cette représentation cinématographique allait évoluer progressivement à mesure des mutations de la société et des revendications de la communauté noire du pays.
Scarlett obéit à Mammy! |
Longtemps, les rôles accordés aux noirs ont été ceux des esclaves, serviteurs, musiciens. En bref, ils étaient au service ou amusaient les Blancs et étaient cantonnés à des fonctions inférieures.
Autant en emporte le vent, adaptation du livre éponyme de Margareth Mitchell par Victor Fleming (entre autres) en 1939, montrait particulièrement cette situation, renvoyant les Noirs à n'être que des esclaves. Et si Mammy, interprétée par Hattie McDaniel, première comédienne noire à obtenir un oscar (meilleur second rôle féminin pour sa performance dans ce film), semble donner des ordres à Scarlett (Vivien Leigh), il n'en demeure pas moins que cela apparaît comme une transgression de ce à quoi l'assignait sa fonction. Et elle pouvait se le permettre parce que sa maîtresse l'acceptait. D'une certaine manière, le film minimisait la réalité de l'esclavage au Sud. Dans la réalité, la relation, même affective entre les deux personnages ne pouvait effacer la différence de statut juridique entre eux: la Blanche était libre et la Noire ne l'était pas, faisant de fait de cette dernière un humain de catégorie inférieure.
C'est cette même Vivien Leigh qui se retrouve en 1951 dans l'adaptation de la pièce de Tennessee Williams, Un tramway nommé désir, dont l’action se passe en Nouvelle Orléans, ville très marquée par la ségrégation aux USA mais aussi une des capitales du jazz avec notamment Louis Armstrong.
Les musiciens sont noirs et amusent les Blancs. Mais jamais ils ne se côtoient, jamais ils échangent. Les musiciens ne sont qu'un décor pour cette histoire qui ne concerne que les Blancs.
C'est encore plus étonnant quand, la même année 1951, le réalisateur Stuart Heisler tourne pour la Warner, studio orienté Démocrate, Storm warning avec Ronald Reagan dans un de ses rares premiers rôles. Ce film vient dénoncer les agissements d'une structure semblable au Ku Klux Klan pourtant officiellement interdit en 1877. Reagan y interprète un policier faisant respecter la loi et ridiculisant le cérémonial grotesque de adhérents à cette congrégation raciste. Dans la séquence finale, il assiste à une réunion sacrificielle. Le policier intervient et salue une enfant présente avec ses parents, symbole d'une éducation raciste auprès des plus jeunes. Aussi progessiste que soit le film, l'absence de noirs à l'écran saute aux yeux. Le problème évoqué est un problème avant tout de Blancs, à régler par les Blancs. Les Noirs n'ont pas leur place à l'écran pour revendiquer leurs droits.
Quand Hollywood s’empare de la cause noire
Les cinéastes et les producteurs n’ont cependant pas oublié les artistes noirs. Quand Otto Preminger réalise Carmen Jones en 1954 (il ne sortira en France qu'en 1981 pour d'obscures histoires de droit), il décide de ne recruter que des acteurs noirs. Si ce n'est pas la première fois qu'Hollywood recourt à ce type de casting dans un film. Mais Hallelujah ! de King Vidor en 1929 ou Stormy weather de Andrew L. Stone en 1943 maintenait la représentation des Noirs dans un environnement musical qui les renvoyait à leur culture, celle du jazz et de la comédie musicale. En adaptant l'opéra le plus célèbre du monde, Carmen, et en le faisant interpréter uniquement par des Noirs , Preminger plongeait les spectateurs dans une réalité différente. Les comédiens Noirs pouvaient ne pas être cantonnés à des rôles les maintenant dans un état habituel d'amuseurs. Entendre Harry Belafonte chanter l'opéra à l'écran (même si le paradoxe est qu'il fut doublé bien que lui-même chanteur) montrait combien un Noir pouvait interpréter d'autres rôles que ceux de serviteur ou de musicien. Soldats américains, boxeurs, ouvrières, managers, le film faisait des noirs des personnages comme n'importe quels autres. Le film correspond de fait à ce débat naissant aux USA sur la revendication des Noirs à être traités avant tout comme des citoyens de pleins droits. En 1955, Rosa Parks allait refuser de céder sa place à un Blanc dans un bus.
Ainsi, le cinéma allait devenir un amplificateur des revendications d'égalité de droits civiques pour les Noirs. Par exemple, en 1960, Le sergent noir de John Ford propose un discours profondément humaniste. En recourant au procès du sergent Rutledge (formidable Woody Strode), le réalisateur donne son point de vue sur la question qui anime la société américaine de cette période. Sa réponse est double. Progressiste en prenant fait et cause pour les revendications noires, faisant dire à son héros accusé de lâcheté qu'il n'est pas comme ces esclaves qui fuient mais qu'il est un homme ("I am a man!"). Ford reprend à ce titre les slogans des militants pour l'obtention des droits civiques guidés notamment par Martin Luther King. Et dans la même séquence, Sergent Rutledge rappelle que l'armée américaine est l'institution qui lui a permis de retrouver sa dignité et du respect. Pour Ford, les institutions, y compris la plus conservatrice comme l'armée, sont des vecteurs d'intégration dans la communauté civique. Ce qui est condamnable, c'est l'attitude de ceux qui, par racisme, s'opposent à l'égalité entre les Blancs et les Noirs.
Dans un autre genre, c'est bien dans ce même contexte que Robert Mulligan adapte To kill a mocking bird ("Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur") en 1962 traduit mystérieusement en français par Du silence et des ombres. Véritable chef-d'œuvre, avec comme acteur principal un Gregory Peck au sommet de son art dans le rôle d'Atticus Finch, l'histoire est centrée dans le sud des USA pendant la grande dépression des années 1930. Un Noir est accusé d'avoir violé une femme blanche. Et c'est un avocat blanc, Finch, qui accepte de défendre l'accusé. La sensibilité du film passe autant par le courage de l'avocat qui ose de fait affronter sa propre communauté que par l'innocence de ses enfants qui ne manifeste aucune forme de racisme, sont élevés par une gouvernante noire, et rejoignent pendant le procès la communauté noire, reléguée en haut de la salle d'audience, ségrégation oblige. Le procès aboutit à une séquence forte pendant laquelle ces spectateurs noirs se lèvent au passage de cet avocat blanc pour le remercier de ses efforts pour que la justice triomphe.
Ces années 1960 sont donc marquées par des films qui accompagnent les marches des associations noires pour les droits civiques. Comme par exemple le film de Stanley Kramer réalisé en 1967 et réunissant Spencer Tracy, Katharine Hepburn et Sidney Poitier, Devine qui vient dîner est devenu un des films références traitant de cette nécessité de tolérance entre les deux communautés. L'intrigue tourne autour d'un mariage entre une jeune femme blanche, fille des personnages de Tracy et Hepburn, et un jeune homme noir, inteprété par Sidney Poitier. Cet homme ne correspond pas au cliché des Noirs montrés au cinéma. Il est brillant, éduqué à l'occidentale et ressemble en tout point au gendre idéal. Mais il est noir. Et si le père de sa fiancée est en théorie très libéral, il doit s'avouer qu'il a du mal à accepter ce qu'il préconise pour les autres! Quant au parent du futur époux, ils sont tout aussi réticent au mariage, faisant preuve d'un communautarisme tout aussi diviseur. Le film est une ode à la liberté et au renoncement aux préjugés. Mais il est aussi, comme tous les films évoqués jusqu'alors, un point de vue de Blancs sur les noirs.
Et certains Noirs vont réclamer, comme le réclamaient Malcom X ou les Black Panthers après, des droits sans attendre qu'ils leurs soient concédés par le pouvoir blanc ou qu'ils soient défendus par les Blancs progressistes.
Les cinéastes et les producteurs n’ont cependant pas oublié les artistes noirs. Quand Otto Preminger réalise Carmen Jones en 1954 (il ne sortira en France qu'en 1981 pour d'obscures histoires de droit), il décide de ne recruter que des acteurs noirs. Si ce n'est pas la première fois qu'Hollywood recourt à ce type de casting dans un film. Mais Hallelujah ! de King Vidor en 1929 ou Stormy weather de Andrew L. Stone en 1943 maintenait la représentation des Noirs dans un environnement musical qui les renvoyait à leur culture, celle du jazz et de la comédie musicale. En adaptant l'opéra le plus célèbre du monde, Carmen, et en le faisant interpréter uniquement par des Noirs , Preminger plongeait les spectateurs dans une réalité différente. Les comédiens Noirs pouvaient ne pas être cantonnés à des rôles les maintenant dans un état habituel d'amuseurs. Entendre Harry Belafonte chanter l'opéra à l'écran (même si le paradoxe est qu'il fut doublé bien que lui-même chanteur) montrait combien un Noir pouvait interpréter d'autres rôles que ceux de serviteur ou de musicien. Soldats américains, boxeurs, ouvrières, managers, le film faisait des noirs des personnages comme n'importe quels autres. Le film correspond de fait à ce débat naissant aux USA sur la revendication des Noirs à être traités avant tout comme des citoyens de pleins droits. En 1955, Rosa Parks allait refuser de céder sa place à un Blanc dans un bus.
Ainsi, le cinéma allait devenir un amplificateur des revendications d'égalité de droits civiques pour les Noirs. Par exemple, en 1960, Le sergent noir de John Ford propose un discours profondément humaniste. En recourant au procès du sergent Rutledge (formidable Woody Strode), le réalisateur donne son point de vue sur la question qui anime la société américaine de cette période. Sa réponse est double. Progressiste en prenant fait et cause pour les revendications noires, faisant dire à son héros accusé de lâcheté qu'il n'est pas comme ces esclaves qui fuient mais qu'il est un homme ("I am a man!"). Ford reprend à ce titre les slogans des militants pour l'obtention des droits civiques guidés notamment par Martin Luther King. Et dans la même séquence, Sergent Rutledge rappelle que l'armée américaine est l'institution qui lui a permis de retrouver sa dignité et du respect. Pour Ford, les institutions, y compris la plus conservatrice comme l'armée, sont des vecteurs d'intégration dans la communauté civique. Ce qui est condamnable, c'est l'attitude de ceux qui, par racisme, s'opposent à l'égalité entre les Blancs et les Noirs.
Dans un autre genre, c'est bien dans ce même contexte que Robert Mulligan adapte To kill a mocking bird ("Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur") en 1962 traduit mystérieusement en français par Du silence et des ombres. Véritable chef-d'œuvre, avec comme acteur principal un Gregory Peck au sommet de son art dans le rôle d'Atticus Finch, l'histoire est centrée dans le sud des USA pendant la grande dépression des années 1930. Un Noir est accusé d'avoir violé une femme blanche. Et c'est un avocat blanc, Finch, qui accepte de défendre l'accusé. La sensibilité du film passe autant par le courage de l'avocat qui ose de fait affronter sa propre communauté que par l'innocence de ses enfants qui ne manifeste aucune forme de racisme, sont élevés par une gouvernante noire, et rejoignent pendant le procès la communauté noire, reléguée en haut de la salle d'audience, ségrégation oblige. Le procès aboutit à une séquence forte pendant laquelle ces spectateurs noirs se lèvent au passage de cet avocat blanc pour le remercier de ses efforts pour que la justice triomphe.
Ces années 1960 sont donc marquées par des films qui accompagnent les marches des associations noires pour les droits civiques. Comme par exemple le film de Stanley Kramer réalisé en 1967 et réunissant Spencer Tracy, Katharine Hepburn et Sidney Poitier, Devine qui vient dîner est devenu un des films références traitant de cette nécessité de tolérance entre les deux communautés. L'intrigue tourne autour d'un mariage entre une jeune femme blanche, fille des personnages de Tracy et Hepburn, et un jeune homme noir, inteprété par Sidney Poitier. Cet homme ne correspond pas au cliché des Noirs montrés au cinéma. Il est brillant, éduqué à l'occidentale et ressemble en tout point au gendre idéal. Mais il est noir. Et si le père de sa fiancée est en théorie très libéral, il doit s'avouer qu'il a du mal à accepter ce qu'il préconise pour les autres! Quant au parent du futur époux, ils sont tout aussi réticent au mariage, faisant preuve d'un communautarisme tout aussi diviseur. Le film est une ode à la liberté et au renoncement aux préjugés. Mais il est aussi, comme tous les films évoqués jusqu'alors, un point de vue de Blancs sur les noirs.
Et certains Noirs vont réclamer, comme le réclamaient Malcom X ou les Black Panthers après, des droits sans attendre qu'ils leurs soient concédés par le pouvoir blanc ou qu'ils soient défendus par les Blancs progressistes.
Du « Black power » à la “Blaxploitation”
C'est ainsi que les revendications plus radicales pour l'obtention des droits civiques des Noirs qui se sont manifestées dans tous les domaines par les Noirs eux-mêmes vont aussi trouver leur expression au cinéma. En 1971, Melvin Van Peebles, cinéaste noir, réalisait ce film manifeste, Sweet Sweetback’s Badasssss song, créditant au générique la communauté noire tout entière et rappelant que le combat de cette communauté était celui contre les Blancs. D'une première séquence introductive présentant la condition sociale des Noirs - pauvreté, prostitution, trafics divers - le réalisateur développe son récit sur un fond de musique afro-américaine rythmée et violente, loin des standards aseptisés dont les Blancs raffolent. L'esthétique de l'image est également radicale, jouant sur les couleurs vives, le rouge et l'orange, avec des surexpositions créant un inconfort revendiqué, symbole de la condition des Noirs. En une séquence, le réalisateur témoigne du double discours des autorités policières, laissant penser aux médias leur respect des citoyens noirs quand dans le même temps, le chef de la police donne l'ordre de passer à tabac un suspect... parce qu'il est noir. La prise à partie violente de ces policiers prend soudain une légitimité pour les spectateurs. Révolte, incendie, destruction, sur fond de riff de guitare électrique et de saxophone, avec saturation du rouge et de l'orange sont autant d'appels à la réclamation sans attendre de ces droits dont les Blancs ne cessent de parler depuis tant de temps mais qui reculent face au racisme encore influent d'une grande partie de la population et des institutions.
C'est cette même logique que, curieusement, le cinéaste Jack Lee Thompson réalise en 1972 La conquête de la Planète des singes. Ce 4ème opus de l'adaptation du livre de Pierre Boulle est certainement un des plus critiques de la société américaine. En mettant en scène des primates suffisamment intelligents pour travailler mais maintenus dans leur statut d'êtres sous-intelligents ne pouvant bénéficier d'aucun droit, le réalisateur ose faire une assimilation entre condition de ces grands singes de science fiction et celle des Noirs aux USA. Il faut dire que les éléments d'identification sont évidents. Dans une très longue séquence, Thompson filme la révolte des gorilles et chimpanzés domestiqués à grand renfort de destruction et de flammes, ressemblant à s'y méprendre aux grandes révoltes urbaines que connurent les USA, comme celle de Watts en 1965, dans la banlieue de Los Angeles. Le leader, un singe venu du futur, s'exprime parfaitement et reprend les principes presque mots pour mots du leader Malcom X. Il en appelle à la révolte de tous les singes comme le leader Noir en appelait à l'unité de tous les Noirs pour combattre leur situation d'éternels esclaves. C'est d'ailleurs un Noir qui lui demande de retrouver de la mesure et de mettre fin à cette révolte, lui rappelant que lui aussi est descendant d'esclaves. Au pacifisme de ce personnage, reprenant de fait les arguments de Martin Luther King, César répond par l'intransigeance et la réclamation d'une future "Planète des singes". Le film est d'autant plus brutal qu'il renverse les insultes des plus racistes, ne considérant pas les Noirs comme des Hommes et les caricaturant en singes. César ne manque d'ailleurs pas de signifier à ses compagnons qu'ils ne sont pas "humains" mais de se comporter comme tel...
Ces films comme d'autres ont cependant révélé que l'on pouvait en faire à destination des spectateurs noirs et qu'il y avait un public suffisamment important pour produire des œuvres permettant d'être rentabilisées. Ainsi donc, les studios d'Hollywood ont accompagné ce mouvement en proposant des films dont le héros était un Noir et pour lequel les citoyens noirs pouvaient entrer en empathie.En 1971, Shaft (connu en France sous le titre "Nuits rouges à Harlem") fut donc produit par la MGM. Gordon Parks, réalisateur noir accompagnait son film d'une bande son qui allait devenir mythique du compositeur noir Isaac Haye. Richard Roundtree interprétait quant à lui le rôle titre. Mais qui est Shaft? Le suspense sur sa fonction dure plusieurs minutes sur un générique qui voit se promener ce personnage dans les rues de New-York. La couleur rouge se détache sur fond de musique soul, classique des représentations des Noirs au cinéma. Shaft traverse sans respecter les feux, insulte les automobilistes, porte un manteau de cuir comme pourraient le porter quelques caïds noirs. Soudain, il rencontre avec un vendeur noir à la sauvette qui l'interpelle "frère" et lui présente des montres manifestement volées. Au gros plan sur ces montres dorées et clinquantes, la caméra s'arrête sur la plaque de police de Shaft, elle aussi dorée. Gordon Parks joue ainsi avec les préjugés sur la représentation des noirs au cinéma, montrant que s'il fait bien partie de cette communauté, il n'en est pas moins un représentant de forces de l'ordre du pays. Shaft fait partie de ces films qui marquent un tournant dans la production cinématographique et il s'inscrit dans un genre désormais appelé "Blaxploitation", fait de films dont les héros sont des Noirs et ayant comme public cible surtout des Noirs.
Si la qualité de cette Blaxploitation est inégale, elle a l'avantage de mettre en avant de plus en plus d'artistes noirs au cinéma, y compris les musiciens. En 1980, John Landis réalise alors Les Blues Brothers, renversant l'ordre habituel pour du cinéma de Blanc, puisque ses héros, des frères blancs, sont présentés comme complètement possédés par cette musique noire qui les transcende. Ce sont eux qui viennent presque se soumettre au talent des plus grands artistes de la musique noire, de Ray Charles à Aretha Franklin en passant par Cab Calloway. Jazz, soul, Rythm'n blues, tous les styles y passent.
C'est parce que cette musique est devenue un élément du patrimoine culturel américain autant qu'une culture afro-américaine que le film sera un succès. Si bien que la recette de la Blaxploitation va être reprise ensuite - un héros noir - mais en visant un public de toutes couleurs. Le flic de Berverly Hills en est une illustration parfaite. Martin Brest le réalise en 1984 et il confirme le statut de star d'Eddie Murphy. Celui-ci s'était déjà illustré dans Un fauteuil pour deux de John Landis en 1982, mais il partageait la vedette avec Dan Ayckroyd. En 1984, son personnage de flic, Axel Fowley, est une synthèse entre Shaft et tous les flics hollywoodiens, mêlant bagout, humour et efficacité policière. Le succès fut considérable!
C'est parce que cette musique est devenue un élément du patrimoine culturel américain autant qu'une culture afro-américaine que le film sera un succès. Si bien que la recette de la Blaxploitation va être reprise ensuite - un héros noir - mais en visant un public de toutes couleurs. Le flic de Berverly Hills en est une illustration parfaite. Martin Brest le réalise en 1984 et il confirme le statut de star d'Eddie Murphy. Celui-ci s'était déjà illustré dans Un fauteuil pour deux de John Landis en 1982, mais il partageait la vedette avec Dan Ayckroyd. En 1984, son personnage de flic, Axel Fowley, est une synthèse entre Shaft et tous les flics hollywoodiens, mêlant bagout, humour et efficacité policière. Le succès fut considérable!
Banalisation des Noirs à Hollywood
Le succès considérable des films avec des comédiens noirs auprès d'un public non noir a alors ouvert la porte aux récits dont les personnages ne seraient que des Noirs. Quand Spielberg adapte en 1985 le livre d'Alice Walker publié en 1982, La couleur pourpre, il sait que le sujet est désormais accepté en tant que tel par les Américains, sauf par les irréductibles racistes et ségrégationnistes. Si le récit met en scène des Noirs, la dramaturgie ne renvoie pas spécifiquement à cette communauté et aurait pu être transposée avec quelques modifications dans la communauté blanche. Bien sûr, il y a de l'émotion à l'écran, bien sûr le destin des héroïnes est unique. Mais l'œuvre a des accents de tragédies classiques et le fait que les héros soient noirs ne vient en rien affaiblir ou accentuer ces parcours individuels et collectifs. Spielberg met en scène ces histoires familiales comme Ford aurait pu diriger ses histoires sociales, sans approche raciale mais en insistant sur la dimension humaine.
Il met à son casting des comédiens noirs qui allaient devenir par la suite parmi les plus connus : Danny Glover, Oprah Winfrey et bien sûr Whoopi Goldberg.
C’est donc cette banalité de la présence des noirs au cinéma qui permet désormais de les montrer dans les films en communiquant sur leur présence à l’écran, parfois en étant même les artistes sur lesquels le film pouvaient se monter, sachant que leur popularité dépasse leur seule communauté. On peut même rire des lieux communs pouvant accompagner la culture noire comme dans Ghost en 1990, réalisé par Jerry Zucker, dans lequel Whoopi Goldberg joue le rôle d’une voyante comme pouvaient l’être dans d'autres films certaines femmes pratiquant le vaudou ! Utilisation d'un cliché pour mieux s'en moquer et construire un récit romantique et fantastique dans lequel le personnage de la voyante serait un personnage clé de l'histoire, voilà ce qui n'aurait pas pu être réalisé avant. Pas avant ces années de prise de conscience de la question noire à Hollywood car il aurait été incongru qu'un couple de Blancs puisse se retrouver par l'intercession d'une Noire. Pas à l'époque de Devine qui vient dîner, où la peur de cantonner une Noire au statut caricatural de voyante aurait renvoyé à une certaine forme de racisme.
Or désormais, l'essentiel de la production américaine utilise des comédiens et comédiennes noirs sans aucune retenue. Tarantino par exemple a dans sa bande des comédiens noirs qui lui sont fidèles comme par exemple Samuel L. Jackson, que l'on retrouve d'une manière ou d'une autre dans presque tous ses films, et notamment Jackie Brown en 1997. Véritable hommage aux films de la Blaxploitation, Tarantino engage l'actrice Pam Grier pour jouer le rôle titre plus de 20 ans après avoir incarner Foxy Brown au cinéma, film classique du genre. Cinéphile absolu, amoureux des films de genre, Tarantino permettait avec Jackie Brown de toucher un public acquis à sa cinéphilie et lui proposait de redécouvrir un cinéma autrefois destiné surtout aux communautés noires. Or désormais, les Américains peuvent revoir ces films sans pour autant devoir être noirs tout en y prenant du plaisir, peut-être kitsch mais un plaisir réel.
Cette non différenciation entre Noirs et Blancs s'observent encore dans des films pour lesquels la couleur de peau entre finalement peu dans la dramaturgie. Dans Million Dollar Baby, Clint Eastwood retrouve en 2004 Morgan Freeman avec qui il avait tourné Impitoyable. Eastwood joue également dans son film le rôle d'un coach de boxe, entraînant essentiellement des Noirs. Ce lieu commun est pourtant balayé par la venue d'une jeune femme blanche voulant s'entraîner elle aussi. Ses motivations sont sportives mais aussi sociales. Car c'est de cela qu'il s'agit dans le film. Et quand un jeune blanc simple d'esprit se fait rouer de coups par un boxeur noir qui se moque de lui, c'est l'adjoint du coach, Morgan Freeman, noir, qui vient l'aider, prend sa défense et corrige ce Noir prétentieux et mauvais. On est loin du propos du film de Melvin Van Peebles. Ici, un Noir défend un Blanc contre un arrogant boxeur noir. Cette séquence montre l’absence totale de réponse communautariste : Morgan Freeman défend une victime blanche plutôt que de laisser un noir le battre à mort.
Le succès considérable des films avec des comédiens noirs auprès d'un public non noir a alors ouvert la porte aux récits dont les personnages ne seraient que des Noirs. Quand Spielberg adapte en 1985 le livre d'Alice Walker publié en 1982, La couleur pourpre, il sait que le sujet est désormais accepté en tant que tel par les Américains, sauf par les irréductibles racistes et ségrégationnistes. Si le récit met en scène des Noirs, la dramaturgie ne renvoie pas spécifiquement à cette communauté et aurait pu être transposée avec quelques modifications dans la communauté blanche. Bien sûr, il y a de l'émotion à l'écran, bien sûr le destin des héroïnes est unique. Mais l'œuvre a des accents de tragédies classiques et le fait que les héros soient noirs ne vient en rien affaiblir ou accentuer ces parcours individuels et collectifs. Spielberg met en scène ces histoires familiales comme Ford aurait pu diriger ses histoires sociales, sans approche raciale mais en insistant sur la dimension humaine.
Il met à son casting des comédiens noirs qui allaient devenir par la suite parmi les plus connus : Danny Glover, Oprah Winfrey et bien sûr Whoopi Goldberg.
C’est donc cette banalité de la présence des noirs au cinéma qui permet désormais de les montrer dans les films en communiquant sur leur présence à l’écran, parfois en étant même les artistes sur lesquels le film pouvaient se monter, sachant que leur popularité dépasse leur seule communauté. On peut même rire des lieux communs pouvant accompagner la culture noire comme dans Ghost en 1990, réalisé par Jerry Zucker, dans lequel Whoopi Goldberg joue le rôle d’une voyante comme pouvaient l’être dans d'autres films certaines femmes pratiquant le vaudou ! Utilisation d'un cliché pour mieux s'en moquer et construire un récit romantique et fantastique dans lequel le personnage de la voyante serait un personnage clé de l'histoire, voilà ce qui n'aurait pas pu être réalisé avant. Pas avant ces années de prise de conscience de la question noire à Hollywood car il aurait été incongru qu'un couple de Blancs puisse se retrouver par l'intercession d'une Noire. Pas à l'époque de Devine qui vient dîner, où la peur de cantonner une Noire au statut caricatural de voyante aurait renvoyé à une certaine forme de racisme.
Or désormais, l'essentiel de la production américaine utilise des comédiens et comédiennes noirs sans aucune retenue. Tarantino par exemple a dans sa bande des comédiens noirs qui lui sont fidèles comme par exemple Samuel L. Jackson, que l'on retrouve d'une manière ou d'une autre dans presque tous ses films, et notamment Jackie Brown en 1997. Véritable hommage aux films de la Blaxploitation, Tarantino engage l'actrice Pam Grier pour jouer le rôle titre plus de 20 ans après avoir incarner Foxy Brown au cinéma, film classique du genre. Cinéphile absolu, amoureux des films de genre, Tarantino permettait avec Jackie Brown de toucher un public acquis à sa cinéphilie et lui proposait de redécouvrir un cinéma autrefois destiné surtout aux communautés noires. Or désormais, les Américains peuvent revoir ces films sans pour autant devoir être noirs tout en y prenant du plaisir, peut-être kitsch mais un plaisir réel.
Cette non différenciation entre Noirs et Blancs s'observent encore dans des films pour lesquels la couleur de peau entre finalement peu dans la dramaturgie. Dans Million Dollar Baby, Clint Eastwood retrouve en 2004 Morgan Freeman avec qui il avait tourné Impitoyable. Eastwood joue également dans son film le rôle d'un coach de boxe, entraînant essentiellement des Noirs. Ce lieu commun est pourtant balayé par la venue d'une jeune femme blanche voulant s'entraîner elle aussi. Ses motivations sont sportives mais aussi sociales. Car c'est de cela qu'il s'agit dans le film. Et quand un jeune blanc simple d'esprit se fait rouer de coups par un boxeur noir qui se moque de lui, c'est l'adjoint du coach, Morgan Freeman, noir, qui vient l'aider, prend sa défense et corrige ce Noir prétentieux et mauvais. On est loin du propos du film de Melvin Van Peebles. Ici, un Noir défend un Blanc contre un arrogant boxeur noir. Cette séquence montre l’absence totale de réponse communautariste : Morgan Freeman défend une victime blanche plutôt que de laisser un noir le battre à mort.
Noirs et Américains !
La banalisation de la représentation des noirs au cinéma a abouti au fait que les Noirs sont désormais montrés comme des Américains avant d’être des Noirs. Mais ceci a aussi parfois été une stratégie de propagande idéologique.
John Wayne, anticommuniste avéré, justifia la présence des USA au Vietnam dans Les bérets verts réalisé en 1968. Dès le début du film, le ton est donné. Un sergent noir rappelle aux journalistes et aux citoyens, dans une conférence de presse, les valeurs démocratique des USA pour convaincre de l’intervention américaine. manière de dire que tous les habitants étaient unis derrière le pays, quelle que pouvait être leur couleur de peau. Or on est en plein mouvement « Black Panthers » qui se traduisit la même année par cet épisode fameux des poings levés et gantés de noir des sprinters sur 400 mètres, Tommy Smith et John Carlos, noirs américains sur le podium des Jeux Olympiques de Mexico pour dénoncer le racisme et l'inégalité des droits entre Blancs et Noirs américains! Mais pour John Wayne, la question ne se pose pas. Et un soldat, noir ou blanc, est d'abord un américain qui défend et véhicule les principes des fondateurs du pays, oubliant à quel point ces principes étaient bafoués.
En 1976, c'est un italo-américain qui allait devenir un symbole de l'Amérique et de son rêve, celui où tout est possible. En réalisant Rocky, John G. Avildsen traduit le scénario de Sylvester Stallone, incarnant lui-même Rocky. Le film aboutit à la même idée que celui de John Wayne mais avec un angle différent. C’est Apollo Creed, le boxeur américain noir et champion du monde qui cite un haut fait de la guerre d’indépendance américaine, s’identifiant ainsi pleinement à un Américain. Sa référence n'est pas celle de la guerre de sécession qui aboutit à la fin officielle de l'esclavage sur le sol américain mais bien à un épisode constitutif de l'existence des USA et de la mise en place de sa constitution contre un État colonisateur et oppresseur. La signification est immense car elle implique qu'un Noir américain s'intègre totalement dans l'Histoire de son pays, y compris avant que ses aïeux n'aient pu eux-mêmes être Américains. Il est de ce point de vue même plus américain que Rocky, d’origine immigré italien et donc plus récemment américain.
Plus récemment, dans Couvre-feu d'Edward Zwick en 1998, c’est un fédéral Noir, incarné par Denzel Washington (dont le nom est en soi un hymne aux origines des USA !) qui rappelle les lois fondamentales qui protègent les citoyens du pays contre les agissements d’un général blanc interprété par Bruce Willis. Le fait qu'un réalisateur utilise un Noir comme modèle de défenseur de la démocratie américaine et des principes sur lesquels elle repose, dans un film à gros budget et ayant une cible large, prouve combien la population américaine a accepté que des Noirs puissent accéder à des fonctions de commandement et de décision, amenant à faire arrêter un général, fut-il blanc.
La banalisation de la représentation des noirs au cinéma a abouti au fait que les Noirs sont désormais montrés comme des Américains avant d’être des Noirs. Mais ceci a aussi parfois été une stratégie de propagande idéologique.
John Wayne, anticommuniste avéré, justifia la présence des USA au Vietnam dans Les bérets verts réalisé en 1968. Dès le début du film, le ton est donné. Un sergent noir rappelle aux journalistes et aux citoyens, dans une conférence de presse, les valeurs démocratique des USA pour convaincre de l’intervention américaine. manière de dire que tous les habitants étaient unis derrière le pays, quelle que pouvait être leur couleur de peau. Or on est en plein mouvement « Black Panthers » qui se traduisit la même année par cet épisode fameux des poings levés et gantés de noir des sprinters sur 400 mètres, Tommy Smith et John Carlos, noirs américains sur le podium des Jeux Olympiques de Mexico pour dénoncer le racisme et l'inégalité des droits entre Blancs et Noirs américains! Mais pour John Wayne, la question ne se pose pas. Et un soldat, noir ou blanc, est d'abord un américain qui défend et véhicule les principes des fondateurs du pays, oubliant à quel point ces principes étaient bafoués.
En 1976, c'est un italo-américain qui allait devenir un symbole de l'Amérique et de son rêve, celui où tout est possible. En réalisant Rocky, John G. Avildsen traduit le scénario de Sylvester Stallone, incarnant lui-même Rocky. Le film aboutit à la même idée que celui de John Wayne mais avec un angle différent. C’est Apollo Creed, le boxeur américain noir et champion du monde qui cite un haut fait de la guerre d’indépendance américaine, s’identifiant ainsi pleinement à un Américain. Sa référence n'est pas celle de la guerre de sécession qui aboutit à la fin officielle de l'esclavage sur le sol américain mais bien à un épisode constitutif de l'existence des USA et de la mise en place de sa constitution contre un État colonisateur et oppresseur. La signification est immense car elle implique qu'un Noir américain s'intègre totalement dans l'Histoire de son pays, y compris avant que ses aïeux n'aient pu eux-mêmes être Américains. Il est de ce point de vue même plus américain que Rocky, d’origine immigré italien et donc plus récemment américain.
Plus récemment, dans Couvre-feu d'Edward Zwick en 1998, c’est un fédéral Noir, incarné par Denzel Washington (dont le nom est en soi un hymne aux origines des USA !) qui rappelle les lois fondamentales qui protègent les citoyens du pays contre les agissements d’un général blanc interprété par Bruce Willis. Le fait qu'un réalisateur utilise un Noir comme modèle de défenseur de la démocratie américaine et des principes sur lesquels elle repose, dans un film à gros budget et ayant une cible large, prouve combien la population américaine a accepté que des Noirs puissent accéder à des fonctions de commandement et de décision, amenant à faire arrêter un général, fut-il blanc.
Mais le plus drôle est finalement que les Noirs qui furent les plus critiques des USA et de leur racisme - racisme ordinaire ou plus grave, racisme institutionnel - sont devenus aujourd'hui des personnages participant au mythe même des USA. Quand Michael Mann tourne Ali en 2001, c'est parce que le projet est soutenu par Will Smith, immense star noire américaine. Et paradoxalement, Ali participe à cette identification complète des noirs aux USA car l'ancien champion du monde est devenu une icône, un mythe vivant, symbolisant la lutte contre les discriminations. Son indépendance, son insoumission face à l’injustice ont fait de lui aujourd’hui un héros dont se revendiquent bon nombre d’Américains, blancs y compris. En 1996, il fut d’ailleurs celui qui alluma la flamme olympique aux JO d’Atlanta. Et avec Will Smith pour l’incarner, c’est un trait d’union qui est fait entre le porte parole de la cause noire et la star de l’entertainment ayant bénéficié justement des combats du poids lourd, pas ceux menés sur le ring mais contre les institutions américaines, à commencer par l'armée.
La question noire, une question du passé?
Le cinéma semblerait le prétendre. Pourtant, d'autres cinéastes pointent régulièrement du doigt la différence entre ce qui est montré sur grand écran et ce qui se passe réellement dans les villes américaines.
Spike Lee fait partie de ces rares cinéastes noirs ayant réussi à Hollywood. Pourtant, sa filmographie est plutôt contestatrice de l’ordre blanc et de la ségrégation qui perdure malgré tout. En réalisant un biopic sur le leader Malcom X en 1992, Spike Lee rappelait que le combat pour l’égalité de traitement des Noirs avec les Blancs était toujours d’actualité. Le titre sur le générique comme sur la bande annonce présentait un X majuscule occupant tout l'écran. X comme "ex esclave", signification de ce surnom de ce leader noir américain né Malcom Little. Si le film relate la période des revendications des droits civiques, il s'adresse aussi et surtout aux spectateurs américains de 1992, en fin de 12 années de gouvernement républicain ayant particulièrement dégradé les conditions sociales des plus défavorisés et des quartiers populaires, et donc, des populations noires, faisant des pauvres des parasites de la société, permettant une remontée des actes racistes dans le pays.
Il faut dire que les violences faites par des mouvements renvoyant au néo-nazisme ou au Ku lux Klan sont toujours d’actualité aux USA. Dans American History X, réalisé par Tony Kaye en 19998, la violence ordinaire et alimentée par le racisme de certains groupes de Blancs identitaires est montrée de manière très directe tandis que les motivations sont esthétisées, comme pour démontrer que ces actes racistes sont perpétrés par des hommes ne prenant pas conscience de leurs crimes, certains de leur bon droit et de leur système de valeur, réduisant les Noirs à des êtres inférieurs que l'on peut éliminer. Le film démonte notamment cette prétention de ces racistes à agir au nom d'un Dieu chrétien. Film traumatisant, honni par certains pour une forme de voyeurisme et d'esthétisation du racisme dans sa sauvagerie la plus abjecte, il est pour d'autres un électrochoc salvateur rappelant que le racisme le plus primaire sévit encore aux USA.
Aussi, quand Tarantino réalise Django unchained en 2012, il plonge son histoire juste avant la guerre de sécession et fait de son personnage principal, interprété par Jamie Foxx, un esclave affranchi devenant chasseur de prime cherchant à son tour à libérer sa femme. Le racisme dont est victime Django est évident mais il rencontre aussi des Blancs ne l'étant pas. Par ce film, Tarantino ne minimise pas le racisme dont la communauté noire. Il en raconte même une de ses manifestations, à commencer par l'esclavage perpétré au nom de la supposée supériorité des Blancs sur les Noirs. Mais en faisant de Django un être civilisé, habillé tout de bleu (couleur symbolique des USA), il montre qu'un Noir peut être un Américain au même titre qu'un Blanc. Mais que son acceptation est encore aujourd'hui difficile par une certaine partie de la population. Le tout raconté avec le style caractéristique de Tarantino!
Le cinéma américain a donc raconté comment la question noire a été centrale dans la société américaine depuis plus d'un siècle. Elle en a montré les aspects ségrégationnistes, parfois sans prendre position pour ou contre, ensuite en s'en détachant de plus en plus pour enfin ne plus véritablement faire de différence entre communautés blanches ou noires. Pourtant, malgré un certain consensus dans la production, quelques réalisateurs osent filmer ce qui n'ose parfois être affirmé. Oui, un Noir est un Américain comme un autre, mais il est souvent pour certains d'abord un Noir. Et le paradoxe est bien dans ces deux réalités. D'un côté, un Noir a été élu président des USA, chose inimaginable il y a encore 20 ans. Mais des policiers de plus en plus nombreux tuent des Noirs dans la rue, dans le dos, par racisme ordinaire. Et pour parler de cinéma, les comédiens noirs sont de plus en plus présents à l'écran, de plus en plus appréciés, intégrant même des premiers rôles dans des sagas où ils étaient quasiment absents, comme le montre le dernier opus de Star wars. Mais cela fait 2 ans que la cérémonie des oscars ne met aucun artiste noir dans sa liste des potentiels lauréats.
De ce point de vue encore, le cinéma américain reflète bien, par la diversité de sa production, les paradoxes de la société américaine, société qui se veut la plus progressiste mais qui a encore des réflexes extrêmement conservateurs, freinant tant que possible l'accès aux honneurs aux Noirs ou les traitant comme des citoyens de seconde catégorie.
À très bientôt
Lionel Lacour
Il faut dire que les violences faites par des mouvements renvoyant au néo-nazisme ou au Ku lux Klan sont toujours d’actualité aux USA. Dans American History X, réalisé par Tony Kaye en 19998, la violence ordinaire et alimentée par le racisme de certains groupes de Blancs identitaires est montrée de manière très directe tandis que les motivations sont esthétisées, comme pour démontrer que ces actes racistes sont perpétrés par des hommes ne prenant pas conscience de leurs crimes, certains de leur bon droit et de leur système de valeur, réduisant les Noirs à des êtres inférieurs que l'on peut éliminer. Le film démonte notamment cette prétention de ces racistes à agir au nom d'un Dieu chrétien. Film traumatisant, honni par certains pour une forme de voyeurisme et d'esthétisation du racisme dans sa sauvagerie la plus abjecte, il est pour d'autres un électrochoc salvateur rappelant que le racisme le plus primaire sévit encore aux USA.
Aussi, quand Tarantino réalise Django unchained en 2012, il plonge son histoire juste avant la guerre de sécession et fait de son personnage principal, interprété par Jamie Foxx, un esclave affranchi devenant chasseur de prime cherchant à son tour à libérer sa femme. Le racisme dont est victime Django est évident mais il rencontre aussi des Blancs ne l'étant pas. Par ce film, Tarantino ne minimise pas le racisme dont la communauté noire. Il en raconte même une de ses manifestations, à commencer par l'esclavage perpétré au nom de la supposée supériorité des Blancs sur les Noirs. Mais en faisant de Django un être civilisé, habillé tout de bleu (couleur symbolique des USA), il montre qu'un Noir peut être un Américain au même titre qu'un Blanc. Mais que son acceptation est encore aujourd'hui difficile par une certaine partie de la population. Le tout raconté avec le style caractéristique de Tarantino!
Le cinéma américain a donc raconté comment la question noire a été centrale dans la société américaine depuis plus d'un siècle. Elle en a montré les aspects ségrégationnistes, parfois sans prendre position pour ou contre, ensuite en s'en détachant de plus en plus pour enfin ne plus véritablement faire de différence entre communautés blanches ou noires. Pourtant, malgré un certain consensus dans la production, quelques réalisateurs osent filmer ce qui n'ose parfois être affirmé. Oui, un Noir est un Américain comme un autre, mais il est souvent pour certains d'abord un Noir. Et le paradoxe est bien dans ces deux réalités. D'un côté, un Noir a été élu président des USA, chose inimaginable il y a encore 20 ans. Mais des policiers de plus en plus nombreux tuent des Noirs dans la rue, dans le dos, par racisme ordinaire. Et pour parler de cinéma, les comédiens noirs sont de plus en plus présents à l'écran, de plus en plus appréciés, intégrant même des premiers rôles dans des sagas où ils étaient quasiment absents, comme le montre le dernier opus de Star wars. Mais cela fait 2 ans que la cérémonie des oscars ne met aucun artiste noir dans sa liste des potentiels lauréats.
De ce point de vue encore, le cinéma américain reflète bien, par la diversité de sa production, les paradoxes de la société américaine, société qui se veut la plus progressiste mais qui a encore des réflexes extrêmement conservateurs, freinant tant que possible l'accès aux honneurs aux Noirs ou les traitant comme des citoyens de seconde catégorie.
À très bientôt
Lionel Lacour