Bonjour à tous,
en 2012, avec Ted, Seth McFarlane avait réalisé une œuvre décapante et irrévérencieuse. Dès la première séquence, des propos antisémites étaient prononcés en guise d'antiphrase évidente au regard du reste du film mais qui auraient pu être l'objet du courroux de bien des associations tant le politiquement incorrect était énorme. Le film fut un succès retentissant dû autant aux qualités des effets spéciaux qu'aux comédiens mais surtout à l'humour grinçant, potache et transgressif que le scénario offrait aux spectateurs.
Un condensé de gags tous plus improbables (et pourtant prévisibles) s'enchainait: Ted boit de l'alcool, consomme de la drogue, drague et baise comme un dingue.
Mais qui est donc ce Ted? C'est un ours en peluche que le miracle du cinéma a réussi à rendre vivant et conscient suite au vœu que John, un enfant d'environ 10 ans, fait un soir: celui de
retrouver son ours en peluche vivant. Sitôt demandé, sitôt réalisé. L'ours en peluche va accompagner John jusqu'à sa vie d'adulte. Le premier opus fait de Ted à la fois le personnage central - il est celui qui attire tous les regards, sur qui tous les gags sont concentrés - mais également le personnage secondaire, l'empêcheur pour John adulte (Mark Wahlberg) de vivre sa vie d'homme avec sa fiancée Lori (Mila Kunis). Tout le film repose donc essentiellement sur l'incapacité de John à devenir responsable en se réfugiant dans son monde enfantin, en témoigne son adoration pour Flash Gordon, héros de Bande dessinée et plus tard de cinéma. Ted incarnerait donc selon Seth McFarlane, la part enfantine de tout homme, part dont il devrait faire sinon le deuil, du moins un compromis sévère pour pouvoir enfin devenir un "Homme", responsable et engagé dans un projet de vie qui dépasse les plaisirs simples.
Le kidnapping de Ted par un psychopathe rêvant de posséder un ours en peluche qui vit, séquence tragique, que le deuxième opus reprendra en partie, permet de révéler à John et Lori mais aussi aux spectateurs, l'importance de l'enfance pour chaque individu mais également les dangers que de ne vivre que dans un monde non adulte, animé par les émotions les plus primaires. Lori accepte alors que John puisse parfois se replonger dans son comportement enfantin quand ce dernier comprend enfin la nécessité de se montrer mâture avec celle qui devra partager sa vie.
En 2015, Ted 2 est alors attendu par tous les fans du premier volet. Point de vue grossièreté, allusions sexuelles graveleuses, promotion de la drogue et autres transgressions à la bonne éducation, les spectateurs ne seront pas déçus. Mais le film a changé de registre narratif. Le personnage de Ted est définitivement le personnage central. Tout tourne autour de lui et de sa personne. Or c'est bien l'élément le plus intéressant. Car le réalisateur - scénariste joue avec ce que nous spectateurs nous pensons du personnage. IL EST UNE PERSONNE pour laquelle nous pouvons pleurer, comme lors de la séquence finale du 1er épisode. Il a beau n'être constitué que de tissu, son comportement, ses peurs, son humour font de lui un être vivant et pensant. Rien d'étonnant alors que de le voir se marier au début de ce deuxième opus.
Bande Annonce:
Seth McFarlane en fait également un Américain en plein. Ses références culturelles sont éminemment américaines. Et ce n'est pas le générique, grandiose, qui viendra le contredire puisque Ted y exécute une chorégraphie avec des danseurs et danseuses digne des grandes comédies musicales des années 30 ou 50. Que dire de sa volonté d'obtenir le sperme de Tom Brady, légende du Football américain, pour avoir un enfant par insémination artificielle du fait de sa stérilité anatomique? Le voir également improviser des paroles sur le générique de la série New York Police judiciaire ou revendiquer le nom de Clubber Lang en référence au personnage que Mister T interprète dans Rocky III est encore un indice supplémentaire sur sa totale imprégnation de la culture américaine, populaire il va sans dire.
ATTENTION - SPOILER
Pourtant, le point de bascule du film se situe au moment de sa volonté d'avoir un enfant avec sa femme Tami-Lynn. La machine administrative se déclenche et tout lui est progressivement retiré: ses comptes bancaires, son travail et son mariage. De ce point de vue, on réalise que la société a accepté Ted comme une personne à part entière et que les droits dont il jouissait semblaient naturels aux yeux de tous. Ted 2 se pose alors la question sur ce qui fait d'un personnage une "personne", donc un humain sur lequel peuvent s'exercer la loi et le droit commun. Thème bien sérieux pour un film qui l'est si peu. Pourtant, les arguments avancés de part et d'autres sont absolument remarquables de contemporanéité. Ils reposent sur ce que les sociétés sont prêtes à accepter entre la nature, la tradition, la culture et la situation de fait. Dans une nouvelle provocation verbale lors de l'audience qui doit statuer sur son humanité, Ted hurle que les "PD" sont bien devenus des personnes à part entière et qu'ils ont désormais des droits qui leur étaient refusés auparavant!
Derrière ce thème, c'est toutes les questions sur les minorités, sur l'origine des individus qui est posée.
Quand le procureur rappelle que Ted a été acheté dans un magasin, il le ramène à sa nature de chose, d'objet, de bien. Mais l'avocat Patrick Meighan montre les capacités d'empathie et de conscience que Ted a. Ce sont deux visions différentes de la société qui sont alors proposées. Une conservatrice, s'appuyant sur ce qui a été, l'autre progressiste, consistant à juger ce qui est. Que le personnage soit joué par Morgan Freeman, un Noir américain, n'est évidemment pas un hasard car le combat pour les droits civils des Noirs ne date pas de si longtemps et restent encore dans le débat récent aux États-Unis.
Ted 2, sous des aspects toujours aussi trash que le précédent opus, aborde une vision plus mâture de la société. En centrant l'histoire sur ce personnage fantastique, le réalisateur déplace le point de vue forcément sur la différence et son acceptation (ou non). L'histoire d'amour naissante entre John et Samantha, la première avocate de Ted (Amanda Seyfried), apparaît donc comme un accompagnement narratif à l'histoire centrale, celle de Ted. Quant au quasi dénouement, il se règle dans le Comic Con de New York, regorgeant d'humains déguisés en personnages non humains mais que chacun reconnaît être des personnes. Il vient en quelque sorte boucler la boucle en intégrant de fait Ted parmi les personnages - individus - personnes qui constituent la population américaine (et au-delà?).
À bientôt
Lionel Lacour
en 2012, avec Ted, Seth McFarlane avait réalisé une œuvre décapante et irrévérencieuse. Dès la première séquence, des propos antisémites étaient prononcés en guise d'antiphrase évidente au regard du reste du film mais qui auraient pu être l'objet du courroux de bien des associations tant le politiquement incorrect était énorme. Le film fut un succès retentissant dû autant aux qualités des effets spéciaux qu'aux comédiens mais surtout à l'humour grinçant, potache et transgressif que le scénario offrait aux spectateurs.
Un condensé de gags tous plus improbables (et pourtant prévisibles) s'enchainait: Ted boit de l'alcool, consomme de la drogue, drague et baise comme un dingue.
Mais qui est donc ce Ted? C'est un ours en peluche que le miracle du cinéma a réussi à rendre vivant et conscient suite au vœu que John, un enfant d'environ 10 ans, fait un soir: celui de
retrouver son ours en peluche vivant. Sitôt demandé, sitôt réalisé. L'ours en peluche va accompagner John jusqu'à sa vie d'adulte. Le premier opus fait de Ted à la fois le personnage central - il est celui qui attire tous les regards, sur qui tous les gags sont concentrés - mais également le personnage secondaire, l'empêcheur pour John adulte (Mark Wahlberg) de vivre sa vie d'homme avec sa fiancée Lori (Mila Kunis). Tout le film repose donc essentiellement sur l'incapacité de John à devenir responsable en se réfugiant dans son monde enfantin, en témoigne son adoration pour Flash Gordon, héros de Bande dessinée et plus tard de cinéma. Ted incarnerait donc selon Seth McFarlane, la part enfantine de tout homme, part dont il devrait faire sinon le deuil, du moins un compromis sévère pour pouvoir enfin devenir un "Homme", responsable et engagé dans un projet de vie qui dépasse les plaisirs simples.
Le kidnapping de Ted par un psychopathe rêvant de posséder un ours en peluche qui vit, séquence tragique, que le deuxième opus reprendra en partie, permet de révéler à John et Lori mais aussi aux spectateurs, l'importance de l'enfance pour chaque individu mais également les dangers que de ne vivre que dans un monde non adulte, animé par les émotions les plus primaires. Lori accepte alors que John puisse parfois se replonger dans son comportement enfantin quand ce dernier comprend enfin la nécessité de se montrer mâture avec celle qui devra partager sa vie.
En 2015, Ted 2 est alors attendu par tous les fans du premier volet. Point de vue grossièreté, allusions sexuelles graveleuses, promotion de la drogue et autres transgressions à la bonne éducation, les spectateurs ne seront pas déçus. Mais le film a changé de registre narratif. Le personnage de Ted est définitivement le personnage central. Tout tourne autour de lui et de sa personne. Or c'est bien l'élément le plus intéressant. Car le réalisateur - scénariste joue avec ce que nous spectateurs nous pensons du personnage. IL EST UNE PERSONNE pour laquelle nous pouvons pleurer, comme lors de la séquence finale du 1er épisode. Il a beau n'être constitué que de tissu, son comportement, ses peurs, son humour font de lui un être vivant et pensant. Rien d'étonnant alors que de le voir se marier au début de ce deuxième opus.
Bande Annonce:
Seth McFarlane en fait également un Américain en plein. Ses références culturelles sont éminemment américaines. Et ce n'est pas le générique, grandiose, qui viendra le contredire puisque Ted y exécute une chorégraphie avec des danseurs et danseuses digne des grandes comédies musicales des années 30 ou 50. Que dire de sa volonté d'obtenir le sperme de Tom Brady, légende du Football américain, pour avoir un enfant par insémination artificielle du fait de sa stérilité anatomique? Le voir également improviser des paroles sur le générique de la série New York Police judiciaire ou revendiquer le nom de Clubber Lang en référence au personnage que Mister T interprète dans Rocky III est encore un indice supplémentaire sur sa totale imprégnation de la culture américaine, populaire il va sans dire.
ATTENTION - SPOILER
Pourtant, le point de bascule du film se situe au moment de sa volonté d'avoir un enfant avec sa femme Tami-Lynn. La machine administrative se déclenche et tout lui est progressivement retiré: ses comptes bancaires, son travail et son mariage. De ce point de vue, on réalise que la société a accepté Ted comme une personne à part entière et que les droits dont il jouissait semblaient naturels aux yeux de tous. Ted 2 se pose alors la question sur ce qui fait d'un personnage une "personne", donc un humain sur lequel peuvent s'exercer la loi et le droit commun. Thème bien sérieux pour un film qui l'est si peu. Pourtant, les arguments avancés de part et d'autres sont absolument remarquables de contemporanéité. Ils reposent sur ce que les sociétés sont prêtes à accepter entre la nature, la tradition, la culture et la situation de fait. Dans une nouvelle provocation verbale lors de l'audience qui doit statuer sur son humanité, Ted hurle que les "PD" sont bien devenus des personnes à part entière et qu'ils ont désormais des droits qui leur étaient refusés auparavant!
Derrière ce thème, c'est toutes les questions sur les minorités, sur l'origine des individus qui est posée.
Morgan Freeman est Patrick Meighan |
Ted 2, sous des aspects toujours aussi trash que le précédent opus, aborde une vision plus mâture de la société. En centrant l'histoire sur ce personnage fantastique, le réalisateur déplace le point de vue forcément sur la différence et son acceptation (ou non). L'histoire d'amour naissante entre John et Samantha, la première avocate de Ted (Amanda Seyfried), apparaît donc comme un accompagnement narratif à l'histoire centrale, celle de Ted. Quant au quasi dénouement, il se règle dans le Comic Con de New York, regorgeant d'humains déguisés en personnages non humains mais que chacun reconnaît être des personnes. Il vient en quelque sorte boucler la boucle en intégrant de fait Ted parmi les personnages - individus - personnes qui constituent la population américaine (et au-delà?).
À bientôt
Lionel Lacour
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