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lundi 26 septembre 2016

Lumière 2016: "Midnight express", la puissance d'un film 30 ans après

Bonjour à tous

En 1978, Alan Parker réalisait Midnight express à partir de l'histoire de Billy Hayes, emprisonné en Turquie pour détention de drogue puis trafic de drogue, tentant de s'évader coûte que coûte. En 2006, la réalisatrice Sally Sussman revient sur cette histoire incroyable, non pour replonger le spectateur dans le seul contexte de production, mais pour montrer comment un film peut agir dans l'imaginaire collectif.

En effet, le succès du film reposait sur ce que subissait le personnage principal, de la part de la police comme des gardiens de prisons: insultes, tortures et sévices multiples, sur un scénario du rarement léger Oliver Stone (débutant alors mais tout de même oscarisé), le tout accompagné d'une bande son mémorable de Giorgio Moroder

dimanche 25 septembre 2016

Lumière 2016: "Sciuscià 70" ou le retour vers le néo-réalisme italien.

Bonjour à tous

Le Dimanche 9 octobre 2016 sera programmé en Avant Première le documentaire Sciuscià 70 de Mimmo Verdesca à l'Institut Lumière (salle 2 - Villa). Ce film revient sur l'œuvre de Vittorio De Sica sorti donc en 1946 et Oscar du meilleur film étranger.

Comment expliquer, avec un tel prix, que ce film ait été finalement peu récompensé en salle? Le sujet peut-être, celui d'enfants des rues dans l'Italie de l'immédiate après-guerre. Mais d'autres films ont traité ce sujet avec davantage de succès comme Allemagne, année zéro d'un autre Italien, Roberto Rossellini, en 1945. Peut-être que le public italien était prêt à accepter de voir des orphelins ailleurs que dans son propre pays.
Le succès n'eut peut-être pas eu la chance de se trouver ensuite puisque le film de Vittorio De Sica fut

samedi 26 septembre 2015

Lumière 2015: "La légende de la Palme d'or" ou le graal du cinéaste

Bonjour à tous

Il est intéressant à plus d'un titre de voir programmer au Festival Lumière le documentaire La légende de la Palme d'or. 
D'abord, il y a le directeur de ces deux festivals qui sont la même personne: Thierry Frémaux.
Mais ce lien n'est finalement pas celui qui est le plus indissociable entre ces deux grands festivals. En fait, ce qui fait l'intérêt de ce documentaire inédit, c'est de voir ce que la plus grand festival de cinéma du monde génère parmi les plus grands classiques du cinéma mondial, révèle les plus grands cinéastes et remet une des récompenses les plus prestigieuses qui soit: la fameuse Palme d'or.

Il est peu de récompenses artistiques qui soient aussi identifée et identifiable par les habitants de la planète que celle remise au vainqueur du Festival de Cannes. La notoriété de cette récompense est largement aussi importante que ce que peut l'être l'Oscar, et ce dans le monde ayant accès à l'information internationale. La récompense de la Palme d'or est d'ailleurs souvent utilisée, et disons le, caricaturée, pour la remise de prix fantaisistes, que ce soit à l'occasion de festivals réels mais décalés ou lors de cérémonies d'entreprises ou autres soirées privées.

La carrière d'un cinéaste n'est pas finie s'il ne décroche pas cette récompense ultime. Clint Eastwood, malgré de nombreuses participations n'y a jamais eu droit, soit parce que le film présenté était moins bon que ceux en compétition, soit parce que le jury en avait préféré un autre pour des raisons évidemment subjectives. Cela ne l'a pas empêché de remporter plusieurs oscars que ce soit celui de meilleur film ou de meilleur réalisateur.

En revanche, la Palme d'Or peut honorer des cinéastes que l'Académie des Oscars oublie régulièrement de récompenser. Ainsi, le grand Martin Scorcese, lauréat du Prix Lumière cette année, reçut la Palme d'Or pour Taxi driver en 1975 - film même pas retenu pour les Oscars! - quand il n'obtint sa première statuette en or qu'après 7 nominations pour Les infiltrés en 2006!

Q. Tarantino, Palme d'Or 1994 et Prix Lumière 3013


 Aujourd'hui, les lauréats de Cannes sont des potentiels lauréats du Prix Lumière, ce prix qui récompense les cinéastes qui ont marqué de leur empreinte le cinéma mondial.

Et c'est bien dans cette logique qu'Alexis Veller a réalisé ce documentaire La légende de la Palme d'or. Logique qui montre combien cet objet de luxe, fabriqué à partir du minerai d'or extrait des mines d'or d'Amérique du sud et réalisé aux ateliers de fabrication de Chopard est pour commencer un trophée reconnu comme une marque mais aussi comme un étalon de qualité.

Que Chopard en soit le créateur montre combien il y a association entre le prestige de ce joailler et celui du prix remis au lauréat du Festival de Cannes.




M. Scorcese, Palme d'Or 1975 et Prix Lumière 2015
 Mais le documentaire propose également une approche symbolique de cette Palme d'Or pour ceux qui connaissent le bonheur de la recevoir, au-delà même de l'objet L'occasion d'écouter de nombreux récipiendaires, dont Quentin Tarantino, Prix Lumière 2013 et Martin Scorcese, prochain prix Lumière!

En savoir plus:
Le secret de la Palme d'or en présence du réalisateur Alexis Veller - 2015
Mardi 13 octobre 2015 - 16h30 - Institut Lumière salle 2
Billetterie en ligne sur www.festival-lumiere.org
ou par téléphone au 04 78 78 18 95



À bientôt
Lionel Lacour

vendredi 25 septembre 2015

Lumière 2015: Un inédit en France de Martin Scorcese à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

Les fans de Martin Scorcese ont vu tous ses films. Vraiment? Ont-ils vu ce film racontant l'histoire de la plus grande revue de littérature en langue anglaise The New York Review of Books? Évidemment pas!
Forcément puisque ce film n'est jamais sorti en France ni passé à la télévision! C'est donc un événement que propose le Festival Lumière que de pouvoir assister à la projection de The 50 Year argument co-réalisé en 2014 par Martin Scorcese et David Tedeschi.
Film documentaire fait d'archives, d'images réalisées dans les locaux de cette institution culturelle, The 50 Year argument est accompagné par la musique qu'aime le futur lauréat du Prix Lumière, celle du jazz de Miles Davis ou de Ella Fitzgerald.


Par ce film, les spectateurs les plus jeunes pourront à coup sûr comprendre combien la création cinématographique se nourrit de celle littéraire, celle qui inspira d'ailleurs tant de films de Scorcese!
Comme le dit un des témoins du film, "Les magazines ne changent pas le monde mais ils forment une certaine sorte de climat d'idées. L'influence ressemble au chevalier dans des échecs, un mouvement tout droit et ensuite la diagonale. Il n'entre pas en lignes droites".

Alors si vous voulez être parmi ceux qui pourront dire "J'ai vu tous les films de Scorcese" rendez-vous au Festival Lumière 2015!

The 50 Year argument de Martin Scorcese et David Tedeschi - 1h35 - 2014
Jeudi 15 octobre 2015 - 16h - Institut Lumière Salle 2
Réservation sur www.festival-lumiere.org
ou par téléphone au 04 78 78 18 95

Lumière 2015: "Ingrid Bergman in her own words" - Quand Isabella Rossellini parle de sa mère

Bonjour à tous

La Master Class d'Isabella Rossellini qui a eu lieu lors du festival Lumière 2014 avait enchanté les heureux spectateurs ayant pu y assister dans la salle 2 de l'Institut Lumière. Interrogé par Yves Bongarçon, l'actrice avait évoqué son amour pour sa mère. Celui-ci surgit tout au long de ce documentaire réalisé par Stig Björkman en 2015: Ingrid Bergman in her own words.

Pendant près de 2 heures, celle qui est deux fois "une fille de" raconte de manière extrêmement personnelle ce que fut sa mère, cette actrice suédoise à la carrière hollywoodienne ayant épousé un immense cinéaste, Roberto Rossellini, lui aussi artiste européen ayant rejoint la Californie et les studios américains.

Pour les amoureux du cinéma d'antan et de l'âge d'or hollywoodien, de ces carrières qui ne se faisaient pas (ou ne se défaisaient pas) par le buzz numérique, de ces enfants de star qui ne gémissent pas du désagrément d'avoir côtoyé ce qui était encore des élites culturelles.



Ingrid Bergman in her own words de Stig Björkman (2015 - 1h54)
Mardi 13 octobre 2015 - 21h45 - Institut Lumière salle 2
Réservation sur www.festival-lumiere.org
ou par téléphone au 04 78 78 18 95


À bientôt
Lionel Lacour

Lumière 2015: "Gentleman Rissient", le documentaire sur un passeur de cinéma

Bonjour à tous,

Pierre Rissient est une des personnalités incontournables du cinéma, français ou étranger, qui a permis à ce que bien des films soient vus et compris par des générations entières de cinéphiles. Depuis 2009, il arpente les salles du Festival Lumière et intervient régulièrement pour présenter cinéastes, films, comédiens dans les salles combles de Lyon et de sa région.
En 2007, un premier documentaire était réalisé sur lui, reconnaissant son rôle non négligeable sur le cinéma, notamment en révélant au monde, et à la France en particulier, des cinéastes qui allaient devenir des maîtres incontestés. C'était ainsi que le documentaire Man of cinema: Pierre Rissient réalisé par le documentariste Todd McCarthy rappelle comment Eastwood ou Campion ont été soutenus par Pierre Rissient.

Comme souvent, nul n'est prophète en son pays. Mais cet ami de Bertrand Tavernier a enfin un documentaire réalisé par des Français pour rappeler au public français - et plus anglo-saxon cette fois - combien Rissient est un homme de l'ombre qui a révélé les lumières sur bien des artistes, sur bien des films.
Ainsi, ce sont trois co-réalisateurs qui ont participé à cette œuvre essentielle et nécessaire. Benoît Jacquot d'abord, cinéaste français réalisateur notamment de Les adieux à la reine ou récemment de 3 cœurs, est un de ceux-là, amateur de cinémas variés allant de Hitchcock à la Nouvelle vague. C'est aussi Pascal Mérigeau, biographe infatigable sur le cinéma à qui l'on doit notamment des ouvrages sommes sur Mankiewicz ou Renoir. C'est enfin le réalisateur et producteur Guy Seligmann qui complète cette co-réalisation.

Cet hommage rendu - enfin - par des cinéphiles français à Pierre Rissient est celui rendu à, comme le nom du documentaire l'indique, à un passeur de cinéma. Sans Pierre Rissient, et avec lui, tous les autres précurseurs français, comme le regretté Raymond Chirat, bien des cinéastes auraient été passés sous silence, non ou peu distribués. Le mérite de Pierre Rissient est celui de ne pas se limiter au cinéma dit d'art et d'essai. S'il peut défendre certains cinéastes chinois, il peut également s'enthousiasmer devant des films de Don Siegel et défendre les talents de cinéaste d'un Clint Eastwood alors au firmament de sa carrière d'acteur et à qui un certain milieu intellectuel reprochait des idées un peut trop conservatrices.

Au Festival Lumière 2009,
photographie dans la salle du Hangar
de l'Institut Lumière


C'est parce que Pierre Rissient n'est d'aucune chapelle, qu'il a su passer le goût de tous les cinémas, pointu ou populaire, en ne négligeant pas que le cinéma est d'abord un art de masse, qu'il est un invité permanent de ce festival Lumière qui, en programmant ce documentaire, Gentleman Rissient (AKA Pierre Rissient, passeur de cinéma) justifie de fait le succès de cet événement lyonnais.




Ce documentaire sera projeté en la présence de Pierre Rissient:


Samedi 17 octobre 2015 à 19h15
dans la salle 2 de l'Institut Lumière.

Billetterie en ligne
ou par téléphone: 04 78 78 18 95

jeudi 24 septembre 2015

Lumière 2015: "Cinékino" ou une histoire franco-allemande du cinéma

Bonjour à tous

Mardi 13 octobre 2015 à 14h15, le Festival Lumière propose la projection des deux volets du documentaire Cinékino. Ce documentaire croise le regard de deux réalisateurs. L'un, Laurent Heynemann, est français, ayant tourné des films autant pour le cinéma (La vieille qui marchait dans la mer en 1991) que pour la télévision (on lui doit par exemple des épisodes de la série Maigret avec Bruno Kremer et des adaptations de nouvelles de Maupassant). L'autre, Matthias Luthardt, est allemand, près de 25 ans plus jeune que le premier et réalisateur essentiellement d'œuvres pour la télévision allemande. Réalisé en 2015, il s'agit fort logiquement d'une co-production franco-allemande de Ideale Audience (société française), Zero One Film (société allemande) et de Arte, chaîne de télévision qui porte dans ses gènes l'idée d'une culture et d'une collaboration franco-allemande.

Ce sont donc deux cinématographies, deux histoires qui se téléscopent dans ce documentaire qui vient rendre compte de ces relations parfois complexes, conflictuelles ou au contraire pleine d'amour réciproque entre la culture française et celle germanique par l'intermédiaire de personnalités marquantes de ces deux cinémas.

Pierre Brice joue Winnetou, mythe du cinéma allemand
Loin d'adopter une démarche chronologique, le documentaire passe d'une idée à l'autre par l'incarnation forte de ces artistes. Ainsi, même si Romy Schneider était autrichienne, le documentaire montre combien elle incarnait la RFA. Cette place dans le cinéma allemand pour lequel elle était une vedette absolue ne satisfaisait pas l'actrice qui préféra s'installer en France, jouer d'autres rôles, quitte à céder la place de vedette à un jeune premier, son compagnon d'alors Alain Delon. Et c'est sur la place que prit celui-ci dans le cinéma français - comme d'autres acteurs aussi - que le documentaire continue son chemin en évoquant l'immense star allemande qui interpréta le personnage de Winnetou, chef apache dans des westerns allemands, ... le français Pierre Brice, simplement inconnu en France.

Par des développements en touches successives, les réalisateurs de ce documentaire, richement illustré d'extraits de films, d'archives de l'époque de tournage ou de réception des films à leurs sorties, mais aussi d'entretiens avec des spécialistes savamment compilés, développent ce qui constitue une singularité européenne: les relations franco-allemandes.

Cinékino permet de comprendre qu'une Histoire européenne voire mondiale peut s'appréhender par l'histoire du cinéma, par exemple lorsque la France devint une terre d'asile autant artistique qu'idéologique pour des artistes germaniques. Ceux-ci virent dans ce pays d'accueil la possibilité d'exercer leur art et d'exprimer leurs opinions. Ce fut le cas pour Fritz Lang qui quitta l'Allemagne en 1933 et tourna en France Liliom. Robert Siodmak arriva la même année en France pour ne la quitter qu'en 1939 pour rejoindre comme nombre de ses compatriotes les USA et Hollywood.
Des destins multiples sont ainsi relatés, mêlant le glamour et le sens des responsabilités de chacun. Ainsi en fut-il pour les relations entre Jean Gabin et Marlène Dietrich évoquées par de nombreuses sources dans ce documentaire.

Tel un puzzle dont chaque pièce est perçue par le spectateur comme un élément d'un tout, Cinékino revient sur des personnages - la belle Romy Schneider et son besoin de tourner La passante du Sans-Souci - ou sur des périodes. Ainsi la première partie du documentaire évoque le cinéma allemand des années 1930. C'est pour mieux y revenir par la suite dans la deuxième partie avec une approche différente.

De gauche à droite: M. Piccoli, F. Lang,
J. Palance, J.-L. Godard
Cette affection réciproque pour le cinéma ou les artistes de l'autre côté du Rhin, quelque soit le point de vue initial, aboutit à une impression d'une infinie proximité entre les deux peuples. Volker Schlöndorff rend un hommage fantastique à la France pour le César remporté en 2015 pour son film Diplomatie mais rappelle que son premier court métrage sur la désertion en Allemagne par des soldats français d'Algérie a été censuré en Allemagne pour ne pas créer un incident diplomatique avec la France. De même, si des collaborations franco-allemandes ont pu être mises en place, y compris et surtout à partir de 1933, avec des coproductions aboutissant à la réalisation de films tournés d'abord en allemand avec un casting allemand puis en français avec un casting français, les auteurs du documentaires montrent combien ce procédé a pu continuer après guerre, notamment avec la RDA, par exemple pour le film Les sorcières de Salem avec Simone Signoret, française et communiste.
C'est enfin le passage de témoin entre deux générations de cinéastes qui s'opère notamment quand Godard réalise Le mépris en 1963 et fait jouer Fritz Lang dans son film pour interpréter son propre rôle!


Montage en split screen des deux fins du film de J. Rouffio
La passante du Sans-Souci
Cinékino n'hésite pas à aborder la thématique du poids du nazisme dans les productions cinématographiques, impliquant de près ou de loin des Allemands. Il est savoureux d'avoir les réactions des spectateurs allemands à la sortie de La grande vadrouille de Gérard Oury en 1966. Margaret Ménégoz, productrice notamment de Michael Haneke, analyse ce rire des Allemands comme une nécessité pour l'acceptation de ce que fut le régime nazi et de la culpabilité collective qui en résultait. Mais cette acceptation est plus problématique quand l'adaptation du livre de Kessel La passante du Sans-Souci connaît une fin différente en France par rapport à celle proposée en Allemagne. En effet, le producteur imposa que le film de Jacques Rouffio sorti en 1982 et dernier film de Romy Schneider, connaisse un happy end en Allemagne quand la version française concluait de fait sur l'existence de mouvements néo-nazis.

Ce documentaire, forme de kaléidoscope cinématographique, correspond donc, de fait, à une forme d'Histoire de l'Europe autour de ces deux piliers, parfois antagonistes, mais dont les deux peuples, et les artistes en particuliers, ressentent une fascination l'un envers l'autre. Cela passe donc par le cinéma, cette culture commune, les cinéphiles français nourris à l'expressionnisme allemand des années 1920, ceux allemands vivant en France bercés par la cinémathèque et la Nouvelle vague. Chacun inspirant l'autre. La venue en France des exilés d'après 1933 renouvela le cinéma français comme celui-ci a pu inspirer avant ou par la suite les réalisateurs allemands. Cette fascination et respect réciproques passe enfin par la volonté des interprètes des deux côtés du Rhin de jouer pour des cinéastes de l'autre pays. En jouant dans la langue du pays du cinéaste. Ce fut vrai pour Romy Schneider, ce l'est également pour Isabelle Huppert qui tourna pour de nombreux cinéastes de langue germanique.

Pour tous les amoureux du cinéma européen, du cinéma allemand et français, et pour tous ceux qui hésiteraient encore à imaginer que la culture est une passerelle évidente entre les peuples, ce documentaire est à voir d'urgence, parce qu'il peut se regarder comme un recueil de poèmes, par touches ou dans son ensemble, ensemble qui donne la cohérence aux deux volets, sans qu'une morale finale ne soit assénée. L'introduction du documentaire se suffisant à elle-même:

"Deux pays, deux langues, un point commun: l'amour du cinéma"...

À bientôt
Lionel Lacour

Cinékino (partie 1 et 2) - Mardi 13 octobre 2015 - 14h15 - Salle 2 Institut Lumière
Billetterie:
Site Festival Lumière
ou par téléphone: 04 78 78 18 95
ou sur les différents points d'achat du festival.



mercredi 4 mars 2015

Pour en finir avec le mythe d'un cinéma objectif!

Bonjour à tous,

en 2004, Elie Chouraqui, réalisateur de Paroles et musique, des Marmottes et autres chefs-d'œuvre du cinéma, réalisait un reportage pour l'émission "Envoyé Spécial" intitulé Antisémitisme: la parole libérée. Ce documentaire tourné à Montreuil devait démontrer la progression de l'antisémitisme que les élèves de l'ORT (école juive) subissaient de la part de ceux du collège Paul Eluard. Invité à commenter son travail, Chouraqui affirmait avoir réalisé un film 100% objectif. Peu importait que ses élèves juifs soient filmés en rasant les murs, que des musiques angoissantes accompagnent les images ou que certains cadrages laissent penser que les antisémites étaient essentiellement d'origine arabe. Non, son travail était totalement objectif, ce qu'il répète d'ailleurs dans le DVD sorti après la première diffusion du reportage, en revendiquant une absence de parti pris. Tu penses.

Une telle affirmation est à la fois consternante au regard du reportage du réalisateur où le parti pris saute aux yeux, mais surtout consternante pour toute personne

mercredi 17 septembre 2014

Festival Lumière 2014: "Le Pays des Motzi", une restauration qui tombe bien

Bonjour à tous,

Le Pays des Motzi (Tara Motilor titre original) fait partie de ces restaurations exceptionnelles présentées au Festival Lumière 2014. Réalisé en 1938 par le réalisateur roumain Paul Calinescu, reçut le prix du meilleur documentaire en 1939 au Festival de Venise.
20 minutes de la vie d'un peuple en Transylvanie, dans cette Roumanie à la veille de la Seconde guerre mondiale, vivant des quelques ressources naturelles du territoire: bois, bétail, minerais de tous ordres.
À ce titre, je renvoie à l'article de Robert Ficheux  datant de 1942 pour des précisions sur ce peuple à cette époque:
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bagf_0004-5322_1942_num_19_142_7121

Dans une qualité exceptionnelle, le documentaire présente un triple intérêt. Esthétique tout d'abord, avec une qualité de photographie remarquable, témoignant du fait que le cinéma documentaire est d'abord du cinéma. Historique ensuite puisque cette œuvre offre une mise en scène d'une population européenne souvent ignorée par les historiens, avec un point de vue d'ethnologue. Politique enfin car ce qui est présenté de ce peuple, et notamment de sa misère et de son fonctionnement social ne peut pas ne pas faire écho à certaines images contemporaines d'autres populations venant des mêmes régions et qu'on désigne aujourd'hui sous le terme de Rom ou autre substantif à connotation péjorative.

Pour cette pépite, 3 projections seront donc possibles à la Villa Lumière (salle 2 de l'Institut Lumière) pendant le festival:
- Mardi 14 octobre - 14h45
- Jeudi 16 octobre - 17h00
- Vendredi 17 octobre - 10h45

Les places sont à retirer (entrée libre mais réservation obligatoire!):
- Par téléphone: 04 78 78 18 95
- Par internet: www.festival-lumiere.org
- Sur places dans toutes les billetteries du festival (liste sur le site)

jeudi 20 juin 2013

Pinku Eiga; le cinéma rose japonais sur Ciné+ Club

Bonjour à tous,

Une fois n'est pas coutume, je vous propose de découvrir un genre de cinéma souvent décrié et surtout méprisé. 
Yves Montmayeur, journaliste et spécialiste du cinéma japonais, dont le cinéma Yakuza, était venu en 2011 au Festival Lumière pour présenter justement une sélection de ces films de genre dont les Japonais sont friands.
Mais il était venu également présenter ses propres réalisations, deux documentaires. L'un portait donc sur le cinéma Yakuza, l'autre sur le cinéma érotique japonais, appelé Pinku eiga ("cinéma rose").
C'est avec bonheur que j'apprends que ce dernier documentaire sera enfin diffusé dans une version télévisée plus courte à partir du 27 Juin 22H00 sur Ciné + club.



Au-travers de ce documentaire, extrêmement bien documenté, c'est une part de la culture japonaise qui est présente à l'écran, un autre rapport au corps et à la sexualité que dans nos sociétés judéo-chrétiennes.

mercredi 12 juin 2013

The act of killing: qu'est-ce qu'un criminel de guerre?

Bonjour à tous,

Un poisson géant, des nymphes sortant de la gueule de cet animal, effectuant une chorégraphie approximative devant un personnage mi drag queen, mi sirène grasse, voilà comment le documentaire de Joshua Oppenheimer commence son long documentaire de près de 2 heures et dont l'image se retrouve sur une des affiches du film.

Quel étonnement alors pour le spectateur de se retrouver face à une telle séquence quand il lui est annoncé que The act of killing, sorti en France en 2013, est un documentaire non sur le cinéma indonésien mais sur un massacre perpétré en 1965 contre les communistes indonésiens par des factions proches du pouvoir, dont les Pemuda Pancasila (jeunesses du Pancasila), le Pancasila étant l'idéologie de l'État indonésien, mêlant nationalisme, internationalisme et spiritualité.

lundi 3 juin 2013

Le cinéma engagé: une définition à géométrie variable

Bonjour à tous

l'expression "cinéma engagé" est souvent utilisée pour désigner un cinéma défendant une cause ou dénonçant une situation grave pour la société, une communauté, une classe sociale, une nation. De fait, le sujet étant sérieux, il y a alors une sorte d'association immédiate entre le fond et la forme. Si le fond est sérieux, la forme devrait l'être tout autant. Certains cinéastes sont d'ailleurs aujourd'hui catalogués comme faisant du cinéma engagé parmi lesquels bien évidemment Ken Loach

jeudi 23 mai 2013

Le Joli Mai de Chris Marker à l'Institut Lumière: une (re)découverte indispensable !


Bonjour à tous,

Le directeur de l'Institut Lumière, Thierry Frémaux reviendra du Festival de Cannes pour présenter le film Le Joli Mai de Chris Marker et Pierre Lhomme, Mercredi 29 Mai 2013 à 20h00.

mercredi 3 avril 2013

La chevauchée des bannis: un pré - Peckinpah?

Bonjour à tous,

tout a été dit semble-t-il sur ce film d'André De Toth, réalisé en 1959. La chevauchée des bannis, mis à l'honneur par le cinéaste Bertrand Tavernier qui a réhabilité ce réalisateur d'origine hongroise dans son livre Amis américains, est un film d'une beauté rare: noir et blanc magistral, travail sur la représentation d'une nature hostile et sauvage comme jamais, thème musical utilisé avec parcimonie et qui soutient véritablement les séquences plutôt que de couvrir l'ensemble du film, casting irréprochable. Réalisé la même année que Rio Bravo (voir à ce propos mon article consacré à ce film), il y a des points communs quant à cette manière minimaliste de représenter l'espace habité. Pourtant, si le premier fut un succès considérable, La chevauchée des bannis fut un échec cuisant, poussant son réalisateur hors d'Hollywood pendant des années et n'y revenant que pour deux films. Comment alors expliquer l'absence de succès pour une œuvre que chacun aujourd'hui considère comme la plus aboutie du réalisateur, et sans conteste un sommet du 7ème art?
La modernité du traitement du sujet n'y est certainement pas pour rien et les spectateurs qui allaient encenser Sam Peckinpah quelques années plus tard n'étaient pas encore ceux qui remplissaient les salles.

mercredi 29 décembre 2010

Les documentaires sont-ils des documents d'historiens?


Cet article reprend celui que Jean-Pierre Meyniac avait sympathiquement accueilli sur son site http://www.cinehig.clionautes.org/ .
Il m'a semblé intéressant de le proposer à nouveau sur ce blog car il présentait différents points de droit vis-à-vis du cinéma, notamment pour ce qui concernanit le débat sur le film Le cauchemar de Darwin.

Lors de l’émission « la fabrique de l’Histoire » du jeudi 10 décembre 2009 intitulé « Historiens et réalisateurs face aux documentaires historiques », plusieurs intervenants ont débattu montrant de fait les rapports difficiles entre l’Histoire et une forme de représentation audiovisuelle.
Parmi les invités de l’émission se trouvait Laurent Véray, historien du cinéma et président de l’ « Association française de recherche sur l’histoire du cinéma », qui publie notamment le revue 1895. Laurent Véray est également réalisateur de films documentaires dont L’héroïque cinématographe réalisé en 2003. Olivier Bouzy, directeur adjoint du Centre Jeanne d'Arc, chargé de cours à l'Université d'Orléans et qui intervint régulièrement dans des documentaires sur Jeanne d’Arc, Serge Viallet, réalisateur de documentaires historiques comme Nagasaki réalisé en 1995 et Jean-Marie Salamito, professeur d'Histoire à l’Université Paris IV-Sorbonne et auteur d’une critique de la série documentaire L’apocalypse, série documentaire sur les débuts du christianisme réalisé par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, complétaient la liste des débatteurs.
La question posée par le débat peut se résumer assez facilement autour d’une problématique assez claire : un documentaire est-il ou peut-il être un travail d’historiens ?
A cette question, plusieurs points ont alors été abordés. Il ne s’agit pas de reproduire ici l’ensemble des propos tenus mais bien de les résumer et de les commenter.
En effet, depuis plusieurs années, j’ai créé des conférences autour du thème « Histoire et Cinéma » à l’Institut Lumière et rédigé quelques articles sur la nécessité pour les Historiens de s’approprier les sources filmiques comme matériau d’analyse. Mon travail est essentiellement sur le film de fiction que j’analyse comme source de son temps de production ou de projection. Mais le traitement de l’image documentaire n’est pas si différent.

En première remarque, j’insiste sur une affirmation essentielle de Laurent Véray. Un film est un point de vue de réalisateur. Ceci est vrai quelque soit le type de film, de fiction ou documentaire. Ce point de vue obéit à des contraintes propres au genre audiovisuel et peut difficilement accepter les nuances et confrontations des « thèses ». Ce qui a été reproché à Prieur et Mordillat par Jean-Marie Salamito a été de défendre une thèse qu’il qualifie lui-même d’éculée, à savoir la trahison du message de Jésus par ses continuateurs immédiats. Or Jean-Marie Salamito n’a pas pu apporter une quelconque autre anti-thèse bien qu’Emmanuel Laurentin, le journaliste animant « La Fabrique de l’histoire », le lui ait demandé. Non qu’il n’en défende pas une, son livre Les chevaliers de l’Apocalypse, réponse à MM. Prieur et Mordillat le démontrant très bien, mais justement, parce qu’il s’est lui aussi trouvé dans une contrainte liée à la nature du débat radiophonique.
Le cinéma et les productions audiovisuelles ne peuvent faire que travail d’une Mémoire, d’une démocratisation de l’Histoire marquée, Laurent Véray l’a également signalé, par l’historiographie du temps de production. Il ne suffit que de regarder les différentes approches de la Révolution française au cinéma pour s’en persuader ! Quoi de commun dans les thématiques abordées par Renoir dans La Marseillaise en 1937 avec le diptyque de Robert Enrico en 1989, Les années Lumières et Les années Terribles ?
Dans ces deux exemples de films de fiction, on peut trouver une foule d’informations impressionnante. Mais en aucun cas un film, même en plusieurs épisodes ne pourrait rivaliser en volume d’informations avec une thèse, une somme voire un simple manuel d’Histoire. Cette évidence entraîne alors un constat qui rejoint une des questions du débat, à savoir la possible collaboration entre historiens et documentaristes. Or celle-ci ne peut pas exister selon les formes désirées par certains des intervenants, pour la bonne raison que l’historien n’a pas de limite de volume dans son travail qui peut s’adresser à un nombre faible de lecteurs. Il n’en va pas de même pour les films, de fiction ou documentaires qui ont des contraintes de durée et économiques de production.


La volonté de ne pas forcément être narratif dans l’approche historienne telle que Olivier Bouzy l’a exprimée est elle aussi peu en adéquation avec les impératifs de la production filmique qui reste un « spectacle » devant lequel le spectateur essaie de s’instruire tout en y trouvant un certain plaisir de divertissement. Pour l’historien, la chronologie est un canevas sur lequel va reposer l’analyse historique selon une méthodologie qui a d’ailleurs varié régulièrement. Pour le spectateur, de cinéma ou de télévision, la maîtrise de la chronologie est déjà en soi une certaine maîtrise du sens de l’Histoire. L’analyse que le documentaire peut apporter doit le plus possible avoir une progression chronologique. Une collaboration entre historien et documentariste ne peut donc en aucun cas aboutir à un résultat pleinement satisfaisant pour un travail d’historien en ce sens où les nuances disparaîtraient ou s’effaceraient forcément face aux nécessités du récit filmique qui peut difficilement être polysémique. Ainsi, Le chagrin et la pitié est contestable en soi si on le prend comme objet unique d’une Histoire qui se voudrait globale. Il a eu néanmoins le mérite de montrer certaines vérités jusque là dissimulées de la mémoire française. Il y a eu pourtant bien des coupes des interviews, du montage, des informations connues du réalisateur mais qu’il a sciemment occultées pour servir son propos. Ce documentaire doit-il pour autant être invalidé au regard des manques, des coupes, des points de vue d’Ophüls ? Quel sentiment les spectateurs ont-ils pu avoir à la sortie du film sinon que la majorité des Français avait collaboré ou accepté l’occupation sans grand mal ? Ophüls nous a raconté « une » Histoire de la France pendant l’occupation. Mais elle n’est qu’un aspect de cette Histoire de France. L’impression qui en ressort est exagérée par le support filmique qui assène sans laisser beaucoup de temps aux spectateurs de réagir au message du film. Tous les documentaires ayant recours à des coupes d’informations voire à leur évacuation pour des raisons en effet de point de vue de l’auteur, la seule solution serait-elle alors que les Historiens réalisent des documentaires ?

Ce qui m’amène à un point important du débat. Jean Marie Salamito a réagi à cette idée en ne voyant pas pourquoi il devrait utiliser le support audiovisuel pour faire de l’Histoire.
Faire de l’Histoire doit se prendre ici selon deux acceptions. Pour la première, il s’agirait de substituer au livre comme support de la pensée un support audiovisuel. On peut comprendre certaines réticences de faire de l’Histoire ainsi car cela peut en effet poser des problèmes, tant du point de vue de la maîtrise de la forme audiovisuelle que de la durée d’un documentaire qui respecterait scrupuleusement la méthode historienne de confrontation de toutes les sources disponibles. Mais faire de l’Histoire avec des « images qui bougent », c’est aussi prendre le film comme source de l’Histoire. Plusieurs des invités ont rappelé les vœux restés pieux d’un enseignement de ce langage audiovisuel à l’Université. Ils ont regretté que les travaux de Marc Ferro et notamment ses émissions d’analyse des archives n’aient pas été assez continuées par d’autres historiens. Mais la réaction de Jean-Marie Salamito relève surtout d’un ultra-conservatisme des historiens à l’égard du matériau audiovisuel, matériau à la fois comme support de pensée et comme source historique. Laurent Véray affirmait justement qu’un film ne s’analysait pas comme un texte ou une image fixe. Le langage cinématographique n’est pas très élaboré mais il impose néanmoins une formation pour établir une lecture différente de la simple liste des détails visuels. Et l’écriture textuelle de ces observations ne permettra jamais au lecteur de comprendre l’impact de l’image. Sorlin parlait de « l’effet cinéma » dans Sociologie du cinéma.. Cela devrait imposer une nouvelle approche de l’étude du XXème siècle, et ceux à venir, en utilisant le mode « multimédia » car l’Histoire se fait de plus en plus avec des documents audiovisuels. Nous pouvons prendre des exemples symboliques mais qui pourraient se multiplier sur des cas plus modestes. Ainsi, l’assassinat de Kennedy a eu d’autant plus d’impact sur nos contemporains que l’image a été diffusée jusqu’à aujourd’hui, parfois jusqu’à l’écoeurement. Désormais, l’Histoire se construit aussi avec des documents qui participent immédiatement à la construction de la mémoire collective. Plus récemment, les attentats du 11 septembre 2001 ont été l’occasion de la production d’une masse de documentaires réalisés avec des milliers de documents amateurs. On est loin des gravures représentant l’assassinat d’Henri IV qui étaient les seules représentations de cet événement et qui construisaient une mémoire sur un support autant artistique qu’historique !

Enfin, le genre documentaire pose de vrais problèmes aux historiens pour des raisons fondamentales. L’accès aux sources est de plus en plus facilité par la numérisation des différents supports, livres, enluminures, archives etc. Les ouvrages d’historiens sont eux aussi plus facilement consultables car internet permet à certains passionnés de mettre sur leurs sites des bibliographies quasiment exhaustive sur des thèmes pointus. Cette appropriation de ce savoir n’est pas sans problème scientifique car elle permet le meilleur comme le pire. Le meilleur étant la démocratisation, apparente, du savoir. Le pire étant la non maîtrise des sources, leur non hiérarchisation et les erreurs d’interprétation et d’analyse. Appliqué aux documentaires, ce recours aux archives offre une possibilité plus grande aux réalisateurs qui peuvent alors mettre en forme selon leur point de vue leur vision de l’Histoire. Ce qui pose problème aux historiens est alors évident. L’abondance, apparente, des sources de ces documentaires, la maîtrise du langage cinématographique, le montage notamment, et l’intervention d’experts reconnus semblent faire de ces documentaires de véritables travaux d’historiens. A juste titre, ceux-ci, formés à l’université, estiment que la méthodologie historienne manque pouvant même trahir le discours historique.
Or ils commettent finalement une erreur assez grande mais compréhensible. Si les historiens comprennent que la fluidité de l’image audiovisuelle a changé notre rapport au monde, peu d’entre eux accepte de devoir en passer par une autre manière de faire de l’Histoire d’un monde qui a généré tant d’images, en mouvement de surcroît. De plus, quand bien même ils réaliseraient leurs propres documentaires, plus coûteux à réaliser que la publication de livre ou de thèses, ils n’élimineraient pas la production de documentaires, sérieux ou fantaisistes, sur l’Histoire. Dès lors, au lieu de craindre une autre « apocalypse », il vaudrait mieux comprendre que le documentaire, quel qu’il soit participe à la construction d’une mémoire collective. Que le succès ou l’échec d’un documentaire s’explique à la fois par la qualité formelle et par ce que le spectateur est prêt à entendre. Le succès de L’apocalypse de Mordillat et Prieur ne peut s’expliquer que par le questionnement de nos sociétés sur la construction des religions. Cette série témoigne d’une époque. Il est peu probable qu’une telle série eût pu être produite dans les années 1950 !
Mais en réalité, ce qui effraie le plus les historiens, c’est que l’image documentaire semble « vraie ». En cela, leurs frayeurs sont sinon justifiées, en tout cas explicables par l’importance grandissante qu’on accorde aux documentaires comme source de vérité, justement à cause de la véracité des images. Le cauchemar de Darwin est un exemple presque parfait de cela. L’Occident entier s’auto-flagellait après sa sortie et chaque critique y allait de son verbe pour fustiger ce monde libéral néocolonial. C’était oublier que ce film n’était qu’un film, avec un point de vue, avec ses manipulations cinématographiques. François Garçon, premier encenseur du film fut celui qui réagit le plus virulemment ensuite pour démonter le documentaire dans Enquête sur le cauchemar de Darwin, publié en 2006. Poursuivi en justice pour diffamation par le réalisateur, François Garçon perdit ses procès. L’argument motivant sa condamnation à la cour d’appel de Paris le 11 mars 2009 ne manque pas d’intriguer :
« [François Garçon ne disposait] manifestement pas d'une base factuelle suffisante pour formuler à l'encontre du réalisateur une telle accusation de manipulation des enfants et de tromperie sur la réalité des situations qu'il a filmées [Sur la bonne foi, François Garçon qui est professeur aurait dû disposer d'une base factuelle suffisante et tenir compte de la nature de l'œuvre de Hubert Sauper, qui n'est pas un documentaire didactique mais un documentaire de création] »
La justice, par ses attendus, place l’œuvre documentaire comme œuvre de création et non comme œuvre scientifique, entendu ici de sciences humaines. Or la perception des spectateurs n’est en aucun cas celle d’une œuvre artistique. Et la condamnation de François Garçon confirme bien l’ambiguïté du documentaire : œuvre de création (d’invention ?) du point de vue juridique, œuvre scientifique ou politique pour les spectateurs. On comprend alors les inquiétudes des historiens face aux documentaires.

Pourtant, et pour conclure, il faudrait comprendre que le temps du documentaire n’est pas celui de l’historien. Celui-ci peut travailler des années, voire des décennies sur un même thème, y revenir, voire contredire ses premières conclusions au gré de ses recherches ou de sources nouvelles. Le documentariste travaille rarement au-delà de plusieurs mois. Son travail se rapproche davantage du compilateur qui peut avoir dans le meilleur des cas un point de vue. Peu importe la validité historique de ce point de vue. Nous l’avons vu, les contraintes des films, documentaires comme fictions d’ailleurs, obligent presque obligatoirement les réalisateurs à être en phase avec un public cible. Inconsciemment, ces réalisateurs peuvent réaliser des documentaires sur Jésus en 2008 mais constituer une source remarquable pour les historiens étudiant plus tard… le XXIème siècle et ses rapports au christianisme. Ce temps du documentaire est donc en corrélation avec celui de son époque. Le documentaire aura instruit, diverti et sera oublié pour l’essentiel par les spectateurs qui retiendront, pour reprendre L’apocalypse, que le message de Jésus a été trahi pas ses disciples. Jusqu’à ce qu’un autre documentaire apporte une autre thèse, tout aussi simplifiée. Le temps de l’Histoire est un temps long, celui du documentaire est un temps de l’immédiateté du spectateur. Ce téléscopage temporel inévitable fait qu’il y aura toujours ce débat sur les documentaires, œuvres de mémoire qui « trahissent » l’Histoire.

Lionel Lacour