jeudi 29 mai 2014

Tristesse club: miroir d'une société brisée

Bonjour à tous,

le 4 juin 2014 sortira Tristesse club réalisé par Vincent Mariette. Pour son premier long métrage, co-produit par Rhône-Alpes Cinéma et tourné autour du lac d'Aiguebelette, le réalisateur a proposé un titre qui résume finalement assez bien notre société et que l'ensemble de ses protagonistes caractérise.









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Sa comédie dramatique, ou son drame comique est une sorte d'addition de situations individuelles relevant toutes du malaise de notre société où chaque individu rêve d'un bonheur individuel et d'où semble absent tout bonheur collectif.
Le grand frère, Léon, interprété par Laurent Lafitte a été professionnel de tennis dont la carrière a été stoppée pour un souffle au cœur découvert à 23 ans. Il ne lui reste que le souvenir de cette gloire passée, mais aussi l'illusion: voiture de sport des années 80, comportement macho, comportement de père et rapport à l'argent immatures, sauvé par sa femme, d'avec qui il est séparé et son frère (à son insu).
Le petit frère, Bruno, joué par Vincent Macaigne, est un patron d'une société de rencontre mais qui, paradoxalement, semble n'avoir jamais eu de relation féminine.
Le père, arlésienne du film, est un coureur de jupon qui a escroqué tout le monde, femme, amis, maîtresses et a trahi ses enfants.
Ne reste plus pour compléter le tableau la nouvelle venue dans la famille. À l'annonce de la mort du père, les deux frères découvrent une sœur jusque là inconnue, Chloé, délicieusement incarnée par Ludivine Sagnier, elle aussi en quête d'un père qu'elle aurait vu davantage ces dernières années que les deux frères.

Sur ce canevas, le réalisateur va réaliser une sorte de road movie statique, rayonnant autour de la maison familiale, sorte de manoir hanté par les souvenirs, dont le père aurait laissé son portable en charge et des indices involontaires témoignant de ses relations avec les autres, entre passion et détestation avec ses maîtresses, mais aussi de pudeur avec ses enfants.

Avec peu de moyens, Vincent Mariette va pourtant croquer en 1h30 le portrait de ces personnages donnant au final une vision globale de notre société. Par ce lieu qui pourrait paraître idyllique, une maison originale au bord d'un lac, il constitue justement un club miniature où chacun se retrouve pour une raison commune sans que pour autant les angoisses ou problèmes initiaux ne disparaissent complètement.
Mariette parle de la réussite individuelle, de la difficulté du couple au travers de tous ses personnages: fidélité, immaturité, rapport à l'altérité sexuelle, différence d'âges entre les amants... Cette diversité de situations vient s'opposer à une aspiration globale: la liberté. Cette quête de liberté que chacun semble avoir est en contradiction avec les actions des protagonistes. Léon est manifestement volage mais se plaît à dire à qui veut l'entendre qu'il est marié. Bruno dirige une société de rencontres amoureuses mais cherche l'âme sœur. Le père trompe ses maîtresses et les abandonne mais il est solidement attaché à sa maison. Quand Léon veut s'en prendre à un voisin qui aurait détruit un objet qui lui tenait à cœur, il découvre un ancien ami d'école. La colère se transforme subitement en nostalgie qui renvoie à une période plus heureuse.

Derrière des allusions récurrentes à la sexualité, celle-ci n'est jamais montrée comme vraiment source de joie. Au contraire, elle est soit potentiellement incestueuse, soit sale et machiste, exploiteuse et jamais libératrice ou aboutissant à un bonheur quelconque. La liberté de chaque personnage ne semble qu'un leurre. Il leur manque une ambition collective, celle qui peut-être façonnait la société française d'avant 1968, où la liberté sexuelle était une quête qui s'inscrivait dans un cadre certes figé, mais où les individus trouvaient des repères. Le style cinématographique de ce point de vue est assez remarquable de par ses évocations aux années 1960 de par ses couleurs ou sa musique.

Ces clubs de vacances qui promettaient bonheur et joie à ceux qui y résidaient le temps d'une ou deux semaines étaient une échappatoire pour ceux vivant dans le conformisme quotidien. Devenus permanents, sans recours à l'exotisme des destinations, ces clubs où la liberté de faire ce que l'on veut sans se soucier des autres sont, manifestement pour le réalisateur, d'une tristesse accablante puisque les individus ne s'engagent en rien et surtout vivent leurs échecs sans vraiment se donner les moyens de s'en sortir, en ne voyant les autres que bons à compenser ses défauts non comme des "partenaires" avec qui construire un bonheur commun.

Il est étonnant de voir combien une société peut transparaître dans un film apparemment léger. Sans annoncer un film "sociétal" comme certains cinéastes, Vincent Mariette retranscrit clairement comment des individus se reconnaissent dans des repères classiques voire ringards tout en voulant vivre leur vie, sans contraintes. Les personnages sont donc pleins de contradictions, déboussolés, s'éloignant de valeurs d'antan mais incapables d'assumer pleinement celles auxquelles ils prétendent.
Le film, très drôle de par ses situations cocasses et par le jeu des comédiens, porte vraiment bien son nom: Tristesse club.

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