mardi 19 janvier 2021

Le corniaud ou le temps de la France heureuse

 

Bonjour à tous

En 1965, Gérard Oury, jeune réalisateur, mettait en scène Bourvil et Louis de Funès dans un film qui allait créer un des duos comiques préférés des Français et qui allait triompher un an après dans La grande vadrouille. Ce n’est pas la première fois que les deux comédiens partagent l’affiche. Il s’était affronté en 1956 dans le film de Claude Autant-Lara La traversée de Paris. Mais de Funès n’y tenait qu’un rôle secondaire quand Bourvil partageait la vedette avec Jean Gabin. Ainsi est-ce la première fois que les deux acteurs comiques partagent l’affiche tout au long du film, de Funès réussissant à s’imposer à égalité avec Bourvil après le succès du Gendarme de Saint-Tropez et de Fantômas en 1964. Ainsi, Le corniaud partait avec tous les atouts pour réussir sa carrière sur grand écran. Mais celui-ci s’appuyait aussi sur un scénario qui transpirait la France du cœur des Trente glorieuses et du gaullisme triomphant !

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Sorti le 24 mars 1965, le film ouvre sur une promesse, celle de vacances. Et il faut dire que la promesse est belle ! Antoine Maréchal (Bourvil) part pour l’Italie. Et en effet, le film va se transformer en road movie allant de l’Italie jusqu’à la France grâce aux semaines de congés payés, les Français ayant droit à 3 semaines depuis 1956 et même 4 semaines au mois de mai 1956, soit quelques semaines après la sortie du film ! Le film s’ouvre cependant sur une séquence amusante ou Maréchal remplit sa voiture de bagages. La concierge lui demande s’il va aller à Carcassonne comme chaque année. En répondant qu’il allait en Italie, il signifie qu’il prend un risque, celui de rompre avec ses habitudes. Le risque est à l’écran autant que dans les dialogues. Rejoindre l’Italie en partant de Paris en 2CV était en effet une aventure tant le confort du véhicule peut sembler spartiate, même en 1965.  Et la robustesse tout aussi douteuse comme la séquence mythique entre Saroyan (de Funès) et Maréchal en atteste ! Mais cela montre surtout la démocratisation de ce tourisme lointain, facilité par l'accès aux voitures pour tous avec des modèles produits à la chaîne avec des prestations minimales, certes mais permettant aux moins fortunés de posséder un véhicule. Le tourisme est également facilité par l'amélioration des voiries et par la création d’autoroutes permettant de rejoindre rapidement les territoires méridionaux.

Ce tourisme démocratisé s’observe d’ailleurs aussi par d’autres aspects dans le film. Tout d’abord en termes de transport. Maréchal voyage en voiture – plus en 2CV mais désormais en Cadillac – mais d’autres pratiquent l’autostop. Plus risqué mais ne coûtant rien aux voyageurs les plus jeunes. Et si les personnages du film dorment régulièrement à l’hôtel, une séquence les montre dormir dans un camping dans lequel se retrouvent ceux venus profiter à bas prix de l’Italie. Or si cette forme de tourisme est bon marché, c’est pour des raisons objectives. Tout comme la 2CV, les économies se font sur le dos du confort. 

Et Oury de montrer la promiscuité dans les tentes, le manque d’intimité entre les vacanciers pouvant se parler d’une tente à l’autre. Mais c’est surtout au moment de la douche que la démocratisation touristique se paye ici, avec l’existence de douches collectives remisant la pudeur aux oubliettes !

La France du Corniaud, c’est aussi la France du progrès et du rêve américain permis par la Libération et le Plan Marshall. La Cadillac tout d’abord. Le modèle DeVille convertible de 1964 fait rêver les Français. En 1961, Robert Dhéry tournait d’ailleurs La belle américaine et la même année, dans Le cave se rebiffe de Gilles Grangier, le personnage d’Eric Masson tenait un garage de voitures américaines et subjuguait le personnage interprété par Martine Carol. En 1968, Grangier récidivait avec L’homme à la Buick avec Fernandel. Sans compter la passion de Jean-Pierre Melville pour l’Amérique qui se retrouvait dans chacun de ses films comme dans Le Doulos en1962 ou dans L’aîné des Ferchaux en 1963. Ce mythe américain fait tourner les têtes et assoit le statut social de ceux qui possède ce genre de voiture ! Que représente d’ailleurs cette voiture américaine ? Le luxe évidemment. La puissance des grosses automobiles surdimensionnées. Celle des vainqueurs de la guerre. Mais aussi souvent les gadgets et équipements comme par exemple la présence du téléphone dans la voiture permettant à Maréchal d’être en contact avec Saroyan. 

Chose banale aujourd’hui puisque nos sociétés contemporaines sont synonymes de mobilité des communications. Si la technologie existait depuis la fin des années 1940 aux USA, elle est évidemment quasi impossible en 1965 et extrêmement limitée. Peu importe, cela permet à la fois de créer un gag – Saroyan parlant au téléphone à quelques mètres de Maréchal – mais témoigne aussi de ce rêve américain dont on pressent qu’il est finalement accessible, tout comme le sont les fameuses cigarettes « américaines » ! C’est enfin le film en tant que tel. Car Le corniaud est un pastiche des films de gangsters dans lesquels se retrouvaient Humphrey Bogart ou James Cagney. Le récit renvoie à la mafia, aux trafics en tous genres, de la drogue en passant par l'or et les pierres précieuses aux dépens d’un "corniaud" utilisé par le syndicat du crime. Le film d’Oury renvoie à cet imaginaire culturel qui a inondé les écrans français après 1945 et qui a enchanté tant de cinéastes français, à commencer par Melville.

Pourtant, derrière cette France de la croissance économique favorisant le tourisme et idéalisant le modèle américain même dans ses travers, Le corniaud témoigne aussi des identités des pays européens. Italienne d'abord avec son mode de vie, sa musique avec l'utilisation de la Tarentelle de Rossini dans une séquence hilarante mais aussi les traditions familiales et l'amour à l'italienne! Entre l'Italie et la France, ce sont donc deux cultures différentes, séparées par une frontière certes tournée en dérision mais qui est pourtant bien présente et accompagnée de douaniers vérifiant le passage de ceux venant du pays voisin. Pas d’Union européenne ni d’espace Schengen en 1965. Juste la CEE dont la France et l’Italie font partie depuis 1957. Il ne s’agit bien que d’une communauté économique. L’identité française passe dans le film notamment par le fait que, bien que parisien, Maréchal soit originaire de province. De Carcassonne plus précisément. 

Et le film nous emmène dans cette cité médiévale qui sent bon les patrimoines historique et gastronomique, dont s’enorgueillissent les Français. Que ce soit celui restauré au XIXe s. par des architectes comme Viollet-le-Duc ou mis en valeur par les grands chefs des restaurants étoilés. Pittoresque aujourd’hui, les gendarmes qui aident Maréchal face aux mafieux italiens correspondent aussi à une réalité des années 1960, celle dont de Funès fut lui-même l’incarnation. Identifiables à leur tenue à connotation militaire mais également au recrutement local, tous ont l’accent de la région, justifiant des solidarités entre les forces de l’ordre et les habitants puisque tous se connaissent. Une sorte de police de proximité avant l’heure en quelque sorte. Et là encore, un élément de l'identité française. Loin des banlieues naissantes créant des cités où l’on se perd et qui constituent de vrais dédales, la séquence à Carcassonne regarde vers la France traditionnelle, celle sur laquelle s’est construite la France moderne des Trente glorieuses.

Ainsi, avec ce Corniaud, Oury signe un film qui va installer le genre de la comédie comme le genre qui attirera désormais les foules au cinéma, repoussant les grands drames loin derrière. Après ce film, Oury poursuivra  jusqu’à Rabbi Jacob en 1973, dernier de ses grands films à succès et fin de cette période de croissance économique insolente qu’a connue la France depuis l’après-guerre. Revoir Maréchal et Saroyan rend forcément nostalgique. Cela renvoie aux comédies légères d’antan portées par des comédiens rares et complémentaires. Mais cela renvoie aussi à une période où se côtoyaient une identité française autour de sa culture et l’espoir dans la modernité synonyme de prospérité. Un film positif, tout comme l’éclat de rire final entre le trafiquant et le simple citoyen.

mardi 12 janvier 2021

"Et au milieu coule une rivière", le plus trumpiste des films du progressiste Redford?

Bonjour à tous,

Le 11 janvier 2021, France 5 diffusait Et au milieu coule une rivière réalisé par Robert Redford en 1992. Et le moins que l'on puisse dire est que le réalisateur n'est pas connu pour être un ardent Républicain, bien au contraire. Pourtant, revoir ce film permet de comprendre le pays que sont les États-Unis jusqu'à aujourd'hui. Peut-être même de comprendre les dynamiques politiques actuelles qui font se confronter deux camps visiblement de plus en plus irréconciliables. Enfin réaliser que même le grand Redford serait aujourd'hui certainement cloué au pilori pour ne pas avoir respecté certains critères que certains mouvements "progressistes" veulent imposer au cinéma.


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L'Amérique profonde

Adapté du livre autobiographique de Norman McLean La rivière du sixième jour publié en 1976, l'action se passe au Montana, État rural et très éloigné des grands territoires industriels du Nord Est américain. L'histoire se situe au début du siècle et l'enfance des héros se passe durant une Première guerre mondiale qui ne semble pas particulièrement affecter les habitants. Les activités sont tournées vers l'exploitation du bois et l'agriculture. Mais surtout, et c'est le cœur du film, le loisir de tout à chacun est la pêche dans des eaux qu'on imagine volontiers... fraîches! 

Tout le monde pêche, c'est d'ailleurs ce qui est dit à Neal Burns, un homme ayant quitté depuis longtemps le village et ayant adopté un mode de vie urbain. Redford décrit une société en lien avec la nature, et la pêche en est une sorte de synthèse. Il faut se lever tôt pour pêcher car sinon l'eau est trop chaude et la prise du poisson est impossible. De même il faut s'adapter aux truites, leur offrir certains appâts, savoir les attirer. Puis lutter avec elles parfois en se jetant à l'eau pour réussir à l'attraper et à en triompher. Ce ne sont pas des requins ou des espadons, mais la taille du poisson est tout autant un combat entre l'homme et le monde sauvage. C'est aussi la notion d'acceptation du temps qui est derrière cette pratique. La nature ne se donne pas aux hommes. Il faut être patient, recommencer sans cesse le même geste jusqu'à ce que soudain, le succès soit au bout de l'effort. 

Magnifiquement filmées, les séquences où le père et les fils font tournoyer leurs lignes et leurs appâts au-dessus et à fleur de rivière sont des paraboles sublimes de ce que représente la dure vie dans ces contées reculées de l'Amérique. Loin du tumulte de la ville.

Cette connaissance de la nature est partagée par toute la population. Et quand Neal joue le fanfaron pour séduire Rawhide, une marginale, celle-ci ne tombe pas dans son récit de mythomane dans lequel il prétend s'être retrouvé en montagne face à une loutre! C'est que les "citadins" sont vite débusqués dans le Montana. Et quand Norman, le narrateur interprété par Craig Sheffer retourne dans sa ville natale des années après avoir vécu sur la côte Est, son frère Paul (Brad Pitt) s'étonne qu'il n'ait plus jamais pêché. Mais cet étonnement n'est pas juste une interrogation. Il est plutôt une remarque faite à son frère sur le fait qu'il s'est coupé de la vraie vie, celle qui lie l'homme à la nature.

Les valeurs américaines 

L'Amérique décrite par Redford est aussi une Amérique blanche et chrétienne. Le père de Norman, interprété par Tom Skerritt, est un pasteur. Il est celui qui a éduqué ses fils en les emmenant à la pêche, en leur montrant que l'on doit respecter la nature, qu'il faut être humble face à elle. Mais surtout, il faut accepter de toujours progresser. Une séquence est d'ailleurs à ce titre significative. Paul est devenu de l'aveu même de Norman un artiste de la pêche à la mouche, vouant sa vie à cette pratique matinale. Pourtant, à l'occasion d'une sortie, Norman ne cesse de sortir des truites quand son virtuose de frère reste bredouille. Si bien que Paul, après des efforts répétés, en est contraint à demander comment Norman fait pour être tant en réussite. Humilité et progrès permanents.

C'est une Amérique de la famille, celle qui lie les parents à leurs enfants, et les frères entre eux, les époux à leur épouse. Pourtant, le film montre combien les États-Unis sont aussi le pays qui rompt ce lien de par les distances du territoire américain. Quand Norman devient adulte, il quitte le Montana pour la côte Est. 4 500 km le sépare de sa famille. Et il est précisé qu'il ne retournera pas "chez lui" pendant plusieurs années. Car en ce début de XXème siècle, on ne fait pas 4 500 km  (soit 9 000 km aller-retour) si facilement puisque le trajet s'effectue en train. Derrière cette distance, c'est bien la notion de temps qui s'impose aux sociétés américaines. Le temps qui sépare les familles. Et celles des États montagneux se fracturent quand les enfants sont conduits à partir pour les grandes métropoles de l'Est ou plus tard du Sud Ouest. Cette séparation physique entraîne forcément par la suite des changements de mentalités pour ceux qui partent et une incompréhension pour ceux qui restent quand parfois ils voient revenir les enfants prodigues.

L'Amérique décrite est donc aussi une Amérique qui se moque des prétentieux, de ceux qui n'ont plus de racines, qui ne savent pas qui ils sont et d'où ils viennent.  Si Norman n'a rien renié de qui il était, même s'il n'a plus pratiqué la pêche pendant des années, ce n'est pas le cas de Neal, le frère de sa fiancée Jessie. Neal, devenu tennisman professionnel, est célébré à son retour au Montana. Or il n'est qu'un vaniteux affabulateur et n'ayant surtout aucun respect pour les autres ou pour lui-même. Si Paul est un joueur et un alcoolique, au moins sait-il se respecter quand il s'agit d'accomplir sa passion. De même Neal séduit une marginale qu'il ramasse dans un bouge mais il n'est qu'un minable. Il n'assume rien. Paul au contraire est avec une marginale, une indienne, mais en assume les conséquences.

Redford montre bien cette rupture entre ces deux Amériques. Une profonde, rurale, qui se méfie de ce que la ville fait aux hommes, les coupant des valeurs essentielles. Une autre citadine, industrielle, se sentant supérieure et méprisant finalement ces ploucs des campagnes.

Une Amérique des minorités

Revoir Et au milieu coule une rivière est aussi un choc pour la bien-pensance actuelle. En effet, où sont les minorités ethniques dans ce film? À l'heure des quotas qui s'imposent progressivement à Hollywood pour répondre au mouvement woke, le film de Redford pourrait-il prétendre à être sélectionné aux Oscars, lui qui fut nommé à plusieurs statuettes, Philippe Rousselot décrochant celle méritée de la meilleure photographie? 

Or Redford ne cherche pas à filmer une Amérique des années 20 avec les impératifs moraux du XXIème siècle mais montre une Amérique profonde dans laquelle les communautés ne se mélangeaient pas. Pas de noirs donc au Montana. Car la vérité est qu'il n'y en avait quasiment pas, l'État n'étant connu ni pour ses plantations ni pour son industrie sidérurgiques, activités employant abondamment la main-d'œuvre noire. En revanche, ceux-ci se trouvaient sur la côte Est. Et Norman le signale lorsqu'il essaie de séduire Jessie à leur première rencontre. Alors qu'un orchestre de Jazz anime un bal, lui vante le Jazz joué par des noirs, celui qu'il a vu à New York, se moquant de ce Jazz fade interprété par des orchestres blancs. Jessie qui n'a jamais quitté le Montana lui réplique que sa mère aime ces orchestres. 

Oui, il n'y a pas de noirs dans le film de Redford. Le Montana, mais d'autres États similaires, ceux qui ont toujours la même démographie, sont des États peuplés par des blancs allant au temple tous les dimanches. En revanche, il y a des Indiens. Et Mabel, la fiancée de Paul, en est une. Et Redford ne fait pas l'économie de rappeler le racisme qui prévalait vis-à-vis de ces populations. Alors que Paul veut entrer dans un club avec Mabel, accompagné de Norman et Jessie, le patron lui indique que sa fiancée ne peut entrer. Paul ne négocie pas et entre quand même. Une fois assis, la serveuse prend la commande de tous, sauf de Mabel. Celle-ci ne se fait pas discrète et réclame une consommation. Le racisme ordinaire existe pour les Indiens. La ségrégation aussi. Et Redford de filmer Paul et Mabel comme un couple comme un autre, suscitant dans un premier temps un dégoût chez les autres consommateurs, de la réprobation mais au final une acceptation. À commencer par Jessie qui complimente Mabel pour la beauté de ses cheveux. Remarque anodine mais fondamentale. Le non-racisme ne commence-t-il pas par ne pas juger l'autre sur des aspects physiques? 


Si Et au milieu coule une rivière ne fait pas la promotion des valeurs du Trumpisme, il est pourtant un témoin assez saisissant de cette Amérique qui a voté Trump. Parce que la démographie et la sociologie des ces États remportés par Donald Trump n'ont pas beaucoup changé depuis un siècle. La même défiance vis-à-vis de ceux de la ville qui croient tout connaître et qui veulent imposer leur mode de vie à ceux qui vivent dans des petites villes enclavées, soumises aux aléas d'une nature à la fois nourricière et hostile. La photographie que Redford a réalisée sur plusieurs années de cette petite ville du Montana du début du XXème siècle pourrait certainement être refaite aujourd'hui, avec peu de modifications profondes. Si ce n'est un rejet accru de ceux qui sur la côte Est ou en Californie viennent leur expliquer qu'ils sont des moins que rien, que leur mode de vie ancestral est un danger pour la planète, que leurs valeurs sont obsolètes et que leur culture doit être effacée. On peut balayer ça d'un revers de la main. On peut aussi s'interroger sur le fait que cette population soit à ce point négligée. Redford le progressiste ne les a pas méprisés. Ne les a pas filmés avec condescendance. Peut-être parce que Redford sait aussi d'où il vient.




dimanche 4 octobre 2020

Lumière 2020 – « Le terminus des prétentieux » pour mieux connaître Audiard

 

Bonjour à tous,

À l’occasion de la rétrospective consacrée à Michel Audiard, il était tout naturel qu’un documentaire lui étant consacré soit présenté dans cette édition 2020 du Festival Lumière. Le mercredi 14 octobre à 14h30, Sylvain Perret viendra donc présenter Le terminus des prétentieux réalisé en 2020 à la gloire du scénariste mais surtout dialoguiste de génie qui a su si bien mettre les mots dans la bouche des plus grandes stars françaises des années 1950 jusqu’à sa mort en 1985.

Tous les amoureux du « Petit cycliste » comme l’appelait affectueusement Jean Gabin auront reconnu la référence aux Tontons flingueurs dans le titre du documentaire. Le terminus des prétentieux est en effet une des répliques cultes prononcées par Bernard Blier, Raoul Wolfoni, en évoquant Lino Ventura, Fernand Naudin. C’est bien autour de cette expression que le film de Sylvain Perret va finalement se construire, car elle fait une synthèse parfaite de ce qu’était le scénariste, un auteur concis, comme le rappelle Jean-Marie Poiré, un amoureux des mots mais aussi un personnage qui pouvait aimer la gloire tout en étant d’une modestie inouïe.

 Agrémenté d’extraits nombreux grâce à Gaumont, producteur du documentaire, Sylvain Perret a réussi à retrouver des interviews multiples de Michel Audiard mais aussi de très nombreuses personnalités ayant travaillé ou connu Michel Audiard. Des producteurs comme Norbert Saada ou des réalisateur comme Philippe de Broca ou encore des journalistes comme France Roche, tous évoquent avec gourmandise les mots d’Audiard, son génie mais aussi ses défauts, dont celui de ne jamais savoir dire non. France Roche livre d’ailleurs une anecdote très savoureuse à ce sujet.

 

On pourrait regretter de ne pas voir d’archives de Gabin ou de Blier évoquant ce génie qui les a si souvent fait se parler. Mais la réalité est que les amoureux du dialoguiste des Tontons flingueurs connaissent déjà ces archives par cœur. Le travail de Sylvain Perret a donc été de ne pas justement tomber dans cette facilité et de nous emporter dans un Michel Audiard plus intime, travaillant sur plusieurs films à la fois dans un niveau de confort qui ferait rêver certainement les auteurs d’aujourd’hui.

Oui mais voilà, les dialoguistes d’aujourd’hui n’ont pas leur nom encadré au générique et comme le dit un des témoins du documentaire, les spectateurs allaient voir un film rien que parce qu’il savait que Michel Audiard en avait écrit les dialogues.

Un très beau documentaire donc, sous forme de portrait sensible, drôle et parfois tragique de celui qui est aujourd’hui loué parmi les plus grands quand il fut insulté par les critiques de la Nouvelle Vague.

Mercredi 14 octobre – 14h30 – Institut Lumière Salle 2

Le terminus des prétentieux de et en présence de Sylvain Perret

Réservation

À très bientôt

Lionel Lacour

samedi 3 octobre 2020

Lumière 2020 : Un documentaire sur « Les Rapaces » de Von Stroheim

 


Bonjour à tous,

Pour la troisième année, Claudia Collao présente un documentaire au Festival Lumière. La réalisatrice aime les histoires secrètes, les mystères. Après Le mystère Greven puis son documentaire sur Hedy Lamarr, elle revient avec Hollywood maudit – Les rapaces présenté le jeudi 15 octobre à 14h30.

Tous les cinéphiles s’intéressant aux débuts du cinéma hollywoodien savent combien le film de Stroheim constitue un monument du cinéma dont seul un montage largement amputé est visible. Claudia Collao décide de raconter cette histoire en trois actes autour d’une rivalité entre deux hommes dont le destin tourne autour de ce film, le producteur Irving Thalberg et le cinéaste-acteur Erich von Stroheim.  Après une présentation des protagonistes, le documentaire en vient au tournage du film et de ses quasi 9 heures initialement montées ! Puis le documentaire se prolonge sur l’accueil et la destinée de ce très long métrage.

Nourri d’archives nombreuses, d’images du film conservé ou de photos de tournages des plans disparus, le documentaire a également recours à des intervenants américains, dont celui ayant réussi comme français dont certains sont des fidèles du festival Lumière comme Pascal Mérigeau ou Antoine Sire.

Au-delà du récit autour du film de Stroheim, Claudia Collao nous emporte dans un Hollywood en transition entre le système des studios au fonctionnement encore artisanal » et celui devenu des machines à faire de l’argent en produisant des films industriellement. Et c’est bien l’intérêt du documentaire que de croiser les destins d’individus comme Thalberg et Stroheim avec celui de la machine à rêve que devenait Hollywood en ce milieu des années 20, faisant du cinéma une industrie intégrée et prospère, complètement inscrite dans la croissance économique des USA post première guerre mondiale.

Artistiquement, la réalisatrice laisse deviner aux spectateurs combien le cinéma qui allait devenir celui dont Ford, King et d’autres allaient s’emparer dans les années 30, un cinéma plus authentique et en phase avec la crise suivant le kach de Wall Street en 1929, se retrouvait déjà dans Les rapaces. Mais comment parler de gens vivant dans la misère en 1924 – 25 quand le rêve américain se transposait sur grand écran à coups de « happy ends ».

Jeudi 15 octobre – 14h30 – Institut Lumière Salle 2

Hollywood Maudit - Les Rapaces (2020, 52min)  de  et en présence de Claudia Collao

Réservation

À très bientôt

Lionel Lacour