mardi 15 mars 2011

La crise dans le cinéma français (3): comparaison années trente et aujourd'hui - TROISIEME PARTIE

Bonjour à tous
Suite et fin

3. Une république malade ?
Ce qui saute aux yeux dans le cinéma français de cette fin des années 30, c’est que les personnages positifs finissent plutôt mal. Pire que ça. Ils sont souvent contraints de faire le Mal, au sens judiciaire, pour faire valoir le Bien, au sens moral.
Jean Gabin se trouve de très nombreuses fois dans la situation de celui qui élimine ceux qui enfreignent la loi ou sont ce qu’on appellerait aujourd’hui des délinquants.
Quand dans Le jour se lève de Marcel Carné il tue l’infâme Jules Berry qui était d’ailleurs lui-même venu tuer Gabin, c’est bien un être amoral qu’il tue. Un personnage qui n’hésite pas à séduire les très jeunes femmes. Or cet homme bien qu’est Gabin devient lui le criminel. C’est lui que la police vient arrêter, alors que tout le monde sait que Gabin est un homme bien et que Berry est un nuisible pour la société.
Ce même Gabin doit également affronter Michel Simon qui lui propose d’éliminer Pierre Brasseur dans Quai des brumes, toujours de Marcel Carné en 1938. « Chaque fois qu’un vaurien disparaît, c’est la société qui s’en porte mieux » dit Michel Simon. Une justice parallèle donc pour suppléer ce que la police puis la justice légales sont incapables de faire. Et malgré la nouvelle colère de Gabin, c’est bien lui qui élimine Brasseur, un vrai vaurien. Mais dans les deux cas, Gabin meurt, suicidé ou tué.
Jean Renoir n’est pas en reste non plus pour montrer combien la société française va mal. Son héros du Crime de Monsieur Lange (1936) croit que le patron du journal pour lequel il travaille est mort. Il monte une sorte de coopérative avec tous les employés et fait de ce journal proche de la ruine une affaire florissante. Or le patron, interprété toujours par Jules Berry, s’était fait passé pour un ecclésiastique et sachant que son journal rapportait à nouveau, réclame au héros de lui rendre ce qui légalement lui appartient. On se rend donc bien compte que la loi protège le malhonnête. L’honnête, poussé dans ses retranchements par le patron voyou (déjà ?) est contraint de le tuer. Si contrairement à Gabin le héros ne meurt pas, il n’en est pas moins contraint à fuir la police.
Tous ces exemples montrent que ceux qui représentent la vertu semblent abandonnés par la société qui défend davantage les droits des malfaisants comme aurait dit plus tard Audiard.
Pas de happy end donc dans bien des films. Et ce n’est pas Renoir dans sa Règle du jeu (1939) qui dit le contraire avec un crime couvert par l’ensemble des témoins et maquillé en accident de chasse.
Peu de comparaison possible avec le cinéma français de ces dernières années dans lequel ce serait les être bons qui ne seraient pas défendus par la société.
La haine de Kassovitz en 1995 est peut-être un des rares films qui puissent présenter un personnage aux vraies valeurs positives, Hubert joué par Hubert Koundé, qui commet soudain un crime parce qu’il a été poussé à bout. Là aussi, la police ne peut faire sortir ceux qui occupent illégalement le toit des immeubles. Les jeunes se sentent observés par la presse tels des animaux de zoo. Mais alors que Hubert est celui qui retient ses amis de recourir à la violence et à utiliser leur pistolet, c’est lui qui, provoqué une fois de trop, tuera un policier Cette fin relève du même sentiment que pour Gabin dans Le jour se lève. Mais cette fois, ce n’est pas un citoyen qui a provoqué le héros, c’est un policier. Si Gabin est un gars des faubourgs, Hubert et ses amis sont de banlieue, plus éloignée de la ville, plus pauvre encore, et tellement plus violente.
C’est cette violence qui se retrouve dans de nombreuses morales de films. Ainsi, on trouve des personnages qui sont parfois de vrais criminels et dont la fin du film laisse présager que le crime paie. Pour ne prendre que deux exemples, José Garcia dans Le couperet (2006) de Costa Gavras se met à tuer toutes les personnes qui pourraient être embauchées à sa place. Si la police intervient, il n’est pourtant pas pris. Sa femme le couvre même. Le film se finit avec une morale très étonnante car si le film passe clairement du registre du réaliste à celui de conte moral, c’est justement la morale qui est absente du conte. Ou plutôt une morale individualiste qui pourrait se résumer par « pas vu pas pris » combiné à « la fin justifie les moyens, fussent-ils criminels ». Cette morale fait bien sûr réagir le spectateur en comprenant la dénonciation du réalisateur du struggle for life poussé à son extrême. Mais que dire d’ Un prophète de Jacques Audiard en 2009 ? Le spectateur suit l’histoire d’un gamin emprisonné, illettré, qui devient un assassin, certes à son corps défendant mais qui continue à l’être même quand les contraintes du clan corse qui le protège n’existent pas. Audiard manipule le spectateur avec une grande habileté au point de lui faire ressentir de l’empathie, voire de la sympathie pour son héros qui devient de plus en plus violent et de plus en plus puissant. Devenu véritable caïd, il quitte la prison en ayant non seulement réussi son business quand il était incarcéré mais également en ayant créé un véritable réseau criminel en dehors. Ce personnage si charmant, attendu par une jeune femme tendre, est devenu un chef de gang de tueurs et de trafiquants de drogue. La réussite coût que coûte, qu’importent les moyens. Le succès de ce film s’explique bien sûr par la maestria de la mise en scène. Mais il correspond aussi à une dose d’acceptation des spectateurs vis-à-vis d’un tel message qui aurait été impossible dans les années 1950 ou 1960. Car un bandit auquel on s’était attaché ne pouvait malgré tout qu’être à la fin mis hors d’état de nuire. Il suffit de se souvenir qu’après avoir accompagné Maurice Biraud et Jean Gabin dans Le cave se rebiffe de Gilles Grangier en 1961 dans leur production et écoulement de fausse monnaie, le générique de fin rappelle que bien sûr, ils ont été arrêtés par la police. La morale était sauve. Elle ne l’est plus aujourd’hui. Mais si dans les années 30, elle poussait les héros vertueux à se défendre illégalement et violemment parce que la société ne les défendait plus, désormais, ce sont des héros négatifs qui réussissent face à une société trop faible pour les empêcher de nuire.

Un autre aspect des films des années 1930 est la dénonciation de la montée des idées racistes et antisémites ou xénophobes, d’autant plus que de l’autre côté du Rhin, ces idées devenaient même des idées portées par un Etat.
Si Renoir rappelle la définition du citoyen français dans La marseillaise (1938), celle d’une citoyenneté choisie par ceux qui se reconnaissent des valeurs communes et un destin commun, il en profite pour faire dire à une émigrée réfugiée bien sûr en Allemagne qu’ «à la vue du roi de Prusse, le plus borné des jacobins ne pourrait croire en l’égalité des hommes » !
Cette idée de race se retrouve sous différents aspects. Ainsi, dans Le jour se lève, une habitante d’un immeuble trouve à un certain Gerbois une tête de coupable parce qu’ « il a une sale tête ». Le coupable reconnaissable à sa tête. Dans La règle du jeu, Renoir va encore plus loin en étant beaucoup plus direct. Un domestique rappelle que son maître était d’origine métèque avec une aïeule du nom de Rosenthal. « C’est tout ». On demande alors à un autre domestique son avis sur la question. Un certain Schumacher. Le doute n’est plus permis quant aux allusions. Et le cuisinier de rajouter : « en parlant de juif… ». Ainsi Renoir, après nous montre un antisémitisme qui ne se trouvait pas que dans les classes bourgeoises mais également dans les classes les plus populaires. Ce film dynamitait en fait toutes les valeurs républicaines en montrant combien certains principes étaient oubliés de puis longtemps. Quand un personnage remercie son maître « Monsieur le marquis, vous m’avez réhaussé en faisant de moi un domestique » - peut-on être moins qu’un domestique ? Renoir montre que loin d’être égalitaire, la société républicaine a conservé et peut-être même accentué la société hiérarchique de classe. Mais c’est Renoir lui-même qui dit que depuis trois ans, tout le monde ment, du gouvernement aux journaux.
Sur quoi leur ment-on notamment. Bien sûr sur ce qui se passe en France, mais aussi sur ce qui se passe ailleurs. Dans La belle équipe, Gabin rabroue son ami qui a des ennuis avec la police parce qu’il s’occupe d’affaires en Espagne. Cette indifférence est encore plus manifeste dans Hôtel du Nord de Marcel Carné (1939) quand un policier reproche à un ami de s’occuper d’un enfant venu de Barcelone : « c’est un étranger ». Cette indifférence se retrouve dénoncée même dans des films anodins comme le film de 1939 d’Henri Decoin Retour à l’aube. Dans un film qui se passe en Autriche alors que l’action pourrait se passer n’importe où, Danièle Darrieux dit à un ami qui se demandait si le fait de dormir près de la gare ne la dérangeait pas à cause du bruit des trains, elle dit avec candeur qu’in s’habitue au bruit et qu’après on apprécie mieux le silence. Cette allusion à l’entrée des troupes allemandes en Autriche montrait toute l’indifférence des Français à cet événement majeur mais qui n’avait pas suscité plus de réaction de quiconque.

Le racisme ordinaire est montré lui aussi dans de nombreux films des années qui suivent la crise des années 1970 jusqu’à aujourd’hui. Ce racisme vient notamment du chômage. On fait alors porter la faute sur l’étranger. Mais il vient aussi et peut-être surtout d’un passé non digéré d’ancienne puissance coloniale. C’est ainsi que dans Dupont Lajoie d'Yves Boisset en 1975, des vacanciers font une ratonnade pour punir ceux qu’ils croient coupables d’un viol et ce malgré l’enquête policière qui disculpe les travailleurs algériens parlant à peine le français. Les relents racistes viennent pour certains des rancoeurs liées à la guerre d’Algérie amenant à l’indépendance. Le personnage de Victor Lanoux incarne ici le parfait raciste. A ce racisme primaire qu’on retrouve également dans des films comme Train d’enfer de Roger Hanin en 1985 dénonçant un autre crime raciste tiré d’un fait divers suivent des films où le racisme est moins montré comme une réaction idéologique d’extrême droite ou de nostalgiques des colonies mais comme une réaction sociale primaire contre ceux qui pourraient prendre le travail ou les logements des Français. Dans La crise, Coline Serreau fait jouer en 1992 à Patrick Timsit le rôle d’un SDF qui se proclame raciste. Dans une séquence incroyable, il est interrogé par un député socialiste vivant dans un hôtel particulier des beaux quartiers. Celui-ci lui dit que ce n’est pas moral d’être raciste. Et quand Timsit lui dit que sa belle sœur est en phase terminale de cancer, qu’il n’a pas de logement ni d’emploi et que tous les malheurs du monde lui sont tombés sur la tête, la seule interrogation du député est de savoir s’il vote Le Pen. Cette séquence a ceci de fascinant qu’elle montre juste 10 ans avant la rupture entre les élus de gauche et leur électorat : « vous voyez, vous vivez dans cette belle maison et vous n’êtes pas raciste, et moi je vis à Saint Denis et je suis raciste ». Dans cette réplique apparemment simpliste voire populiste ressort en fait une situation qui va se traduire politiquement en 2002. Au lieu de se soucier de comment venir en aide au SDF, la seule interrogation de l’élu réside dans le bulletin de vote mis dans l’urne. Cette rupture entre l’élite et le peuple se retrouve encore dans La haine. Voir un gamin insulter le maire « Le maire Ta mère ! » montre à quel point l’autorité politique est décrédibilisée. Cela ne signifie pas que les jeunes n’insultaient pas les maires dans les années 1950. Mais cela n’aurait pas pu être montré au cinéma. Plus que de racisme, le cinéma va montrer les exclus de la cité. Paradoxalement, ils habitent ce qu’ils appellent justement la cité. Et ceux-ci vont de plus en plus être des exclus sont présentés parmi ce qui va être appelé les minorités visibles. A la suite de La haine, c’est toute une suite de films de banlieue, de Ma 6-T va crack-er, tourné dans un style vidéo en 1987 par Jean-François Richet se voulant entre la fiction et le genre documentaire, à Raï de Thomas Gilou en 1995. Ces communautés d’origines essentiellement africaines sont montrées souvent comme en décalage avec les comportements et les règles de la société. Ces films parlent des jeunes de cité, s’adressent aussi à eux mais l’image qui est renvoyée les renvoie à ce qu’ils ne sont pas, c'est-à-dire des citoyens en plein.
Dans Le ciel, les oiseaux... et ta mère, c’est une autre image de ces jeunes de banlieues qui est donnée par le cinéma de Djamel Bensalah en 1999. Les jeunes des quartiers se reconnaissent dans ces personnages dont Jamel Debbouze. Mais ce sont surtout les autres, ceux qui ne vivent pas dans ces quartiers qui les voient évoluer ailleurs que dans ces grands ensembles hostiles. Cette projection dans des lieux apaisés rend alors ces jeunes banlieusards touchant pour d’autres spectateurs que ceux des cités.
Ainsi, sans le dire ouvertement, le cinéma qui aborde les difficultés des quartiers évoque en creux le racisme ordinaire dont ces victimes ces populations, comme dans les films de Kechiche, que ce soit L’esquive en 2003 ou La graine et le mulet en 2007. De même, Laurent Cantet dans Entre les murs en 2008 montre les difficultés d’enseigner dans des quartiers avec une proportion élevée d’enfants issus de populations immigrées.
Mais finalement, le racisme n’est plus dénoncé de manière aussi directe que dans le film d’Yves Boisset. Il peut l’être sous l’angle de la comédie, comme le personnage de médecin d’Omar Sy dans Tellement proches en 2009 d'Olivier Nakachehe et Eric Toledano, dans lequel tout le monde le prend pour moins que ce qu’il n’est sous prétexte de sa couleur de peau. Mais ce racisme est dénoncé surtout dans des films qui évoquent un racisme ou un antisémitisme passé. Pour le racisme, on peut citer la Venus noire de Kechiche en 2010 qui renvoie à un racisme passé mais qui ne manque pas d’interpeller le racisme contemporain. Quant à l’antisémitisme, il est devenu une source quasi inépuisable de films dénonçant celui criminel de la seconde guerre mondiale, de Monsieur Batignole de Gérard Jugnot en 2002 à La rafle de Rose Bosch en 2010. Pour ce film, la réalisatrice affirmait dans ses interventions à la presse que cela permettrait d’avoir un document pour les enseignants pour raconter cet événement. Ce souci de toucher les enseignants et par la même les élève montre encore, s’il fallait une nouvelle fois le démontrer, qu’un film est un document d’histoire du temps de sa production. Et ce film s’inscrit dans cette logique comme les autres. Parler de l’antisémitisme d’hier ou d’avant-hier, c’est une manière de parler de celui d'aujourd'hui, car les questions sur une possible reproduction de tels événements ne manquent jamais à la sortie de ces films. Or la multiplication de films sur ce sujet montre que le sujet est plus que jamais d’actualité. Et la force de Kechiche est de rappeler que n’existe pas seulement l’antisémitisme mais bien le racisme dans ce qu’il a de plus simpliste et de plus révoltant aussi.

Conclusion

La crise des années 30 pouvait-elle se comparer avec celle qui dure maintenant depuis près de 40 ans dans sa représentation au cinéma ? Si bien des points ont des ressemblances, que ce soit le chômage, le radicalisme des réponses et l’espérance en des politiques plus sociales, ceci est dû au fait que les crises produisent par exemple du chômage. Et que donc, un chômeur est appelé chômeur, dans les années 30 comme dans les années 80. La difficulté de comparer ces deux périodes au cinéma réside surtout en deux points. Le premier est la durée de la crise, finalement à peine dix ans pour celle des années 30, et près de 40 pour celle que nous connaissons depuis la fin des trente glorieuses. Le second est lié à la production cinématographique beaucoup plus importante aujourd'hui qu’il y à 70 ou 80 ans.
Cependant, le vrai point commun entre les deux périodes est la mise en avant du recul des valeurs de la République. Si le racisme est un fait dans les année s30, il est idéologiques et centré surtout sur l’antisémitisme. Aujourd’hui, l’antisémitisme n’a pas disparu mais il est montré en rappel de ce qu’il a produit. Quant au racisme, il est l’héritage post colonial et de plus en plus un racisme social ressemblant davantage à de la xénophobie.
Mais là où le cinéma nous apporte un point de vue éclairant, c’est bien dans la représentation de héros négatifs qui prospèrent sur les terres et sur les piliers de la République. Le héros de Jacques Audiard, ce prophète est devenu quelqu’un grâce à ce que la prison lui a apporté. Mais pas la réhabilitation, pas le retour dans le droit chemin. Elle lui a appris à lire pour mieux commander ; elle lui a appris à être un dur. Elle l’a rendu plus fort contre les valeurs de la République quand Gabin lui se suicide dans Le jour se lève pour être devenu finalement un assassin, c’est-à-dire avoir bafoué les lois de la République.

Le cinéma d'aujourd’hui ne nous montre rien de bien réjouissant de ce que devient notre société modèle !

A bientôt

Lionel Lacour

samedi 12 mars 2011

La crise vue par le cinéma français: comparaison années trente et aujourd'hui - DEUXIEME PARTIE

Le crime de Monsieur Lange
Bonjour à tous,

voici la deuxième partie de cette comparaison entre années 30 et aujourd'hui. La dernière partie viendra bientôt.

2. Quelles réponses à la crise ?
Deux types de réponse sont apportés dans les films des années 30. Le retour à la terre que prône par exemple Pagnol en 1939 dans Regain en adaptant une nouvelle de Jean Giono vante le vrai travail et montre la perte des vraies valeurs des populations des villes. On retrouve la même logique dans L’homme du jour de Duvivier en 1936, les bourgeois et citadins étant ridiculisés par la mère du héros, interprété par Maurice Chevalier. Celle-là est une paysanne qui ne connaît rien des potins qui font le succès d’un jour mais connaît la vraie vie, celle qui permet aux hommes de se nourrir.
Duvivier, dans son film précédent déjà évoqué, La belle équipe, illustre le rêve des amis chômeurs ayant gagner à la loterie : une ferme avec des poils et des plumes !

A cette réponse classique s’oppose celle portée par le Front populaire. Dans A nous la liberté, René Clair préfigurait déjà en 1931 les aspirations de la classe ouvrière : la machine doit libérer l’homme du travail et non l’asservir, lui permettre d’augmenter ses temps de loisirs à partager entre ses proches, famille ou amis. Le rêve n’est pas celui de la consommation mais celui du temps passé ensemble. Des guinguettes du bord de la Marne aux séjours à la montagne proposés sur affiches dans La belle équipe, c’est une autre manière de concevoir la société. Même le travail peut être fait dans la bonne humeur, sans le sentiment d’être exploité. Le crime de Monsieur Lange (1936) propose justement un exemple de coopérative dans laquelle tous les salariés profiteraient de leur travail à part égale. Cette forme d’égalitarisme se retrouve encore chez Renoir dans La marseillaise, rendant l’importance de chacun dans la société.

Comparativement, la réponse à la crise proposée au cinéma depuis les années 1970 est elle aussi double. Elle est d’abord une volonté de changer de conception de la société, mettant en avant bien des principes nés des mouvements de la jeunesse des années 60 et magnifiés en 1960. Dans La gifle de Claude Pinoteau en 1974, Isabelle Adjani rappelle à son père que ses diplômes ne l’ont pas empêché de se trouver au chômage. Elle veut vivre pas autrement « mais autre chose ». Si cette affirmation correspond à sa volonté d’émancipation vis-à-vis de son père, cette réplique résume pourtant tout ce qui va être proposé pour s’opposer au modèle productiviste en place à qui on reproche finalement de profiter de la crise aux dépens des populations d’abord, de la nature surtout. Car c’est une des caractéristiques majeures du cinéma français que de proposer finalement une vision plus politique que dans la crise des années 30. Dans La zizanie, Annie Girardot, femme de l’industriel Louis de Funès mais aussi son adversaire politique à la mairie, propose une « croissance plus juste, respectueuse de la nature ». Les idées écologistes n’avaient pas attendu Yann Arthus Bertrand pour être proclamées. Ce même retour aux valeurs écologiques s’observe dans bien des films. En 1992, Coline Serreau propose dans La crise une réflexion sur le plaisir de la contemplation simple de la nature. A ce rythme effréné imposé par la société qui broie les individus, elle oppose une volonté de prendre son temps. A la course au profit et au rendement, elle propose l’écoute. C’est vrai pour son héros Vincent Lindon qui ne pense qu’au travail pour le confort de sa famille, ne voyant pas que cette conception l’éloigne justement de sa famille. C’est vrai aussi pour le médecin qui préfère devenir homéopathe, quitte à passer une heure ou plus avec un patient pour mieux le soigner et le comprendre plutôt que de faire des ordonnances tous les quarts d’heure.
C’est donc souvent une approche de remise en cause de la société de la superficialité, des convenances, de l’argent roi qui est dénoncé. Un retour aux valeurs simples qu’on retrouve curieusement souvent dans des comédies ou des comédies dramatiques. Les films scénarisés par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri (Cuisine et dépendances, Un air de famille, On connaît la chanson…) ne sont que dénonciation d’une société qui oublie l’essentiel : l’individu et les relations humaines simples.
Néanmoins, le retour à la terre et aux valeurs des anciens n’a pas pour autant disparu du cinéma français. Comme dans les années 30, bien des films vantent les méritent du travail de la terre ou des goûts authentiques. Les marmottes d’Elie Chouraqui (1993), Le bonheur est dans le pré d’Etienne Chatiliez (1995), Une hirondelle a fait le printemps de Christian Carion (2001) et même Fatal de Michael Youn (2010) et bien d’autres encore ont pour propos que les vraies relations sont dans les espaces humanisés en communion avec la nature, coupés du rythme frénétique de la ville.
Le film de Chatiliez en est un exemple parfait jusque dans le titre. Ce que Gabin souhaitait dans La belle équipe, Serrault va le vivre en devenant le patron, malgré lui, d’une ferme produisant du foie gras de canard. Certaines répliques sont aujourd’hui devenues cultes comme la fameuse « c’est pas lourd le confit », adressées à des spectateurs urbains qui voient qu’une autre vie est possible. Que les plaisirs simples de voir un coucher de soleil, de manger des plats roboratifs et d’être généreux avec même ceux qu’on ne connaît pas sont accessibles à tous, même à un vieil homme comme Serrault dans le film.

Ainsi, que ce soit dans les années 1930 ou depuis les années 1970, deux réponses à la crise sont proposées : une remise en cause de la modernité qui n’aboutit qu’à l’asservissement des classes populaires et un retour aux sources, c'est-à-dire un retour à la terre. Si ce dernier point se retrouve dans les deux périodes, la remise en cause de la société de production et de consommation n’a pas été si importante que cela durant les années 1930. Peut-être parce que le Front populaire a été au pouvoir en 1936 et que la guerre a été déclenchée en 1939. La crise de la croissance depuis les années 1970 dure finalement depuis près de 40 ans, sans guerre sur le sol européen. La critique de la société a pu donc s’exprimer sur davantage de temps. Et l’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981 puis en 1997, sorte d’équivalents du Front populaire des années 30 (de l’ « Union de la gauche » à la « gauche plurielle ») n’a pas eu pour effet d’endiguer réellement la crise pour les classes les plus populaires.


A venir:
3. Une république malade ?


A bientôt

Lionel Lacour

vendredi 11 mars 2011

Easy Rider, le nouveau western?

Bonjour à tous,

Parmi les séances du CinéClub de Lyon 3 que j'anime a été projeté hier Easy Rider. Ce film de 1969, prix de la première oeuvre à Cannes pour Dennis Hopper est considéré comme un film générationnel majeur, sorte de manifeste du "Road movie" même si d'autres films avant lui avait évoqué des aventures tout au long d'un trajet tumultueux, les fans de Franck Capra se souvenant du multi oscarisé New-York Miami de 1935.

Film que nous qualifierions d'indépendant puisqu'il a été fait avec un budget ridicule comparé à ceux d'Hollywood, il a été pourtant un grand succès commercial, touchant une génération nouvelle de spectateurs.

A bien y regarder, ce film s'inscrit dans cette nouvelle Amérique, celle des hippies et des contestataires de cette fin des années 70 mais est aussi un pur film américain, ne reniant pas les valeurs qui ont construit ce pays du nouveau monde.

La théorie du film
C'est le personnage de l'avocat incarné par Jack Nicholson qui la donne dans un des nombreux bivouacs du film: les USA sont le pays de la liberté. Mais il ne sait pas ce qui cloche désormais. Les gens ont vendu leur liberté au monde de la consommation. Ils parlent de liberté individuelle mais ont peur des individus libres comme les deux héros hippies du film.
Et de rajouter que ceux qui ne sont plus libres deviennent dangereux face à ceux qui le sont puisque cela leur rappelle justement qu'ils ne le sont plus!
Tout le film, avant et après cette séquence, se trouve résumé dans le dialogue de l'avocat.

1. Le western en trame de fond du film
Il n'est pas anodin de s'arrêter sur les prénoms des héros. Dennis Hopper est Billy et Peter Fonda est Wyatt. Billy comme Billy le kid et Wyatt comme Wyatt Earp, le shérif de Tombstone, celui du Règlement de compte à Ok Corral. Ils ont donc deux prénoms de l'ouest légendaire mais surtout deux prénoms de héros qui ont vraiment existé.
Le reste ne cesse d'évoquer le western: le chapeau de cow boy de Billy, les troupeaux de bestiaux visibles le long des highways, les paysages de Monument Valley si chers à John Ford, les tentes des hippies.
Quand ils s'arrêtent pour réparer leur moto, c'est dans un ranch. Et tandis qu'ils s'occupent de la roue du chopper, le fermier répare le fer de son cheval.
La moto devient le moyen de transport des nouveaux pionniers. A ceci près que le fermier est désormais installé et travaille la terre, ce qui suscite l'admiration de Wyatt. Tout comme il sera admiratif de ceux de la ville retournant à la terre et semant sur une terre aride. Aux doutes de Billy, Wyatt affirme "ils y arriveront".
Il y a une confiance incroyable en ceux qui reviennent aux valeurs fondatrices des USA: l'acharnement et la foi en la réussite, pas celle de l'enrichissement, mais celle qui permet l'accomplissement de chacun (ce à quoi un des hippies aspire d'ailleurs).

2. Une ode à la liberté
Le film commence assez violemment pour un public de 1969, américain de surcroit. Les duex héros sont au Mexique pour acheter de la drogue. Puis, par une ellipse, les voici aux USA à revendre leur drogue. Ils se jouent des frontières pour pouvoir non devenir des dealers, mais pour pouvoir aller de Los Angelès à la Nouvelle Orléans pour "Mardi gras".
Sur leurs motos choppers, ils sont prêts à partir. Wyatt regarde sa montre et la jette. Gros plan sur la montre.
Par ce geste, le spectateur de 1969 comprend que les héros se libèrent du temps, celui de l'Amérique moderne, celle du travail à la chaîne, celle d'Henry Ford, celle du productivisme et du capitalisme.
La bande son qui accompagne leur départ est alors explicative: Born to be wild, "né pour être sauvage" autrement dit "libre".
Cette liberté est rappelée dans quasiment toutes les séquences. Ils jouent sur leurs motos, ne portent pas le casque, ont les cheveux longs. Arrivés dans un camp hippie, ils comprennent rapidement que la liberté sexuelle prévaut et ne manque pas d'en profiter. Mais on est en 1969. Les plans de nudité restent chastes. On imagine ce qui aurait pu être tourné pour que le spectateur le comprenne! Mais à l'époque, quelques plans d'hommes et de femmes nus dans un étang suffisent à comprendre tout l'érotisme de la scéne.
C'est encore dans leur liberté avec l'usage des drogues que le film devient franchement provocateur. Son usage est montré comme déinhibant, mais aussi parfois comme abrutissant, voire rendant fou.
Esthétiquement parlant, le film lui aussi est particulièrment libre des conventions techniques, notamment pour les scènes tournées à la Nouvelle Orléans pendant Mardi Gras. Semblant être des films de super 8 tournées à l'épaule, en lumière naturelle, cela donne un effet très particulier au film. Le spectateur est plus que jamais avec les personnages, dans cette fête où la liberté est de mise. C'est d'ailleurs à l'issue de cette séquence qu'une autre est tournée. Un trip hallucinogène est montré pendant plus de 5 minutes, enchaînant propos incohérents, images surexposées, plans incompréhensibles. C'est l'effet dévastateur de la drogue qui est montré. La drogue ne rend pas si libre que cela. Wyatt le dit d'ailleurs à Billy: "on a déconné".

3. Une vraie quête spirituelle
C'est surtout par le personnage de Wyatt - captain America que cette recherche spirituelle est présente dans le film. Si Billy est un hédoniste défoncé du matin au soir, Wyatt admire ceux qui travaillent la terre. Les rencontres qu'ils font l'amènent à réfléchir sur sa place dans la société. Au paysant qui a 8 enfants, parce que sa femme est catholique, il lui répond qu'il peut être fier de ce qu'il a construit.
Quand il rencontre un hippie sur la route, il lui fait confiance. C'est lui qui les amène dans le camp où tout est partagé dans la communauté. Il a foi en l'humain et dans ceux qui essaient de construire leur avenir.
Dans une cérémonie rappelant la cène, un hippie se prend pour un nouveau prophète et appelle à la générosité et à l'humilité. Si Billy est goguenard, et la séquence peut lui donner raison, Wyatt est lui très impliqué dans ce sermon avant le repas frugal.
Même la drogue est montrée comme un élément de spiritualité. Elle est transmise aux novices comme on essaierait de convertir quelqu'un à prendre l'hostie chrétienne. La conversion faite, c'est la porte ouverte avec l'au-delà mystique. Pour le nouveau converti, Jack Nicholson, c'est le contact avec les extra-terrestres qu'il imagine dans un délire jouissif.
Enfin, leur périple à la Nouvelle Orléans les amène à un bordel dans lequel des évocations picturales religieuses foisonnent: crucifix, vierge à l'enfant, jusqu'à une citation résumant finalement la quête de Wyatt: "Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer".

4. Une Amérique qui a oublié ses valeurs fondamentales
A leur première étape, les deux héros comprennent que leur identité ne convient pas aux Américains moyens. Le motel aux chambres libres devient subitement complet, ils sont arrêtés et mis en prison parce qu'ils participent dans un défilé de majorettes sans autorisation, ils sont raillés et insultés en Louisiane par tous les hommes qu'ils rencontrent dans une scène mémorable dans un bar. Traités de gorille, de Pédé et autres sobriquets, ils sont contraints de partir. Seules les jeunes filles leur courent après car ils symbolisent la liberté, ce que les hommes de la Louisiane ont bien compris d'ailleurs.
Wyatt et Billy sont sensés faire peur et être les agresseurs de la société, or ils sont ceux qui refusent le conflit. Ils fuient, reculent et ne sont pas armés au contraire des autres.
L'avocat leur rappelle que la belle Amérique a les cheveux courts et qu'on poursuit ceux qui ont tué un homme, si cet homme est blanc! C'est donc une Amérique puritaine, raciste et très conservatrice qui est décrite dans laquelle évolue ces deux héros.
Bastonnés une première fois, ils seront une nouvelle fois attaqués par des citoyens ordinaires qui voyaient en eux une provocation à la société. Pour reprendre les paroles de Nicholson, ce n'est pas ce qu'ils sont qui fait peur, c'est ce qu'ils représentent. Certains parlent de liberté individuelle, mais d'autres sont des individus libres. C'est bien ça qui dérange!

Conclusion: "happy end" ou pas "happy end"?
Le début du film montre deux personnages qui réussissent à faire un trafic de drogue pour s'enrichir et faire un voyage à moto. Dans Guet apens, Peckinpah avait permis à ses héros braqueurs, Steve Mc Queen et Ali Mc Graw, de se sauver de la police. Pas de happy end au regard de la morale classique dans laquelle le mal ne doit pas triompher.
Dans le cas d'Easy rider, si les deux personnages continuent à vivre sans jamais voir leur course être arrêtée, on pourrait alors être dans la logique de Peckinpah. Or leur parcours est stoppé net et brutalement. Une fois cela compris par le spectateur, un plan rapide nous éloigne d'eux, les laissant à leur condition. Moralement, la fin est cohérente avec les deux premières séquences. Les laisser s'en tirer, c'était faire dire au film:
"si vous voulez réussir vos rêves, aller chercher de la drogue, vendez la plus chère et après c'est la belle vie".
Film moral alors? D'une certaine manière oui car ils ne pouvaient pas finir sans payer ce qu'ils avaient fait au début du film. Sauf que ce n'est pas la police qui met fin à leur rêve mais des citoyens normaux, qui les élimine non pour ce qu'ils ont fait mais pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils représentent. Et la séquence finale ne laisse aucun doute au spectateur: ces citoyens ne seront pas inquiétés par la police.

Ce film ne cautionne donc pas l'origine de l'enrichissement des deux héros, mais par l'empathie qu'il nous permet d'avoir vis-à-vis d'eux, il nous montre que la société dans laquelle ils évoluent est archaïque et éloignée des rêves dont elle est soi-disant porteuse, à commencer par le goût de la liberté.
C'est donc un film plutôt désespéré, correspondant à une jeunesse désenchantée, ne se reconnaissant plus dans les films hollywoodyens vieillissant. Version cinématographique de Sur la route de Kerouac, ce film va ouvrir la voie à tout un nouveau cinéma américain qui va s'engouffrer dans la critique de la société américaine. Scorcese ou Cimino en profiteront comme bien d'autres ensuite.


A bientôt

Lionel Lacour

mercredi 9 mars 2011

la crise vue par le cinéma français: comparaison années trente et aujourd'hui - PREMIERE PARTIE

Bonjour à tous

Certains pensent que nous vivons une situation économique et politique assez proche des années 30 : crise économique, montée de l’antisémitisme et menaces extérieures par des pays belliqueux.
L'objet de ce blog n'est pas de vérifier si cette perception est pertinente quant aux faits. En revanche, il serait intéressant de voir si comment le traitement cinématographique a abordé ces deux crises. Et par cette comparaison, peut-être pourrions-nous arriver à valider ou non certaines comparaisons.

1. Montrer la crise
La crise économique des années 30 est finalement très peu montrée dans ses aspects économiques. Rares sont les films qui mentionnent ouvertement le chômage qui caractérise cette période. On peut cependant voir dans le film de Julien Duvivier La belle équipe (1936) que dès la première séquence, Gabin s’en prend à son logeur qui lui réclame le paiement de la chambre, lui reprochant d’être chômeur par paresse et non par absence de travail : « Chômeur, c’est pas ce qu’on avait rêvé étant môme » lui crie Gabin dans une de ses colères mémorables du cinéma d’avant guerre.
C’est encore Gabin qui dans le film de Renoir Les bas fonds (1936) vit dans une sorte de « squat » avec bon nombre de chômeurs. Le film est une adaptation du livre de Gorki et l’action se passe en Russie. Mais l’identification est bien rapide à la situation française où les rentiers sont eux aussi touchés par la crise. Louis Jouvet jouant le rôle d’un aristocrate ruiné incarne de fait le rôle de ces rentiers français qui voient leurs revenus s’effondrer. Toujours Renoir, Le crime de Monsieur Lange (1936) évoque lui aussi la situation de crise qui se manifeste par le chômage des employés d’un journal dirigé par Jules Berry.
C’est davantage la situation des classes populaires qui est montrée comme peu avantageuse. La fiancée de Gabin dans Le jour se lève (1939) de Marcel Carné vit au bord de la voie ferrée, séparée par une seule palissade, subissant autant le bruit que les projection de vapeur et de poussières des locomotives.
Le cinéma français d’aujourd’hui est beaucoup plus prolixe en films montrant la crise et ses effets. La différence tient dans le fait que cette crise montrée date des années 70. On la trouve dans des comédies avec par exemple La zizanie de Claude Zidi en 1978 dans laquelle l’entrepreneur interprété par Louis de Funès est aussi maire de sa ville. Son programme repose sur trois points : « le plein emploi, le plein emploi et le plein emploi », preuve que le chômage touche de plein fouet le pays. D’autres films montrent encore la crise économique comme Que les gros salaires lèvent le doigt de Denys Granier Deferre en 1982 dans lequel les cadres d’une entreprise sont licenciés cyniquement par leur patron interprété par le génial Jean Poiret. Toujours concernant le chômage, Costa Gavras pousse cette situation à son paroxysme en 2005 avec Le couperet dans lequel José Garcia, un cadre dynamique au chômage, élimine ses concurrents à la recherche d’emploi en les assassinant.
A partir des années 1990, ce qui marque le cinéma français c’est l’émergence d’un réel cinéma « social » avec des réalisateurs qui se spécialisent dans ce genre, à mi-chemin entre la fiction et le documentaire. En 1999, Laurent Cantet et Ressources humaines présente dans un style très brut avec de nombreux comédiens non professionnels, la situation d’une ville dépendant particulièrement des emplois concentrés essentiellement dans une entreprise. Le parcours d’un fils d’ouvrier en passe de devenir cadre amène à montrer comment la société française se désindustrialise, entraînant le licenciement massif des employés sous qualifiés des usines. Les frères Dardenne, bien que belges, sont également des cinéastes dits sociaux, et leurs films La promesse (1996) ou encore Rosetta (1999) illustrent la situation désespérée des classes populaires, vivant dans des conditions plus misérables encore que dans les films des années 30.

Et si Carné montrait les faubourgs dans Le jour se lève, c’est bien la banlieue qui devient un espace privilégié pour ceux voulant montrer les effets de la crise. Celle de 1973 avec Elle court elle court la banlieue réalisé par Gérard Pirès n’est plus celle des « trente glorieuses » dans toute une série de films postérieurs, que ce soit dans Le choix des armes d’Alain Corneau (1981) ou du Thé au harem d’Archimède de Mehdi Charef en 1985. Mais le film qui a marqué le genre « film de banlieue » est bien le film de Mathieu Kassovitz La haine réalisé en 1995, montrant justement au-delà de la ghettoïsation des populations y vivant, leur éloignement de la ville, faisant de celle-ci une terra incognita.



Prochaines parties:
2. Des réponses à la crise?
3. Une république malade?

A bientôt

Lionel Lacour