Bonjour à tous,
En 1958, Richard Fleischer réalise Les Vikings, un film d’aventure
époustouflant plongeant dans l’histoire européenne et ses mythes. Il réunit
Kirk Douglas et Tony Curtis, deux ans avant leurs retrouvailles dans Spartacus de Stanley Kubrick. Produit
entre autres par la Bryna, la société de production de Kirk Douglas (mais non
mentionnée au générique), Les Vikings racontent
une histoire d’amour autant qu’une histoire de conquête. Mais c’est surtout la
question du leadership qui va se
poser tout au long du récit.
BANDE ANNONCE ORIGNALE
Un peuple, trois leaders ?
Au début du film, le leader incontesté est le chef
est le Roi Ragnar (Ernest Borgnine). Il est celui qui guide les expéditions de
ses Vikings au-delà des fjords jusqu’en Angleterre. Si son fils Einar (Kirk
Douglas) est impétueux et prompt à vouloir devenir le chef, il lui reste soumis
et obéit à ses ordres. Mais quand Ragnar meurt, il devient le chef de son clan
de manière héréditaire, même s’il lui faut s’imposer aux différents hommes qui
redoutent justement son côté spontané et personnel. Enfin, Erik (Tony Curtis),
est un esclave qui va réussir à se hisser à la hauteur d’Einar en termes d’autorité
et de commandement, jusqu’à devoir évidemment s’affronter un jour.
Le concurrent contre qui s’unir
L’objectif présenté dans le film est Morgane (Janet
Leigh). Aux mains d’Aella, le roi anglais (Franck Thring), celle-ci est kidnappée
par Einar puis libérée par Erik et finalement rendue à Aella. Or celui-ci
amputé Erik bien que la lui ayant ramenée et tue Ragnar. Erik décide alors de s’allier
à Einar pour récupérer Morgane. Or Einar la désire aussi. Ainsi, l’objectif
commun est de mettre en sourdine les différends qui séparent Einar et Erik.
Des
ressources humaines mobilisées, une dyarchie efficace
Les deux leaders
ont manifestement un enjeu personnel dans leur projet. Et celui-ci mobilise
des combattants qui n’ont absolument pas cet enjeu. Comme dans une entreprise,
les dirigeants sont motivés par un objectif personnel : l’argent, la
réussite sociale, l’image de soi. Or tout ceci ne suffit pas à motiver les
employés de l’entreprise. Aussi, Erik et Einar vont jouer sur ce qui fédère le
clan. Venger Ragnar, leur roi, ciment de cette société viking tué par l’Anglais.
Cet enjeu est également commun pour Einar – Ragnar est son père – et pour Erik,
qui a livré Ragnar et n’en a eu comme récompense d’avoir la main tranchée par
Aella.
Mais ce qui fait que les combattants vont suivre
leurs leaders, c’est qu’ils leur
reconnaissent des compétences. Einar est un chef de guerre hors pair et Erik
détient le secret pour se déplacer par brouillard jusqu’aux rives de l’Angleterre.
Et il sait surtout où se trouve le château d’Aella.
Une
stratégie qui s’appuie sur les qualités des ressources humaines
Quand les troupes vikings débarquent sur les rives
du château emprisonnant la belle Morgane, tourné en Bretagne au château de Fort
la Latte, ceux-ci déploient leur savoir-faire. Fleischer filme cela comme si
chaque geste était industrialisé et où le geste de chaque Viking était
automatisé pour pouvoir transporter le bélier géant qui permettrait d’enfoncer
les portes monumentales d’accès au château. De la même manière, les vikings s’équipent
et se positionnent de manière semblable afin de faire le siège du roi anglais.
Seuls les deux chefs sont extraits de cet ensemble où chaque soldat paraît
interchangeable. Quand Erik commande, une rangée de Vikings se relève et tire
une salve de flèche puis se baisse en se protégeant de leurs boucliers. Et
ainsi de suite. Erik montre une qualité de chef que rien ne laissait supposer a
priori, lui ancien esclave. Mais il a su mener à bon port les drakkars, ce qui
lui accorde toute crédibilité. De son côté, Einar est un leader qui brille par ses caractéristiques individuelles. Il est
moins un organisateur qu’un pionnier. Il improvise pour agir, tout en étant en
concertation avec les différentes actions de ses hommes. C’est lui qui permet
de faire baisser le pont levis et de pénétrer dans la barbacane ave le bélier.
Une fois fait, les qualités des Vikings s’expriment face à leurs ennemis qu’ils
trucident allègrement. Quant aux deux leaders,
l’objectif est à portée de leur main. Erik se charge d’éliminer Aella, Einar de
libérer Morgane du donjon.
La fin du mode projet, retour à la normale ?
Une fois les objectifs atteints, vengeance
collective du roi par la mort d’Aella, libération de Morgane pour les deux leaders, les Vikings se retrouvent désormais
avec deux chefs, dont le scénario révèle qu’ils ne sont jamais que les deux
faces d’une même pièce. Ce que montre le film, c’est qu’Einar a pensé d’abord à
son intérêt personnel quand Erik s’est occupé de l’intérêt collectif en
éliminant le roi anglais, qui détenait certes la femme qu’il aime mais qui
était celui qui avait tué sauvagement Ragnar. Tué Aella était la clé pour
atteindre les deux objectifs du projet. Erik a donc exécuté la mission pour se
retrouver face à celui qui devient désormais son adversaire. Paradoxalement, le
scénario va affaiblir Einar en le rendant, le temps d’un instant, moins
égoïste. Ce dont profite Erik pour le tuer et donc devenir l’unique chef. Cette
mort est une mort symbolique, comme celle d’un leader qui aurait bien fait son travail, mais dont l’intérêt
personnel ne peut être une qualité suffisante pour mener un groupe. La fin du
film est de ce point de vue édifiante. Par une cérémonie grandiose et
spectaculaire, c’est tout le peuple viking qui rend hommage à Einar en brûlant
le drakkar mortuaire où se trouve la dépouille de celui qui fut leur chef, sous
les yeux d’Erik, leur nouveau roi.
Il y a donc continuité du clan, comme il y a
continuité d’une entreprise, une fois le projet fini. Et comme dans une
entreprise, certains leaders peuvent
être promus ou confirmés, et d’autres remerciés mais ne plus pouvoir continuer
de diriger le groupe, sans que cela ne remette en cause leurs qualités – d’où l’hommage
rendu à Einar – mais qui ne suffisent pas pour autant à mener les hommes dans
la cohésion. Au-delà de la mort d’Einar, Les
Vikings illustrent parfaitement que l’ambition personnelle n’est pas en soi
un problème dans la direction d’un groupe ou d’une entreprise. Mais elle peut
mener à la fin de ce groupe si elle est la seule motivation. En guidant les
Vikings vers la victoire, Erik leur a permis de réussir le projet collectif
tout en atteignant son projet personnel. Son autorité s’est imposée quand celle
d’Einar était remise en cause. Erik est donc un manager moderne !
À très bientôt
Lionel Lacour
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