Bonjour à tous
Après que Paul Greengrass et David O. Russel avaient été
pressentis pour sa réalisation, c’est donc Clint Eastwood qui a repris le
projet en réalisant Le cas Richard Jewell en 2019. Et autant dire que celui-ci entre complètement dans la trajectoire
cinématographique du géant hollywoodien. Celle de la définition du héros à l’américaine,
sauvant la vie des autres au risque de perdre la sienne, au propre comme au
figuré. Comment ne pas voir une filiation entre Richard Jewell et Chesley
Sullenberger dans Sully sorti en
2016 ? En fait, comment ne pas voir une filiation entre Richard Jewell et
presque tous les héros du cinéma d’Eastwood tant ceux-ci ont du mal à vivre ce
statut dans une société en quête permanente de héros tout en cherchant à le
déboulonner de son piédestal aussitôt mis dessus. Surtout si le héros ne
ressemble pas à celui auquel tout le monde rêverait.
BANDE ANNONCE
Richard Jewell : un CV pas formidable
Jewell nous est présenté brut. Son expérience est faite de
petits boulots comme dans la première séquence du film dans laquelle il est un
simple employé en cabinet d’avocats affecté aux fournitures. Il a été
auparavant policier mais il a été viré de son poste. Il sera également
surveillant dans un campus universitaire.
Parmi ses qualités se trouve donc l’ordre et le respect de l’autorité,
que ce soit celle de ses supérieurs ou celle que représente les institutions d’Etat.
Par-dessus tout, le drapeau américain symbolise une valeur supérieure.
Parmi ses passions, il y a la chasse et donc les armes. Il
en possède quelques-unes d’ailleurs. Et il aime les jeux vidéo qui lui
permettent de tirer.
Enfin, parmi ses qualités, il y a l’empathie, le respect du
travail, l’assiduité. Il se rend au travail alors qu’il est malade ! Il
est méticuleux et rigoureux.
Parmi ses défauts, il y a un manque d’indépendance. Il vit
encore chez sa mère. Et bien que très patriote, il n’a pas payé ses impôts
depuis quelques années. En bon américain WASP, Il aime manger de la junk food
et s’empiffre de nourriture grasse. Richard Jewell est blanc et il est obèse. Ce
n’est pas très hollywoodien comme personnage. Mais voilà, il n’est pas un héros
hollywoodien. c’est un Américain moyen comme on en rencontre partout. C’est un
simple employé. Et il est moustachu.
L’employé modèle
Richard Jewell aime l’ordre et le fait respecter quand il
est embauché pour cela, comme dans cette cité universitaire, jusqu’à outrepasser
les limites de sa fonction pour obéir aux attentes de ses supérieurs. Lorsqu’il
est embauché pour la sécurité des Jeux Olympique d’Atlanta en 1996, il respecte
scrupuleusement le protocole, exaspère ses collègues quand il suit un
personnage au comportement inquiétant, fait sourire ceux qui surveillent sans
vraiment surveiller.
Richard ne le fait pas pour lui. D’ailleurs, chacune de ses
interventions est l’occasion de se sentir humilié par ceux le traitant de « gros ».
Et pourtant, il accomplit ce qui est sa mission. Il en note d’ailleurs les
contours quand il est recruté. Et quand il découvre un sac suspect dans le parc
olympique, il contraint ceux qui en ont le pouvoir à appeler le service de
déminage. Une fois la bombe effectivement identifiée, Richard met toute son
énergie à disperser la foule mais également les différents services travaillant
à proximité de la bombe. Ultime récompense quand un de ses collègues lui dit
que plus jamais il ne se moquerait de lui.
Si la bombe explose faisant des victimes, il apparaît
pourtant évident que sans l’intervention de Richard, le nombre de morts aurait
pu être plus important. Interrogé par la presse, il ne cesse de minimiser son
rôle de « héros » rappelant qu’il n’a fait que son travail, aidé par
tous les autres. Il est un employé dans un collectif. Mais les Américains
aiment les héros. Il sera ce héros. Malgré lui.
Ne jamais révéler les dysfonctionnements d’autres services
Le FBI a été mis en défaut. En faisant de Richard Jewell un
héros, la presse en a fait une cible pour les policiers fédéraux. Malgré leurs
moyens et leurs compétences, ils n’ont pas su déjouer l’attentat alors que
Jewell a réussi à force d’observation.
Reste à savoir qui a déposé la bombe. C’est là que le CV de
Richard va servir à nouveau. Pourquoi a-t-il été viré quand il a été flic ?
Ceux qui le reconnaissent dans les médias voient dans son zèle passé une
possibilité d’activisme et de recherche de reconnaissance.
Le FBI trouve alors dans le profil de l’employé modèle les
failles pour le faire tomber : il est perfectionniste, veut prouver qu’il
fait bien son travail et il est soumis à l’autorité. Il est le candidat parfait
pour masquer la faute professionnelle de ceux qui auraient dû faire ce que
Richard a fait.
Eastwood montre tous les degrés hiérarchiques du domaine de
la sécurité. Richard est au bas de l’échelle. Il doit donc être éliminé. Dans
une entreprise, il serait placardé, on lui trouverait une faute grave, il
serait harcelé et ferait un burn out.
Le FBI va faire la même chose mais en ayant les moyens de l’accuser d’avoir
commis l’attentat. Quand bien même les preuves discréditent l’accusation. Peu importe,
Richard est coupable. Cela est vu à la télévision.
Des « réseaux sociaux » au réseau professionnel
Si en 1996, Internet en est à ses balbutiements, ce que subit
Richard Jewell par la presse est concentré par l’effet cinématographique et
renvoie aux campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux visant à détruire
les individus. L’affaire du professeur Lemaire à Trappes en février 2021 en est
un exemple parfait.
Ainsi, quoi de mieux que la presse pour relayer la non
information sur les soupçons pesant sur Richard Jewell. Ce ne sont pas des « likes »
qui harassent Richard mais des journalistes qui campent devant son domicile. Et
chaque phrase prononcée sonne comme un aveu auprès de l’opinion publique. Chaque
imprécision devient la preuve de sa culpabilité. Dès lors, celui qui a bien
fait son travail devient le coupable et ceux qui ont failli se rachètent une
virginité en arrêtant un suspect. Haro sur le héros devient alors le mot d’ordre.
Richard choisit alors un avocat. Il est celui avec qui il
travaillait au début du film et qui a reconnu ses qualités, ne le traitant pas
pour ce à quoi il ressemblait, un gros, mais pour ses qualités. D’où ce surnom
de « Radar » parce qu’il était vigilant à ce qui l’entourait. Si c’est
son côté maniaque du travail bien fait qui a jeté le soupçon sur Richard, c’est
son professionnalisme qui permet à Richard Jewell de trouver un soutien en
dehors de son entreprise. C’est son professionnalisme qui a fait qu’il a été
reconnu par son avocat. C’est son professionnalisme qui lui a permis de
constituer, même modestement, un réseau professionnel lui étant profitable à
terme.
C’est ainsi que l’avocat rappelle à Richard que ses
accusateurs ne valent pas mieux intrinsèquement que lui. Qu’il ne leur est pas
inférieur. Dans ce réseau professionnel de la sécurité, il y a ceux qui ont failli
et celui qui a réussi.
Un employé modèle type ?
Si l’action se passe en 1996, comment ne pas voir que le
propos est finalement intemporel. Le film montre tout d’abord que les
compétences de chacun peuvent servir à un projet commun. Richard n’a pas le
profil physique de celui qu’on attend pour la sécurité. Mais il est attentif et
vigilant. Aux autres de savoir être rapide ou puissants, aux autres de savoir
désamorcer ou pas une bombe. Richard connaît le protocole qui souvent s’avère
sans intérêt mais terriblement utile quand la situation se produit.
Ensuite, le film révèle que la vie privée n’a pas à
interférer dans la perception d’un employé. Peu importe que Richard aime
chasser et possède des armes. Il n’en fait pas usage dans son métier. Il est
respecteux des ordres. Son ambition n’est pas de devenir directeur d’un service
du FBI ni même d’être connu ou reconnu comme un héros dans la rue mais d’être
juste reconnu par ses pairs. Ce qui est déjà beaucoup.
Enfin, chaque personnage travaillant pour la sécurité a le
même objectif : veiller à ce que la population ne soit pas mise en danger
par quiconque. Cette mission est donnée par un patron symbolisé par le drapeau
américain. Eastwood ne montre pas de directeur ou d’autre patron « humain ».
Derrière ce drapeau se trouve bien l’Etat fédéral et tout ce que cela implique.
Richard Jewell, même en n’étant qu’un modeste employé d’un
service de sécurité privé, sans avoir les caractéristiques convenues, physiques
ou intellectuelles, a eu la même mission, à son échelle, de veiller à la
sécurité de la population. Il ne faut pas lui demander d’intervenir autrement
et ailleurs. Mais il fallait lui reconnaître ses compétences plutôt que de voir
dans ses différences une preuve d’une quelconque culpabilité.
L’arrêt de la procédure d’enquête ressemble à la fin d’une
procédure de licenciement. Ce n’est pas l’Etat qui a failli mais des hommes d’une
des institutions de l’Etat. Aussi, quand l’avocat retrouve Richard quelques
années plus tard pour lui annoncer que le vrai coupable a été arrêté, il se
rend au bureau d’un shérif où Richard travaille désormais au sein de la police.
Ses compétences ont enfin été reconnues. Il a étoffé son CV. Il n’en a pas
voulu à son « patron » symbolisé par le drapeau. Il n’est pas ce héros que les Américains
idolâtrent. Il est un citoyen moyen. Il a juste changé la photo de son CV. Et il
ne porte plus la moustache.
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