Bonjour à tous
À l'occasion de la venue du réalisateur Canadien Ted Kotcheff, le festival Lumière projettera son film le plus connu Rambo lors d'une séance tardive à l'Institut Lumière - salle du Hangar du Premier film, le mercredi 15 octobre à 15h45.
Pour bon nombre de cinéphiles, Rambo est une sorte de synonyme de mauvais film américain. Ainsi, il y a quelques années, lors d'une formation pour des enseignants, l'un d'entre eux me demanda si pour moi, Rambo était une source historique, sous-entendant que le film était tellement mauvais qu'on ne pouvait l'utiliser comme objet d'étude.Cette interrogation provoqua de ma part une certaine consternation. En effet, qu'est-ce qu'une source historique? Est-elle liée à la qualité de l'œuvre étudiée ou bien est-ce un témoignage de l'époque étudiée? Devrait-on éliminer certaines inscriptions latines ou grecques sous prétexte qu'il y aurait des fautes d'orthographe? Il en est donc de même pour les films dont la qualité cinématographique n'a rien à voir avec le témoignage historique qu'ils peuvent révéler de leur époque.
Au-delà de cet aspect sur la validité de "source" historique de Rambo, c'était bien le jugement esthétique qui m'ennuyait. En effet, Rambo est un film particulièrement intéressant cinématographiquement parlant comme nous allons le voir ci-dessous. Pourtant, il suffit de prononcer ce mot, RAMBO, pour provoquer sourires et moqueries sur le personnage. C'est que ce personnage n'est pas resté celui que nous découvrions dans le premier opus en 1982 réalisé par Ted Kotcheff. Il est devenu ce symbole du cinéma américain reaganien au fur et à mesure que les années 1980 avançaient jusqu'à la caricature, comme ce le fut pour Rocky, interprété par le même Sylvester Stallone qui devint à son tour une caricature après trois épisodes plutôt bien accueillis jusqu'en 1982 jusqu'à ce que le quatrième opus plonge Rocky en pleine guerre froide!
Stallone, Rocky et Rambo forment désormais une sorte d'unique personnage, à la fois réac, violent, manichéen, profondément américain sans aucune nuance. C'est oublier que ces personnages et les films qui les ont fait découvrir étaient autrement plus intéressants!
Rambo: un Américain des années 70
En 1982, Stallone sortait un autre film qui allait le marquer définitivement. Rambo a cette caractéristique commune avec Rocky d'être de fait un loser. Vétéran du Vietnam, il est donc quelqu'un qui a perdu la guerre. Du point de vue cinématographique, le passé du personnage est donné par petites touches impressionnistes, par quelques flash backs le montrant torturé par un Vietnamien. Il faut néanmoins attendre la moitié du film, alors que la police de la ville croit l'avoir tué, pour que le fameux colonel Trautman révèle qui est Rambo, un militaire d'exception, ayant reçu les plus grandes décorations de l'armée américaine. Le film révèle plusieurs états d'esprit. Celle des Américains d'abord, que le traumatisme de la défaite au Vietnam conduit à rejeter tout ce qui peut y faire référence, à commencer par les vétérans. C'est ce qui conduit le shérif à chasser Rambo de sa ville alors même qu'il n'a commis aucun délit. C'est aussi l'état d'esprit des vétérans qui se sentent rejeter par leur pays et ses habitants qui n'ont pas conscience du traumatisme de la guerre menée en Asie du Sud Est et des horreurs qui y ont été perpétrées par les deux camps. Etat d'esprit enfin d'une armée qui a été incapable de s'occuper de ses vétérans qui étaient partis pour la plupart très jeunes dans ce conflit.
La séquence finale est de ce point de vue très intéressante. Barricadé dans le bureau du shérif après avoir détruit la moitié de la ville Rambo se trouve face au colonel. Il explique alors ses états d'âme: insulté par les civils, ne trouvant pas de boulot, traité d'assassin et de bourreau, Rambo ne comprend pas ce mépris de la part de ces Américains car il n'a fait que ce que l'armée et donc son pays lui ont demandé de faire. Il témoigne de la manière dont un gamin vietnamien a fait sauter une bombe, se tuant et avec lui un soldat américain, montrant à quel point les Américains ne pouvaient pas lutter contre un peuple prêt à envoyer ses enfants mourir pour repousser les Américains. C'est enfin la désocialisation des vétérans que Rambo exprime à son colonel. De manière hallucinante, Rambo pleure alors et se réfugie dans les bras du colonel. Un enfant dans les bras de son père.
Le film est filmé comme la guerre du Vietnam s'est déroulée: un incident anodin sur un homme surpuissant qui va alors tout détruire, et comme la pente savonneuse sur laquelle avait glissé les USA au Vietnam, Rambo ne pourra plus faire machine arrière sinon à détruire tout sur son passage tout en sachant qu'il finira par perdre. Rambo est l'allégorie des USA: surpuissant, sa musculature ici n'est pas inutile pour le propos du film, mais un colosse finalement fragile. Le héros du film finit donc menotté. Fin étrange donc pour un film américain avec un happy end dans le sens où Rambo a détruit toute une ville, tué un homme et s'est rebellé contre la police. Mais la morale du film montre bien que Rambo est une victime et qu'il paie pour ceux qui l'ont abandonné: l'Etat, l'armée, les civils.
Pour revoir ce film qui marqua véritablement une rupture dans le cinéma d'action américain, avec une affiche qui inspira tant d'autres productions, à commencer par Pinot simple flic de Gérard Jugnot, pour retrouver ce personnage mythique du 7ème art, qui allait être emporté par l'idéologie reaganienne consistant à ré-imposer la puissance américaine sur la planète, profitez donc de la séance à l'Institut Lumière lors du Festival Lumière 2014!
MERCREDI 15 OCTOBRE 2014 - 22h45 - Institut Lumière - Salle du Hangar
Rambo de Ted Kotcheff, 1982
Réservations des places sur www.festival-lumiere.org
À bientôt
Lionel Lacour
À l'occasion de la venue du réalisateur Canadien Ted Kotcheff, le festival Lumière projettera son film le plus connu Rambo lors d'une séance tardive à l'Institut Lumière - salle du Hangar du Premier film, le mercredi 15 octobre à 15h45.
Pour bon nombre de cinéphiles, Rambo est une sorte de synonyme de mauvais film américain. Ainsi, il y a quelques années, lors d'une formation pour des enseignants, l'un d'entre eux me demanda si pour moi, Rambo était une source historique, sous-entendant que le film était tellement mauvais qu'on ne pouvait l'utiliser comme objet d'étude.Cette interrogation provoqua de ma part une certaine consternation. En effet, qu'est-ce qu'une source historique? Est-elle liée à la qualité de l'œuvre étudiée ou bien est-ce un témoignage de l'époque étudiée? Devrait-on éliminer certaines inscriptions latines ou grecques sous prétexte qu'il y aurait des fautes d'orthographe? Il en est donc de même pour les films dont la qualité cinématographique n'a rien à voir avec le témoignage historique qu'ils peuvent révéler de leur époque.
Au-delà de cet aspect sur la validité de "source" historique de Rambo, c'était bien le jugement esthétique qui m'ennuyait. En effet, Rambo est un film particulièrement intéressant cinématographiquement parlant comme nous allons le voir ci-dessous. Pourtant, il suffit de prononcer ce mot, RAMBO, pour provoquer sourires et moqueries sur le personnage. C'est que ce personnage n'est pas resté celui que nous découvrions dans le premier opus en 1982 réalisé par Ted Kotcheff. Il est devenu ce symbole du cinéma américain reaganien au fur et à mesure que les années 1980 avançaient jusqu'à la caricature, comme ce le fut pour Rocky, interprété par le même Sylvester Stallone qui devint à son tour une caricature après trois épisodes plutôt bien accueillis jusqu'en 1982 jusqu'à ce que le quatrième opus plonge Rocky en pleine guerre froide!
Stallone, Rocky et Rambo forment désormais une sorte d'unique personnage, à la fois réac, violent, manichéen, profondément américain sans aucune nuance. C'est oublier que ces personnages et les films qui les ont fait découvrir étaient autrement plus intéressants!
En 1982, Stallone sortait un autre film qui allait le marquer définitivement. Rambo a cette caractéristique commune avec Rocky d'être de fait un loser. Vétéran du Vietnam, il est donc quelqu'un qui a perdu la guerre. Du point de vue cinématographique, le passé du personnage est donné par petites touches impressionnistes, par quelques flash backs le montrant torturé par un Vietnamien. Il faut néanmoins attendre la moitié du film, alors que la police de la ville croit l'avoir tué, pour que le fameux colonel Trautman révèle qui est Rambo, un militaire d'exception, ayant reçu les plus grandes décorations de l'armée américaine. Le film révèle plusieurs états d'esprit. Celle des Américains d'abord, que le traumatisme de la défaite au Vietnam conduit à rejeter tout ce qui peut y faire référence, à commencer par les vétérans. C'est ce qui conduit le shérif à chasser Rambo de sa ville alors même qu'il n'a commis aucun délit. C'est aussi l'état d'esprit des vétérans qui se sentent rejeter par leur pays et ses habitants qui n'ont pas conscience du traumatisme de la guerre menée en Asie du Sud Est et des horreurs qui y ont été perpétrées par les deux camps. Etat d'esprit enfin d'une armée qui a été incapable de s'occuper de ses vétérans qui étaient partis pour la plupart très jeunes dans ce conflit.
La séquence finale est de ce point de vue très intéressante. Barricadé dans le bureau du shérif après avoir détruit la moitié de la ville Rambo se trouve face au colonel. Il explique alors ses états d'âme: insulté par les civils, ne trouvant pas de boulot, traité d'assassin et de bourreau, Rambo ne comprend pas ce mépris de la part de ces Américains car il n'a fait que ce que l'armée et donc son pays lui ont demandé de faire. Il témoigne de la manière dont un gamin vietnamien a fait sauter une bombe, se tuant et avec lui un soldat américain, montrant à quel point les Américains ne pouvaient pas lutter contre un peuple prêt à envoyer ses enfants mourir pour repousser les Américains. C'est enfin la désocialisation des vétérans que Rambo exprime à son colonel. De manière hallucinante, Rambo pleure alors et se réfugie dans les bras du colonel. Un enfant dans les bras de son père.
Le film est filmé comme la guerre du Vietnam s'est déroulée: un incident anodin sur un homme surpuissant qui va alors tout détruire, et comme la pente savonneuse sur laquelle avait glissé les USA au Vietnam, Rambo ne pourra plus faire machine arrière sinon à détruire tout sur son passage tout en sachant qu'il finira par perdre. Rambo est l'allégorie des USA: surpuissant, sa musculature ici n'est pas inutile pour le propos du film, mais un colosse finalement fragile. Le héros du film finit donc menotté. Fin étrange donc pour un film américain avec un happy end dans le sens où Rambo a détruit toute une ville, tué un homme et s'est rebellé contre la police. Mais la morale du film montre bien que Rambo est une victime et qu'il paie pour ceux qui l'ont abandonné: l'Etat, l'armée, les civils.
Pour revoir ce film qui marqua véritablement une rupture dans le cinéma d'action américain, avec une affiche qui inspira tant d'autres productions, à commencer par Pinot simple flic de Gérard Jugnot, pour retrouver ce personnage mythique du 7ème art, qui allait être emporté par l'idéologie reaganienne consistant à ré-imposer la puissance américaine sur la planète, profitez donc de la séance à l'Institut Lumière lors du Festival Lumière 2014!
MERCREDI 15 OCTOBRE 2014 - 22h45 - Institut Lumière - Salle du Hangar
Rambo de Ted Kotcheff, 1982
Réservations des places sur www.festival-lumiere.org
À bientôt
Lionel Lacour
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