Bonjour à tous,
Il est possible que ce mélange des genres puisse étonner quelques spectateurs puristes pour qui le sport est à 100 000 lieues de ce qui peut intéresser un cinéphile. Pourtant, s'il est bien deux divertissements qui sont nés presque simultanément, ce sont le sport au sens moderne du terme et le cinéma. Tous les deux correspondent à la fois à un spectacle et à des plaisirs que les plus modestes pouvaient s'offrir. La passion que certains comédiens ont pu générer n'a d'équivalent que celle qui accompagne les plus grands sportifs, et ce quelque soit le sport considéré. Le talent de ces derniers amènent parfois les commentateurs de leurs exploits à parler de génie et à les comparer à des artistes. L'image
audiovisuelle, cinéma d'abord, télévision ensuite, a permis de propager les actes de bravoures de certains sportifs ou les épopées d'équipes de sport collectif.
Il faut dire que le sport contient tous les ferments de la dramaturgie littéraire et cinématographique:
une compétition avec un vainqueur et un vaincu, des personnalités sympathiques et d'autres détestables, les impondérables et les coups de chance... et de malchance, le poids du nationalisme ou au contraire la volonté d'émancipation, les déterminismes sociaux et les gentlemen sacrifiant leur bonne éducation pour le graal d'un trophée.
Le suspens généré par une compétition ou par le parcours de vie d'un sportif est un scénario à chaque fois émouvant dont on ne connaît jamais le dénouement. La liste est longue des grands moments du sport, heureux ou malheureux, qui ont jalonné la vie d'un amoureux du sport. Il ne s'agit pas ici de gloser sur les railleries qui accompagnent les malheureux qui n'ont comme seul tort que de suivre les événements sportifs par procuration, à la télévision. Celle-ci n'est de fait que la continuité de ce que la presse écrite était auparavant, quand la retransmission en direct n'existait pas. Cette presse écrite racontait les crevaisons des cyclistes du tour de France, les dribbles de Pelé, les records en athlétisme ou encore les KO des Cerdan ou autres boxeurs américains. Leurs histoires étaient lues, dévorées par les passionnés du sport mais aussi par d'autres, ceux qui trouvaient dans les récits sportifs l'équivalent des aventures au grand large ou dans les contrées lointaines. Le don de soi pour un objectif a priori sans intérêt, le sacrifice parfois physique pour un moment éphémère de gloire, voilà ce qui intriguait ceux qui lisaient frénétiquement les articles consacrés à ces forçats de la route comme disait Blondin ou à d'autres sportifs.
Le cinéma et la télévision ont ensuite permis l'immédiateté de ces aventures sportives. La télévision permet de suivre en direct l'événement dont nul ne peut savoir s'il s'agira d'une tragédie ou d'une comédie. Rien n'est écrit à l'avance. Le cinéma quant à lui raconte a posteriori, en sachant comment cela se finit, pour mieux le restituer aux spectateurs, comme la littérature et la presse peuvent le faire. La télévision est sur le temps court. Le cinéma et la littérature sont sur un temps plus long. Ces deux formes d'expression peuvent mettre en parallèle d'autres événements, montrer les contextes, faire appel à des flash back. Les héros ne sont pas seulement réduits à leur dimension d'athlète. Avec la reconstitution que permettent le cinéma ou la littérature, les fêlures humaines sont visibles, les défauts se cristallisent, mais la beauté du geste ou la majesté du champion sont aussi magnifiées. Si la télévision partage l'émotion en direct, le cinéma comme la littérature la subliment. Tout est sombre dans la défaite, tout est lumineux dans la victoire. Le récit fictionnalisé transcende. La preuve en est le goût que les passionnés de sport ont de voir et revoir les épreuves passées, le match de football gagné ou perdu, le combat de boxe qui a fait se lever dans la nuit pour le voir en direct. Passé la connaissance du résultat, ces passionnés ne veulent pas revoir le match ou le combat pour en connaître le dénouement. Ils veulent revivre l'émotion que leur a procuré le moment. En déceler les moments de ruptures, découvrir ce qui a fait basculer le score. Ils lorgnent le moindre signe de fatigue, chaque geste altier pour en faire une analyse d'exégète. Mais ils se retrouvent souvent seuls devant leur télévision. La littérature comme le cinéma leur prouve autre chose. Ces arts viennent leur confirmer que leur émotion a été partagée par d'autres. De la même manière, ou différemment, peu importe. En tout cas de manière suffisamment importante pour que certains décident d'y consacrer des lignes ou des images. Le collectif de la littérature est une somme d'individus qui lisent le livre ou l'article. Le cinéma permet de retrouver en salle une émotion de stade, partagée avec d'autres, alors même que la plupart n'ont vu l'exploit que chez eux, devant la télévision.
Point de nationalisme derrière ce goût du récit sportif. Cela vient bien au-delà. Le chauvin ne se contente que du score. Il insulte l'adversaire, parfois même le sportif de sa nation quand celui-ci n'obtient pas la victoire synonyme de supériorité de son pays. Celui qui aime le sport peut avoir des accents de patriotisme exacerbé au moment du direct. Son soutien inconditionnel au national de l'épreuve peut constituer une porte d'entrée dans l'apprentissage de la dramaturgie sportive. Mais il sait s'enthousiasmer devant les exploits des autres. Ceux qui transcendent leur nation. Les admirateurs de Copi n'étaient pas qu'Italiens. Bjorn "ice" Borg était adulé par d'autres que des Suédois. Et que dire de Senna dont l'accident mortel a ému le Brésil mais le monde entier. Comme pour la mort de Kennedy, tous ceux (ou presque) qui ont appris la mort du génie brésilien savent où ils étaient lorsque ils ont appris l'information.
Le cinéma est un moyen sublime de perpétuer les émotions liées aux exploits sportifs, que ce soit dans la fiction ou le documentaire. La littérature en est une autre forme. Elle fixe l'analyse par des mots qui témoignent à la fois des faits mais aussi des sentiments procurés par le spectacle. Elle définit ce que le spectateur ressent, sans parfois être capable d'exprimer clairement la nature de ces émotions parfois violentes. Le plaisir de lire dans les pages consacrées à un athlète ou à une compétition ce qui correspond à ce qu'on a vécu participe aussi à la constitution d'un collectif, celui des "sportifs anonymes" qui ne se résument pas à ces avinés éructant dans les stades comme le pensent certaines élites. Ce n'est pas "Du pain, du vin et des jeux". C'est l'idée que la geste sportive est une forme sublime de transcendance humaine que les médias nous permettent de partager et d'admirer en direct et dont le cinéma comme la littérature prolongent le plaisir ou l'effroi.
C'est bien pour cela que les Rencontres Sport Littérature et Cinéma organisées à l'Institut Lumière sont une évidence pour tous ceux qui comprennent que le sport ne se résument pas aux affaires de dopages, aux corruptions sportives et aux supporters débiles mais qu'il est une expression populaire permettant à chacun, riche ou pauvre, de toutes origines ethniques, de se confronter à l'autre. Cet égalitarisme en gêne beaucoup. Raison de plus pour participer aux Rencontres à l'Institut Lumière.
Toutes les informations sur la programmation sur www.institut-lumiere.org
À très bientôt
Lionel Lacour
du 13 au 16 mars 2014, l'Institut Lumière ouvrira les premières Rencontres Sport, Littérature et Cinéma. À cette occasion, les spectateurs de Lyon et d'ailleurs pourront découvrir en avant première le film de Stephen Frears, Muhammad Ali's greatest fights en présence du réalisateur. D'autres choisiront peut-être de rencontrer celui que certains considèrent comme le plus grand cycliste de tous les temps, Eddy Merckx, lors de la projection de La course en tête de Joël Santoni, film réalisé en 1974, et projeté le 13 mars à l'Institut Lumière.
Il est possible que ce mélange des genres puisse étonner quelques spectateurs puristes pour qui le sport est à 100 000 lieues de ce qui peut intéresser un cinéphile. Pourtant, s'il est bien deux divertissements qui sont nés presque simultanément, ce sont le sport au sens moderne du terme et le cinéma. Tous les deux correspondent à la fois à un spectacle et à des plaisirs que les plus modestes pouvaient s'offrir. La passion que certains comédiens ont pu générer n'a d'équivalent que celle qui accompagne les plus grands sportifs, et ce quelque soit le sport considéré. Le talent de ces derniers amènent parfois les commentateurs de leurs exploits à parler de génie et à les comparer à des artistes. L'image
audiovisuelle, cinéma d'abord, télévision ensuite, a permis de propager les actes de bravoures de certains sportifs ou les épopées d'équipes de sport collectif.
Il faut dire que le sport contient tous les ferments de la dramaturgie littéraire et cinématographique:
une compétition avec un vainqueur et un vaincu, des personnalités sympathiques et d'autres détestables, les impondérables et les coups de chance... et de malchance, le poids du nationalisme ou au contraire la volonté d'émancipation, les déterminismes sociaux et les gentlemen sacrifiant leur bonne éducation pour le graal d'un trophée.
Le suspens généré par une compétition ou par le parcours de vie d'un sportif est un scénario à chaque fois émouvant dont on ne connaît jamais le dénouement. La liste est longue des grands moments du sport, heureux ou malheureux, qui ont jalonné la vie d'un amoureux du sport. Il ne s'agit pas ici de gloser sur les railleries qui accompagnent les malheureux qui n'ont comme seul tort que de suivre les événements sportifs par procuration, à la télévision. Celle-ci n'est de fait que la continuité de ce que la presse écrite était auparavant, quand la retransmission en direct n'existait pas. Cette presse écrite racontait les crevaisons des cyclistes du tour de France, les dribbles de Pelé, les records en athlétisme ou encore les KO des Cerdan ou autres boxeurs américains. Leurs histoires étaient lues, dévorées par les passionnés du sport mais aussi par d'autres, ceux qui trouvaient dans les récits sportifs l'équivalent des aventures au grand large ou dans les contrées lointaines. Le don de soi pour un objectif a priori sans intérêt, le sacrifice parfois physique pour un moment éphémère de gloire, voilà ce qui intriguait ceux qui lisaient frénétiquement les articles consacrés à ces forçats de la route comme disait Blondin ou à d'autres sportifs.
Le cinéma et la télévision ont ensuite permis l'immédiateté de ces aventures sportives. La télévision permet de suivre en direct l'événement dont nul ne peut savoir s'il s'agira d'une tragédie ou d'une comédie. Rien n'est écrit à l'avance. Le cinéma quant à lui raconte a posteriori, en sachant comment cela se finit, pour mieux le restituer aux spectateurs, comme la littérature et la presse peuvent le faire. La télévision est sur le temps court. Le cinéma et la littérature sont sur un temps plus long. Ces deux formes d'expression peuvent mettre en parallèle d'autres événements, montrer les contextes, faire appel à des flash back. Les héros ne sont pas seulement réduits à leur dimension d'athlète. Avec la reconstitution que permettent le cinéma ou la littérature, les fêlures humaines sont visibles, les défauts se cristallisent, mais la beauté du geste ou la majesté du champion sont aussi magnifiées. Si la télévision partage l'émotion en direct, le cinéma comme la littérature la subliment. Tout est sombre dans la défaite, tout est lumineux dans la victoire. Le récit fictionnalisé transcende. La preuve en est le goût que les passionnés de sport ont de voir et revoir les épreuves passées, le match de football gagné ou perdu, le combat de boxe qui a fait se lever dans la nuit pour le voir en direct. Passé la connaissance du résultat, ces passionnés ne veulent pas revoir le match ou le combat pour en connaître le dénouement. Ils veulent revivre l'émotion que leur a procuré le moment. En déceler les moments de ruptures, découvrir ce qui a fait basculer le score. Ils lorgnent le moindre signe de fatigue, chaque geste altier pour en faire une analyse d'exégète. Mais ils se retrouvent souvent seuls devant leur télévision. La littérature comme le cinéma leur prouve autre chose. Ces arts viennent leur confirmer que leur émotion a été partagée par d'autres. De la même manière, ou différemment, peu importe. En tout cas de manière suffisamment importante pour que certains décident d'y consacrer des lignes ou des images. Le collectif de la littérature est une somme d'individus qui lisent le livre ou l'article. Le cinéma permet de retrouver en salle une émotion de stade, partagée avec d'autres, alors même que la plupart n'ont vu l'exploit que chez eux, devant la télévision.
Point de nationalisme derrière ce goût du récit sportif. Cela vient bien au-delà. Le chauvin ne se contente que du score. Il insulte l'adversaire, parfois même le sportif de sa nation quand celui-ci n'obtient pas la victoire synonyme de supériorité de son pays. Celui qui aime le sport peut avoir des accents de patriotisme exacerbé au moment du direct. Son soutien inconditionnel au national de l'épreuve peut constituer une porte d'entrée dans l'apprentissage de la dramaturgie sportive. Mais il sait s'enthousiasmer devant les exploits des autres. Ceux qui transcendent leur nation. Les admirateurs de Copi n'étaient pas qu'Italiens. Bjorn "ice" Borg était adulé par d'autres que des Suédois. Et que dire de Senna dont l'accident mortel a ému le Brésil mais le monde entier. Comme pour la mort de Kennedy, tous ceux (ou presque) qui ont appris la mort du génie brésilien savent où ils étaient lorsque ils ont appris l'information.
Le cinéma est un moyen sublime de perpétuer les émotions liées aux exploits sportifs, que ce soit dans la fiction ou le documentaire. La littérature en est une autre forme. Elle fixe l'analyse par des mots qui témoignent à la fois des faits mais aussi des sentiments procurés par le spectacle. Elle définit ce que le spectateur ressent, sans parfois être capable d'exprimer clairement la nature de ces émotions parfois violentes. Le plaisir de lire dans les pages consacrées à un athlète ou à une compétition ce qui correspond à ce qu'on a vécu participe aussi à la constitution d'un collectif, celui des "sportifs anonymes" qui ne se résument pas à ces avinés éructant dans les stades comme le pensent certaines élites. Ce n'est pas "Du pain, du vin et des jeux". C'est l'idée que la geste sportive est une forme sublime de transcendance humaine que les médias nous permettent de partager et d'admirer en direct et dont le cinéma comme la littérature prolongent le plaisir ou l'effroi.
C'est bien pour cela que les Rencontres Sport Littérature et Cinéma organisées à l'Institut Lumière sont une évidence pour tous ceux qui comprennent que le sport ne se résument pas aux affaires de dopages, aux corruptions sportives et aux supporters débiles mais qu'il est une expression populaire permettant à chacun, riche ou pauvre, de toutes origines ethniques, de se confronter à l'autre. Cet égalitarisme en gêne beaucoup. Raison de plus pour participer aux Rencontres à l'Institut Lumière.
Toutes les informations sur la programmation sur www.institut-lumiere.org
À très bientôt
Lionel Lacour
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