Bonjour à tous
Pendant longtemps, le J'accuse d'Abel Gance (celui de 1919) fut quasi invisible, tant en salles de cinéma qu'à la télévision. D'abord parce que le cinéma muet ne faisait plus beaucoup recette et parce que les copies étaient rares et d'une qualité extrêmement médiocre.
Mais surtout, le discours du film était particulièrement sombre, partant de l'accusation des Allemands d'abord, de la société française ensuite. Si bien que cette œuvre fut délaissée, mis à part quelques spécialistes, au profit de films plus récents, et parfois encore plus virulents. On peut penser bien sûr aux Sentiers de la gloire de Kubrick ou à Johnny got his gun de Trumbo, tous deux d'ailleurs également victimes, ne fut-ce qu'un temps, d'interdiction ou d'oubli...
Avant 2014, il n'existait qu'une édition DVD de J'accuse et elle était américaine. Le mal fut réparé et depuis la première année de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, il y a bien une édition restaurée française.
Mais le support naturel de ce chef-d'œuvre est le grand écran car c'est sur une grande toile blanche que les premiers spectateurs du film l'ont découvert. Et avec lui, qu'ils ont pu, pour ceux n'ayant eu
que les témoignages de leurs maris, pères ou frères, voir ce à quoi ressemblait l'enfer des tranchées.
Autour d'une histoire d'amour des plus classique entre une femme et deux hommes, Abel Gance plonge les Français dans un environnement qu'ils peuvent identifier clairement. L'action débute dans un environnement plutôt rural, avec des questions de différences sociales entre les deux soupirants. Puis c'est la guerre qui se déclenche. Et toute la frustration accumulée par la France ayant perdu l'Alsace et la Lorraine jaillit à l'écran. Tout le nationalisme aussi, avec les figures symboliques et allégoriques en renfort.
C'est ensuite la vision des tranchées qui est proposée dans des plans dantesques, montrant la puissance des canons, la violence des combats en corps à corps, l'habitude de la mort par des gestes de quasi désinvolture à l'égard des cadavres. C'est aussi la rigidité des relations des soldats avec l'état-major. C'est encore l'évolution du matériel de guerre, des véhicules aux casques en passant par les transmissions sans fil. Ce sont enfin tous les traumatismes des combats qui sont révélés, notamment par une séquence émouvante de lecture de lettres de poilus.
Mais le film marque aussi par une esthétique forte, fixant les règles de ce qu'allaient être les films de guerre. Utilisation du code "Gauche Droite" dans lequel la Gauche est l'Ouest, comme sur une carte de géographie classique. C'est l'utilisation d'images superposées pour créer des effets spéciaux novateurs. C'est encore l'idée de faire des soldats gisant sur le champ de bataille des morts vivants, parmi lesquels on trouvait comme figurant Blaise Cendrars, lui aussi victime de la guerre, qui allaient demander des comptes à ceux et celles qui avaient profité de la guerre quand eux devaient combattre.
Réalisé en partie avec l'aide de l'armée américaine, le film aborde donc la guerre avec l'enthousiasme de la déclaration permettant de récupérer l'Alsace et la Lorraine jusqu'à la mise en accusation d'une Nation ayant conduit une génération entière à la mort, pour un gain au final bien dérisoire. J'accuse est également un des rares films à montrer des soldats français venus des colonies pour combattre sur le front.
Avec des effets spéciaux impressionnants à l'époque, Abel Gance réussit là une œuvre référence.
En 1938, Abel Gance réalisera un remake parlant dans lequel, cette fois-ci, l'anti-germanisme sera l'unique motivation des soldats.
Alors rendez-vous au Festival Lumière pour voir ce chef-d'œuvre:
J'accuse, Abel Gance, 1919, 1h44
Lundi 10 octobre - 14h15 - Institut Lumière Salle 2 (Villa)
Billetterie: J'accuse
À bientôt
Lionel Lacour
Pendant longtemps, le J'accuse d'Abel Gance (celui de 1919) fut quasi invisible, tant en salles de cinéma qu'à la télévision. D'abord parce que le cinéma muet ne faisait plus beaucoup recette et parce que les copies étaient rares et d'une qualité extrêmement médiocre.
Mais surtout, le discours du film était particulièrement sombre, partant de l'accusation des Allemands d'abord, de la société française ensuite. Si bien que cette œuvre fut délaissée, mis à part quelques spécialistes, au profit de films plus récents, et parfois encore plus virulents. On peut penser bien sûr aux Sentiers de la gloire de Kubrick ou à Johnny got his gun de Trumbo, tous deux d'ailleurs également victimes, ne fut-ce qu'un temps, d'interdiction ou d'oubli...
Avant 2014, il n'existait qu'une édition DVD de J'accuse et elle était américaine. Le mal fut réparé et depuis la première année de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, il y a bien une édition restaurée française.
Mais le support naturel de ce chef-d'œuvre est le grand écran car c'est sur une grande toile blanche que les premiers spectateurs du film l'ont découvert. Et avec lui, qu'ils ont pu, pour ceux n'ayant eu
que les témoignages de leurs maris, pères ou frères, voir ce à quoi ressemblait l'enfer des tranchées.
Autour d'une histoire d'amour des plus classique entre une femme et deux hommes, Abel Gance plonge les Français dans un environnement qu'ils peuvent identifier clairement. L'action débute dans un environnement plutôt rural, avec des questions de différences sociales entre les deux soupirants. Puis c'est la guerre qui se déclenche. Et toute la frustration accumulée par la France ayant perdu l'Alsace et la Lorraine jaillit à l'écran. Tout le nationalisme aussi, avec les figures symboliques et allégoriques en renfort.
C'est ensuite la vision des tranchées qui est proposée dans des plans dantesques, montrant la puissance des canons, la violence des combats en corps à corps, l'habitude de la mort par des gestes de quasi désinvolture à l'égard des cadavres. C'est aussi la rigidité des relations des soldats avec l'état-major. C'est encore l'évolution du matériel de guerre, des véhicules aux casques en passant par les transmissions sans fil. Ce sont enfin tous les traumatismes des combats qui sont révélés, notamment par une séquence émouvante de lecture de lettres de poilus.
Mais le film marque aussi par une esthétique forte, fixant les règles de ce qu'allaient être les films de guerre. Utilisation du code "Gauche Droite" dans lequel la Gauche est l'Ouest, comme sur une carte de géographie classique. C'est l'utilisation d'images superposées pour créer des effets spéciaux novateurs. C'est encore l'idée de faire des soldats gisant sur le champ de bataille des morts vivants, parmi lesquels on trouvait comme figurant Blaise Cendrars, lui aussi victime de la guerre, qui allaient demander des comptes à ceux et celles qui avaient profité de la guerre quand eux devaient combattre.
Réalisé en partie avec l'aide de l'armée américaine, le film aborde donc la guerre avec l'enthousiasme de la déclaration permettant de récupérer l'Alsace et la Lorraine jusqu'à la mise en accusation d'une Nation ayant conduit une génération entière à la mort, pour un gain au final bien dérisoire. J'accuse est également un des rares films à montrer des soldats français venus des colonies pour combattre sur le front.
Avec des effets spéciaux impressionnants à l'époque, Abel Gance réussit là une œuvre référence.
En 1938, Abel Gance réalisera un remake parlant dans lequel, cette fois-ci, l'anti-germanisme sera l'unique motivation des soldats.
Alors rendez-vous au Festival Lumière pour voir ce chef-d'œuvre:
J'accuse, Abel Gance, 1919, 1h44
Lundi 10 octobre - 14h15 - Institut Lumière Salle 2 (Villa)
Billetterie: J'accuse
À bientôt
Lionel Lacour
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