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lundi 9 juillet 2018

Nouveau programme Histoire et Cinéma 2018 2019

Bonjour à tous

À la rentrée de septembre 2018, Cinésium proposera à nouveau ses conférences et ses formations Histoire et Cinéma.

Les conférences sont destinées aux collèges, lycées et universités français, en France et au-delà, mais aussi aux médiathèques, cinémathèques et autres institutions culturelles.

Depuis 2001, je propose ces conférences créées à l'Institut Lumière de Lyon et je permets à des enseignants de sciences

mardi 13 septembre 2016

Lumière 2016: "J'accuse" en copie restaurée.

Bonjour à tous

Pendant longtemps, le J'accuse d'Abel Gance (celui de 1919) fut quasi invisible, tant en salles de cinéma qu'à la télévision. D'abord parce que le cinéma muet ne faisait plus beaucoup recette et parce que les copies étaient rares et d'une qualité extrêmement médiocre.
Mais surtout, le discours du film était particulièrement sombre, partant de l'accusation des Allemands d'abord, de la société française ensuite. Si bien que cette œuvre fut délaissée, mis à part quelques spécialistes, au profit de films plus récents, et parfois encore plus virulents. On peut penser bien sûr aux Sentiers de la gloire de Kubrick ou à Johnny got his gun de Trumbo, tous deux d'ailleurs également victimes, ne fut-ce qu'un temps, d'interdiction ou d'oubli...
Avant 2014, il n'existait qu'une édition DVD de J'accuse et elle était américaine. Le mal fut réparé et depuis la première année de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, il y a bien une édition restaurée française.

Mais le support naturel de ce chef-d'œuvre est le grand écran car c'est sur une grande toile blanche que les premiers spectateurs du film l'ont découvert. Et avec lui, qu'ils ont pu, pour ceux n'ayant eu

mercredi 10 décembre 2014

Charlot soldat: la contribution de Chaplin à l'effort de guerre

Bonjour à tous,

En 1918, Chaplin réalise Shoulder arms traduit en français par Charlot soldat. Sorti le 20 octobre 1918, le film ne servira donc que très peu pour l'effort de guerre puisque l'armistice allait être proclamée 3 semaines plus tard. Pourtant, Charlot soldat n'en marque pas moins un vrai effort de la part de son réalisateur pour soutenir les troupes américaines, et au-delà, les troupes alliées, pendant le conflit qui les opposait à l'Allemagne notamment.
Il faut dire que Chaplin ne fut pas ménagé par certains, lui reprochant de s'enrichir tandis que d'autres combattaient. Peu importe qu'il ait été jugé trop chétif pour être enrôlé, qu'il donne de son temps et de sa personne pour une tournée de un mois aux USA afin de récolter des fonds par l'achat d'obligations pour financer la guerre auprès des Américains. De même, l'ambassadeur britannique aux USA pouvait bien affirmer que Chaplin servait davantage la cause alliée en gagnant beaucoup d'argent et donc en payant des impôts et en achetant ces mêmes obligations, une bonne partie ne voyait dans le comédien que celui qui avait obtenu un contrat d'un million de dollars, une somme considérable pour l'époque, pour la réalisation de 8 films pour la First National, la société de production avec laquelle il était désormais lié.
C'est ainsi que Chaplin réalisa Charlot soldat afin de soutenir l'effort de guerre, quitte à risquer de choquer en utilisant la comédie pour évoquer une guerre particulièrement sauvage et meurtrière.



I.                 Un film de commande? Les éléments de la propagande

Dès le début du film, Chaplin propose donc des séquences mêlant à la fois le thème et le genre. Le thème est la guerre et cela passe par l'instruction au combat afin de préparer les recrues aux batailles à venir. Le genre est la comédie, avec le personnage joué par Chaplin lui-même que tous les spectateurs reconnaissent évidemment. Il ressemble au vagabond: moustache, dégaine. Mais il est une recrue parmi les autres, à ceci près que sa démarche caractéristique l'empêche de bien marcher au pas. Après un maniement d'armes difficiles, c'est donc dans les déplacements des troupes que Chaplin fait rire les spectateurs. Ces premiers gags ne sont pas anodins. Chacun d'eux dans cette première séquence donne une information liée à la guerre. S'y préparer, s'est savoir se servir des armes, apprendre à respecter son rang lors des déplacements, c'est savoir obéir au supérieur.

De fait, Charlot soldat n'est pas l'histoire ordinaire de son personnage fétiche. Il s'agit bien d'évoquer la guerre par le prisme d'un combattant ordinaire. Si bien que Chaplin manie l'ellipse brutale qui conduit son héros du camp d'entraînement à la tranchée. Désormais, le héros, désigné par son matricule... n°13 (!), est paré pour le combat avec un paquetage volumineux. La tranchée (construite dans les studios qui ont été mis à disposition par la société de production) est particulièrement réaliste: étayage, sacs de sable pour se protéger, planches au sol pour limiter la boue... Et dans cette réplique de tranchée, les soldats évoluent tels que l'imagine Chaplin.
À nouveau, les gags servent de filtre pour évoquer la réalité de la guerre, sans pour autant la moquer ou la tourner en dérision. N°13 se promène avec une tapette à souris sur son ventre, c'est pour mieux signifier que les tranchées sont infestées de rongeurs. Quand il accroche une rappe à fromage sur le montant de ce qui lui servira de chambre, creusée sous la tranchée, cela implique que le soldat doit à la fois apporter ses ustensiles pour manger, mais, en se frottant le dos contre cette même rappe, il indique qu'en plus des rats, les soldats doivent affronter aussi les parasites comme les puces ou les poux.
Par la maîtrise du langage cinématographique balbutiant encore, Chaplin permet de dédramatiser la guerre sans en effacer la dure réalité. Si son personnage est au premier plan, livrant des moments de fantaisie, l'arrière plan est toujours plus sérieux, des soldats se préparant au combat aux obus éclatant à proximité de la tranchée. La maîtrise de ce discours cinématographique lui sert notamment aussi lorsqu'il s'agit de désigner l'ennemi. Quand celui-ci apparaît pour la première fois à l'écran, il est Les croix de bois en 1931 ou Stanley Kubrick dans Les sentiers de la gloire cf. mon article à ce sujet Les sentiers de la gloire: un travestissement de l'Histoire?).
d'abord accompagné par une musique plus martiale, plus grave. Ensuite, les soldats allemands ressemblent à des géants tandis que leur supérieur est un être à la fois petit, nerveux et brutal, n'hésitant pas à martyriser les grands nigauds qui apparaissent finalement peu antipathiques et davantage contraints à se battre que des ennemis barbares. Ce qui n'est pas le cas de leur chef! Quant à leur positionnement dans la tranchée, Chaplin utilise l'écran comme une carte de géographie avec le nord pointé en haut. Les Américains attaquent de la gauche vers la droite, donc de l'Ouest vers l'Est, et les Allemands de la droite vers la gauche, soit de l'Est vers l'Ouest. Par ce choix de mise en scène, les spectateurs savent automatiquement qui sont les gentils des méchants, puisque le positionnement des belligérants à l'écran respecte la réalité géographique (changer cette représentation brouille de fait les message, comme a pu le faire Raymond Bernard dans
C'est aussi dans les relations entre les soldats et les officiers que le message de Chaplin propose une interprétation des idéologies des deux camps. Le soldat américain, bien qu'encadré, est montré finalement comme plus libre de ses mouvements, avec une certaine capacité d'improvisation, une autonomie et une certaine reconnaissance - mesurée - de la part de ses supérieurs. Les Américains font prisonniers leurs ennemis. Au contraire, les Allemands vus par Chaplin sont décrits comme étant organisés de manière très hiérarchisée, le chef étant omnipotent, les soldats beaucoup plus soumis. Et surtout, les Américains faits prisonniers sont mis immédiatement sur un poteau d'exécution. 

À première lecture, Charlot soldat ressemble donc à s'y méprendre à une œuvre de commande, mettant en place une grammaire cinématographique de propagande efficace valorisant l'idéal américain ou occidental et dénonçant l'autoritarisme et le côté brutal du Reich. Mais derrière ce discours de soutien, Chaplin en profite pour aller plus loin que le simple récit opposant deux conceptions de société, de pouvoir.

II.               La guerre : derrière l’humour, la réalité

En moins d'une heure, le réalisateur brosse un état des lieux de la guerre sans en esquiver les dures réalités, mais en les parant de son humour.
C'est d'abord une vision de la vie dans les tranchées. Comme dit plus haut, chaque gag masque une situation réelle. Ainsi, lors de la distribution de courrier venant de l'Arrière, n°13 ne reçoit rien tandis que ses compagnons récupèrent des lettres ou des colis de nourriture. N°13 lit alors le courrier d'un des soldats derrière son épaule. En réagissant simultanément à ce qui est écrit, c'est à la fois drôle (puisque cette lettre ne lui est pas destinée!) et on comprend le fait que lire des nouvelles de ce qui se passe ailleurs qu'au front est un soutien inestimable. La réaction énervée du soldat à l'égard de n°13 témoigne aussi du manque d'intimité des troupes dans les tranchées.





 Quand le héros reçoit enfin des colis alimentaires, ceux-ci sont périmés. Dans un triple gag, Chaplin arrive à donner en rafale plusieurs informations. C'est d'abord la réception d'un camembert très odoriférant, preuve de la durée de livraison des colis. Sa réaction spontanée est de se protéger d'un masque à gaz, démonstration de l'utilisation des gaz pendant la guerre pour détruire les troupes ennemies. Enfin, quand il lance le dit camembert pour s'en débarrasser en direction de l'Est, le petit chef teigneux allemand le reçoit en pleine figure, preuve de l'extrême proximité des tranchées ennemies!








Cet état de fait apparaît plus tard quand n°13 décide d'ouvrir une bouteille de vin alors qu'il n'a pas de tire-bouchons. En levant la bouteille au-dessus du niveau de la tranchée, il provoque le tir automatique des ennemis dont une balle casse le goulot, permettant alors de servir le vin!
Cette vie dans les tranchées est aussi marquée par l'extrême humidité. Chaplin développe jusqu'à l'absurde cette condition de survie en inondant la "chambre troglodyte" dans laquelle doivent dormir plusieurs soldats. Une succession de gags absurdes permet de voir dans quel situation inconfortable se trouvent les soldats pendant la guerre, devant affronter le climat, les parasites et la promiscuité autant que l'ennemi à attaquer.



Car Chaplin n'en oublie pas l'objet de cette concentration de soldat dans la tranchée. Leur présence est liée à la nécessité de combattre les Allemands. C'est d'abord une attaque de tranchée marquée par une attente longue. Le temps semble important. L'officier regarde sa montre pour attaquer à une heure précise, celle du déclenchement de l'artillerie. N°13 réagit soit par courage, puis peur, superstition, héroïsme, patriotisme ou encore par obligation. L'attaque est montrée comme soudaine et extrêmement dangereuse, n°13 grimpant à l'échelle en premier puis en redescendant quand il se rend compte que ceux d'en face, forcément très près d'eux, ripostent déjà!
Une autre séquence montre que l'attaque de l'ennemi peut se faire de tranchée à tranchée par tir de fusil. Là encore, Chaplin montre par un gag l'extrême mortalité de ce conflit. Tirant vers la droite (l'Est), protégé par les sacs de sable, n°13 marque par un trait de craie chaque ennemi tué. Or en quelques secondes, il trace plusieurs marques, preuve encore de l'aspect sanglant de cette guerre.
C'est enfin l'attaque au-delà des tranchées ennemies que Chaplin montre, avec des missions annoncées comme suicidaire mais nécessaire pour le sort de la guerre. C'est bien le caractère sacrificiel que le réalisateur veut présenter aux spectateurs avec des soldats envoyés à une mort certaine. 
Chaplin use encore du gag pour décrire les subterfuges utilisés par les soldats pour s'introduire dans le camp ennemi. Si n°13 est drôle déguisé en arbre, son compagnon est lui dans un registre plus sérieux. Arrêté alors qu'il se cache et communique des informations à son état-major par télégraphe, son arrestation n'a rien de comique. Mais Chaplin réussit à faire se téléscoper le sort des deux soldats américains, aboutissant à une évasion comique des deux larrons.

Chaplin insiste enfin sur l'effet de la guerre sur l'environnement humain. En se réfugiant dans une maison, le spectateur réalise alors combien les bombardements sont destructeurs. Toujours par les gags, n'°13 détourne l'attention d'un triste constat. Se cachant dans une maison, celle-ci est éventrée de part en part et les murs et cloisons ont presque tous disparus si bien que les portes et fenêtres ne semblent plus servir à grand chose. Pourtant n°13 les ouvre et les ferme comme si elles le protégeaient effectivement! Il en va de même pour les soldats allemands à sa poursuite. Derrière ces gags, c'est bien la destruction massive des villes et maisons provoquée par les bombardements que Chaplin évoque dans cette séquence. Cette déshumanisation du territoire par la destruction du bâti rend tout aussi terrible la guerre puisque ce sont les hommes et femmes qui y vivaient qui en sont victimes, soit par leur mort, soit par leur départ forcé.


III.             Un vrai film de Chaplin

En s'appesantissant sur la réalité territoriale de la guerre et par la destruction des villes, Chaplin rappelle quel réalisateur il a toujours été. En fait dès le début du film, Chaplin propose de nuancer sa vision de la guerre, refusant le manichéisme.
Par exemple, tous les Allemands ne sont pas ses ennemis. Lorsque le héros réussit à "encercler" la tranchée et fait prisonnier les soldats allemands, il ne les traite pas avec violence mais leur propose au contraire des cigarettes. Ce geste correspond à la prise en compte par n°13 du fait que ces soldats font la même guerre que ceux des tranchées alliées et qu'ils sont eux aussi des gens du peuple. Seul le chef refuse avec morgue cette cigarette qui lui est aussi offerte. La violence de n°13 est alors comique mais réelle.

Pour Chaplin, une histoire humaine est aussi une histoire d'amour. Et l'apparition d'une fille française (Edna Purviance) vient comme une sorte de respiration dans ce film jusqu'alors intégralement concentré sur la guerre. Évidemment, Chaplin crée une romance entre son personnage et cette française. Et le réalisateur de montrer que la guerre, c'est aussi la découverte de l'autre, la force des sentiments parfois violents au-delà des mots (King Vidor, dans La grande parade, développera une histoire d'amour similaire entre un soldat américain et une française). Mais rapidement, l'histoire de cœur va coïncider à un autre fait de guerre. Les deux tourtereaux sont faits prisonniers. Loin d'être une potiche, le jeune femme va participer à leur évasion et à la capture du Kaiser (rien que ça!). En apportant ce personnage féminin, inutile en soi dans la narration, Chaplin touche d'autres spectateurs mais aussi d'autres émotions. Le message est extrêmement humaniste. La guerre n'est pas seulement l'affrontement entre des nations ennemies, c'est aussi l'occasion de faire valoir son idéologie. Et celle qui anime Chaplin est manifestement une idéologie non nationaliste. Son comportement avec les soldats allemands faits prisonniers en atteste. Son histoire d'amour avec une française le confirme. C'est une vision extrêmement romantique, mais au sens originel du terme. Le héros de Charlot soldat est un personnage prêt à mourir pour qu'on puisse continuer à aimer qui bon nous semble.

Mais c'est surtout dans la séquence de fin que le message de Chaplin se cristallise. En faisant prisonnier l'empereur. Cet acte héroïque est célébré comme il se doit par les troupes américaines. L'empereur se voit "amputé" d'une médaille qui est aussitôt donnée à un soldat américain. Symboliquement, ce n'est pas tant l'empereur qui est déchu, c'est plutôt l'idée que l'idée d'une hiérarchie entre les hommes n'a pas lieu d'être, avec un soldat américain pouvant être l'égal d'un dirigeant d'un pays.
Surtout, Chaplin insiste sur une notion toute américaine. La caractéristique de ce pays est souvent présentée comme individualiste. Or, ce que rappelle Chaplin est que cet individualisme se fait dans le cadre du sentiment d'appartenance à une communauté, celle américaine. Il y rajoute un élément important. Le film n'est pas l'apologie du pacifisme car il montre que, parfois, hélas, la guerre est nécessaire. Mais en éliminant, par la capture et non par la mort, le chef du camp ennemi, son héros met fin à la guerre. D'où son
carton (presque) final "Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté"!
Un "twist" que je ne révélerai pas ici conclut le film et vient confirmer cet espoir de Chaplin dans une fin de guerre proche. Cette séquence peut être comprise de deux manières: patriotique, avec la nécessité d'envoyer des soldats pour mettre fin à la guerre; pacifiste, avec la nécessité de préserver ses forces vives plutôt que de les envoyer vers le cauchemar d'une guerre qui n'est drôle qu'en apparence et dans le film, mais qui est destructrice et meurtrière, comme le montre aussi le film!



Sorti le 20 octobre 1918, Chaplin ne pensait certainement pas que son appel à la paix allait si vite aboutir! Extrêmement bien reçu par la critique et le public à sa sortie, c'est surtout l'appréciation positive de son film par les vétérans qui allait toucher Chaplin. Charlot soldat va être considéré pendant plusieurs années comme le meilleur film de son réalisateur. Celui-ci reviendra à la Première guerre mondiale en 1940 dans Le dictateur. Si le film évoque la prise de pouvoir d'un ersatz de Hitler (Hynkel) dans un pays imaginaire (la Tomainie), il commence par des séquences renvoyant à la Grande guerre. Son personnage de n°13 était américain. Mais on le retrouve presque à l'identique en 1940 mais du côté adverse. Mais son idéal n'a en rien changé. Le discours final du Dictateur prononcé par le héros, sorte de n°13 bis et sosie de Hynkel, ne dit pas grand chose de différent du carton final de Charlot soldat. Sauf que ce dernier annonçait la fin d'une guerre, alors que Le dictateur n'a pu empêcher la seconde guerre mondiale. 

À bientôt
Lionel Lacour

vendredi 28 novembre 2014

"J'accuse" en Ciné Concert à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

À l'occasion de la programmation consacrée aux films sur la Grande Guerre, l'Institut Lumière propose 2 ciné-concerts exceptionnels le mardi 2 décembre, à 14h30 et à 20h du film d'Abel Gance "J'accuse" (1919)Accompagnement au piano par Romain Camiolo.
Ces projections exceptionnelles permettront de découvrir en copie restaurée ce chef-d'œuvre longtemps resté en dehors de tout écran et qui marqua les spectateurs à la sortie de la guerre et qui offrait des séquences absolument dantesques dont peut-être la première séquence de morts-vivants du cinéma, avec en figurant, l'écrivain Blaise Cendrars, lui-même invalide de guerre.

Réalisé en partie avec l'aide de l'armée américaine, le film aborde la guerre avec l'enthousiasme de la déclaration permettant de récupérer l'Alsace et la Lorraine et libérant les sentiments nationalistes. Puis progressivement, le film évolue en accusant non plus les Allemands mais ceux qui ont poussé des jeunes Français à mourir au nom de valeurs non respectées. Il est également un des rares films à montrer des soldats français venus des colonies pour combattre sur le front.
Avec des effets spéciaux impressionnants à l'époque, Abel Gance réussit là une œuvre référence.
En 1938, Abel Gance réalisera un remake parlant dans lequel, cette fois-ci, l'anti-germanisme sera l'unique motivation des soldats.

Pour tout renseignement complémentaire, vous pouvez aller sur le lien suivant:
Institut Lumière ou appeler le 04 78 78 18 95

À bientôt
Lionel Lacour

mercredi 19 novembre 2014

"La grande illusion" ou l'ambiguïté permanente

Bonjour à tous

1937, Jean Renoir réalise certainement son plus grand film. La grande illusion fait partie de ces œuvres qui ont une modernité permanente. Le scénario, le rythme, le jeu des acteurs (si on excepte Carette dont le phrasé est vraiment marqué "années 30"!), tout concourt à faire de ce long métrage un objet cinématographique indémodable. À sa sortie, l'enthousiasme est quasiment unanime. De l'extrême droite à l'extrême gauche, tous voient dans La grande illusion LE chef-d'œuvre. Et il faut reconnaître que le scénario de Charles Spaak et de Jean Renoir et la maîtrise de la mise en scène du réalisateur sont autant d'éléments qui viennent confirmer objectivement la qualité du film. Cependant, le film recèle quelques ambiguïtés dérangeantes.

Bande annonce:


lundi 25 août 2014

"La vie et rien d'autre": 100 ans de Première guerre mondiale au cinéma

Bonjour à tous

en 1989, tandis que la France allait célébrer le bicentenaire de la Révolution française, Bertrand Tavernier s'attaquait pour la première fois à la Grande Guerre (il y reviendra quelques années après avec Capitaine Conan) dans La vie et rien d'autre, les deux d'ailleurs scénarisés par Jean Cosmos. Mais son film ne retrace pas les moments glorieux du conflit mais les conséquences de cette boucherie industrielle. En commençant l'action en 1920, la question qui se pose n'est donc pas le suspense sur la victoire ou sur une attaque de tranchée quelconque mais sur ce qu'est la France au lendemain du conflit le plus meurtrier qu'elle ait connu alors. Et si le film évoque les morts, les centaines de milliers de morts, Tavernier insiste en fait davantage sur la place des vivants, de tous les vivants. L'angle est original et quand la France s'apprête à célébrer l'abolition des privilèges et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le réalisateur lui plonge sa caméra dans une autre mythologie de la République triomphante, le soldat inconnu, en écornant au passage tous les profiteurs de guerre.

jeudi 14 août 2014

Johnny s'en va-t-en guerre: une adaptation, trois guerres

Bonjour à tous

en cette période de commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale, je vous propose de faire régulièrement un point sur un film ayant évoqué ce conflit, quelque soit l'angle choisi par le réalisateur. Au mois de novembre, le film de Dalton Trumbo Johnny s'en va-t-en guerre ("Johnny got his gun") sera projeté dans les cinémas participant au cycle Ciné Collection du GRAC de Rhône-Alpes. Réalisé en 1971, le film est l'adaptation de son propre roman, édité en 1939 (traduit en français en 1971), et unique réalisation pour ce grand scénariste, fameux blacklisté lors du la chasse aux sorcières qui toucha Hollywood lors du Maccarthysme.




samedi 12 juillet 2014

Conférence "Première Guerre mondiale et Cinéma"

 Bonjour à tous

À l'occasion du centenaire de la Première guerre mondiale, Cinésium propose une conférence tout en images avec des extraits de films évoquant ce conflit.
De Charlot soldat à Cheval de guerre en passant par Les sentiers de la gloire, découvrez comment les cinéastes ont retranscrit, en Noir et Blanc ou en couleur, en muet ou en parlant, ce que les soldats ont subi et les conséquences de cette guerre.


Cette conférence sera donnée en avant-première pour le Festival "De l'écrit à l'écran" le 19 septembre 2014, vous pourrez la découvrir dans votre structure ensuite.

Vous êtes:
- un cinéma
- une médiathèque
- un lycée ou un collège
- un festival
- un centre culturel ou un musée

Découvrez cette conférence spécialement conçue pour le centenaire de la Grande guerre!

Cette conférence aborde:
- Les prémisses du conflit et les élans nationalistes
- Le départ à la guerre
- La vie dans les tranchées
- Les conséquences humaines de la guerre.

La conférence insistera évidemment aussi sur le contexte de production des films selon les origines des cinéastes par une mise en lumière de la réalités des discours sur la guerre.


Pour toute information, vous pouvez me contacter directement:
ou par téléphone:
06 45 32 75 58

À très bientôt
Lionel Lacour



lundi 19 mars 2012

Le bon, la brute et le truand: la guerre de sécession en accusation

Bonjour à tous,

en 2009, en clôture du festival Lumière organisé à Lyon, Thierry Frémaux avait programmé une version restaurée du chef-d'oeuvre de Sergio Leone: Le bon, la brute et le truand réalisé en 1966. Clint Eastwood, le premier lauréat du prix Lumière avait été très impressionné de voir une salle de plusieurs milliers de spectateurs venus voir ce film. Mais le plus impressionnant était de revoir ce film sur très grand écran. En effet, il est un lieu commun que de dire que le cinéma doit se voir... au cinéma! Or pour un historien qui travaille sur la source filmique, c'est encore plus important. Et pour ce film, celà revêt encore plus d'importance. Car ce film évoque autant la guerre de sécession que l'horreur d'autres guerres, celles que les Européens ont connu durant le XXème siècle.


mercredi 14 septembre 2011

Les sentiers de la gloire: un travestissement de l'Histoire?

Bonjour à tous,

régulièrement, le cinéma propose des films qui ont pour sujet l'Histoire, les fameux films "sur" une période que j'évoquais dans un des premiers articles de ce blog. Et avec la même régularité, les historiens s'invitent, ou sont invités, pour débattre et analyser les dits films et évaluer leur validité historique. Ce fut le cas pour tellement de films que la liste serait impossible à établir. Citons récemment le film Indigène ou le diptyque de Clint Eastwood Mémoires de nos pères et Lettres d'Iwo Jima.
Parmi les films qui ont suscité le plus de débat se trouve celui de Stanley Kubrick Les sentiers de la gloire qui présente un épisode de la Première guerre mondiale dans lequel l'état-major, et surtout un général, sont dénoncés par le réalisateur pour avoir commis des actes absurdes et criminels contre leurs propres troupes. Certains savent déjà l'accueil qui fut fait au film en France, c'est-à-dire son absence des écrans de cinéma. Qu'en fut-il réellement? Et surtout, en quoi ce film pose-t-il une vraie question sur la relation entre Cinéma et Histoire?

mercredi 11 mai 2011

La Première guerre mondiale au cinéma: l'illusion de la der des der?

Bonjour à tous,

le samedi 14 mai, je presenterai à Cernay, près de Mulhouse, pour l'association "Abri Mémoire",  une conférence sur la représentation de la Première guerre mondiale au cinéma. Mon parti pris est de ne partir que des films tournés avant l'arrivée du nazisme au pouvoir, à une exception américaine près. En effet, la représentation de ce conflit allait changer quand Hitler devint Chancelier de l'Allemagne. Il n'est qu'à voir le discours patriotique du film de Renoir La grande illusion de 1937. Beaucoup voulurent en faire un film pacifiste, voire un film qui montrait que ce qui importait le plus étaient les classes sociales. Renoir montrait pourtant que justement, l'officier français noble, le capitaine de Boeldieu, interprété par Pierre Fresnay,  préférait aider le lieutenant Maréchal, un "gars du peuple" interprété par Jean Gabin dans son évasion plutôt que de rester fidèle à son geôlier, le capitaine allemand von Rauffenstein incarné par Erich von Stroheim.
Ainsi, le cinéma d'avant 1933 se caractérise-t-il par son absence de toute interprétation liée au nouveau visage de l'Allemagne et par une approche commune: le pacifisme. Ce qui n'empêchait pas de montrer la guerre telle qu'elle fut et ses conséquences.

1. Le mythe de la fleur au fusil
La recherche historique semble montrer aujourd'hui que ce départ enthousiaste pour la guerre relèverait du mythe. Les sources cinématographiques viennent cependant dire sinon le contraire, du moins avérer l'envie d'en découdre contre l'autre, au moins du côté des dirigeants. Les nombreux films des opérateurs Lumière témoignent des élans nationalistes de tous les pays. L'Allemagne célèbre sa nation lors de fêtes comme le montre Cortège des anciens Germains. Vue prise à Stuttgart lors d’une fête donnée dans cette ville projetée pour la première fois à Lyon le 18 Août 1896. La liste serait longue de tous ces films de moins de une minute tournés en Europe relatant les visites de chefs d'Etat dans d'autres pays afin de concrétiser des alliances militaires ou les défilés militaires, en Russie, Allemagne, Italie, France, Espagne, Autriche et ailleurs encore. L'Europe se préparait à la guerre et les populations subissaient déjà une campagne de communication en ce sens. Les nationalismes ont été exacerbés par tous les moyens. Le cinéma en était un nouveau et combien efficace!

Les films d'après la guerre ne montrent pas autre chose d'ailleurs. Abel Gance tourne J'accuse! en 1918 avant de le présenter en 1919 aux Français. Le point de départ de son film évoque bien l'attente des Français, et notamment des vétérans de 1870, pour la revanche contre l'Allemagne. "Mon Alsace Lorraine" trône en noir sur une carte de France, comme amputée à la patrie. La mobilisation se fait à coups de "hourra" et de drapeaux tricolores. Gance s'attarde bien sur le regard d'une mère qui comprend ce que la guerre signifie aussi: la perte de proches, père, mari ou fils.

Toujours en France, Raymond Bernard réalise en 1932 Les croix de bois qui reprend la même interprétation que Gance près de 15 ans plus tôt. Les jeunes Français font la queue pour pouvoir s'enrôler. L'élan patriotique est immense et les gares témoignent du soutien populaire à cette guerre.
Même vision patriotique chez les Russes. Dans son film La fin de Saint Petersbourg en 1927, Vlesovod Poudovkin présente d'ailleurs ce soutien populaire représenté par l'agitation du drapeau russe et les décorations florales ajoutées à la statue du Tsar Pierre le Grand comme un moyen pour le régime tsariste de mettre fin aux contestations sociales qui agitent le pays. Le patriotisme russe manipulé aux fins du tsarisme autoritaire, l'interprétation est bien entendu celle d'un cinéaste soviétique qui vient fustiger l'idée même de nationalisme. L'enthousiasme russe se voit également dans d'autres films comme Okraina en 1933 par Boris Barnet. Mais il se combine aussi à la tristesse des femmes de voir partir leurs époux, leurs fiancés ou leurs fils.

scène de tranchée dans Les Croix de bois
2. Une représentation de la guerre de tranchée identique
Que ce soit les films américains, français ou russes, tous montrent la guerre de tranchée comme un élément constitutif du particularisme de la Grande guerre. Des premières tranchées creusées rudimentairement dans La fin de Saint Petersbourg ou dans J'accuse à celles plus élaborées dans Charlot soldat de Chaplin en 1918 ou dans Les croix de bois. La description des tranchées est la même: espaces étroits, insalubres, humides. Tous montrent combien l'eau et le froid ont été d'autres ennemis des soldats, Chaplin multipliant d'ingéniosité pour faire rire avec l'eau de pluie s'accumulant au fond des tranchées. C'est bien évidemment aussi la promiscuité, le manque d'hygiène et la prolifération des animaux parasites dont aucun des films ne fait l'économie de la description, des Croix de bois à Charlot soldat. La promiscuité entraîne également le manque d'intimité, notamment lors de la réception des courriers de l'arrière. Ceux-ci semblent d'ailleurs être un élément fondamental du soldat de la Première guerre mondiale, lui donnant une raison de combattre plus grande que celle pour laquelle il est parti. Un des personnages des Croix de bois a beau être montré prêt à monter à l'assaut contre les Allemands sur image de bas relief de l'Arc de Triomphe de Paris, c'est bien parce qu'en fait il reçoit un courrier lui apprenant que son épouse a été capturée par les Allemands qu'il part à "l''abordage" de la tranchée allemande. Globalement, c'est la grande solidarité entre soldats des tranchées qui ressort, contrastant d'ailleurs avec l'autoritarisme ridicule des officiers imposant un protocole et une étiquette de plus en plus en décalage avec ce que vivaient les soldats, comme en témoignent de nombreux extraits.  Dans Les croix de bois, un officier reproche lors d'une inspection de soldats que ceux-ci aient les souliers sales!

Curieusement, et ceci est lui aussi un aspect particulièrement représenté dans les films, plus que les plans sur le matériel puissant mis en oeuvre dans cette guerre - il y a néanmoins des séquences ou des plans sur l'artillerie lourde - c'est bien la proximité de l'ennemi et l'éloignement de l'arrière qui est présenté, comme si les adversaires étaient plus proches entre eux, dans tous les sens du terme, que ceux de leur arrière. Dans un gag hilarant, Charlot reçoit un camembert qui manifestement vient de très loin et qui se transforme en projectile qui atterrit sur le visage d'un sous officier allemand particulièrement caricatural, petit et autoritaire. En un gag, Chaplin illustre bien l'éloignement de l'arrière (le camembert arrive très "fait") et la proximité avec l'ennemi. Cette proximité s'observe d'ailleurs dans les relations que les soldats de tous les camps ont vis à vis des autres. Quand l'assaut est donné par les Français dans un village, les Allemands hissant le drapeau blanc sont traités avec humanité. Dans La grande parade de King Vidor, un soldat américain aide un soldat allemand à mourir. Plus intéressant encore, dans A l'ouest rien de nouveau de Lewis Milestone, en 1930, les héros du films sont des soldats allemands. Le film renverse la notion même du camp des bons et de celui des méchants. En présentant ces soldats comme ceux jusqu'alors présentés, c'est-à-dire ceux des futurs pays vainqueurs, Milestone démontrait combien ces soldats avaient vécu le même enfer.

Cinématographiquement, cette guerre donne lieu à des représentations classiques de la guerre, l'ouest à gauche de l'écran, l'est à droite, notamment pour des films initialement de propagande comme Charlot soldat ou idéologiquement marqué comme J'accuse! d'Abel Gance. Mais très vite, ce code va exploser pour justement montrer que dans cette guerre, ceux qui combattent ne représentent pas un camp du bien et du mal. Dans Les croix de bois, il est très difficile de savoir d'où viennent les attaques et où sont les différents camps.



Dans A l'ouest rien de nouveau, les Français attaquent bien de gauche à droite, mais à la fin de l'assaut, quand ils débouchent sur la tranchée ennemie, ils arrivent par la droite de l'écran, comme si les Allemands étaient devenus symboliquement les Français. Ce renversement de représentation est d'ailleurs renforcé par des plans sidérants. Le spectateur se retrouve en effet tantôt face à la mitrailleuse allemande, comme les soldats français se faisant tuer "industriellement", puis le plan change radicalement d'angle, mettant le spectateur en lieu et place des soldats allemands devant faire face à l'assaut massif et sauvage des soldats français.

3. La guerre de mouvement
Ce que montre encore les films, ce sont les inventions sans cesse plus puissantes permettant la destruction du camp ennemi. Les armes devenues classiques se multiplient comme les mitrailleuses et les grenades, mais encore les mortiers et longs canons. Mais c'est également l'utilisation d'armes plus redoutables encore. Les gaz envoyés terrifiaient les soldats, autant ceux à qui ils étaient destinés que ceux qui les envoyaient. Cette terreur est montrée dans une attaque des héros de La grande parade, se hâtant de mettre leur masque pour foncer de plus belle dans l'inconnu. Chaplin représenta aussi le masque à gaz lorsque dans l'extrait sus mentionné, il découvre le camembert aux effluves agressives! Son premier réflexe est de mettre son masque, prouvant à quel point les soldats étaient conditionnés pour réagir face à cette arme, même si elle s'avérait bien peu utile face aux gaz moutarde qui avait surtout pour effet de brûler la peau. Ce gag vient aussi pour dédramatiser la guerre pour les spectateurs américains puisqu'il s'agissait au départ d'un film de commande!
Aux armes de plus en plus puissantes vient s'ajouter un équipement de plus en plus complet. Les croix de bois illustrent le passage du béret au casque, montrant combien la guerre allait durer. Mais c'est surtout dans les transports que la guerre allait évoluer, passant du tractage hippomobile que les films Lumière montraient encore avant guerre à l'utilisation de plus en plus massive des camions. Dans un plan très spectaculaire justifiant son titre, King Vidor présente dans La grande parade l'arrivée des troupes américaines dans une colonne vertigineuse de camions sur une longue route.
L'arrivée des Américains, outre l'apport de soldats "frais" s'accompagna de l'utilisation plus massive de véhicules automobiles et surtout de l'aviation, comme le montre aussi cette même séquence. C'est aussi une autre manière de concevoir le ravitaillement des troupes. Tandis que Les croix de bois montrait la difficulté d'apporter la soupe aux hommes du front, King Vidor filme en gros plan un des apports de l'armée américaine. Pas besoin en effet de l'approvisionner puisque chaque soldat disposait de conserves de Corned Beef. Les soldats pouvaient donc avancer sans attendre. Ce même film montre d'ailleurs aussi l'autre apport des Américains avec l'usage des chewing gums dans une séquence très drôle du héros apprenant à en mâcher un à une jeune Française!
Mais c'est bien sûr dans l'apport des chars que la guerre va définitivement devenir une guerre de mouvement. Dans un film soviétique très étrange, des chars allemands menacent un soldat russe (Débris de l'empire, F. Ermler, 1929). C'est un des très rares films montrant, et ce de manière très fugace, cette nouveauté technologique que représentèrent les chars et qui ont amené à sortir des tranchées. Pour compléter la description de cet extrait, le soldat russe court se protéger auprès d'un crucifix monumental. Or le Christ est lui-même protégé d'un masque à gaz. Et il n'empêchera pas le char allemand de détruire la croix!

Cette guerre de mouvement est donc sous plusieurs aspects, celui du mouvement du progrès technologique pour tuer et l'emporter sur l'autre, celui donc du mouvement au sens propre qui grâce à ces avancées technologiques vont amener les troupes à faire bouger les lignes de front, à l'Ouest comme à l'Est. Mais c'est aussi le mouvement au sein des alliances, les USA entrant en guerre auprès de la France et du Royaume -Uni tandis que la Russie tsariste renversée ne tardera pas à se retirer du conflit.

La grande parade: symbole de la puissance américaine
Pour les USA, La grande parade montre dans une séquence introductive combien la puissance économique américaine est croissante et s'appuie sur une industrie de plus en plus performante. La mobilisation de l'effort de guerre américain est montré dans cette séquence déjà évoquée. En 1925, King Vidor montre la séquence de l'enrôlement jeunes Américains qui présente le même enthousiasme patriotique que les films français! Mais par le biais de Charlot soldat, nous pouvons comprendre combien les USA avaient intégré la nécessité de mobiliser l'ensemble de la nation en présentant la guerre dans cet art populaire nouveau mais de plus en plus prisé de la population qu'était le cinéma.
Du côté russe, les films soviétiques se sont chargés de démontrer la culpabilité du régime tsariste puis de la révolution menchevik de février 1917 dans la conduite de la guerre dans le seul intérêt des puissants et des riches. Dans une séquence selon un montage en parallèle, La fin de Saint Petersbourg présente par analogie deux fronts, celui des tranchées, sur lequel meurent des soldats, russes ou allemands, et celui de la bourse, dans lequel les capitalistes s'affrontent pour vendre et acheter les actions des entreprises liées à la guerre. La classe ouvrière meurt, les femmes travaillent dans les usines et réclament du pain. La bourgeoise s'enrichit et profite de la guerre. De manière très efficace, Poudovkine rappelle que les attaques sur le front étaient réglées à la minute près, comme pour l'ouverture et la fermeture de la bourse. Cette proximité de destin des soldats des deux fronts se manifeste encore dans Okraina où le vrai ennemi du soldat russe n'est pas le soldat allemand puisque les deux meurent sur le front, mais le capitaliste qui spécule sur leur mort. Une séquence émouvante décrit des soldats allemands et russes se retrouvant entre les deux lignes de front en se jetant dans les bras des uns et des autres. Ces solidarités de classe sociale viennent conforter les bolcheviks. Dans une propagande classique, La fin de Saint Petersbourg affirme que la révolution menée par Lénine s'est faite avec le soutien de l'armée régulière qui abandonna le pouvoir "bourgeois". Ce même Lénine est montré dans Octobre de Sergei Eisenstein en 1928 en signant les décrets sur la paix et sur la distribution des terres aux paysans. La Russie sortait de la guerre.

Affiche de La fin de Saint Petersbourg
4. Une guerre sans vainqueurs mais des populations traumatisées
Pas de film montrant la fin du conflit, sauf pour La fin de Saint Petersbourg, à ceci près que ce film montre en fait la sortie de la guerre et le début du régime communiste. Tous les films montrent surtout que la guerre laisse des traces indélébiles pour la société, à commencer par les soldats eux-mêmes. A l'ouest rien de nouveau évoque les millions de morts, les traumatismes des soldats à revenir dans un monde civil coupé des réalités horribles du front. Ces vétérans comprennent combien les beaux discours nationalistes et les lauriers qui leur sont décernés sont des leurres. Tandis que les défilés des (sur)vivants se font en pleine guerre devant des villages peuplés de femmes et de vieillards, les réalisateurs montrent d'autres défilés, ceux des morts, que ce soit dans J'accuse! dans lequel la parade militaire sous l'Arc de Triomphe est doublée par un défilé de fantômes dans le ciel au-dessus de ce même arc, ou dans Les croix de bois avec la même symbolique. Les traumatisés sont amputés, d'un ou de plusieurs membres, ont vu mourir leurs amis qu'ils ont parfois utilisés pour se protéger. Ce rapport à la mort ne pouvait que bouleverser ces millions de soldats. Beaucoup ont compris à leur retour que les civils avaient vécu sans eux, profitant de leur absence pour refaire leur vie ou faire de l'argent sur le dos des familles victimes de la guerre. Le "J'accuse" anti-allemand de Gance devient un "J'accuse" la guerre, les fausses motivations pour la faire et tout ceux qui ont profiter de ce conflit. Aux USA, c'est aussi le cas bien que la guerre ait duré moins longtemps. Dans Je suis un évadé de Melvin LeRoy en 1932 qui décrit un vétéran devenu vagabond, celui-ci n'a plus que sa croix de guerre pour fortune. Dans une séquence poignante, le héros tente de la vendre et réalise qu'elle ne vaut plus rien, la caméra s'attardant sur un bocal rempli de ces mêmes croix de guerres. Dans Les fantastiques années 20 en 1939 (seul film ici d'après 1933), Raoul Walsh commence son récit par des séquences de la Première guerre mondiale avec son acteur principal, James Cagney. Celui-ci retourne au pays après la guerre (au passage découvre que la très belle pin-up qui lui écrivait pour lui soutenir le moral était une très jeune fille!) mais réalise que son emploi a été occupé depuis par d'autres qui ne sont pas partis en guerre. Mieux, ceux-ci lui reprochent d'avoir vécu aux frais du contribuables pendant deux ans!
Tous ces traumatismes, ces retours difficiles à la vie civile, ce désenchantement face à ce pourquoi ils étaient partis combattre se retrouvent, malgré les idéologies divergentes des pays de production, dans tous les films.
Il en ressort un pacifisme parfois naïf mais toujours sincère.

L'homme que j'ai tué
Ce conflit a surtout révélé la sauvagerie du conflit mais aussi et surtout sa folie. Dans L'homme que j'ai tué, Ernst Lubitsch présente en 1932 une séquence d'ouverture d'anthologie. L'action se passe en France, le 11 novembre 1919. La commémoration de l'armistice offre des images et des sons aux sens opposés. Alors que la fin des combats est célébrée, tout rappelle la guerre. Ainsi, et entre autres exemples, un prêtre demande à regarder vers l'avenir, mais Lubitsch s'attarde sur un vieillard. Le curé de réclamer d'oublier le passé, mais le vieillard a des médailles de guerre. Lubitsch montre donc qu'en réalité, aucune leçon n'a été tirée du conflit. Seul son héros est meurtri dans l'église et confesse avoir tué un homme, sans raison. Par un fondu, le spectateur se trouve plongé dans une attaque de tranchée et reconnaît le héros français. Il est un soldat. Quoi de plus "naturel" que de tuer pendant la guerre. Mais la différence est là. Tandis que les morts présentés dans les autres films sont des morts anonymes, sans visage, lui a accompagné ce soldat allemand dans la mort, l'aidant à finir d'écrire une lettre à ses parents. Cette séquence est d'une rare intensité et révèle justement la barbarie de cette guerre: le héros réalise qu'il savait lire l'allemand, que ce soldat était tout comme lui musicien et qu'il avait vécu à Paris. Deux hommes de deux nations différentes mais d'une même culture, d'une même civilisation.



Pour conclure cette analyse rapide, le cinéma d'avant 1933 a présenté la guerre sans réels vainqueurs et avec surtout des perdants: les sociétés européennes. De ces films ressortent l'idée du "plus jamais ça". Mais malgré les très nombreux films et livres ayant montré l'atrocité de cette guerre, ils n'ont pu empêcher qu'une autre, plus meurtrière et plus barbare encore n'ait lieu. Une preuve encore que le cinéma ne change rien. Il témoigne de l'état d'une société à un moment donné. Abel Gance allait refaire son J'accuse!  en 1938, un film parlant et cette-fois ci clairement anti-allemand. C'était le même Abel Gance qui filmait les mensonges des discours patriotiques à la fin de son film de 1919. Mais ce n'était plus la même époque, ce n'était plus la même Allemagne...

A bientôt

Lionel Lacour