Affichage des articles dont le libellé est Documentaire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Documentaire. Afficher tous les articles

mercredi 6 octobre 2021

Lumière 2021 - Quand certains "cartoons" furent bannis par Hollywood

 

Bonjour à tous

Après le documentaire sur l'histoire de l'animation française, le festival Lumière programme le dimanche 17 octobre un autre documentaire sur cet autre cinéma que représentent les dessins animés. Dans Cartoon bannis, Michel Lerokourez évoque la production américaine des courts métrages qui ont fait la réputation du savoir faire américain. 

Rappelant l'origine française de l'animation, le documentariste montre combien le cinéma américain et les studios hollywoodiens ont compris tout l'intérêt de ce genre cinématographique pour des spectateurs avides de spectacles originaux, courts et en préambule des longs métrages. 

Les moins jeunes se feront alors un plaisir de redécouvrir à la fois des personnages mythiques comme Felix le chat, Betty Boop ou Woody Wood Pecker, mais également des noms qui étaient synonymes de dessins-animés, de Walt Disney à Walter Lanz en passant par la doublette Hanna et Barbera.

Ce que Michel Lerokourez met cependant en avant, au-delà de cette myriade de créateurs et producteurs de "cartoons", c'est que certains d'entre eux reprenaient les clichés racistes ou antisémites de l'époque. Les noirs caricaturés et réduits souvent à des pratiques cannibales ont peuplé l'imaginaire des Américains. Le plus intéressant est pourtant ce que rappelle le réalisateur. En effet, certains de ces cartoons ont été jugés rapidement comme racistes, surtout dans l'immédiate après seconde guerre mondiale. Si bien que certains d'entre eux ont dû être corrigés, amputés voire simplement supprimés du catalogue du studio. 

Cette recherche en traces racistes sous toutes ses formes continue aujourd'hui comme le rappelle Michel Lerokourez, notamment dans les films Disney de longs métrages. Mais le spectateur comprend rapidement que le procès en racisme anti-asiatique pour les chats siamois de La belle et le clochard relève d'une accusation bien ridicule contrairement à la représentation des noirs avec un os dans les cheveux des multiples cartoons, quelques soient les studio de production.

Le documentaire balaye dont les diverses thématiques couvertes par les réalisateurs de cartoons jusqu'à la fin des années 1940 y compris la propagande anti-nazie et nippone, faisant aujourd'hui débat et étant frappés de bannissement de la part des grand studios mais aussi des chaînes de télévision. Plus que jamais, Michel Lerokourez rappelle que le cinéma d'animation s'adresse aux adultes autant qu'aux enfants et qu'il peut être tout autant subversif que porteur de clichés, pour le meilleur comme pour le pire. S'inscrivant dans une période de l'histoire dont certains aspects sont aujourd'hui condamnés, les cartoons n'en demeurent pas moins le témoignage des années 20 aux années 40, témoignage tant de la société américaine que du foisonnement créatif hollywoodien.

DIMANCHE 17 OCTOBRE - 14H15 - Institut Lumière Salle 2

Cartoon Bannis de Michel Lerokourez (1h01)

Réserver

mardi 5 octobre 2021

Lumière 2021 - "Sous le soleil de Pialat", pour (re)découvrir le cinéaste français

 Bonjour à tous

Le photographe William Karel a donc été de presque tous les films du cinéaste Maurice Pialat. Il a réussit à faire de cette proximité physique, artistique et affective un point de vue très pointu et nuancé sur le réalisateur de Sous le soleil de Satan.

Biographie presque classique puisque son documentaire suit scrupuleusement la chronologie du parcours artistique de Pialat, de ses désirs de devenir peintre jusqu'à ses presque derniers instants, elle est également une analyse moins des films que de leurs conditions de création.

Il en ressort alors un portrait d'un homme tourmenté à la fois par sa propre vie, Pialat introduisant de sa propre vie dans chacun de ses films, à quelques rares exceptions près, mais également par sa volonté de se détacher de la reproduction factice d'un réel par un jeu de comédien trop bien huilé. Serge Toubiana, l'ancien directeur de la Cinémathèque le résume d'une formule à la fois convenue mais particulièrement vraie pour Pialat qui ne voulait pas voir les acteurs "jouer" mais "être" le personnage qu'ils interprétaient.

De fait, le documentaire montre beaucoup cette sorte de schizophrénie de Pialat, devant à la fois composer avec les contraintes techniques et économiques de la production d'un film et son désir de saisir l'instant le plus "vrai" du jeu des comédiens, leur demandant un naturel jusqu'à les pousser cruellement au-delà de leurs limites. De ce point de vue, William Karel n'épargne pas le cinéaste dont on sent pourtant toute l'admiration qu'il éprouve à son endroit. Les témoignages de Nathalie Baye ou de Sophie Marceau sont saisissants sur ce que recherchait Pialat. D'ailleurs, même avec Depardieu, les débuts furent difficiles. Et Sandrine Bonnaire de confirmer toute l'ambiguïté des relations de travail avec celui qui fut son mentor.

Le documentaire de William Karel donne ainsi à voir un homme tourmenté durant ses périodes créatives, recherchant un absolu comme le personnage de Depardieu dans Sous le soleil de Satan, aspirant à la fois à la popularité tout en n'hésitant pas à cliver, comme lorsqu'il reçut la Palme d'or en 1987. Au public dont une partie le sifflait, Pialat lançait calmement "Si vous ne m'aimez pas, sachez que je ne vous aime pas non plus". Cette sincérité d'écorché vif ne peut au contraire qu'attendrir et le faire aimer, même après sa mort en 2003. Mais ça, il le savait déjà.


JEUDI 14 OCTOBRE 2021 - 17H45 - Institut Lumière Salle 2

Sous le soleil de Pialat (52 min, 2021) de et en présence de William Karel, accompagné par Sylvie Pialat

Réserver


samedi 2 octobre 2021

Lumière 2021 - Un documentaire sur le producteur anglais Jeremy Thomas

Bonjour à tous

En 2016, Jeremy Thomas était déjà venu au Festival Lumière pour donner une Master Class. Cinq ans plus tard, c'est un documentaire lui étant consacré qui sera projeté dans la même salle.

Pendant 1h30, le documentariste cinéphile et cinéphage qu'est Mark Cousins, le réalisateur en 2011 de The Story of film: an Odyssey  (série documentaire de 15 épisodes retraçant plus de 100 ans d'histoire du cinéma), nous propose un autre voyage, celui qui mène de Londres à Cannes, pour ce producteur aux films multi-récompensés.

Les spectateurs pourront alors découvrir celui qui produisit récemment le Pinocchio de Matteo Garrone, accompagna à cinq reprises Bernardo Bertolucci dont le multi-oscarisé Le dernier empereur, travailla avec le fantasque Terry Gilliam, fit sensation à Cannes avec le Furyo de Nagisa Oshima ou avec Crash de David Cronenberg.

Cet entretien au long cours permet ainsi d'aborder les réflexions de Jeremy Thomas sur son travail, sur le cinéma, sur son rapport au sur le cinéma contemporain tout comme à l'histoire du cinéma. En ce sens, l'étape à Lyon que montre le documentaire est majeure car la ville est à la fois le berceau du cinéma et épicentre du Festival Lumière. Cela revêt ainsi un caractère particulier puisque le lien est fait entre le festival de Cannes qui a sélectionné si souvent des films produits par Jeremy Thomas et le festival Lumière, plus grand événement mondial consacré aux films de patrimoine parmi lesquels se trouvent désormais ces mêmes films naguère projetés au Palais des Festivals vers la Croisette.

Si A Story of films accumulait des centaines d'extraits de oeuvres cinématographiques les plus importantes depuis Sortie d'usine de Louis Lumière, créant un effet quasi orgiaque d'images montées les unes aux autres, ce dernier documentaire de Mark Cousins permet au contraire de donner aux amateurs du 7e art de comprendre que le cinéma est certes un travail de cinéastes et d'artistes, mais que derrière ces réalisateurs, parfois de génie, se cachent des producteurs capables de leur permettre d'exprimer tout leur talent. 


VENDREDI 15 OCTOBRE - 16h30 Institut Lumière Salle 2

The Storms of Jeremy Thomas de Mark Cousins (2021 - 1h34) 

En présence de Mark Cousins et Jeremy Thomas 

Réserver

jeudi 30 septembre 2021

Lumière 2021 - "L’Animation française, cet autre cinéma" de Mickaël Royer

 

Bonjour à tous,

L’animation est une invention française qui précède le cinématographe Lumière. C’est sur ce fait historique que le documentaire de Mickaël Royer commence. Suit une histoire de l’animation  en France jusqu’à aujourd’hui faisant d’elle le 3e producteur mondial de ce genre cinématographique. 

Pourtant, comme le rappelle le documentariste, l’animation, bien qu’imaginée d’abord dans l’hexagone, va être cannibalisée par les USA, et essentiellement par un génie tant du cinéma que du commerce, Walt Disney.

Mickaël Royer décrit alors comment le cinéma d’animation français va se construire lentement, autour de quelques personnes seulement, dont Paul Grimault fut l’une des figures majeures de ce cinéma dans l’immédiate après-guerre.

Face cachée, voire méprisée du cinéma, l’animation à la française a dû affronter un milieu qui ne jurait que par les films en prisés réelles. Mais il s’est aussi retrouvé dans des débats internes sur la cible des films (pour enfants ou pour adultes), ou sur les techniques de création, notamment avec l’arrivée de l’image numérique.

Extrêmement bien fourni en archives et en interviews d’auteurs, producteurs ou spécialistes de films français d’animation, le documentaire de Mickaël Royer satisfera sans aucun doute ceux qui ignorent tout de l’histoire de ce cinéma tout en faisant un état des lieux lucides et plein d’espoirs pour ceux travaillant déjà ou aspirant à entrer dans l’aventure du cinéma d’animation. En ce sens, le documentaire montre que la France à tous les atouts grâce à des écoles de talents permettant régulièrement aux films français d’être nommé aux Oscars.

LUNDI 11 OCTOBRE 18H – INSTITUT LUMIERE SALLE 2

DOCUMENTAIRE L’Animation française, cet autre cinéma (2021, 1h) de et en présence de Mickaël Royer (1h)

Réservation

samedi 25 septembre 2021

Lumière 2021 - "Jacques Tati, tombé de la lune", un documentaire pour l'Oncle du cinéma français

Bonjour à tous,

Beaucoup de documentaires ont été consacrés au génie français. Il est vrai qu'en très peu de films, il a su imposer un personnage, des situations qui connus parfois par les générations nées après sa mort.

Le documentaire de Jean-Baptiste Péretié va pourtant plus loin que l'analyse des films ou du personnage. Grâce à la collaboration des héritiers de Jacques Tati, le documentariste a réussi à proposer une lecture à la fois chronologique de la carrière du cinéaste mais également une analyse de ses ambitions artistiques. Ainsi, le spectateur suit les débuts de Tati comme comédien jusqu'à la fin de sa carrière de réalisateur, tout en comprenant comment il a de manière obsessionnelle travaillé sur l'observation de la société et ses mutations. 

Cette collaboration avec "Les films de mon Oncle" permet à Jean-Baptiste Péretié des ressources qui raviront les fans du cinéaste, retrouvant des extraits riches et souvent magiques de ces films qui ont tous laissé des souvenirs passés pour certains dans une mémoire collective. Mais plus émouvant, c'est bien les images d'archives, les interviews de Tati aux différentes périodes de sa carrière qui font la richesse du documentaire. De ses prix remportés à Cannes ou à Hollywood à sa folie créatrice pour la réalisation de Playtime, chaque image périphérique aux films eux-mêmes donne une épaisseur au réalisateur de Mon oncle, faisant de lui un véritable démiurge perdu dans un monde qui n'était déjà plus tout-à-fait le sien.

Enfin, que ce soit ceux qui connaissent son oeuvre ou ceux plus jeunes qui la découvriraient, le documentaire montre combien la vision du futur proposée par Tati était à la fois mélancolique, poétique mais également très critique sur une évolution reléguant les relations humaines au second plan, ne passant plus que par des outils de communication moderne. Les extraits choisis par Jean-Baptiste Pérétié créent d'ailleurs un certain trouble car certains datent de plus de 60 ans et ce qui y est décrit ressemble parfois à l'environnement urbain ou technologique de ce début de XXIe siècle. 

Le documentaire de Jean-Baptiste Péretié est donc moins un bain de jouvence que le constat qu'un artiste, mime, clown et cinéaste, pouvait sentir le sens du progrès et les transformations qu'il allait apportées, pour le meilleur ou le pire.


MERCREDI 13 OCTOBRE - 16h45 - Institut Lumière Salle 2

Jacques Tati, tombé de la lune de et en présence de Jean-Baptiste Péretié (1h, VFSTA) 

Réservation


vendredi 24 septembre 2021

Lumière 2021 - Ida Lupino à l'honneur !


Bonjour à tous

Les hasards de la production ont amené cette année à la réalisation de deux documentaires sur l'actrice-réalisatrice-productrice Ida Lupino, projetés en avant-première au Festival Lumière.

Certains pourraient se dire que voir l'un des deux suffira. En réalité, les deux sont absolument complémentaires. 

Celui réalisé par Géraldine Boudot insiste sur la carrière de l'actrice avant qu'elle ne devienne réalisatrice quand celui de Clara et Julia Kuperberg mettent en avant surtout sa spécificité d'être une des rares femmes à Hollywood à produire des films. Ainsi, même si les deux documentaires mêlent parfois des archives ou des extraits communs, l'angle abordé est très différent.

Le traitement l'est également avec là encore un point commun. Les deux font parler Ida Lupino. Mais si Géraldine Boudot choisit d'incarner l'actrice américaine dans une décor de cinéma - celui de la Ciné-Fabrique à Lyon et de la faisant raconter sa vie avec la voix rauque et grave d'Anna Mouglalis, Clara et Julia Kuperberg la font également parler mais cette fois-ci sur des archives et à partir des textes de l'autobiographie de l'actrice.

Deux traitements différents, deux approches différentes et également des expertises différentes. En effet, Géraldine Boudot a recours à des spécialistes français du cinéma américain parmi lesquels un ami du festival, Antoine Sire, auteur en 2016 du livre référence Hollywood, la cité des femmes. Au contraire, Clara et Julia Kuperberg, à l'instar de leurs documentaires précédents, proposent encore deux experts américains d'Ida Lupino.

Les deux documentaires donnent ainsi un regard croisé sur cette actrice, qui ne s'est jamais revendiquée comme cinéaste féministe mais qui fut si inspirante pour nombre de femmes artistes du cinéma. Ils montrent à la fois son importance dans la production filmique en osant aborder des sujets sensibles comme l'avortement ou le viol, insistant sur ses qualités de jeu tout comme celles esthétiques dans la réalisation. Ils confirment surtout que son talent ne consistait pas d'être une femme parmi tous ces réalisateurs mais bien une précurseur d'un cinéma plus social qui allait être repris bien des années plus tard, aux USA comme ailleurs.


Salle 2 - Institut Lumière

DIMANCHE 10 OCTOBRE 2021 - 14H30 

Ida Lupino, la fiancée rebelle d'Hollywood de et en présence de Géraldine Boudot

Réservation

SAMEDI 16 OCTOBRE 2021 - 18H 

Gentleman et Miss Lupino de et en présence de Clara et Julia Kuperberg

Réservation

mercredi 22 septembre 2021

Lumière 2021 - Un documentaire sur le film mythique "¡ Que Viva Mexico !"

 

Bonjour à tous.

Tous les cinéphiles aimant le cinéma d'Eisenstein savent qu'il est allé au Mexique pour y tourner un film connu sous le nom de  ¡ Que Viva Mexico ! Mais qui en sait plus? Qui en a vu seulement des images? Peut-être certains pensent que ce film n'est pas ressorti en salle depuis qu'il a été montré la première fois ou qu'ils sont passés à côté?

Claudia Collao revient donc au Festival Lumière pour présenter un deuxième volet consacré aux films "maudits". Et après son excellent documentaire consacré aux Rapaces d'Erich Von Stroheim, c'est donc à ce film d'Eisenstein qu'elle a décidé de se consacrer.

Ceux qui auront vu le premier voler y reconnaitront la structure. Un rappel de qui est Sergei Eisenstein avant son départ pour les Amériques, puis la partie production du film et enfin la postérité de l'oeuvre, forcément maudite. Mais il ne faut pas y voir une facilité dans l'écriture. Au contraire, en adoptant un découpage similaire, Claudia Collao permet à ses spectateurs de bien identifier cette série. D'autant qu'elle n'adopte pas le même procédé opposant deux figures s'affrontant, Von Stroheim faisant face à son producteur. Non, dans  Europa maudits : ¡ Que Viva Mexico ! Claudia Collao nous plonge dans la puissance créatrice du plus grand maître du cinéma soviétique, mais aussi dans ses envies de libertés artistiques comme personnelles.

Des spécialistes brillants accompagnent et étayent la réflexion de la réalisatrice et nous permettent d'appréhender tout autant le génie du cinéaste, le contexte historique dans lequel il a dû travailler, tant dans l'Union soviétique de Staline qu'avec Hollywood, les conditions économiques de production d'un film qui différaient selon que le film était fait dans une logique de propagande d'Etat ou financé par des fonds privés. 

Mais derrière ce film maudit dont Claudia Collao nous retrace l'histoire, c'est bien en réalité un portrait de Sergei Eisenstein qui surgit de ce documentaire. Celui d'un homme qui a été sans cesse tiraillé par son désir de travailler dans un idéal communiste tout en étant contrôler par un pouvoir se méfiant des libertés que s'accordait le cinéaste. 

Un documentaire particulièrement brillant donc qui donne à la fois envie de voir les images de ce film inachevé mais également de voir ou revoir ses autres films sous un angle nouveau. Celui d'un cinéaste tout autant admiré que censuré, en URSS comme dans le monde entier.

VENDREDI 15 OCTOBRE - 9h30 DOCUMENTAIRE 

Europa maudits : ¡ Que Viva Mexico ! (2021, 52 min) de et en présence de Claudia Collao 

Réservation

mardi 21 septembre 2021

Lumière 2021 - "Casser la baraque – L’âge d’or du Blockbuster américain 1980 – 2000"

 

Bonjour à tous

Il est de bon ton de critiquer le cinéma dit « Blockbuster » aujourd’hui. Mais Nicolas Billon, le réalisateur de ce documentaire enthousiasmant, fait un travail enthousiasmant en nous rappelant à la fois les origines de ces blockbusters (jusqu’à l’étymologie), la diversité de ce type de films et son dévoiement depuis la surexploitation des superhéros semblant supplanter ce qui pourrait presqu’être appelé un genre.

S’appuyant sur de vrais spécialistes (critiques de cinéma, réalisateurs, universitaires), le documentaire égraine une filmographie riche en œuvres qui ont marqué à la fois les spectateurs les ayant vus en salle mais également l’histoire du cinéma. A commencer par le pionnier des films ayant été considéré comme un blockbuster, Les dents de la mer réalisé par celui qui allait devenir la référence absolue, Steven Spielberg.

Ce que le documentaire de Nicolas Billon transmet est une réflexion sur ce qu’est le cinéma populaire, s’appuyant sur des acteurs devenus des stars parce qu’ils incarnaient des héros de ce type de films (Arnold Schwarzenegger, Tom Cruise etc.), et proposant de vraies thèmes de société sur un traitement mêlant effets spéciaux parfois énormes et minimalisme de l’intrigue. Ainsi en est-il des films de Paul Verhoeven ou de James Cameron. Mais le réalisateur montre aussi combien ce cinéma touchait des publics variés, de part et d'autre de l'Atlantique, car le discours de ces films avait une portée universelle.

Le documentaire aborde aussi les techniques de réalisation permettant de rendre de plus en plus spectaculaires des films étant avant tout des grands spectacles familiaux – avec un focus sur Les Gremlins – ou pour un public plus âgé en recherche de sensations fortes – ou on retrouve Spielberg avec Jurassic Park. Nicolas Billon montre que cette débauche d’effets spéciaux correspondait aussi à la mutation technologique du cinéma faisant de plus en plus appel à la numérisation de l’image permettant de produire des images non réalisables autrement que par un traitement informatique. Pour le meilleur comme le pire.

Pour tous ceux qui ont grandi avec ces blockbusters dans les années 80 et 90, ce documentaire est une madeleine de Proust qui réhabilite nombre de films parfois méprisés par la critique à leur sortie. Pour les plus jeunes, ils découvriront combien les cinéastes pouvaient être imaginatifs, créatifs et divers pour proposer des films dont les héros n’avaient pas forcément des super pouvoirs et surtout, horreur absolue, étaient très genrés !

Mardi 12 octobre - 14h15 - Salle 2 Institut Lumière

Casser la baraque – L’âge d’or du Blockbuster américain 1980 – 2000 (2021, 52 min) 

de et en présence de Nicolas Billon

Réservation

Lumière 2021 – « Trintignant par Trintignant », un portrait subtil

 Bonjour à tous

Avec Trintignant par Trintignant, Lucie Cariès réalise un documentaire révélant toute la délicatesse d’un acteur dont elle révèle aussi, non pas une part sombre, mais la complexité de celui qui fêtera ses 91 ans le 11 décembre prochain.

Pas de voix off hormis celle de Jean-Louis Trintignant qui est le seul témoin invité à parler de lui, accompagné d’innombrables archives. La réalisatrice construit son documentaire de manière à la fois chronologique mais également de manière thématique, des tous débuts de la carrière de l’acteur à son dernier film Amour, intégrant la citation de Jacques Prévert lors de la remise de la Palme d’Or à Michael Haneke.

Audacieux dans la forme, le documentaire de Lucie Cariès est tout sauf une hagiographie mais bien un regard sur ce qu’est un acteur de la dimension de Trintignant, aîné de la génération d’acteurs des Delon et Belmondo. Ecartelé entre ses doutes, ses névroses, ses malheurs, son soi réel et l’image qu’il renvoie de lui. Trintignant se révèle sans concession à son égard et pas seulement maintenant qu’il s’est retiré du monde artistique. La réalisatrice a su agréger des archives confirmant toute l’ambivalence de celui qui pouvait être un père à la fois tendre et cruel, de celui qui s’est découvert une passion pour la course automobile tout en étant un expert du poker.

Trintignant  Finalement, Trintignant par Trintignant est presque un documentaire résume ce que devrait être un acteur : un artiste qui sait quand et comment tricher, quitte à se faire saigner en s’enlevant les croutes de ses plaies.

Lundi 11 Octobre - 14h15 - Institut Lumière - Salle 2

Trintignant par Trintignant (2021) de et en présence de Lucie Cariès

Réservations

 

 

mardi 1 octobre 2019

Lumière 2019 - "Memories - retour sur les lieux des crimes": une enquête cinématographique


Bonjour à tous,

À l’occasion de la venue de Bong Joon-Ho au Festival Lumière, le documentaire Memories, retour sur les lieux des crimes réalisé en 2018, produit par La Rabbia et diffusé par OCS, revient sur cette histoire vraie qui fut à l’origine du film du cinéaste Memories of murder réalisé en 2003.

Les admirateurs de Bong Joon-Ho seront comblés par ce documentaire, fait d’interviews du cinéaste lui-même mais aussi de nombreux membres de l’équipe de tournage. En voyageant en Corée du Sud sur les lieux réels des crimes perpétrés, le réalisateur du documentaire, Jésus Castro-Ortega, permet  de saisir ce que peut être la société coréenne et propose de comprendre le travail du cinéaste qui se livre au-delà même des questions cinématographiques.

De ce documentaire ressort aussi une complicité entre les deux hommes qui se connaissent depuis 2006 donnant lieu à d’autres documentaires sur les films de

jeudi 19 septembre 2019

Lumière 2019 - "Paper screen: du roman à l'écran", une histoire de cinéma

Bonjour à tous

Mardi 15 octobre 2019 à 14h30 sera projeté dans la salle 2 de l'Institut Lumière le documentaire de Pascale Cuénot (une habituée du festival) et de Léo Boudet. Paper screen: du roman à l'écran est une immersion à la fois théorique et extrêmement concrète de la difficulté d'adapter des romans au cinéma. Car le 7ème art s'est nourri depuis toujours du matériau romanesque que la littérature propose aux scénaristes et le Festival Lumière a régulièrement invité des auteurs de romans dont les œuvres ont été portées à l'écran. Régulièrement des cinéastes ont évoqué leurs envies d'adapter des livres pour en faire un film, à commencer par Michael Cimino lors d'une Master Class devenue légendaire pour les festivaliers ayant eu la chance d'y participer et durant laquelle il évoquait son envie, hélas irréalisable selon lui, d'adapter La condition humaine d'André Malraux.

La force de Paper screen: du roman à l'écran est donc de montrer comment les scénaristes et réalisateurs s'emparent de la littérature pour transformer un récit, roman ou pièce de théâtre, pour en faire une histoire de cinéma. S'appuyant sur de nombreux témoins directs, on découvre ainsi les différentes mécaniques mises en œuvre pour s'approprier la source originale et la transcrire en une œuvre différente, quitte à faire grincer l'écrivain ayant cédé ses droits.

Les exemples raviront les spectateurs puisque nous découvrons comment Coppola, prix Lumière 2019, s'est emparé du livre de Mario Puzzo sorti en 1969 pour en faire une adaptation sortie en 1972 et devenue aujourd'hui plus mythique que le roman lui-même et faisant entrer le réalisateur dans le cercle fermé des monstres du cinéma.

De L'amant de Jean-Jacques Annaud à Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, les rapports entre scénaristes/réalisateurs et auteurs/livres y sont disséqués avec parfois des conflits pittoresques montrant la difficulté de transcrire en image ce qui est écrit au fil des pages. De ce point de vue, les anecdotes de Jean-Claude Carrière, ayant adapté L'insoutenable légèreté de l'être ou Cyrano de Bergerac sont précieuses pour saisir les spécificités des langages de ces deux arts si proches et si éloignés en même temps.

C'est donc un documentaire formidable qui est proposé aux festivaliers car il permet de saisir en fait la genèse de la création des films puisque plus de 80% des films sont des adaptations d'œuvres pré-existantes.

Paper screen: du roman à l'écran - Mardi 15 octobre 2019 - 14h30 - Salle 2 Institut Lumière
En présence des réalisateurs
Pour en savoir plus sur le documentaire
http://www.festival-lumiere.org/manifestations/paper-screen.html
Informations complémentaires: 04 78 78 1895
Pour réserver en ligne:
Billetterie


À très bientôt
Lionel Lacour

mardi 9 octobre 2018

Lumière 2018: "FTA", un documentaire sur Jane Fonda, militante anti-guerre du Vietnam


Bonjour à tous

En 1972, Jane Fonda est désormais une des plus grandes stars du cinéma mondial. Elle a joué pour René Clément avec Alain Delon dans Les félins, avec Arthur Penn pour La poursuite impitoyable, avec Sydney Pollack pour On achève bien les chevaux.
Dès 1971, elle participe à une tournée aux USA avec l'acteur Donald Sutherland, son partenaire dans Klute d'Alan J. Pakula,  se rendant avec d'autres artistes militants de garnisons militaires en garnisons militaires, d'abord aux USA puis dans les bases du Pacifique avec un slogan: "FTA", abréviation aux multiples significations, allant de "Free THeater Associates" à "F*** The Army".


Lumière 2018: "In the tracks of Alexandre Desplat"


Bonjour à tous

Alexandre Desplat fait partie de ces compositeurs très prolifiques pour le cinéma et travaillant pour des cinéastes de tous les horizons. De Roman Polanski à Jacques Audiard en passant par George Clooney, Gilles Bourdos, Stephen Frears et tant d'autres encore. 
Dans In the tracks of Alexandre Desplat, Pascale Cuénot nous fait découvrir la passion qui anime ce compositeur, deux fois oscarisé (pour The grand Budapest hotel de Wes Anderson et The

jeudi 4 octobre 2018

Lumière 2018 - "Rien n'est jamais gagné": un portrait du producteur Jean-Louis Livi

Bonjour à tous

Jeudi 18 octobre sera projeté pendant le Festival Lumière Rien n'est jamais gagné dans la Villa Lumière.  C'est un documentaire qui touchera tous ceux qui aiment les coulisses de la production des films ou pour ceux qui souhaitent comprendre le miracle du cinéma, celle de la genèse d'une œuvre.
Avec Rien n'est jamais gagné, Philippe Le Guay, réalisateur de Le coût de la vie ou de Alceste à

mercredi 3 octobre 2018

Lumière 2018 - Redécouvrir Peter Bogdanovich:"One day still yesterday"

Bonjour à tous

Peter Bogdanovich sera certainement l'un des invités majeurs du dixième Festival Lumière. Et sa venue sera accompagnée d'une programmation de ses films mais aussi d'un documentaire lui étant consacré, One day still yesterday, projeté le vendredi 19 octobre 2018 à 14h45 à la Villa Lumière (Salle 2 de l'Institut Lumière).

Quand Bill Teck réalise en 2014 ce documentaire, au sous-titre révélateur (Peter Bogdanovich et le film perdu), il revient sur la deuxième partie de carrière d'un cinéaste culte des années 70

mardi 2 octobre 2018

Lumière 2018: Orson Welles en un documentaire majeur

Bonjour à tous

Le nom d'Orson Welles résonne pour tous les cinéphiles. Depuis son premier film Citizen Kane, le cinéaste s'est d'emblée imposé comme un des plus grands cinéastes de l'Histoire du Cinéma. C'est donc ce personnage gargantuesque qui est au cœur du documentaire They'll love when I'm dead réalisé par Morgan Neville et qui sera projeté à la Villa Lumière (Salle 2 de l'Institut Lumière le mardi 16 octobre 2018 à

mercredi 26 septembre 2018

Lumière 2018 - Robert Enrico raconté par son fils

Bonjour à tous

Mardi 16 octobre, à 11h15 dans la salle 2 de l'Institut Lumière, Jérôme Enrico viendra présenter son documentaire  Robert Enrico - Bref passage sur la Terre qu'il a consacré à son père.
Le cinéaste fait partie de cette histoire du cinéma français pour avoir travaillé avec les personnalités qui ont fait les beaux jours des salles obscures. Ventura, Noiret, Delon, Bourvil et bien d'autres encore. Souvent classé comme un

vendredi 1 décembre 2017

"12 jours": l'art assez vain du cinéma photographique

Bonjour à tous

Ce mercredi 29 novembre est sorti le nouveau documentaire de Raymond Depardon, tourné entièrement dans l'hôpital psychiatrique du Vinatier, près de Lyon. Plusieurs mois de tournage pour filmer ce que peu de monde a pu voir. Ce moment désormais obligé par la loi de valider par un juge un placement en hôpital psychiatrique.
Depardon est d'abord un photographe. Mais s'il sait utiliser un dispositif cinématographique, s'il fait pourtant du cinéma par exemple par l'utilisation du format "scope", la question est bien de savoir s'il est véritablement un cinéaste au sens classique.

Ainsi, son format large, incongru pour filmer des entrevues entre un interné, son avocat et un juge, prend tout son sens quand il filme les séquences placées entre chacun des entretiens. Plan séquence dans les couloirs d'hôpital devenu labyrinthe, plan sur un hospitalisé fumant à l'extérieur de sa chambre, plan sur les extérieurs de l'hôpital sous la brume...

Bande Annonce:


Pour ce qui est du contenu propre, Depardon propose une série d'entretiens qui sonnent comme autant de portraits d'internés ayant des profils tous différents, étant hospitalisés pour des motivations différentes. On peut frémir à l'idée que certains puissent un jour sortir de cet hôpital. On peut aussi redouter d'être soit même victime d'un internement non consenti. Mais ce qui ressort de ces multiples séquences, c'est bien le rôle du juge des libertés et de la détention dont la présence est liée à l'obligation faite par la loi du 27 septembre 2013 imposant à la justice de vérifier sous 12 jours la conformité d'un internement sans consentement en hôpital psychiatrique. Or ce que le spectateur peut ressentir est bien une certaine gêne. En effet, dans tous les exemples proposés, le juge valide l'internement, se déclarant, et c'est bien légitime, incompétent dans le domaine de la médecine, et ne jugeant que par le respect de la procédure mise en œuvre pour l'internement. Et si la présence de l'avocat de l'interné semble faite pour protégé ce dernier, il apparaît manifeste que celui-là découvre le cas de celui-ci presque au dernier moment. Et que la plupart du temps, il ne fait que confirmer le dossier et la décision du juge.
Le spectateur ne peut donc être que troublé car il comprend que seul un vice de procédure peut faire ressortir un interné. Et que s'il y a appel de la décision, comme il y est fait mention, cet appel ne semble pas reposer sur une possible contre-expertise médicale. Et c'est bien ce qui peut surprendre. Car en aucun cas l'idée d'un internement abusif n'apparaît - même si les cas présentés laisse penser que ces internements ne sont pas abusifs. Quid d'une procédure parfaitement légale dans la forme mais fausse quant à la motivation?

Depardon filme donc ces internés mais aussi les juges. Ils sont peu nombreux à se succéder à l'écran et des personnalités différentes apparaissent. Si chacun lit ou s'appuie sur le même droit, cela n'empêche pas une approche différente des cas qui sont présentés. En revanche, un point commun surgit à l'écran. Tous les juges, hommes comme femmes, jeunes ou plus expérimentés, s'adressent aux internés avec un vocabulaire technique et élaboré souvent incompréhensible pour ces personnes. On rit à les entendre demander de répéter ce qui a été dit, pour comprendre. On devance même parfois ces demandes. Mais après le rire, c'est bien les difficultés de communication de la justice vis-à-vis des justiciables qui se posent. Car si les spectateurs comprennent ce que disent les juges dans ce film, ils se projettent très facilement dans le fait que, dans d'autres circonstances, ils pourraient être dans la situation des internés. Cette rupture de niveau de langue, malgré quelques efforts des juges pour mieux se faire comprendre, est manifestement aussi un problème pour la compréhension d'une décision de justice. Et à l'écran, les juges deviennent des détenteurs de pouvoirs autres que ceux de leur seule fonction. Ils sont les "sachants" dépositaires du droit, validant des décisions d'autres "sachants" dont le vocabulaire peut sembler tout aussi incompréhensible pour les personnes qui se sentent victimes de ces internements.

Depardon filme mais il ne donne pas son point de vue. Il n'est pas celui qui interroge les internés. Tel un photographe mais au dispositif plus ambitieux, plus lourd, plus présent, il témoigne de ces audiences réalisées dans l'hôpital psychiatrique. Certes certains peuvent prétendre que le point de vue de Depardon passe par le montage, par l'assemblage des différents cas, allant de cas plus légers à des cas parfois très lourds, ayant entraîné des meurtres. Cette progression serait alors là pour justifier les décisions finales des juges, dont la validation des internements demandés et confirmés par les autorités médicales contribuerait à la protection de la société comme des internés?
Pas si sûr. Les séquences intermédiaires, accompagnées magnifiquement par la musique d'Alexandre Desplat,  présentent des internés dont l'humanité semble être réduite du fait de la réduction de leur liberté. Reprenons, un labyrinthe, une femme chantant seule, un homme fumant seul... Ils sont filmés comme des animaux en cage, incapable de pouvoir sortir du lieu où ils sont enfermés. Développant des tocs. Déprimant par des comportements dépressifs. Un autre plan, très cinématographique encore nous laisse à l'extérieur d'une salle de repos et de laquelle semble sortir des cris, des relations violentes. Le son "off", hors champ, est très présent dans ces séquences intermédiaires. Il y aurait donc une vie dans ces hôpitaux mais nous n'y avons pas accès. Et là, que veut nous dire Depardon? Que les internés sont davantage des prisonniers que des malades ayant vocation à être soignés, guéris puis à sortir de ces murs?

Peut-être veut-il nous dire tout ça, tout et son contraire, la nécessité d'internés ces personnes pour le bien de la société mais avec la conséquence d'une difficulté énorme à pouvoir les en voir sortir. Ou bien veut-il montrer que la justice fait bien son travail en vérifiant les procédures d'internement, ou alors que la justice est trop distante de celle dont elle est amenée à juger les situations. Ou bien...

Le film de Depardon pose donc un vrai problème, sans compter celui du fait que les personnes internées apparaissent à l'écran quand bien même il est spécifié que leurs noms ont été modifiés.
Le problème est que nous ne savons pas ce que pense le cinéaste Depardon de ce qu'il filme. Que pense-t-il de ces audiences? Les trouve-t-il nécessaires? Les internés, qui sont des citoyens, sont-ils protégés par la loi, par les juges? La réponse est peut-être ailleurs. Depardon n'a pas fait un film. Il a fait un album photographique. Un témoignage de différents cas dans une situation donnée. Ses photographies ont la particularité d'être animées. Avec des images d'illustration que sont ces interludes situés entre chaque photographie mais qui sont les parties artistiques et esthétiques des captations d'audience qui constituent le fond de ses photographies. Sauf que les photographes de guerre, sans avoir besoin de donner leur avis sur les belligérants, illustrent a minima l'horreur de la guerre, avec pour simplifier: "La guerre, c'est mal". Leur point de vue apparaît par l'image ce qui n'est pas le cas pour Raymond Depardon. Lui ne donne pas cette opportunité de savoir ce que nous devrions être amenés à penser de par son œuvre. Quelle morale est dans son film? Quelle théorie peut-on déduire de son travail?
Aussi stupéfiante soient les images qu'il a pu saisir, aussi intéressantes soient-elles, le spectateur ressort d'un tel film avec la sensation d'avoir été un voyeur sans aucune possibilité de se dire quoi que ce soit d'autre que d'être bien heureux que certains restent en hôpital psychiatrique... et heureux de ne pas y être non plus. Ce qui est, au final, tout de même pauvre comme sentiment...

À très bientôt
Lionel Lacour

vendredi 10 novembre 2017

"Carré 35": Histoire(s) cachée(s)

Bonjour à tous,

C'est avec un titre aussi étrange que Carré 35 qu'Éric Caravaca réalise son premier documentaire, présenté au festival de Cannes 2017, avec ce pari incroyable de raconter une histoire de sa famille en imaginant que cela pourrait intéresser les spectateurs n'en faisant pas partie. Pourtant, les spectateurs sont happés par la narration. Ceci est dû à un habile travail tant sur le fond que sur la forme, donnant au réalisateur suffisamment de distance avec un sujet l'impliquant intimement tout en faisant entrer les spectateurs dans la vie de sa famille qui pourrait être leur famille.

Oui, Éric Caravaca avait un sujet en or, sujet que beaucoup auraient peut-être traité sous l'angle de la fiction. Et pourquoi pas? Il choisit néanmoins le mode du documentaire. Mais un documentaire pas linéaire, qui conduit le spectateur à suivre une enquête improbable de la redécouverte d'un membre disparu de la famille du réalisateur: une sœur qu'il n'a pas connue, morte bien avant sa propre naissance et dont il ne reste plus aucune trace: ni photo, ni film. Rien.  Et dont il ignore à peu près tout, du fait du silence - pour ne pas dire du déni - de ses parents. Et le hasard conduit Éric Caravaca à des rebondissements qu'un scénariste de fiction aurait pu écrire pour maintenir un degré de tension et entretenir suspens et mystère, à commencer par la recherche de la tombe de sa sœur Catherine, dans le fameux "Carré 35" du cimétière français de Casablanca jusqu'à une conclusion que certains pourraient appeler "Happy end" mais qui n'en est pas vraiment une. Voici pour ce qui est de la trame du documentaire.

L'aspect universel du film s'appuie donc sur une histoire incroyable. Mais chaque famille peut, si on cherche bien, présenter une histoire propre avec des caractères incroyables. Caravaca a donc su donner à son récit une profondeur autre. D'abord en associant son histoire familiale à un contexte historique. Évidemment, le documentaire est un film personnel et le réalisateur associe à sa propre histoire des faits qui lui semblent sinon correspondre, du moins répondre à une situation proche. À la vie de sa famille, chrétiens de Casablanca pendant le protectorat français au Maroc jusqu'à la décolonisation et même jusqu'après, Caravaca associe des images terribles de cette période de décolonisation avec en voix over les commentaires d'époque contredisant les images présentes à l'écran. Ainsi, le mensonge ou le déni officiel des autorités françaises - relayés par les médias officiels, trouvent un écho avec le mensonge et le déni de la famille Caravaca.
Le documentaire se nourrit de références cinématographiques pour renforcer ce parallèle. Des images de moutons prêts à être sacrifiés pour les rites cultuels musulmans mis en parallèle avec les crimes de guerre perpétrés par l'armée française renvoient aux images d'Eisenstein dans La grève en 1925. Mais c'est peut-être la juxtaposition d'un mensonge d'État, celui des gouvernements français vis-à-vis de la décolonisation du Maroc, au mensonge familial qui est le plus subtil. Jean Renoir, en 1939, dans La règle du jeu déclamait "tout le monde ment, le gouvernement, les journaux, pourquoi voudrais-tu qu nous simples particuliers, on dise la vérité".

C'est donc aussi par la forme que le réalisateur donne un sens universel à son documentaire. Par une vraie écriture cinématographique. Par un recours à des images tournées non en numérique mais avec une caméra super 8, donnant un grain particulier, proche des films 8 mm que son père utilisait pour immortaliser sa famille. Si bien que les images de la maison du Maroc dans laquelle son père, sa mère et sa sœur ont vécu ouvrent le documentaire. Et le grain très fort, qui contraste avec les images nettes et lisses des films numériques, plonge le spectateur dans le doute. Voit-il des images d'archives, car le super 8 renvoie au temps passé, suggérant qu'il y avait alors déjà un mystère? Est-ce un traitement en post-production? Cette confusion à l'image n'est pas un artifice. Elle permet d'être à la fois avec le mystère familial, de mettre de la distance que permettent les images d'archive comme celles sur les exactions de l'armée française, de faire des parents d'Éric Caravaca des parents de leur époque. Y compris dans cette séquence tournée en super 8 montrant le père du réalisateur à l'hôpital. Et cette confusion images d'archives officielles, images d'archives familiales et images récentes tournées en super 8 apportent une explication sociologique et historique à ce secret familial: les parents Caravaca ont porté et supporté un malheur comme sûrement d'autres parents de leur génération, de leur culture, ont pu porter. Peut-être pas de la même manière, peut-être parfois moins dans le déni, peut-être parfois de manière plus brutale.

Éric Caravaca ne juge pas ses parents, ni sa famille. Son témoignage est celui d'un artiste sensible, qui prend en compte un contexte social et sociétal, rappelant comment les enfants malades comme l'était sa sœur étaient perçus par la société, et avec eux leur famille. À l'heure où tant de personnes jugent le passé à l'aune du présent, avoir un film aussi puissant et aussi intelligent pour traiter d'un sujet à la fois si personnel et si universel est une chance pour les spectateurs comme pour le cinéma. Et Caravaca démontre, s'il le fallait encore, que le genre du documentaire est un genre cinématographique à part entière, à condition d'avoir des choses à dire en se servant de ce que seul le cinéma peut apporter: un langage spécifique porteur de sens.

À très bientôt
Lionel Lacour

lundi 16 janvier 2017

"Lumière!", des origines du cinéma aux origines de notre société contemporaine

Bonjour à tous

le 25 janvier, un film bien étrange sera présent sur de nombreux écrans de cinéma français. Étrange par la forme mais aussi par l'origine des images qui le constitue. Car celles que les spectateurs verront l'ont déjà été ... il y a plus de 120 ans pour les plus anciennes.
Lumière! est donc un film qui met en scène des films des Lumière - et de leurs opérateurs - réalisés par le cinématographe Lumière, géniale invention des fils d'un visionnaire, Antoine Lumière, invention qui allait révolutionner le monde. Or plus personne ne peut témoigner de l'effet que ces images ont pu avoir sur les spectateurs, les premiers spectateurs du cinématographe. La gageure de Thierry Frémaux fut donc rassembler les films Lumière, d'en faire une sélection d'un peu plus de 100 sur les presque 1500 "vues" que compte le catalogue et de raconter tout ce qui fit la modernité de cette innovation, la retranscription sur grand écran, d'une image en mouvement, tout en étant le support d'un art nouveau et dont les