Bonjour,
Je me suis fait un immense plaisir la semaine dernière en regardant sur une chaîne satellite un documentaire consacré aux Tontons flingueurs dans la série créée par Serge July. Je m'attarderai non sur ce qui a fait le succès de ce film mais sur une remarque de ce documentaire signifiant que le film de Lautner avait des aspects homophobes.
La question qui doit être réglée vaut pour ce film comme pour d'autres. Un film est destiné à un public donné, d'une période donnée. Or jamais ce film n'a été ressenti par la société des années 60 comme un film homophobe. Ainsi, est-ce que les remarques faites dans ce documentaire seraient infondées?
Le caractère homophobe semble pourtant clair quand nous revoyons ce film: "chez moi, quand les hommes parlent, les gonzesses se taillent" dit le Mexicain à Otto en visant expressément son compagnon, clairement identifiable comme tel. Otto est même qualifié de "coquet" par Ventura, qui s'étonne même du recrutement du Mexicain: "de mon temps, il ne recrutait pas chez tonton", du nom d'un club connu pour son orientation très favorable aux homosexuels. Ces preuves évidentes d'homophobie dans ces dialogues viennent du fait que notre société n'est plus la même que dans les années 60. Les actions des associations homosexuelles, le fléau du sida et l'évolution globale de la société conduisent à marginaliser de moins en moins les homosexuels dont les droits n'ont cessé de progresser, même si certains estiment encore que celà ne suffit pas. Les propos homophobes sont également punis par la loi.
Comment expliquer alors que Les tontons flingueurs n'aient pas subi de critique de cette nature alors qu'il est quasiment certain qu'il ne pourrait plus être écrit de cette manière aujourd'hui. En fait, il apparaît comme anachronique et inapproprié de traiter ce film d'homophobe car ce n'est pas le film qui est homophobe mais la société française qui l'était. Il entrait dans la norme du traitement des homosexuels, surtout dans un film représentant le milieu du crime, souvent désigné aujourd'hui comme "machiste" et "homophobe". Au contraire, les films qui abordaient ouvertement l'homosexualité furent d'abord ceux qui étaient plutôt bienveillants vis à vis des homosexuels, car ils rompaient justement avec l'idée générale que se faisait la société de cette question.
La qualification de film homophobe ne devrait-elle donc pas être utilisée pour les films qui sont produits dans une société qui est devenue clairement sinon homophile, du moins ouverte quant à la manière d'accorder des droits aux homosexuels, les distingant de moins en moins des hétérosexuels. Un film français qui montrerait auojurd'hui un héros se moquant des "gays" par le vocabulaire traditionnel contre les homosexuel tout en semblant adhérer à ces propos serait justement traité d'homophobe car la société ne l'est plus et parce que les vrais homophobes sont devenus de fait minoritaires, même s'ils sont encore nombreux.
C'est d'ailleurs devenu une manie que de vouloir qualifier, et en fait disqualifier, des oeuvres du passé par des adjectifs correspondant à nos valeurs, à nos perceptions contemporaines. Il en va de même pour des films qualifiés de racistes comme Tarzan l'homme singe de W.S.. Van Dyke de 1932. S'il est évident qu'un tel film ne pourrait être fait à l'identique aujourd'hui sans risquer d'être qualifié de raciste et à juste raison, celui de 1932 ne doit pas être qualifié de "raciste" dans le sens qu'il ne se distingue pas des autres films ou des autres oeuvres de la même époque abordant le thème du colonialisme. Metropolis de Fritz Lang montre des "nègres" portant une sorte d'estrade sur laquelle une chanteuse blanche se produit. Cette représentation n'a rien d'antiraciste, bien au contraire. Elle s'inscrit justement dans la même forme de représentation des noirs que Tarzan l'homme singe. Le plus drôle est que certains films anti-racistes sont aujourd'hui censurés par les producteurs eux-mêmes pour des raisons amusantes. La Warner ne distribue plus le court métrage de Tex Avery L'île de Pingo Pongo car la représentation caricaturale des noirs était extrême et donc impossible à montrer aujourd'hui sans risquer de se faire taxer de raciste. Or ce court métrage est en réalité un dessin animé qui montre la bêtise de la soi-disante supériorité des blancs, se servant des caricatures racistes classiques pour mieux fustiger la suffisance des Européens et des Américains face aux populations colonisées. Nous pourrions faire les mêmes remarques pour les films anti-indiens ou pro-indiens ou pour bien d'autres thèmes polémiques (films misogynes par exemple).
Ainsi, pour conclure, le jugement d'un film doit toujours se faire au regard de son temps de production. Il ne peut être qualifié négativement ou positivement que par rapport au courant général de pensée de la société pour laquelle il est destiné. Les tontons flingueurs homophobe donc? Oui, mais que pour la société de notre époque, pas pour celle qui faisait de Jean Marais un super hétérosexuel alors que le monde artistique savait quelle était sa réelle orientation sexuelle.
Lionel Lacour
Intéressant. Même si je dirais plutôt que ce film est franchement hétérosexuel plutôt que discrètement homosexuel. Ce qui ne revient pas exactement au même. Aucune attaque n'est proférée contre les homos, c'est juste la testostérone qui s'exprime, il fallait montrer des "sacrés bonshommes", car c'est un film de voyous, de méchants garçons.
RépondreSupprimerDe même, je suis contre le travestissement de la photo de Sartre fumant un clope, de Tintin au Congo ou de l'œuvre d'Agatha Christie, deux monuments qui baignent dans le racisme, mais qui sont le reflet d'une époque. Ce reflet doit rester intact, nous devons les publier tel quels, c'est un témoignage historique, un aperçu des mœurs de l'époque.
Bonjour,
Supprimerune réponse super tardive mais pour vous dire combien je suis d'accord avec vos remarques!
Pourquoi attacher tant d'importance à un tel débat sur les tontons à l'instar d'OSS117 qui question mysoginie, racisme, anti-sémitisme ce poserait là ! Il n'y a pas de débat parce que je doute fort qu'Audiard et Lautner avait une once de quoi que ce soit de ce genre tout comme Hazanavicius. Les associations de tous poils et les journalistes font exprès de ne pas comprendre le second degrés pour alimenter un sujet et soi-disant se rendre utile alors qu'il n'y en a pas (de sujet). Manquait-il quelques minutes à ce docu ? Et allez que je te balance le sujet tarte à la crème "les tontons, homophobe ou pas ?". Ceux qui s'engagent dans ce débat sont manipulés par les médias et ceux qui veulent se donner une quelconque importance. Des flics qui emmerdent quelqu'un pour un délit de sale gueule, oui c'est un sujet ! Des petits chefs qui collent les nanas à la photocopieuse, oui oui et oui ! Mais là où est l'humour, on ne peut plus rien dire par peur de tous ces débiles qui s'emparent de vos propos pour dire que la haine de l'étranger ou du sexe opposé coule dans vos veines. Triste société ou on ne peut plus dire tarlouze ou tapette parce que c'est rigolo sans être poursuivi et affublé de toutes les mauvaises intentions. Desproges, Bedos et Elie Kakou ne pourraient plus faire rire. Heureusement, ils sont presque tous morts.
RépondreSupprimerBonjour,
Supprimermerci de ce commentaire (même si je préfèrerais qu'il ne soit pas anonyme !). Mais cet article est bien dans le sens de votre réaction. L'homophobie de ce film n'est vue que par le regard d'aujourd'hui. Et en effet, il y a beaucoup de choses qu'on ne peut plus dire ni montrer au risque d'être attaqué en justice par une ou plusieurs associations. Bravo pour l'exemple d'"OSS 117" qui est parfait pour rappeler que la liberté d'expression, l'intelligence mais aussi du courage dans ce monde policé existent encore chez certains de nos cinéastes!
Les années ont passé et j'arrive sur ce site suite à la réplique de Lino Ventura : "de mon temps il ne recrutait pas chez Tonton"
RépondreSupprimerThéo étant allemand, j'avais pensé à "chez tonton Kolb", expression lue il y a très longtemps pour qualifier l'Allemagne, qui me fit découvrir que ce Kolb était un oncle de De Gaulle.
Cela ne me satisfaisait pas vraiment, et je suis arrivée ici.
Maintenant je sais, merci.
Je fustige cependant une orthographe et une syntaxe qui ont tendance à se relâcher dans votre prose, cela fait désordre.
Viviane* - Paris et Annecy