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mardi 18 juin 2013

Bird: un blanc peut-il filmer la vie d'un noir?


Bonjour à tous,

"Les USA n'ont inventé que deux choses en matière de culture: le western et le jazz". Voici comment Clint Eastwood voyait l'apport de son pays à la production culturelle mondiale. Du point de vue du western, il participa ardemment à développer ce genre, y compris en jouant pour le plus grand des réalisateurs italiens de western! En ce qui concerne le Jazz, Eastwood n'avait pas été avare non plus et son œuvre en tant que réalisateur est jonché de moments où le jazz est extrêmement présent, que ce soit dans les bandes sons mais aussi dans le sujet même du film. Ainsi, Un frisson dans la nuit, sa première réalisation en 1971

mercredi 5 juin 2013

Carmen Jones: chef d'œuvre essentiel pour la question des droits civiques des noirs

Bonjour à tous

Le 20 mai était projeté aux "Lundis du Mégaroyal", dans le cadre de la programmation NOIRS AMÉRICAINS, le film Carmen Jones. Réalisé en 1954, Otto Preminger ce film était constitué d'un casting uniquement des comédiens et comédiennes noirs. Ce n'était pas la première fois que cela arrivait et le grand King Vidor avait réalisé en 1929 déjà Halleluyah ainsi que Vincente Minelli en 1943 dans Un petit coin aux cieux (Cabin in the sky) avec Louis Armstrong, Lena Horne et autres grands du Jazz. Avec Carmen Jones, Preminger prenait néanmoins un risque, la preuve en fut que personne ne voulut produire son film malgré le succès précédent de La rivière sans retour.

mercredi 22 mai 2013

Training day: radioscopie de la société américaine?



 Bonjour à tous,

lundi 13 mai était projeté Training day d'Antoine Fuqua aux Lundis du Mégaroyal à Bourgoin Jallieu. Réalisé en 2001, ce film a permis à Denzel Washington de recevoir l'Oscar du meilleur acteur en 2002, son premier pour un premier rôle, le second après son interprétation dans Glory dans un second rôle. Si le film s'appuie sur une base réelle, celle d'un officier ripoux de Los Angeles, Rafael Perez, les choix tant de casting que de récit ancrent cette œuvre dans une Amérique toujours en proie à la violence et à une forme de ségrégation, autant sociale que raciale.

lundi 20 mai 2013

Ali: un vrai héros américain

Bonjour à tous,

À l'occasion des 5èmes Lundis du Mégaroyal consacrés aux "NOIRS AMÉRICAINS" et soutenus par le consulat des USA, le film Ali était projeté en ouverture le lundi 6 mai 2013.

En 2001, Michael Mann reprenait un projet de film devant retracer la vie du boxeur Cassius Clay devenu Mohammed Ali, peut-être le plus grand boxeur de tous les temps. Avec Will Smith dans le rôle principal, ce film pouvait compter attirer alors des spectateurs plus jeunes qui méconnaissaient ce que représentait Ali.
Loin de faire un biopic retraçant la vie exacte de ce champion d'exception, le réalisateur s'est appuyé sur un scénario maniant l'ellipse pour que surgisse les points saillants d'une vie extraordinaire au sens propre du terme de celui qui traversa une époque charnière des USA.

lundi 15 avril 2013

5ème Lundis du Mégaroyal à Bourgoin: NOIRS AMÉRICAINS

Bonjour à tous

Comme chaque année au mois de Mai, Cinésium et le Mégaroyal organisent à Bourgoin Jallieu "Les lundis du Mégaroyal", une occasion de voir des films du patrimoine avec une présentation et une analyse tout en images pour les séances du soir.
Cette année, le Consulat des États-Unis sera partenaire pour cette édition dont le thème est NOIRS AMÉRICAINS, pour voir ou revoir quelques chefs-d'œuvres...

À bientôt 
Lionel Lacour



mardi 12 juin 2012

Little miss sunshine: le modèle américain reprécisé

Bonjour,

en 2006 sortait sur les écrans un petit film appelé Little miss sunshine. huit millions d'euros de budget, autant dire pas grand chose, avec des comédiens cantonnés à des rôles secondaires puisque Toni Collette n'était pas une tête d'affiche majeure et que Steve Carell n'avait pas encore connu le succès phénoménal de 40 ans, toujours puceau. Le rôle de ce dernier avait même été proposé d'abord à Bill Murray puis à Robin Williams. Il fallut cinq ans pour que le film aboutisse finalement ce qui montre que rien ne prédestinait cette oeuvre de deux cinéastes débutants, Jonathan Dayton et Valerie Faris, connus pour des tournages pour la télévision essentiellement, devienne un succès planétaire avec un box office de plus de 100 millions de dollars!
L'histoire en elle-même n'avait rien non plus de passionnant. Une fillette de 7 ans rêve de participer à un concours de beauté pour enfant de son âge et y participe finalement, accompagnée de toute sa famille donnant lieu à un road movie partant du domicile parental à la Californie, lieu du concours. Mais c'était sans compter sur l'originalité de l'écriture, des personnages, de la mise en scène et au final, au message porté par le film.


1. Une société individualiste
Le pré-générique commence par une image télévisée, celle de la remise du prix à une Miss America. La petite Olive (interprétée par Abigail Breslin) dont on ignore le nom à ce moment regarde et regarde encore ces images, mimant devant l'écran les gestes de la lauréate. Puis vient un homme donnant une conférence sur la réussite et sur sa méthode pour devenir un gagnant dans la société, même si cette conférence filmée en contre-plongée ne se fait que devant que quelques étudiants ce que révèle cruellement un plan plus large. C'est ensuite un jeune homme qui s'entraîne physiquement et qui semble être habité par une motivation extrême, un vieil homme qui se fait une ligne de drogue, une femme en voiture qui fume et qui s'agite qui rejoint finalement un hôpital dans lequel se trouve son frère dont on comprend qu'il a tenté de se suicider. Le titre du film s'inscrit alors sur ce personnage, joué par Steve Carell. Rien d'autre. Pas d'autres crédits que le titre du film.
Tout ce prologue présente un ensemble de personnage sans aucun lien a priori entre eux, sauf pour les deux derniers, comme Robert Altman pouvait le faire par exemple dans Short cut. Pourtant, tous sont liés et appartiennent de fait à la même famille. Par cette présentation éclatée, les réalisateurs présentent de fait la société américaine sous des aspects qui serait le plus critiquable: l'individualisme exacerbé, où le bonheur de chacun passerait par la réussite personnelle et non par une ambition collective.

L'individu serait au centre de tout. Cela passe notamment par le diktat de l'apparence physique. Le rêve d'Olive en est un exemple. Son idéal est bien d'être une reine de beauté et son modèle est d'abord une miss America. La fin du film montre d'ailleurs des jeunes filles de l'âge d'Olive ou à peine plus âgées qui ressemblent à des adultes en miniature plutôt qu'à des filles de 7 ans. Le rôle des parents dans ce diktat n'est pas absent. Le père d'Olive, Richard Hoover (joué par Greg Kinnear), le fameux conférencier cité plus haut,          essaye par exemple d'empêcher sa fille de manger une glace sous prétexte qu'elle peut devenir obèse. Souci louable de santé pour sa fille sauf que cela ressemble justement davantage à une consigne exagérée et liée à sa représentation de la réussite qui passerait par une apparence physique irréprochable. Quant aux mamans qui amènent leur fille au concours "Little miss sunshine" elles sont présentées comme des candidates qui ont transféré chez leur progéniture leur aspiration à être belles et reconnues comme telles.

Cet individualisme passe aussi par l'idée que chacun doit faire preuve de libre arbitre. Les 9 points de la méthode de Richard sont une transcription de ce choix. Etre un gagnant relève de la volonté individuelle et non du collectif. Sauf que ce libre arbitre "modèle" peut s'exprimer autrement, comme par exemple avec le grand-père (le père de Richard) qui conseille à Dwayne (joué par Paul Dano), fils de Sheryl (Toni Collette), de se "taper" des jeunes filles de son âge parce c'est "top". Ce libre arbitre la n'est pas "politiquement correct" puisqu'il n'apporte pas de succès dans la société et est contraire à la morale de Richard et de Sheryl.


Mais surtout, le film montre que le libre arbitre n'est pas qu'une affaire de volonté. Ainsi, Dwayne est un modèle de volonté puisqu'il s'impose un entraînement physique quotidien, ce qui est montré dans le prologue et s'est interdit de parler tant qu'il n'aura pas réussi le concours pour entrer à une école de pilotage d'avion. Sauf qu'il apprend au cours du trajet qui amène toute la famille au concours d'Olive qu'il est daltonien, et qu'à ce titre, il ne pourra pas devenir pilote. Cette séquence montre alors toute la violence quand l'individu ne peut pas atteindre un objectif pour des raisons autres que sa volonté. Le libre arbitre n'empêche donc pas des éléments extérieurs de s'opposer à ses propres choix. A l'image, l'effet est saisissant. Dwayne quitte le groupe dans un van pour s'en extraire, rompre son voeu de silence, hurler sa rage à l'extérieur. Il court vers la caméra et apparaît au premier plan tandis que le van et ses occupants sont loin en arrière plan et semblent tout petit. L'échec de Dwayne est individuel. Ce sera pourtant vers le van qu'il retournera.

Car le film montre aussi que l'individualisme n'est pas seulement un état d'esprit négatif. C'est aussi une manière de s'affirmer, d'affirmer ses valeurs et son individualité. Quand Richard affronte son éditeur qui a abandonné l'idée de publier un livre reprenant sa méthode pour réussir, il s'oppose de fait à l'individualisme qui ne permet qu'aux gens célèbres de réussir. Il réaffirme ses propres valeurs et régénère de fait le mythe américain du self made man, celui parti de rien et qui a réussi parce que son talent le lui permettait. De même, quand Richard et Dwayne essaie d'empêcher Olive de concourir, pour la protéger après avoir vu les adultes miniatures défiler, Sheryl est à la fois consciente qu'Olive défilera non en vraie miss mais en vraie petite fille. L'empêcher de concourir, c'est l'empêcher d'être ce qu'elle est. Peu importe le résultat du concours.

2. Un monde de compétition
Ce concours de beauté est un des exemples de la compétition qui semble régler la société américaine. Elle est même le point d'orgue dans le film de ce mode de fonctionnement, avec des enfants qui sont en fait des adultes en miniature, qui se déhanchent et se maquillent comme de véritables adultes des vraies Miss. En cela, la première séquence du film s'ouvrant sur la remise du titre de Miss America montre bien ce vers quoi veut s'identifier Olive: à la fois à une belle femme mais aussi à une femme qui a gagné une compétition, comme si sa beauté ne lui suffisait pas en soi. Cette compétition se fait d'ailleurs avec l'assentiment des parents et notamment des mères qui vivent par procuration au travers leurs filles. De même l'organisatrice du concours le gère de manière très professionnelle mais également sans aucune réelle compassion ni humanité. Le plus amusant dans le film est la mise en scène de la vulgarité de ce type de concours et l'attitude choquée quand Olive ose une chorégraphie disons... décalée, plus proche du strip-tease. En ce sens, elle brise les codes d'une compétition en choquant la morale conservatrice des organisateurs, ne se rendant finalement pas compte qu'Olive n'est pas plus vulgaire que ses adversaires!
Cette compétition est de fait présente dans tout le film. D'abord par le père qui définit la société entre les "gagnants" et les "perdants", preuve que la vie est une compétition en soi. Ce principe est répété régulièrement, soit pour ses étudiants, soit pour Olive avant de partir faire le concours mais aussi pour Dwayne et surtout pour Frank son beau-frère. Dwayne s'est également imposé une compétition pour réussir son concours pour entrer à l'école d'aviation. Frank, enseignant à l'Université et spécialiste de Proust enfin est également en compétition puisqu'il a essayé de séduire un étudiant qu'un autre professeur comme lui convoitait. Ce fut un échec connu de toute la famille, c'est pour cela d'ailleurs que Frank est venu vivre avec Richard et Sheryl.
Car ce monde de compétition n'implique pas que des gagnants. Richard se fait fort de le rappeler durant le trajet à qui veut l'entendre et en premier lieu à Frank. S'il a échoué, c'est parce qu'il ne s'est pas donné les moyens de réussir. Cette vision binaire du monde ne remporte que des réponses ironiques chez Frank que Richard traduit en sarcasme, celui des "perdants". Pourtant, le film montre de différentes manières que les vaincus, ou les "perdants" pour reprendre toujours la terminologie de Richard, deviennent souvent des laissés pour compte par la société. Si Richard a du mal à s'avouer justement vaincu, Frank a bien compris qu'il apparaissait comme tel aux yeux de tous. Sa tentative de suicide témoigne de cette mise à l'écart de la société pour ceux qui échouent. Parce que le modèle américain semble se résumer dans la théorie de Richard. Le suicide de Frank est dû en fait à différentes compétitions qu'il a perdues. Celle amoureuse d'abord, celle professionnelle ensuite. Cette défaite est rappelée dans un article de journal vantant l'expertise proustienne de son rival,  tant du point de vue professionnel que celui sentimental. C'est enfin Dwayne qui par son échec se sent mis en dehors de la société à laquelle il voulait appartenir, cette communauté des pilotes d'avion. L'échec lui est insupportable quand bien même il n'y est pour rien.

Pourtant, Dwayne se satisfaisait de l'échec de Richard dans la commercialisation de son livre, souriant sur son lit lorsqu'il entendait Sheryl intimer l'ordre à Richard de cesser de parler de ses fameux 9 points qui permettent de devenir un GAGNANT!










3. Un destin collectif
Le film ne se contente pas de caricaturer et d'égratigner le modèle américain du "stuggle for life". Il apporte également une dimension non pas plus originale mais plus originelle du modèle américain. Le fait que toute la famille parte en Californie pour accompagner Olive à son concours est un élément important à ce destin collectif. Chacun des personnages a des motivations différentes. Olive parce qu'elle participe au concours, le père et la mère accompagnent leur fille, Dwayne car il n'a pas le choix, Frank parce qu'il est suicidaire et qu'il ne faut pas le laisser seul, le grand-père qui a préparé la chorégraphie d'Olive. Ce destin collectif est également transcrit par une scène récurrente du film puisque le van volkswagen doit être poussé pour pouvoir enclencher les premières vitesses du fait d'une panne de la boîte de vitesse mécanique. Tous doivent donc pousser dans la même direction pour ensuite courir et grimper dans le van lancé à une vitesse minimale.

Mais c'est bien après la mort du grand-père que l'idée d'appartenance à un groupe est manifeste. A ce moment là, le leadership théorisé par Richard prend enfin son sens. En effet, il devient à la fois le  metteur en scène de l'enlèvement du corps de son père de l'hôpital, orchestré avec l'aide de tous les membres de la famille. Aucun ne rechigne, aucun ne conteste les ordres de Richard. Cette séquence, hilarante, montre surtout que l'autorité de Richard n'est acceptée par les autres dans ce cas précis que parce que l'objectif est partagé par tous. Pour reprendre une métaphore marine, il donne un cap à sa famille.Cette séquence se conclut alors par l'inévitable poussée de tous les vivants du van pour sortir de l'hôpital!

C'est enfin lors de la prestation d'Olive que l'ensemble des membres de la famille monte sur scène pour la protéger de la méchanceté de l'organisatrice et de la pudibonderie des parents présents dans la salle. Dans cette situation, il n'y a aucune arrière pensée individualiste mais bien de l'altruisme pour soutenir un membre du groupe, de la famille.






Cette bravade se termine au poste de police et pour la première fois, tous sont à la fois dans le même plan mais à égalité, assis sur un banc à se faire, gentiment, sermonner par un policier.
Et toute la famille quitte la Californie, non sans avoir poussé le van une ultime fois et avoir brisé la barre du parking!



4. Une morale qui reprécise le modèle américain
Les séquences du dernier quart du film apportent donc du sens au film. Chaque personnage voit sa vie bouleversée par ce road-movie. Le grand -père en est mort, Richard n'a pas réussi, Frank apprend une autre nouvelle contrariante, Dwayne ne sera pas pilote et Olive ne sera pas Little Miss Sunshine. Sherryl apparaît comme le ciment entre tous. Mais c'est surtout l'enseignement que ces échecs apportent qui ressortent du film. Frank montre à Dwayne que Proust permet de comprendre la nécessité de passer des épreuves difficiles dans la vie pour se construire et pour savourer la vie. Dwayne en conclut alors que son épreuve, son dalltonisme l'empêchant d'entrer à l'école de pilotage, ne l'empêchera pas de voler et qu'il trouvera bien une autre manière de le faire.
Cette morale répond au message individualiste d'une grande partie du film. L'individu est grand non en soi mais quand il surpasse ses limites, quand il essaie de trouver des solutions pour être meilleur. Pas forcément le gagnant sur les autres, mais déjà sur soi.
En réalité, ce message avait déjà été donné par le grand-père. En effet, le grand basculement du film correspond à deux séquences dans lesquelles le grand-père, le marginal drogué viré de sa maison de retraite, va non pas consoler, mais donner du sens à ce qu'ont entrepris son fils Richard et sa petite-fille Olive.
Au premier, il lui reconnaît le mérite d'avoir essayé d'entreprendre, chose que lui n'a jamais pu faire. Il ne lui reproche pas son échec pour l'édition de son livre mais le félicite pour son courage. A la seconde, quand Olive a peur de perdre et donc d'être une perdante, il lui donne sa définition du mot perdant: "Quelqu'un qui a tellement peur de perdre qu'il n'essaie même pas".
C'est donc ce grand-père si original et si peu représentatif du modèle américain qui, au milieu du film, rappelle la définition du courage américain: "oser entreprendre, quitte à échouer".
Quand le grand-père soutient son fils puis qu'il se rassoit, un plan montre le van sur une highway, symbolisant le destin individuel dans une logique collective. tous vont dans le même sens même si le parcours de chacun peut être différent. C'est la mort du grand-père qui finira de fédérer cette famille, présentée dans un premier temps comme une addition de destins singuliers, et désormais unie dans un objectif commun, sans pour autant effacer les particularités de chacun. Frank continue d'aimer Proust, Dwayne de vouloir être pilote etc. Mais tous pourront évoluer individuellement dans un destin collectif. Ce que montre quasiment la même image de fin sur la highway.



Conclusion
Little miss sunshine est donc un film très malin mêlant des doses de subversions au regard du modèle américain, notamment en évoquant l'homosexualité, l'usage de la drogue et du sexe chez les personnes âgées. La critique du modèle visant à être un "gagnant" face aux "perdants" est assez efficace et correspond bien aux critiques que chacun est amené à faire de la société américaine telle qu'elle semble parfois se caricaturer. Les transgressions sont nombreuses notamment lors de la séquence charnière de l'enlèvement du corps du grand-père. La forme utilisée, celle du road-movie est aussi celle qui a été celle des films contestataires comme Easy rider  par exemple. Mais si le film a eu tant de succès, c'est aussi parce que le message ne remet pas en cause les fondamentaux de la société américaine. Au contraire. Il vient les rappeler. Ce qui compte, c'est d'entreprendre, d'oser entreprendre. Mais surtout, et c'est un point souvent négligé notamment en France, la société américaine se reconnaît dans un destin collectif plus fort que ce qu'il pourrait paraître. Il suffit de voir les cérémonies de remises de diplômes dans les écoles américaines ou de participer à Halloween aux USA pour mieux comprendre l'idée d'un projet collectif aux USA.

A bientôt

Lionel Lacour

samedi 26 mai 2012

La haine: chef d'oeuvre de Mathieu Kassovitz

Bonjour à tous

Dans le cadre des "Lundis du MégaRoyal" de Bourgoin, j'avais programmé lundi 21 mai La haine de Mathieu Kassovitz. Ce film de 1995 semble avoir été tourné après 2005, date des émeutes urbaines qui ont enflammé les banlieues françaises et qui furent si médiatisées. C'est pourtant dix ans auparavant que Kassovitz, alors âgé de 28 ans seulement, tourna un film choc qui fut salué unanimement par la critique sur ses qualités formelles sûrement davantage que sur ce que le film montrait. Le réalisateur en fut conscient, gêné sûrement quand il fut propulsé dans le monde très glamour de Cannes où il fut d'ailleurs récompensé. Kassovitz regrette d'ailleurs que l'engouement pour son film ait servi justement le film et pas la cause qu'il mettait en scène.
Le public lui rendit également honneur en allant nombreux voir ce film. Et notamment le public des banlieues pour qui La haine représentait un film de référence.

Introduction
La question qui se pose est simple. Est-ce que ce film a réellement marqué une rupture dans le cinéma français dans sa manière de représenter la banlieue? Avant lui, d'autres avaient montré cet

jeudi 17 mai 2012

La boum: un film entre trente glorieuses et crise


Sophie Marceau dans son premier (et plus grand?) rôle
Vic
Bonjour à tous,

le 17 décembre 1980 sortait La boum de Claude Pinoteau qui avait déjà réalisé quelques années auparavant La gifle avec Isabelle Adjani et Lino Ventura. Déjà une histoire d'une jeune fille qui rêvait de davantage de libertés, déjà des parents qui vivaient séparés, déjà une idée de divorce, déjà une possibilité de liberté sexuelle. Mais surtout, une jeunesse qui continue à revendiquer et à manifester dans la rue. Mais dans La boum, Vic, 13 ans,incarnée par la débutante Sophie Marceau, vit heureuse dans une famille bourgeoise. Le père, François Beretton, interprété par Claude Brasseur, est dentiste tandis que la mère, Françoise Beretton, jouée par Brigitte Fossey, est dessinatrice de bandes dessinées. Le film commence par une salle de classe, histoire de planter le décor: ce sera une histoire qui racontera la vie des élèves. Puis plusieurs plans qui montrent Paris, mais les beaux quartiers, et surtout, la place du Panthéon et le lycée Henri IV qui n'est pas ce qu'on appelle un établissement de banlieue. Et Vic arrive devant l'entrée du lycée tandis que ses parents emménagent

jeudi 22 mars 2012

Les lundis du MégaRoyal: mai 2012

Bonjour à tous,

cette année, les lundis du MégRoyal aborderont au mois de mai le thème de la jeunesse à l'écran.
Bien des films étaient possibles pour la sélection tant le cinéma a abordé de manière diverse cette problématique. Films initiatiques, teenage movies, adultes ridiculisés ou familles explosées, tout a été fait et reste à faire.
Comme chaque année, la sélection a donc été dictée par plusieurs critères: des films de toutes les époques, de genres différents et encore distribués.
Ce sera donc dès le 7 mai Du silence et des ombres dont j'ai longuement parlé dans ce blog.
Le 14 mai sera l'occasion de retrouver Sophie Marceau dans La boum.
Le 21 mai, c'est la jeunesse de la banlieue vue par Mathieu Kassovits qui sera montrée dans La haine.
Enfin, une comédie américaine viendra clore ces 4èmes lundis du MégaRoyal avec Little miss sunshine.

La grande nouveauté sera l'organisation d'un concours de courts-métrages pour les étudiants du BTS audiovisuel de Villefontaine. Les trois meilleurs films sélectionnés seront projetés en avant-programme et soumis au vote des spectateurs de chaque soirée pour désigner le lauréat.
Celui-ci sera désigné le dernier soir et son film à nouveau projeté.

A très bientôt, à Bourgoin, au MégaRoyal!

Lionel Lacour

mercredi 16 février 2011

Les lundis du MégaRoyal: mai 2011

Bonjour à tous,

pour la troisième année, le Multiplex de Bourgoin Jallieu me confie l'organisation des "Lundis du MégaRoyal". Tous les lundis du mois de mai, cette manifestation propose de voir des films du patrimoine autour d'un thème commun. Ces films sont ensuite expliqués tout en images pour les cinéphiles, les fans ou les curieux.
En 2009, le thème était le western. En 2010, les comédies musicales étaient mises à l'honneur.
Nous avons décidé cette année de profiter finalement de l'actualité cannoise pour revisiter quelques films qui ont marqué ce grand festival.
Le choix risquait bien sûr d'être difficile. Nous avons alors décidé de sélectionner les films issus d'adaptations littéraires.

Vous pourrez donc revoir A l'Est d'Eden et le mythe James Dean, M.A.S.H. et son humour décapant, Excalibur avec un Merlin sans barbe blanche et enfin Cyrano de Bergerac pour peut-être le plus grand rôle de Depardieu.

Vacances obligent, les "Lundis du MégaRoyal" commenceront non pas le 2 mai  2011mais le 9 mai 2011.
Une page dédiée à cet événement vous sera bientôt proposée sur ce blog ainsi que quelques informations sur ces films, chefs-d'oeuvre du 7ème art.

A très bientôt,

 Lionel Lacour

mercredi 29 décembre 2010

Les documentaires sont-ils des documents d'historiens?


Cet article reprend celui que Jean-Pierre Meyniac avait sympathiquement accueilli sur son site http://www.cinehig.clionautes.org/ .
Il m'a semblé intéressant de le proposer à nouveau sur ce blog car il présentait différents points de droit vis-à-vis du cinéma, notamment pour ce qui concernanit le débat sur le film Le cauchemar de Darwin.

Lors de l’émission « la fabrique de l’Histoire » du jeudi 10 décembre 2009 intitulé « Historiens et réalisateurs face aux documentaires historiques », plusieurs intervenants ont débattu montrant de fait les rapports difficiles entre l’Histoire et une forme de représentation audiovisuelle.
Parmi les invités de l’émission se trouvait Laurent Véray, historien du cinéma et président de l’ « Association française de recherche sur l’histoire du cinéma », qui publie notamment le revue 1895. Laurent Véray est également réalisateur de films documentaires dont L’héroïque cinématographe réalisé en 2003. Olivier Bouzy, directeur adjoint du Centre Jeanne d'Arc, chargé de cours à l'Université d'Orléans et qui intervint régulièrement dans des documentaires sur Jeanne d’Arc, Serge Viallet, réalisateur de documentaires historiques comme Nagasaki réalisé en 1995 et Jean-Marie Salamito, professeur d'Histoire à l’Université Paris IV-Sorbonne et auteur d’une critique de la série documentaire L’apocalypse, série documentaire sur les débuts du christianisme réalisé par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, complétaient la liste des débatteurs.
La question posée par le débat peut se résumer assez facilement autour d’une problématique assez claire : un documentaire est-il ou peut-il être un travail d’historiens ?
A cette question, plusieurs points ont alors été abordés. Il ne s’agit pas de reproduire ici l’ensemble des propos tenus mais bien de les résumer et de les commenter.
En effet, depuis plusieurs années, j’ai créé des conférences autour du thème « Histoire et Cinéma » à l’Institut Lumière et rédigé quelques articles sur la nécessité pour les Historiens de s’approprier les sources filmiques comme matériau d’analyse. Mon travail est essentiellement sur le film de fiction que j’analyse comme source de son temps de production ou de projection. Mais le traitement de l’image documentaire n’est pas si différent.

En première remarque, j’insiste sur une affirmation essentielle de Laurent Véray. Un film est un point de vue de réalisateur. Ceci est vrai quelque soit le type de film, de fiction ou documentaire. Ce point de vue obéit à des contraintes propres au genre audiovisuel et peut difficilement accepter les nuances et confrontations des « thèses ». Ce qui a été reproché à Prieur et Mordillat par Jean-Marie Salamito a été de défendre une thèse qu’il qualifie lui-même d’éculée, à savoir la trahison du message de Jésus par ses continuateurs immédiats. Or Jean-Marie Salamito n’a pas pu apporter une quelconque autre anti-thèse bien qu’Emmanuel Laurentin, le journaliste animant « La Fabrique de l’histoire », le lui ait demandé. Non qu’il n’en défende pas une, son livre Les chevaliers de l’Apocalypse, réponse à MM. Prieur et Mordillat le démontrant très bien, mais justement, parce qu’il s’est lui aussi trouvé dans une contrainte liée à la nature du débat radiophonique.
Le cinéma et les productions audiovisuelles ne peuvent faire que travail d’une Mémoire, d’une démocratisation de l’Histoire marquée, Laurent Véray l’a également signalé, par l’historiographie du temps de production. Il ne suffit que de regarder les différentes approches de la Révolution française au cinéma pour s’en persuader ! Quoi de commun dans les thématiques abordées par Renoir dans La Marseillaise en 1937 avec le diptyque de Robert Enrico en 1989, Les années Lumières et Les années Terribles ?
Dans ces deux exemples de films de fiction, on peut trouver une foule d’informations impressionnante. Mais en aucun cas un film, même en plusieurs épisodes ne pourrait rivaliser en volume d’informations avec une thèse, une somme voire un simple manuel d’Histoire. Cette évidence entraîne alors un constat qui rejoint une des questions du débat, à savoir la possible collaboration entre historiens et documentaristes. Or celle-ci ne peut pas exister selon les formes désirées par certains des intervenants, pour la bonne raison que l’historien n’a pas de limite de volume dans son travail qui peut s’adresser à un nombre faible de lecteurs. Il n’en va pas de même pour les films, de fiction ou documentaires qui ont des contraintes de durée et économiques de production.


La volonté de ne pas forcément être narratif dans l’approche historienne telle que Olivier Bouzy l’a exprimée est elle aussi peu en adéquation avec les impératifs de la production filmique qui reste un « spectacle » devant lequel le spectateur essaie de s’instruire tout en y trouvant un certain plaisir de divertissement. Pour l’historien, la chronologie est un canevas sur lequel va reposer l’analyse historique selon une méthodologie qui a d’ailleurs varié régulièrement. Pour le spectateur, de cinéma ou de télévision, la maîtrise de la chronologie est déjà en soi une certaine maîtrise du sens de l’Histoire. L’analyse que le documentaire peut apporter doit le plus possible avoir une progression chronologique. Une collaboration entre historien et documentariste ne peut donc en aucun cas aboutir à un résultat pleinement satisfaisant pour un travail d’historien en ce sens où les nuances disparaîtraient ou s’effaceraient forcément face aux nécessités du récit filmique qui peut difficilement être polysémique. Ainsi, Le chagrin et la pitié est contestable en soi si on le prend comme objet unique d’une Histoire qui se voudrait globale. Il a eu néanmoins le mérite de montrer certaines vérités jusque là dissimulées de la mémoire française. Il y a eu pourtant bien des coupes des interviews, du montage, des informations connues du réalisateur mais qu’il a sciemment occultées pour servir son propos. Ce documentaire doit-il pour autant être invalidé au regard des manques, des coupes, des points de vue d’Ophüls ? Quel sentiment les spectateurs ont-ils pu avoir à la sortie du film sinon que la majorité des Français avait collaboré ou accepté l’occupation sans grand mal ? Ophüls nous a raconté « une » Histoire de la France pendant l’occupation. Mais elle n’est qu’un aspect de cette Histoire de France. L’impression qui en ressort est exagérée par le support filmique qui assène sans laisser beaucoup de temps aux spectateurs de réagir au message du film. Tous les documentaires ayant recours à des coupes d’informations voire à leur évacuation pour des raisons en effet de point de vue de l’auteur, la seule solution serait-elle alors que les Historiens réalisent des documentaires ?

Ce qui m’amène à un point important du débat. Jean Marie Salamito a réagi à cette idée en ne voyant pas pourquoi il devrait utiliser le support audiovisuel pour faire de l’Histoire.
Faire de l’Histoire doit se prendre ici selon deux acceptions. Pour la première, il s’agirait de substituer au livre comme support de la pensée un support audiovisuel. On peut comprendre certaines réticences de faire de l’Histoire ainsi car cela peut en effet poser des problèmes, tant du point de vue de la maîtrise de la forme audiovisuelle que de la durée d’un documentaire qui respecterait scrupuleusement la méthode historienne de confrontation de toutes les sources disponibles. Mais faire de l’Histoire avec des « images qui bougent », c’est aussi prendre le film comme source de l’Histoire. Plusieurs des invités ont rappelé les vœux restés pieux d’un enseignement de ce langage audiovisuel à l’Université. Ils ont regretté que les travaux de Marc Ferro et notamment ses émissions d’analyse des archives n’aient pas été assez continuées par d’autres historiens. Mais la réaction de Jean-Marie Salamito relève surtout d’un ultra-conservatisme des historiens à l’égard du matériau audiovisuel, matériau à la fois comme support de pensée et comme source historique. Laurent Véray affirmait justement qu’un film ne s’analysait pas comme un texte ou une image fixe. Le langage cinématographique n’est pas très élaboré mais il impose néanmoins une formation pour établir une lecture différente de la simple liste des détails visuels. Et l’écriture textuelle de ces observations ne permettra jamais au lecteur de comprendre l’impact de l’image. Sorlin parlait de « l’effet cinéma » dans Sociologie du cinéma.. Cela devrait imposer une nouvelle approche de l’étude du XXème siècle, et ceux à venir, en utilisant le mode « multimédia » car l’Histoire se fait de plus en plus avec des documents audiovisuels. Nous pouvons prendre des exemples symboliques mais qui pourraient se multiplier sur des cas plus modestes. Ainsi, l’assassinat de Kennedy a eu d’autant plus d’impact sur nos contemporains que l’image a été diffusée jusqu’à aujourd’hui, parfois jusqu’à l’écoeurement. Désormais, l’Histoire se construit aussi avec des documents qui participent immédiatement à la construction de la mémoire collective. Plus récemment, les attentats du 11 septembre 2001 ont été l’occasion de la production d’une masse de documentaires réalisés avec des milliers de documents amateurs. On est loin des gravures représentant l’assassinat d’Henri IV qui étaient les seules représentations de cet événement et qui construisaient une mémoire sur un support autant artistique qu’historique !

Enfin, le genre documentaire pose de vrais problèmes aux historiens pour des raisons fondamentales. L’accès aux sources est de plus en plus facilité par la numérisation des différents supports, livres, enluminures, archives etc. Les ouvrages d’historiens sont eux aussi plus facilement consultables car internet permet à certains passionnés de mettre sur leurs sites des bibliographies quasiment exhaustive sur des thèmes pointus. Cette appropriation de ce savoir n’est pas sans problème scientifique car elle permet le meilleur comme le pire. Le meilleur étant la démocratisation, apparente, du savoir. Le pire étant la non maîtrise des sources, leur non hiérarchisation et les erreurs d’interprétation et d’analyse. Appliqué aux documentaires, ce recours aux archives offre une possibilité plus grande aux réalisateurs qui peuvent alors mettre en forme selon leur point de vue leur vision de l’Histoire. Ce qui pose problème aux historiens est alors évident. L’abondance, apparente, des sources de ces documentaires, la maîtrise du langage cinématographique, le montage notamment, et l’intervention d’experts reconnus semblent faire de ces documentaires de véritables travaux d’historiens. A juste titre, ceux-ci, formés à l’université, estiment que la méthodologie historienne manque pouvant même trahir le discours historique.
Or ils commettent finalement une erreur assez grande mais compréhensible. Si les historiens comprennent que la fluidité de l’image audiovisuelle a changé notre rapport au monde, peu d’entre eux accepte de devoir en passer par une autre manière de faire de l’Histoire d’un monde qui a généré tant d’images, en mouvement de surcroît. De plus, quand bien même ils réaliseraient leurs propres documentaires, plus coûteux à réaliser que la publication de livre ou de thèses, ils n’élimineraient pas la production de documentaires, sérieux ou fantaisistes, sur l’Histoire. Dès lors, au lieu de craindre une autre « apocalypse », il vaudrait mieux comprendre que le documentaire, quel qu’il soit participe à la construction d’une mémoire collective. Que le succès ou l’échec d’un documentaire s’explique à la fois par la qualité formelle et par ce que le spectateur est prêt à entendre. Le succès de L’apocalypse de Mordillat et Prieur ne peut s’expliquer que par le questionnement de nos sociétés sur la construction des religions. Cette série témoigne d’une époque. Il est peu probable qu’une telle série eût pu être produite dans les années 1950 !
Mais en réalité, ce qui effraie le plus les historiens, c’est que l’image documentaire semble « vraie ». En cela, leurs frayeurs sont sinon justifiées, en tout cas explicables par l’importance grandissante qu’on accorde aux documentaires comme source de vérité, justement à cause de la véracité des images. Le cauchemar de Darwin est un exemple presque parfait de cela. L’Occident entier s’auto-flagellait après sa sortie et chaque critique y allait de son verbe pour fustiger ce monde libéral néocolonial. C’était oublier que ce film n’était qu’un film, avec un point de vue, avec ses manipulations cinématographiques. François Garçon, premier encenseur du film fut celui qui réagit le plus virulemment ensuite pour démonter le documentaire dans Enquête sur le cauchemar de Darwin, publié en 2006. Poursuivi en justice pour diffamation par le réalisateur, François Garçon perdit ses procès. L’argument motivant sa condamnation à la cour d’appel de Paris le 11 mars 2009 ne manque pas d’intriguer :
« [François Garçon ne disposait] manifestement pas d'une base factuelle suffisante pour formuler à l'encontre du réalisateur une telle accusation de manipulation des enfants et de tromperie sur la réalité des situations qu'il a filmées [Sur la bonne foi, François Garçon qui est professeur aurait dû disposer d'une base factuelle suffisante et tenir compte de la nature de l'œuvre de Hubert Sauper, qui n'est pas un documentaire didactique mais un documentaire de création] »
La justice, par ses attendus, place l’œuvre documentaire comme œuvre de création et non comme œuvre scientifique, entendu ici de sciences humaines. Or la perception des spectateurs n’est en aucun cas celle d’une œuvre artistique. Et la condamnation de François Garçon confirme bien l’ambiguïté du documentaire : œuvre de création (d’invention ?) du point de vue juridique, œuvre scientifique ou politique pour les spectateurs. On comprend alors les inquiétudes des historiens face aux documentaires.

Pourtant, et pour conclure, il faudrait comprendre que le temps du documentaire n’est pas celui de l’historien. Celui-ci peut travailler des années, voire des décennies sur un même thème, y revenir, voire contredire ses premières conclusions au gré de ses recherches ou de sources nouvelles. Le documentariste travaille rarement au-delà de plusieurs mois. Son travail se rapproche davantage du compilateur qui peut avoir dans le meilleur des cas un point de vue. Peu importe la validité historique de ce point de vue. Nous l’avons vu, les contraintes des films, documentaires comme fictions d’ailleurs, obligent presque obligatoirement les réalisateurs à être en phase avec un public cible. Inconsciemment, ces réalisateurs peuvent réaliser des documentaires sur Jésus en 2008 mais constituer une source remarquable pour les historiens étudiant plus tard… le XXIème siècle et ses rapports au christianisme. Ce temps du documentaire est donc en corrélation avec celui de son époque. Le documentaire aura instruit, diverti et sera oublié pour l’essentiel par les spectateurs qui retiendront, pour reprendre L’apocalypse, que le message de Jésus a été trahi pas ses disciples. Jusqu’à ce qu’un autre documentaire apporte une autre thèse, tout aussi simplifiée. Le temps de l’Histoire est un temps long, celui du documentaire est un temps de l’immédiateté du spectateur. Ce téléscopage temporel inévitable fait qu’il y aura toujours ce débat sur les documentaires, œuvres de mémoire qui « trahissent » l’Histoire.

Lionel Lacour