samedi 26 août 2017

"Impitoyable", chef-d'œuvre absolu, à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

en 1992 sortait Impitoyable sur les écrans du monde entier.
Réalisé par Clint Eastwood, ce film aux 4 oscars, renouait avec la légende de l'Ouest de la meilleure des manières, sans nostalgie, mais avec un sens inouï de la définition du mythe américain.
Vingt-cinq ans après, l'Institut Lumière de Lyon propose une séance exceptionnelle du film le jeudi 31 août à 20h00 en copie restaurée, le tout présenté par Fabrice Calzettoni, responsable pédagogique de l'Institut Lumière.

L'occasion de rappeler rapidement ce que ce film a pu apporter au cinéma américain dans sa redéfinition du mythe du western, en reprenant ce que Eastwood avait déjà commencé à faire dès ses premiers films et qu'il a poursuivi depuis, à savoir une relecture de l'héroïsme et du modèle américain.


Bande annonce


Un film crépusculaire
Dès le début du film, le spectateur voit un écran coupé en deux, avec dans la moitié inférieure une bande noire et dans la partie supérieure une image orangée sur laquelle se détache ce qui semble être la ferme du personnage principal. Musique à la guitare, rien d'héroïque, mais le texte qui accompagne cette introduction indique que le personnage en question est un être mauvais.
Le mythe du western classique est fini. Eastwood se rapproche évidemment davantage de ses maîtres que sont Sergio Leone et Don Siegel, les réalisateurs à qui il dédie ce film, que de John Ford. A priori. Le héros qu'est William Muny (interprété par Clint Eastwood) est un tueur, un être vil et sans morale. A priori.
L'aspect crépusculaire est à la fois dans l'esthétique - rien n'est beau, rien n'est joyeux, rien ne fait vraiment rêver - et dans la fonction même des autres personnages. Le shérif Little Bill (Gene Hackman), le chasseur de prime English Bob (Richard Harris), le tenancier du saloon, tous ces personnages récurrents du western américain se trouvent vidés de leur caractéristiques habituelles pour ne devenir que des personnages non sans épaisseur mais sans aucune empathie possible à leur égard.
Le film marque de fait la fin, non d'un genre, mais d'un mythe, dégommé déjà par les cinéastes sus-mentionnés mais aussi par Sam Peckinpah (dans La horde sauvage par exemple) mais par Clint Eastwood lui-même (L'homme des hautes plaines, Josey Wales hors la loi, Pale rider), à savoir le fait que les temps heureux de la conquête de l'ouest n'a pas existé, et que l'ordre du shérif était un ordre violent et pas si juste que ça. Mais Impitoyable ouvre la porte à d'autres possibilités en ne se contentant pas de remettre en cause le mythe.

Une ultra-violence comme règle commune
Ce qui marque le film c'est la présence permanente de la violence dans les relations entre les individus. Des clients des prostituées aux rapports bestiaux ou qui jouent du couteau à la moindre contrariété à celle du shérif qui, tout en faisant mine de pacifier les conflits, recours à la brutalité gratuite contre quiconque contrarie la paix civile qu'il a instaurée dans sa petite ville de Big Whiskey. Eastwood ne masque rien de cette violence. Il filme en gros plans, use de plongées et contre-plongées comme ses maîtres le faisaient. Cette violence est perpétrée par les représentants de l'ordre, le shérif, et ce sous le drapeau américain.
Paradoxalement, ceux qui expriment le plus leur violence à l'écran sont ceux qui dans les films classiques représentent plutôt la loi ou la pondération. Dans Impitoyable, William Muny est un tueur accompagné par Ned Logan (Morgan Freeman) et par le Kid, un apprenti hors la loi. Eux représentent la violence absolu. Mais les meurtres commis par William Muny ne sont que racontés. Pas montrés.
Eastwood crée donc un contraste entre la violence à l'écran qui est celle des personnes censées être "civilisées" et celle des bandits mais qui n'est que relatée, créant une sorte de mythe de la violence héroïque, dont Munny comme Ned essaient d'oublier.

Une empathie pour des personnages antipathiques
Le tour de force de Eastwood est bien d'inverser les perceptions des spectateurs. La première réelle apparition de William à l'écran le ridiculise. Il est filmé non en tueur mais en éleveur vautré dans le lisier au milieu de ses porcs. On est loin de Billy the Kid!
William est un père de famille qui veut se racheter. Il est croyant. Il redevient tueur non pour le plaisir de tuer mais pour tuer "utile", pour le bon droit, pour venger une femme, une prostituée, victime d'un lâche. Il croit son combat juste. Et Eastwood a tout fait pour rendre cette mission comme juste: le shérif protège le coupable, violente les prostituées et empêche que l'acte soit réellement puni.
Les prostituées sont également le symbole sinon du mal mais de l'absence de vertu et dont le sort importe peu. Et Eastwood joue sur ce stéréotype pour les présenter comme des êtres de plein droit. Justice doit leur être rendu. Et elles sont mises en valeur par le réalisateur. Elles seules sont véritablement courageuses face au shérif. Et loin d'être montrée comme des traînées, elles sont montrées solidaires, et empathiques. Dans une séquence merveilleuse, une d'entre elles rejoint William Munny pour le payer et lui révèle ce que le shérif a fait de mal. Elle est filmée en contre plongée. Le personnage est dans la lumière alors qu'elle est une prostituée.
De même, les plans sur William sont souvent en contre-plongée, faisant apparaître essentiellement le ciel et les nuages comme arrière plan. La séquence introductive revient en tête: le ciel et la terre. Le ciel sombre mais avec de la vie. La terre, sous le ciel, noir, symbole du mal. La prostituée est la vie. Elle est montrée blonde sur ciel bleu. Chez Munny, sa rédemption passe par le mal, celui de tuer. Le mal pour faire le bien... Il s'enfonce progressivement par une plongée dans la terre.

ATTENTION - RÉVÉLATIONS
Pas de "Happy End": le mal triomphe du mal
Quand une prostituée annonce à William que Ned a été tué par le shérif, William redevient le tueur qu'il n'a jamais cessé d'être. Comme dans L'homme des hautes plaines, la ville devient un espace fantastique. William arrive la nuit, les flammes des torches illuminent la façade du saloon, un cercueil y est exposé devant puis entre Munny.
La violence qui en découle n'est pas nouvelle dans le cinéma qui a voulu démythifier le western. Les morts s'enchaînent sans aucune émotion apparente. William Munny est à sang froid. Il le sait. Il le dit à ses victimes. Mais Eastwood rajoute cette touche fantastique mais également, aussi surprenant que ce soit au regard des circonstances, un message moral: si vous faites le mal, je reviens vous tuer! Prononcé devant le drapeau américain comme lorsque le shérif massacrait à coups de pieds English Bob. Au nom de cette même morale.

Dans le carton final, sur un plan équivalent à celui du début mais au ciel beaucoup moins orange et bien plus bleuté, Eastwood résume finalement le mythe américain. William Munny aurait quitté sa ferme avec ses enfants et prospéré dans les affaires à San Francisco. Aussi improbable que soit cet épilogue, Eastwood s'attache à l'idée de rédemption possible, y compris chez les hors-la-loi. Parce que les USA se sont construits sur cette idée même de la rédemption possible qui passe notamment par la réussite économique.


Le film fut un succès couronné de 4 oscars majeurs (Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur second rôle et meilleur montage) et eut un succès à la fois critique et publique. Mais ce western marque définitivement la fin du western classique, non dans les thèmes évoqués - la violence, l'ordre faisaient partie des thèmes des films de Hawks ou de Ford - mais dans la manière de traiter les personnages. Il n'y a plus de bons absolus, il n'y a pas de salauds définitifs. Les personnages sont plus complexes. Eastwood enlève l'aspect cynique des films de Leone, ne suit pas Peckinpah dans son rejet des USA, et propose des westerns moins fantaisistes que ceux de Siegel. Lui le Républicain prend l'héritage tout entier de cette période. Les USA se sont construits sur cette violence et ont su devenir un pays civilisé faisant du business, comme a réussi à le faire William Munny.

IMPITOYABLE à l'Institut Lumière de Lyon
Jeudi 31 août 2017
19h15: verre de l'Amitié dans le Parc de la Villa Lumière
20h: séance présentée par Fabrice Calzettoni

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES ET ACHAT DES PLACES
www.institut-lumiere.org


À bientôt
Lionel Lacour


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