vendredi 20 juin 2014

Tellement proches: la France idéale de Nakache et Tolédano

Bonjour à tous

en 2009, Olivier Nakache et Eric Toledano réalisait, deux ans avant le phénoménal Intouchables un film évoquant une famille et les éléments s'y rattachant par mariages ou naissances. "La famille, moins on la voit, plus on l'aime" disait l'accroche de l'affiche. C'est pourtant le contraire que le spectateur découvre à l'écran. Et, sans le claironner, cette comédie facétieuse en dit long sur les petites misères et combines de la société française.







Toute une famille écoute l'enfant prodige!
Le culte de la réussite
La famille, premier vecteur de la réussite ou de l'échec pour chaque enfant? C'est en tout cas ce qui est en toile de fond. Audrey Dana joue Catherine, une femme mariée à Jean-Pierre (François Xavier Demaison), un avocat, qui, pour que ses enfants aillent dans un bon collège, est prête à se convertir à la religion juive pour inscrire sa fille dans une école talmudique! En contre point, sa belle-sœur Nathalie (Isabelle Carré) apparaît comme celle qui, au contraire, se soucie peu de la réussite de ses enfants. Dissipé, Lucien, fils de Nathalie et de Alain (Vincent Elbaz) n'a rien de l'enfant modèle, bien au contraire. Turbulent, renvoyé des écoles et clubs de sport ou d'art, il incarne ce que peut être un échec d'éducation, avec un avenir prédestiné.
Si Jean-Pierre est avocat, ce qui fait la fierté de Catherine, Alain est un comédien raté, ayant eu son heure de gloire en tant que GO dans des clubs de vacances. Mais sa carrière n'a jamais connu d'autres succès. Il est manifestement un raté, laxiste avec Lucien.
 Quant à Roxane (Joséphine de Meaux), sœur de Jean-Pierre et Nathalie, elle s'occupe d'une supérette et se cherche désespérément un amoureux. Symbole d'un échec social, son célibat semble lui peser terriblement. Mais elle trouve l'âme sœur en la personne de Bruno, un jeune médecin brillant mais... Noir.

Les marginaux de la société française
En posant les personnages, les réalisateurs vont en profiter pour dresser un tableau savoureux de la marginalité en France. Alain en fait partie. Il refuse de s'intégrer dans une société reposant sur la notion de réussite à tout prix. Il faut dire que son éducation ne l'a pas amené à penser autrement. Son père, joué par Jean Benguigui, est une sorte de magouilleur vivant de petits trafics dans un appartement manifestement trop petit avec une vie sociale assez misérable, mais rien ne renvoie au malheur.
Bruno, noir mais médecin, ne subit pas le racisme ordinaire par ses pairs. En revanche, à l'hôpital, les patients le prennent régulièrement au mieux pour un infirmier, au pire pour un agent de service. Ce racisme ordinaire qui pousse des membres de la communauté française issus des couches populaires à ne pas imaginer qu'un Noir puisse être médecin est un élément fort du film. Mais le film est une comédie. Et en développant cette méprise sur plusieurs séquences, Nakache et Tolédano réussissent à mêler humour de répétition mais aussi récurrence de la discrimination vécue au quotidien par ceux ayant une peau plus foncée que d'autres.
Le même procédé de comique de répétition va permettre de suivre un personnage atypique, sorte de fée clochette du 4ème âge qui accompagne Alain devenu moniteur pour auto-école. Cette vieille dame n'a manifestement plus d'attache familiale et se retrouve intégrée à la famille d'Alain.
Il en va différemment pour le traitement de la banlieue. Sans misérabilisme aucun, le monde péri-urbain est présenté en plusieurs étapes. Tout d'abord les immeubles de banlieue se ressemblent tous, créant un sentiment d'inconfort voire d'insécurité. Même Jean-Pierre l'avocat n'a pas les moyens de vivre ailleurs que dans cette banlieue populaire. D'où la volonté de sa femme Catherine de contourner la carte scolaire pour éviter à sa fille d'aller dans le collège de secteur.
La fréquentation du secteur en question est montré d'ailleurs par ceux que Jean-Pierre défend en tant qu'avocat. Une séquence hilarante montre à ce propos combien le langage des jeunes de banlieues et celui de la France de l'élite sociale témoigne d'une vraie fracture non sociale mais sociétale.
C'est enfin le sort de populations immigrées sans logement que le film évoque encore les marginaux qui constituent la population de France. Respectueux de ceux qui les accueillent, ici Nathalie, les réalisateurs présentent une famille indienne très nombreuse, non comme une menace mais comme des victimes de la société. Leurs différences culturelles ne sont alors pas un danger pour l'identité française, même si leur présence peut dans un premier temps déranger... avant de s'en accommoder.

Une société violente mais un film optimiste.
Sans rien minimiser, Nakache et Tolédano filment la violence d'une société qui poussent ceux qui aspirent à améliorer leur situation sociale à parfois commettre l'erreur condamnable. Bruno frappe un patient qui ne le reconnaît pas en tant que médecin parce qu'il est noir, Jean-Pierre est amené au trafic en tout genre avec ses clients, le conduisant à se séparer de sa femme et de ses enfants. Roxane veut un amour inconditionnel de Bruno quand lui se satisfait d'une simple relation amoureuse, la poussant à l'abandonner sur le périphérique! Quant à Alain, sa situation de comédien perdu lui fait perdre la confiance de sa femme et le conduit à retourner vivre chez son père. La violence de la société est telle qu'elle conduit justement à faire exploser une modèle social qui, il y a encore peu, constituait justement un repère fondamental pour la société, une cellule protectrice de base.
Pourtant, parce qu'il s'agit d'une comédie qui pousse chaque situation à son paroxysme, celle-ci n'est pas un film social à la Loach. Le combat de chacun est montré mais il n'y a pas de discours partisan ni manichéen. Pas de méchant patron, pas de pouvoir politique fautif. Les dysfonctionnements pointés dans le film ne seraient la faute de personne. Où plutôt, ce serait de la responsabilité de chacun d'entre nous. Le message est assez positif. La séquence finale va d'ailleurs dans ce sens. L'avenir de chacun est fait de ce qu'il désire faire. La société évolue par ce que ses membres veulent qu'elle devienne. Et la réussite n'est jamais qu'un point de vue à définir. De quelle réussite parle-t-on?

Tellement proches autopsie la société française de manière finalement assez subtile, en dézinguant les modèles sociaux traditionnels ainsi que les modèles classiques de réussite. Pourtant, c'est bien dans le cadre d'une famille que se recompose un nouveau modèle. Une famille élargie, acceptant tous les modèles de réussite, métissée mais surtout plus tolérante des différences des membres qui la composent et qui trouve des solutions à ce qui pourrait la déranger sans remettre en cause son unité. Un France idéale en quelque sorte?

À très bientôt
Lionel Lacour


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