jeudi 30 janvier 2014

Quand le cinéma inspire le football!

Bonjour,

une fois n'est pas coutume, j'aborderai ici le cinéma sous l'angle purement économique sans vraiment aborder le contenu filmique (quoique...).
Ainsi, hier, mercredi 29 janvier 2014, a été rendu publique le rapport de Jean Glavany sur le traitement fiscal des joueurs de football (et derrière, des athlètes d'autres sports pourraient être concernés par la suite) qu'il préconise de rapprocher du statut des artistes.
Au regard des salaires, ces artistes ne peuvent être que des chanteurs ou des acteurs. Et comme les premiers sont payés essentiellement en droit d'auteur, surtout s'ils ne se produisent pas sur scène, il est donc une évidence que la comparaison se fait surtout avec les acteurs et actrices.

Certains doutent de ce rapprochement, ne voyant pas comment ces deux catégories peuvent être comparées. D'autres regrettent que le projet n'ait pas permis de mettre en avant la spécificité du football et des footballeurs. À ce titre, je vous renvoie à cet article du Parisien:
http://www.leparisien.fr/sports/football/argent-du-foot-les-propositions-du-rapport-glavany-ne-font-pas-l-unanimite-29-01-2014-3539459.php

La question ne sera pas ici de savoir si la proposition est assez ou pas assez favorable aux footballeurs mais bien de voir si ces deux "métiers" sont comparables.

Pour bien saisir l'enjeu, il suffit d'aborder la question qui fâche: la rémunération jugée indécente de ces pousseurs de balle. Il peut apparaître en effet scandaleux que Messi, Ronaldo, Ribery et autres joueurs puissent gagner des millions d'euros annuels. Au yeux de beaucoup, rien ne justifierait de tels salaires.
Vincent Cassel fait la Une
de "Paris Match"
pour son rôle dans le biopic
 sur Jacques Mesrine
Pourtant, certains salaires d'acteurs, même français, accumulent beaucoup de zéro derrière le premier chiffre. On parle de 5 millions d'euros pour un film de Dany Boon et Vincent Maraval rappelait dans son édito devenu célèbre dans Le Monde en décembre 2012 des plus de 2 millions d'euros perçus par Vincent Cassel pour interpréter Mesrine. La carrière d'un sportif pouvant être interrompue par une blessure et limitée dans le temps puisque l'âge amoindrit les performances, les revenus des sportifs les mieux payés sont donc comparables à ceux des acteurs les plus "bankable", et pas forcément à l'avantage des premiers. On peut donc considérer que du point de vue de la hauteur des rémunérations, ces deux "métiers" sont comparables.






Sean Connery, quelques secondes dans
"Robin des bois, prince des voleurs"
pour 250 000$ (il en a fait don
Vient alors la question du mérite. Pourquoi un footballeur serait tant payé? Et alors doit être posée la même question pour un acteur. Objectivement, rien ne pourrait justifier qu'un sportif, fut-il le plus grand de tous les temps, gagne davantage que le plus grand des scientifiques. Mais de la même manière, pourquoi un Tom Cruise ou une Catherine Deneuve pourraient toucher des cachets mirobolants?
Si on se place du point de vue du mérite, ces revenus extrêmement confortables n'ont aucun sens. Mais ces revenus ne sont pas indexés sur la valeur travail mais sur des critères objectifs.
Un artiste est généralement rémunéré à sa capacité à attirer des spectateurs en salle. La qualité de son jeu est une des raisons. Mais d'autres arguments plus subjectifs peuvent décider les spectateurs à se déplacer dans les salles de cinéma. Peut importe cette subjectivité, il devient alors objectif que la présence de telle actrice ou de tel acteur assure un Box office minimum.
Pour le sportif, les critères sont tout aussi objectifs, et peut-être même davantage. Le footballeur sera jugé d'abord à sa capacité à valoriser son équipe, c'est-à-dire à la faire gagner, à influencer la qualité du jeu. Cela se mesure très finement: nombre de buts, nombre de passes, nombre de duels réussis.
Cristiano Ronaldo, légende du Real Madrid
À cela se rajoute, pour les deux catégories, la capacité à faire rêver les spectateurs. Cela se mesure tout aussi objectivement: vente des magazines avec le portrait de telle star de cinéma, vente de produits dérivés des clubs de foot aux noms des joueurs... Et cela entraîne donc des revenus en conséquence de ce que ces personnalités rapportent en dehors même de l'exercice de leur métier. Si le physique peut avoir son importance, ce n'est pas une injure de dire que Ronaldo est plus sexy que notre Franck Ribery, il n'est qu'une composante dans l'attraction que peut exercer le footballeur ou l'acteur sur les spectateurs.

Michel Platini et un de ses 3 ballons d'or
Reste encore à comprendre pourquoi le cinéma et le football génèrent des cachets aussi importants. En réalité, le football n'est qu'un des sports qui rétribuent grassement ses stars. Le golf, la Formule 1, les sports collectifs américains (base-ball, basketball, football américain, hockey...) sont autant de sports qui paient autant voire davantage les sportifs professionnels. Mais pour revenir à la comparaison football et cinéma, il est un point commun indiscutable qui est le principe du spectacle de masse. Le cachet des acteurs a enflé à mesure que les films pouvaient être vus dans d'autres pays, vus sur d'autres supports, d'abord la télévision puis les cassettes VHS, DVD... Les cachets de l'acteur ou l'actrice sont donc indexés sur les ressources potentielles qui peuvent être générées par le film dans lequel il ou elle joue. De la même manière, les salaires des footballeurs actuels sont sans commune mesure avec ceux des grands joueurs même des années 1980. Un Michel Platini, trois fois ballon d'or gagnait moins, même en monnaie constante, que Benzema, Nasri ou Giroud, pour ne prendre que des Français. C'est que le football est devenu un spectacle multi support. Si les stades sont un lieu de spectacle "live", la retransmission dans les chaînes du monde entier des matchs de tous les championnats génèrent donc des droits télévisions que les clubs ou fédérations négocient au plus haut.

Arrivée de Diego Armando Maradona
à Naples!
Le talent, dans les deux cas, acteur de cinéma ou joueur de football, n'est donc qu'une condition pour obtenir un salaire élevé - ce qui est rare coûte plus cher que ce qui est commun - mais une condition nécessaire. La promotion au plus grand nombre décuple ensuite ces salaires avec des répercussions sur les joueurs professionnels pas forcément les meilleurs. À titre d'exemple, Diego Maradona avait été transféré dans les années 1980 de Barcelone à Naples pour 100 millions de
Transfert de Yohan Cabaye au PSG le 29 janvier 2013
pour 23 Millions d'Euros
Francs. Transfert juste surréaliste à l'époque, même pour le meilleur joueur du monde. En 2013, Gareth Bale, qui n'a rien gagné et dont le talent n'est pas encore, loin s'en faut, comparable à celui d'El Pibe del Oro, aurait été transféré pour près de 95 millions d'Euros... soit 6 fois plus! Sauf qu'il n'y avait pas de match de football tous les jours à la télévision. Sauf que les téléspectateurs ne payaient pas des chaînes privées pour voir du football 24h/24!
Comme pour les blockbusters américains, les grandes confrontations footballisatiques sont désormais annoncées comme incontournables. Le fameux "classico" opposant le Real de Madrid au FC Barcelone est diffusé sur Canal +, mettant encore un peu plus en lumière les sponsors des équipes à une échelle européenne (voire mondiale) quand ils n'étaient vus qu'à l'échelle nationale il y a encore peu.

Ainsi, la question n'est pas de savoir si le projet proposé par Jean Glavany est suffisant du point de vue fiscal ou social pour permettre au football français d'être sur un pied d'égalité avec le football européen mais bien de valider que les sportifs sont des artistes comme les autres. S'ils ne récitent pas Shakespeare tous les jours (les acteurs les plus payés le font-ils d'ailleurs?), ils travaillent aussi leurs gammes, au risque de se dévaluer progressivement et de ne plus rien valoir. Comme les acteurs, les meilleurs seront considérés comme des artistes, parce qu'ils font ce que l'immense majorité est incapable de faire. La seule vraie différence avec les acteurs et actrices de cinéma réside dans le fait que chaque représentation se conclut sans que la fin ne soit connue au préalable, et ce malgré les certitudes initiale. C'est pourquoi il y a des paris sur le football... pas sur le cinéma!

À très bientôt
Lionel Lacour

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Dans le prochain N° du magazine Les Années Laser en kiosque le samedi 31 mai, nous aurons un dossier sur Football et Cinéma.

    Bien cordialement,

    Patrick R.Marteau
    Rédacteur en Chef
    LES ANNEES LASER

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