mardi 8 octobre 2019

Lumière 2019 - "Liberté, la nuit", un plein retour sur la question algérienne


Bonjour à tous

L'INA a restauré le film de Philippe Garrel Liberté, la nuit projeté en exclusivité pour le festival Lumière. C'est un film devenu rare abordant un sujet que le cinéma français a eu du mal a traité tant les plaies de la guerre d'Algérie ont du mal à se refermer.
Réalisé en 1983, le film de Philippe Garrel n'aborde pas le conflit comme pouvait le faire René Vautier dans Avoir 20 ans dans les Aurès. Il ne s'agit pas d'une chronique de guerre. Le point de vue est celui d'un couple dont l'amour s'éteint, ne partageant semble-t-il plus rien. Et pourtant, ils sont tous les deux de farouches partisans de l'indépendance algérienne, défenseurs du FLN.

Evidemment, le film doit se regarder selon le contexte de l'époque de sa sortie. Présenté à Cannes en mai 1984, la France connaît ses premiers soubresauts dans les quartiers. En 1981, le quartier de
Minguettes s'enflamme et fait la Une des journaux télévisés. Le FN profite de cette flambée de violence et voit le discours de son leader davantage écouté et l'élection municipale anticipée de Dreux résonne comme un coup de tonnerre avec une liste FN au second tour! Jean-Marie Le Pen, député s'étant engagé dans la guerre d'Algérie et opposant féroce contre "le traître" de Gaulle réactive le débat autour de l'Algérie française. 1983 est aussi la fameuse marche pour l'égalité partie de Lyon, appelée ensuite "marche des beurs" donnant naissance, sans l'accord des initiateurs de la marche, de l'association SOS Racisme.

Le film de Philippe Garrel repose donc sur un contexte de mémoire réactivée sur la guerre d'Algérie et suit le film de Pierre Schoendoerffer L'honneur d'un capitaine sorti en 1982 et dont le propos était de réhabiliter l'armée française derrière le personnage d'un officier accusé (à tort?) de crimes de guerre.

Liberté, la nuit s'inscrit donc dans cette réactivation des questions post-coloniales en France, soulevant autant des questions politiques, sociétales que des réactions artistiques et donc cinématographiques. Mais c'est aussi et avant tout une œuvre cinématographique dans laquelle se retrouvent des artistes issus de ce cinéma français de la fin des années 50 et début des années 60. Emmanuelle Riva, l'héroïne d'Hiroshima mon amour y trouve un rôle à sa mesure. Maurice Garrel, le mari, retrouve un personnage impliqué dans la guerre dAlgérie comme celui qu'il jouait dans L'insoumis d'Alain Cavalier en 1964. Jean-Pierre Léaud y joue même un petit rôle. László Szabó, acteur d'origine hongroise a travaillé avec Godard ou Costa Gavras dans les années 60.

Mais c'est aussi une esthétique que Philippe Garrel privilégie. Le noir et blanc, les gros plans, le film plonge dans les interrogations et les contradictions des personnages, poussant Jean (Maurice Garrel) à redécouvrir sa femme tuée par l'OAS et à comprendre cette jeune pied-noire dont il est tombé amoureux.


Samedi 19 octobre - 21h30 - Institut Lumière (salle 2)
Liberté, la nuit de et en présence de Philippe Garrel
Réservation: www.festival-lumiere.org

À très bientôt
Lionel Lacour

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