mercredi 23 septembre 2020

Lumière 2020 - « Jean-Marie Poiré, juste une mise au point » - Lumière sur un cinéaste populaire


Bonjour à tous,

Le samedi 10 octobre à 14h30 sera projeté Jean-Marie Poiré, juste une mise au point à la salle 2 de l’Institut Lumière. Réalisé par Sébastien Labadie, le réalisateur des Visiteurs donne un très long entretien dans lequel il revient sur l’ensemble de sa carrière, de ses débuts jusqu’à ses dernières productions.

Le ton enjoué du cinéaste nous permet de traverser 5 décennies de cinéma français autour de producteurs, cinéastes ou scénaristes qui ont marqué la filmographie populaire. Jean-Marie Poiré livre alors des anecdotes savoureuses autour des films qui ont marqué sa carrière. De la manière dont son père, le producteur Alain Poiré, l’a « initié » à la lecture des contrats à ses succès ou échecs commerciaux.

Sans retenue, Jean-Marie Poiré ne livre pas seulement un témoignage d’artiste mais il rappelle également la difficulté du métier qui fait passer de l’ombre à la lumière aussi vite que de la lumière à l’ombre. Jamais aigri, le réalisateur s’amuse encore à voir les extraits du documentaire mais également les nombreuses archives qui jalonnent le travail de Sébastien Labadie, dont des enregistrements du tournage du Père Noël est une ordure pour lequel il dut imposer sa vision artistique au producteur comme à une partie de l’équipe du Splendid.

Enfin, le documentaire insiste aussi énormément sur les relations humaines qui sont nées de ce demi-siècle de carrière, donnant lieu à des amitiés puissantes, notamment entre Jean-Marie Poiré et Christian Clavier.

Pour découvrir ce documentaire qui démontre que faire des films populaires n’est pas aussi simple que ce que certains peuvent croire, rendez-vous au Festival Lumière 2020 !

 

Samedi 10 octobre 2020 – 14h30 – Salle 2 Institut Lumière (Villa)

Jean-Marie Poiré, juste une mise au point de Sébastien Labadie

Réservation  des places


À très bientôt,

Lionel Lacour

samedi 21 mars 2020

Deux paraboles du rôle de l'État - "Le train sifflera trois fois" vs "Rio Bravo"

 Bonjour à tous
En 1952, le film de Fred Zinnemann, High noon (Le train sifflera trois fois) est un succès populaire et critique. Porté par un Gary Cooper au sommet de sa gloire et par une jeune actrice blonde future princesse monégasque, ce western raconte l'histoire d'un shérif Will Kane (Gary Cooper) qui doit affronter des bandits devant arriver par le train dont celui qu'il avait envoyé en prison et qui revient se venger. Le temps de l'action correspond pratiquement à la durée du film pendant lequel Will Kane demande de l'aide à tous ses administrés qui tous la lui refusent. Même son épouse l'abandonne à son combat face à 4 individus.
Succès colossal  au box-office donc et Gary Cooper s'inscrit un peu plus encore dans la légende des héros de l'Ouest.
Pourtant, certains trouvent ce film absolument mauvais. Pas techniquement. Pas par le jeu de Cooper puisque ceux qui critiquent High Noon font partie de ses amis. Ce que dénoncent Howard Hawks et John Wayne, deux Républicains comme Cooper, c'est ce que fait le shérif. Pour eux, un shérif doit protéger la population et ne doit pas demander à être protégé par elle.

Si bien que quelques années plus tard, Hawks allait écrire une nouvelle (attribuée à Barbara Hawks McCampbell sa propre fille) partant pratiquement de la même base du film de Zinnemann. Un shérif arrête un homme pour meurtre, l'emprisonne mais doit faire face aux hommes de son clan qui veulent le libérer. Mais Hawks écrit l'exact inverse de High Noon qui se traduit par la réalisation de Rio Bravo en 1959. Le shérif refuse l'aide de tout le monde. Et au contraire de Grace Kelly, une belle blonde (Angie Dickinson) qu'il connaît à peine est prête à risquer sa vie pour le secourir. 


Bande Annonce High Noon
Ces deux films illustrent deux visions de l'État et de son rôle. Film scénarisé par Carl Foreman, bientôt blacklisté pendant le maccarthysme qui sévit à Hollywood, High noon peut proposer une interprétation courageuse. Le shérif est abandonné par la lâcheté de ses concitoyens et doit faire face à un comité qui veut l'abattre. Certains y ont vu un pamphlet "anti chasse aux communistes" qui sévissait dans les studios. Et au regard des pressions que la production indépendante a subies de la part du Comité des Activités Anti-américaines, nul doute que cette interprétation soit tout à fait valide. Le départ du shérif avec sa femme de Hadleyville sans se retourner peut d'ailleurs s'assimiler aux départs des nombreux artistes ayant fui les USA prêts à les condamner et dont ils n'attendaient plus rien, que ce soit Chaplin, Losey et bien d'autres. High noon dénoncerait donc le maccarthysme. 
Mais la deuxième lecture est plus liée au sens général du film pouvant être lu hors contexte de cette chasse aux sorcières. En demandant de l'aide aux habitants de la ville, c'est une vision de l'administration politique qui est proposée. Le shérif ne renonce pas à son autorité mais en délègue une partie à ceux dont il a la charge. Or il s'agit d'un pouvoir de police. Un pouvoir de sécurité. Celui-là même qui revient à l'État. En demandant de l'aide à ceux qu'il est censé protéger, le shérif cède de son autorité et une part de sa légitimité d'exercer la sienne. Le pouvoir devient de fait moins vertical. Idéologiquement, le film se situe là aussi, au-delà de la parabole contre le maccarthysme, à gauche de l'échiquier politique. Appliqué aux Américains, High noon est assurément un film démocrate.
Bande Annonce Rio Bravo
John Wayne hurla quant à lui à la trahison en voyant ce film. Son anti-communisme était connu de tous et lui-même tourna dans des films maccarthystes comme Big Jim McLain d'Edward Ludwig, film lui aussi sorti en 1952. Il est donc probable que Wayne comprit le sens de la parabole et s'en offusqua. Mais Rio Bravo ne se présente pas comme un film maccarthyste. Pas de parabole favorable à une quelconque chasse aux sorcières. En revanche, Hawks trouve en Wayne l'exact inverse de Cooper en tant que shérif.  Si John T. Chance refuse l'aide qu'on lui apporte, c'est qu'il ne veut pas risquer la vie de ses administrés, dont certains sont ses amis. Sa fonction est de protéger et non d'être protégé ni même d'être assisté. Aussi, Pat Wheeler (formidable Ward Bond, un autre Républicain!) qui fait du transport de matériel suggère d'assister Chance qui refuse. Mais Wheeler est tué. L'hôtelier est lui aussi invité à ne pas aider. La belle joueuse de cartes fait tout pour faciliter la vie du shérif mais, malgré sa ténacité, est rabrouée par Chance. Seul Colorado, l'homme de main de Wheeler, arrive à rejoindre le shérif et ses assistants, non sans avoir essuyé un refus initial. Hawks propose donc un film dans lequel l'autorité est verticale. La responsabilité revient à une autorité qui a été déléguée à un homme qui s'entoure d'adjoints mais qui refuse de mêler la population à ses ennuis inhérents à sa fonction. Politiquement, appliqué aux USA, Hawks ne trahit pas ses idées républicaines. Et John Wayne se retrouve pleinement dans ce Rio Bravo qui fut lui aussi un succès tant critique que public.
Le western est donc un genre dans lequel les idéologies politiques sont solubles. Genre privilégié et particulièrement prisé des Américains après la seconde guerre mondiale, il permettait de faire passer des idées et concepts politiques avec beaucoup plus de subtilité qu'un film ouvertement politique et idéologique. 
À très bientôt
Lionel Lacour

jeudi 10 octobre 2019

Lumière 2019 - "Les gens d'un bidonville", une Corée invisible

Bonjour à tous

Dans sa carte blanche, Bong Joon-ho a choisi le premier film de Bae Chang-ho Les gens d'un bidonville. Réalisé en 1982, ce film se plonge dans ce qu'était encore la Corée du Sud à l'heure où ce pays qui allait être désigné comme un des 4 dragons de l'Asie était encore dans une situation économique désastreuse, ne se remettant que lentement d'un conflit fratricide et d'une mise sous tutelle américaine totale.
Et c'est bien parce que ce film témoigne de ce que la Corée du Sud se refusait de montrer au monde, elle qui se donnait comme ambition de devenir un des ateliers du monde occidental avec Hong Kong ou Taiwan qu'il fut interdit de projection en dehors du pays jusqu'en 1988, quand le pays ne pouvait plus cacher grand chose en ayant ouvert son territoire au monde entier de par l'organisation des Jeux Olympiques d'été.
Histoires simples, personnages modestes, le cinéaste filme le quotidien d'un bidonville autour d'un mélodrame familial. Style dépouillé s'intéressant aux détails de chaque situation, Bae Chang-ho gagne ses galons de cinéaste majeur avec 17 films tournés depuis ce premier