dimanche 16 août 2015

La nuit des morts vivants à La nuit de la Peur - Festival Lumière 2015

Bonjour à tous

Dans la nuit du 17 au 18 octobre 2015, le Festival Lumière propose comme à chaque édition une nuit cinéma à la Halle Tony Garnier. 5000 spectateurs pourront cette année frémir devant des films "qui font peur" parmi lesquels les classiques The thing (John Carpenter, 1982) ou Evil Dead (Sam Raimi, 1981) ou le plus récent Insidious (James Wan, 2010).
Mais c'est bien La nuit des morts vivants qui constitue le moment le plus culte de la soirée. En effet, ce film révolutionna le cinéma en créant de fait un genre nouveau. Ou plutôt, des genres nouveaux. Car son réalisateur, George A. Romero, réussissait en 1968 à poser les balises de bien des films pour adolescents et adultes. Les films de Zombie d'abord. Les films d'horreur ensuite.



L'exégèse sur ce film est assez pléthorique et lui fait dire ce que le réalisateur ne reconnaît pas lui-même. Beaucoup ont analysé le film comme une critique du modèle de consommation, comme une remise en cause de la société consumériste occidentale. Romero s'en est toujours défendu. Qui a raison alors?

L'important dans ce film est justement de voir ce qui échappe au réalisateur et qui peut être perçu par le spectateur de l'époque et qui est compréhensible par celui d'aujourd'hui.
Ce qui constitue la force du film est tout d'abord l'économie des moyens utilisés. Les effets spéciaux sont minimalistes car le budget l'était tout autant. Cela poussa donc le réalisateur à réfléchir à une mise en scène suffisamment efficace pour que l'horreur soit de plus en plus présente, par les cadrages ou les mouvements de caméra, voire par la suggestion du montage. La puissance du film résulte ensuite de la mise en situation.
De ce point de vue, l'influence de la télévision n'est certainement pas absente. Le film commence comme pourrait commencer un épisode de Alfred Hitchcock raconte ou de La quatrième dimension. Le noir et blanc vient confirmer cette impression. Une mise en situation simple, un frère et une sœur se rendent au cimetière sur la tombe d'un parent. De l'humour noir. Puis soudain, un personnage muet les attaque, sans raison. Il est muet, les yeux hagards, se déplace bizarrement mais il est doté d'une force impressionnante et inarrétable. Romero joue sur des gros plans extrêmes dignes de Sergio Leone et des décadrages comme dans les documentaires des reporters de guerre. L'angoisse des personnages surgit alors de l'écran et touche spontanément les spectateurs.

Cette première attaque est accompagnée par d'autres, venant de personnages tout aussi mystérieux et agressifs. Rapidement, la jeune femme qui a réussi à se sauver est rejointe par un homme noir et tous les deux se réfugient dans une maison abandonnée. Le film va apporter quelques rebondissements horrifiques mais surtout donner une explication rationnelle à cette attaque. Les informations télévisées évoquent le "réveil" des morts qui s'en prennent alors aux vivants, les tuent et les transforment à leur tour en morts vivants. La mutation des morts en "morts vivants" est justifiée par l'explosion d'un satellite contenant des charges radioactives.

Romero inscrit donc son film dans un souci de rationalité. Il faut proposer aux spectateurs une justification à ces mutations extraordinaires qui reposent sur des craintes contemporaines au film. Celles-ci sont toutes trouvées en cette fin des années 1960. L'angoisse nucléaire et celle provenant des satellites tournant autour de la terre. Pas besoin d'explications plus développées. Un satellite a eu des problèmes techniques et laissé échapper de la matière irradiée. Le film n'a pas vocation à être scientifique mais à créer la peur chez le spectateur. À cet égard, l'argument utilisé est le même que pour L'homme qui rétrécit réalisé par Jack Arnold en 1957. Le héros du film devait son rétrécissement à une exposition à des radiations lors d'une balade en mer. Le prétexte de la radiation comme source de mutation génétique insoupçonnée est redoutable et ne nécessite pas d'autres explications. Ceci est possible. Point. Cela montre surtout à quel point l'angoisse nucléaire est présente en occident. Si le film de Jack Arnold n'avait pour conséquence que le rétrécissement d'un individu, celui de Romero fait peser sur l'humanité tout entière la menace de sa disparition pure et simple. De ce point de vue, le réalisateur, même s'il se défend d'avoir voulu faire un film critique de la société, a tout de même ancré son histoire dans une contemporanéité suffisamment forte pour que la situation apparaisse comme crédible.

De la même manière, il utilise les médias de masse, et ici la télévision en premier lieu, comme source à la fois d'information, de prévention mais aussi de propagation de l'angoisse collective. Car si les fuyards réfugiés dans la maison apprennent comment se prémunir des morts-vivants, ils apprennent également comment cela a pu être possible et surtout que le phénomène se propage. Cette information génère évidemment une angoisse chez les personnages du film mais suscite aussi l'angoisse chez les spectateurs car le recours à la télévision, même au cinéma, a cet effet magique de laisser penser que l'information pourrait être réelle. Le fameux "et si cela nous arrivait" que les spectateurs ressentent par effet de projection-identification trouve ici tout son sens. L'angoisse interne au film se diffuse dans la salle car les spectateurs savent que leur monde réel est fait de satellites en orbite autour de la Terre et que la menace atomique, militaire ou civile, est un fait. Romero joue donc avec les spectateurs par média interposé, fut-il interne à l'histoire! L'efficacité est de ce fait bien plus forte que s'il avait mis parmi ses héros un scientifique capable d'expliquer ce qui se passe. Cette explication se serait limitée à l'espace dans lequel les héros se trouvaient. En passant par la télévision, Romero crée un effet de propagation du phénomène "mort-vivant" au-delà du territoire de l'action du film, et par la magie du cinéma, cette propagation dépasse même l'écran!

L'œuvre de Romero a donc bien des qualités et le côté désuet du fait d'effets spéciaux réduits à l'essentiel le rend plutôt intemporel et toujours aussi efficace. Pourtant, Romero ne fut pas le premier a recourir aux "morts-vivants". Abel Gance, dans J'accuse en 1919, jouait sur cette même angoisse du retour de morts à la vie. Le plus drôle est que, si l'angoisse est différente - la guerre mondiale et ses millions de morts - le processus de diffusion de l'information relève de la logique du film de Romero. François, un vétéran, raconte lors d'une veillée au village comment il a vu les morts se relever et demander justice! La télévision n'existait pas pas plus que la radio. Les spectateurs pouvaient donc reconnaître comment les informations extraordinaires pouvaient se diffuser par le colportage de bouche à oreille.
Après La nuit des morts-vivants, d'autres films ont été réalisés sur ce thème, par Romero lui-même (Zombie en 1978 ou Le jour des morts-vivants en 1985) ou par d'autres. Notons que le film de morts-vivants le plus célèbres est certainement le clip Thriller réalisé par John Landis et mettant en scène la chanson de Michael Jackson. Récemment, Marc Forster réalisait World War Z (2013) avec bien plus de moyens que le film de Romero, à commencer par l'acteur principal Brad Pitt! Les effets spéciaux nombreux permettaient de montrer ce que Romero ne pouvait que suggérer par média interposé: la généralisation du phénomène morts-vivants. Comme Romero, Forster se sert des médias pour relayer dans le film et dans la salle la fin annoncée de l'humanité. Mais à la différence du film original, le réalisateur ne recourt pas à l'angoisse nucléaire (disparue à cette époque bien que le danger persiste comme l'a confirmé l'accident à Fukushima) ni à celle des satellites gravitant autour de notre planète. Il se sert d'une peur bien plus contemporaine, celle d'un virus qui contaminerait toute la planète. La crainte de la pandémie est devenue une obsession quasi maladive comme l'a prouvé la crise de la grippe H1N1 il y a quelques années.

Mais le film de Forster n'apporte pas cette angoisse primale qu'avait générée le film de Romero et qu'il provoque encore aujourd'hui. Ne manquez alors pas l'occasion de voir ou de revoir ce film sur l'immense écran de la Halle Tony Garnier dans la nuit du samedi 17 octobre au dimanche 18 octobre 2015 lors du 7ème Festival Lumière.

Informations et Réservations:
par téléphone: 04 78 78 18 95
sur le site internet: www.festival-lumiere.org






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