jeudi 26 février 2015

Le syndrome Timbuktu: un bon film est un film sans succès

Bonjour à tous,

Timbuktu, le film aux 7 César et plus d'1 millions de spectateurs est une sorte de miraculé du Box office français. Son réalisateur Abderrahmane Sissako ne s'attendait pas à autant de gloire. Il faut dire que peu de personnes ne s'y attendait non plus. Timbuktu n'aurait pas été le premier film cannois à avoir soutenu l'attention des "Professionnels de la Profession" en mai soulever un quelconque enthousiasme dans les salles ensuite. 

Ce film africain, produit par des Français mais africain pour tout le reste, du réalisateur au monteur en passant par les acteurs, les lieux, la langue, ose montrer le terrorisme islamiste et les conséquences liberticides et même davantage sur les populations mises sous la coupe des prétendus djihadistes. 
Tourné dans une langue non occidentale, même si du français ou de l'anglais apparaissent çà et là, avec aucun comédien connu, le succès commercial de ce film était hypothétique, malgré le sujet. Et puis surtout, il a été
réalisé et distribué avant les attentats contre Charlie Hebdo

Voici donc le film parfait dont une partie de la critique française se glorifie d'avoir soutenu, regrettant que le public n'ait pas répondu à la qualité de l'œuvre. Ah, on les connait ces films qui n'ont pas rencontré leur public. Mais pas de bol pour eux, le film fait succès. Incroyable. Les spectateurs s'emparent de lui, organisent des débats, le réalisateur ne manque pas de venir à de nombreuses projections. Et là, la mouche dans le lait: près d'1 million de spectateurs. Et comme si cela ne suffisait pas, il est nommé plusieurs fois aux Césars avec le statut de favori. On pourrait revenir sur la raison économique qui fait de ce film une œuvre française quant il est mauritanien à Cannes et aux Oscars (voir à ce sujet l'article du Figaro qui reprend la question sur la polémique Timbuktu: http://www.lefigaro.fr/cinema/2015/02/25/03002-20150225ARTFIG00258--timbuktu-le-realisateur-au-coeur-d-une-vive-polemique.php)

Alors cela ne pouvait plus durer. C'est comme si certains ne pouvaient accepter qu'un film pareil puisse ... réussir. Et les réactions sont amusantes, émanant de spécialistes de l'Afrique qui reprochent tout au pauvre Abderrahmane Sissako. Et il est copain - conseiller du président Mauritanien, et il a montré une image mythifiée des Touaregs, et il a oublié de montrer la présence des Français au Mali pour l'uranium, etc.
Sabine Cessou tire la première le 22 décembre 2014 (soit 12 jours après la sortie du films et bien après de nombreuses avant première auxquelles une spécialiste comme elle aurait pu participer). Elle attend donc 12 jours pour écrire un article dézinguant le film et ce qu'il ne montre pas.

http://blogs.rue89.nouvelobs.com/rues-dafriques/2014/12/22/le-probleme-avec-timbuktu-le-film-dabderrahmane-sissako-233966

Au moins n'a-t-elle pas attendu le mois de ... février, le jour de la cérémonie des Césars qui allait faire de Sissako un roi. Elle non, mais Nicolas Beau ne s'est pas gêné. Le 20 février, il y va de son opinion de spécialiste, maniant l'insulte (qui aimerait être traité de BHL, même des dunes) à la grossièreté, notamment quand il juge Sissako sur son statut de réalisateur.

http://mondafrique.com/lire/societe/2015/02/20/abderrahmane-sissako-une-imposture-mauritanienne

Ce qui est formidable avec ces détracteurs, c'est qu'il ne sont représentants que d'eux-mêmes et qu'ils jugent un film sur ce qu'il ne montre pas à défaut de ce qu'il montre, ce qui, il faut bien l'avouer, est plutôt marrant. Savez-vous que La vie est belle de Capra ne montre pas les indiens d'Amérique qui ont été massacrés et qui vivent encore dans des réserves au moment du tournage du film? De même Léonard de Vinci omet de peindre en arrière plan de sa Joconde le sort des paysans italiens. Mauvaise foi de ma part? Pourquoi donc? Un réalisateur devrait donc couvrir dans son film toutes les thématiques d'une région en 2h? 3h? 10h?

Je ne parle pas ici de la qualité esthétique du film, des questions de mise en scène tant ces aspects ne sont pas abordés par les détracteurs. Sabine Cessou reconnaît d'ailleurs les qualités filmiques de Timbuktu. Mais elle affirme qu'il s'agit d'un film pour Occidentaux. Naïfs que nous sommes, nous occidentaux. Si nous sommes allés voir ce film, c'est parce qu'il était pour nous, bien sûr. Avec un titre et un casting attractif. Nicolas Beau quant à lui parle dès son titre de Sissako comme une imposture mauritanienne. Rien que ça. Et son argumentation est solide comme du roc. Sissako a pu travailler et tourner son film grâce au dictateur, qui par définition est l'ennemi des libertés élémentaires. Mais les propos du film sont-ils pour autant faux? N'y aurait-il pas au nord Mali des exactions commises par des terroristes au nom d'un Coran qu'ils n'ont sûrement pas lu?

En fait, il aurait fallu produire un autre film que celui de Sissako, celui que ces éminents cinéastes désireraient, celui qui ne seraient peut-être vus par personne. La réplique à cet argument est toute trouvée. Le cinéma n'a pas à se soucier de savoir si le film va être vu par quiconque. Bel argument, inepte mais moral. Sauf que le réalisateur a peut-être décidé, lui, de faire un film sur un sujet qui lui tenait à cœur, lui l'Africain. Celui d'une population muselée et décimée par l'obscurantisme (et l'Islam n'a rien à voir avec cela). Il a sûrement eu cette approche morale. Des producteurs ont suivi. Et pas de pot, le film rencontre "son public". Et là, c'est le drame. Sissako n'a pas tout dit des malheurs de l'Afrique.

Mais heureusement, ceux qui savent ce qu'il faut filmer sont là pour dire que ce n'était pas cela qu'il fallait montrer. Au passage, leurs noms auront profité de la lumière de Sissako, ce corrompu à la solde du pouvoir mauritanien, avant de retourner dans l'ombre médiatique.

A bientôt
Lionel Lacour


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