mardi 20 septembre 2011

Casablanca: un accueil en France étonnant!

Bonjour à tous,

Casablanca fait partie de ces films qui ont marqué des générations de spectateurs et de cinéphiles. Certains continuent même, consciemment ou pas, à propager une réplique célèbre, le fameux "Play it again Sam" quand la vraie réplique prononcée par Ingrid Bergman est "Play it once, Sam, for old time sake".
Il ne viendrait plus à l'idée de quiconque de critiquer négativement ce film de Michael Curtiz de 1942. Mieux, les spécialistes trouvent dans les défauts du film ce qui fait sa beauté et sa postérité. Michel Pérez titrait même en septembre 1987 dans L'obs de Paris quil était "le plus beau des mauvais films", expression qui lui était collée depuis plusieurs années déjà.
Pourtant, ce film ne reçut pas un accueil unanime à sa sortie selon les pays!

BANDE ANNONCE:



mercredi 14 septembre 2011

Les sentiers de la gloire: un travestissement de l'Histoire?

Bonjour à tous,

régulièrement, le cinéma propose des films qui ont pour sujet l'Histoire, les fameux films "sur" une période que j'évoquais dans un des premiers articles de ce blog. Et avec la même régularité, les historiens s'invitent, ou sont invités, pour débattre et analyser les dits films et évaluer leur validité historique. Ce fut le cas pour tellement de films que la liste serait impossible à établir. Citons récemment le film Indigène ou le diptyque de Clint Eastwood Mémoires de nos pères et Lettres d'Iwo Jima.
Parmi les films qui ont suscité le plus de débat se trouve celui de Stanley Kubrick Les sentiers de la gloire qui présente un épisode de la Première guerre mondiale dans lequel l'état-major, et surtout un général, sont dénoncés par le réalisateur pour avoir commis des actes absurdes et criminels contre leurs propres troupes. Certains savent déjà l'accueil qui fut fait au film en France, c'est-à-dire son absence des écrans de cinéma. Qu'en fut-il réellement? Et surtout, en quoi ce film pose-t-il une vraie question sur la relation entre Cinéma et Histoire?

mercredi 7 septembre 2011

Ronald Reagan à l'honneur à l'American Club of Lyon

Ronald Reagan et Angie Dickinson
dans A bout portant de Don Siegel en 1964.
Le dernier film de Ronald Reagan.
Bonjour à tous,

Le 19 septembre 2011, au Musée des Tissus de Lyon aura lieu The president's day 2011.
Cet événement célèbre un président américain chaque année. Et c'est donc le président Ronald Reagan qui sera honoré à cette occasion, pour l'année de ce qui aurait marqué son centenaire.

Je serai en charge de présenter un portrait de Ronald Reagan autour du thème du cinéma, puisque, comme vous le savez tous, il commença une carrière d'acteur à Hollywood dans les années 1930 pour finir dans les années 1960, avant de commencer une carrière politique, d'abord en tant que gouverneur de Californie, puis comme Président américain.

Je reviendrai donc bientôt pour vous faire un papier sur ce président atypique, républicain pur et dur, et qui commença pourtant avec la Warner, major rooseveltienne s'il en est.

A très vite donc

Lionel Lacour

mercredi 31 août 2011

Cowboys et envahisseurs: un film 100% US?

Bonjour à tous,

Voici le genre de film dont on se méfie d'emblée. Le titre d'abord. Même le titre original, Cowboys & aliens ne laisse planer aucun doute sur l'ambition du projet: faire cohabiter deux genres du cinéma que les Américains ont usé jusqu'à la corde, en particulier le premier.
À y regarder de plus près, c'est-à-dire en voyant le film, on se rend compte que l'entreprise est sinon d'une grande qualité, l'histoire et l'intrigue seront à juger par les spectateurs eux-mêmes, du moins plus intéressante qu'il n'y pouvait paraître. À commencer par le fait qu'il faut bien admettre que si les extra-terrestres existent et qu'ils sont plus en avance technologiquement que nous, ils ont pu arriver à une autre époque que la nôtre. Et pourquoi pas au XIXème siècle? Mais forcément aux Etats-Unis!



Bande annonce:

1. Du cinéma culture TV
Le spectateur plonge dans le film qui commence comme une introduction de série télé. Un mystère sur un personnage étrange, ignorant qui il est et ce qu'il fait là, en pleine zone semi-désertique. C'est tout-à-fait le genre de situation dont se délectent les séries policières, que ce soit Les experts ou N.C.I.S. ou bien d'autres encore. Le début de Lost présentait lui aussi le personnage principal de la série seul, perdu dans une forêt, ne comprenant pas ce qu'il y faisait, pas plus que le spectateur d'ailleurs!
Même le générique créditant les techniciens et acteurs secondaires se déroule à l'écran alors même que l'action du film a déjà commencé. Comme à la télévision donc!
Sauf que la réalisation ne se limite pas à des plans serrés ou centrés sur les protagonistes. Au contraire, des plans classiques de western mettent justement le genre choisi en valeur. De même, les parties concernant les aliens renvoie inévitablement au cinéma et non à la télévision. Ce mélange des genres vise incontestablement à séduire tous les publics. Les plus jeunes qui seront ravis de retrouver certains codes de leur culture audio-visuelle. Les plus anciens nostalgiques du western d'antan ou heureux de retrouver des "bêbêtes" extra-terrestres dangereuses.

Même le casting semble répondre à cet objectif en rassemblant Harrison Ford, Indiana Jones ou trublion de la première trilogie Star Wars et Daniel Craig, version moderne de James Bond. Sans oublier, série télévisée oblige, la présence d'Olivia Wilde, la célèbre n°13 de la série Docteur House.
Avec ce patchwork, John Favreau, réalisateur des deux Iron man, réussit donc à toucher tous les publics américains.. ou presque (nous le verrons plus tard). Et il n'est pas étonnant que ce réalisateur aille d'ailleurs dans ce sens, lui qui est justement un parfait produit de cet univers audiovisuel, passant de la télévision au cinéma en tant qu'acteur ou réalisateur, dans une période où la télévision semble se renouveler davantage que le cinéma. John Favreau fut, entre autre, acteur dans Friends mais aussi dans Dare devil au cinéma. Il fut la voix de nombreux personnages d'animation. Il réalisa quelques téléfilms. Ses scénaristes viennent aussi de la télévision. Parmi eux, ils sont sept au total! se trouvent Roberto Orci et Alex Kurtzman qui furent notamment scénaristes pour Alias, Hawaï 5-0 et de Fringe. Damon Lindelof écrivit lui pour Lost. Mark Fergus et Hawk Ostby sont eux des scénaristes n'ayant travaillé que pour le cinéma et notamment pour Iron man.
Cowboys et envahisseurs correspond donc bien à un produit de synthèse entre deux cultures de plus en plus complémentaires aux Etats-Unis, à savoir la culture cinéma et celle des séries télévisées.

2. Un film qui explique la puissance américaine
L'autre aspect intéressant du film relève du message qu'il porte du début jusqu'à la fin. L'action sera portée par un individu, Daniel Craig, dont on apprend au fur et à mesure, et avec lui, que sa vie n'a pas toujours été du bon côté de la loi, est bien celui qui nous guidera dans l'intrigue. La première personne qu'il rencontre est un pasteur qui se rendant compte de l'amnésie du personnage lui dit que peu importe ce qu'il a fait dans son passé, ce qui compte est ce qu'il fait désormais. Ainsi, l'idée de la rédemption est immédiatement posée et renouvelée tout le film pour lui mais aussi pour d'autres personnages, et par tous les moyens possibles! Olivia Wilde connaîtra une résurrection étonnante, Harrison Ford sera en quelque sorte racheté et même son fils sera étonnamment sauvé de sa bêtise!

Avant d'en arriver là, il aura fallu que les Etats-Unis, et ici une bourgade typique du western avec son saloon, son pasteur, son shérif et son grand éleveur, soit attaqué par surprise et de manière incompréhensible par des ennemis inconnus. Une attaque à la Pearl Harbor, venant du ciel! La situation méritait donc un rassemblement des forces vives.

Pour en revenir au personnage de Daniel Craig, dont on apprend qu'il s'appelle en fait Jack Lonergan, c'est lui qui va réussir à rassembler tous les humains pour combattre les aliens en agissant pour le bien, notamment en sauvant Ella (Olivia Wilde). Jack, personnage fédérateur, porte d'ailleurs le même prénom que le héros de Lost (Jack Sheppard) avec qui plus est, la même fonction: rassembler les survivants contre un ennemi commun et longtemps insaisissable! Mais le plus étonnant, c'est bien de voir se rassembler derrière la même bannière (étoilée?) ceux qui autrefois s'affrontaient: blancs et indiens, citoyens honnêtes et hors la loi, hommes et femmes, adultes et enfants. Ce rassemblement aboutit à un sacrifice pour sauver les innocents captifs des créatures. Quand ils sont retrouvés dans le vaisseau des aliens, les spectateurs les découvrent déshumanisés et enchaînés, ayant perdu toute identité et finalement tout libre-arbitre. Certains ont subi des expériences scientifiques, dont la femme de Jack, sans aucun intérêt mais conduisant à leur mort. Ella ne rappelle-t-elle pas que pour les créatures, les humains ne sont que des insectes? John Favreau et ses scénaristes nous présentent donc des ennemis qui ressemblent furieusement à un ennemi totalitaire comme pouvaient l'être les nazis ou les communistes staliniens, capable de cruauté invraisemblable et de soif de vengeance.

On retrouve aussi toute la propagande classique des Etats-Unis qui diabolise l'ennemi en le montrant comme un monstre, souvent sur-armé, et si possible avec des armes surpuissantes, comme cela a été fait notamment pour convaincre, avec plus ou moins de succès, les alliés de l'OTAN à intervenir en Irak en 2003. L'ennemi des Américains est forcément un monstre puissant à combattre sans aucune pitié car c'est la liberté individuelle des hommes et des femmes qui est en jeu.

Les "bêbêtes" sont vaincues et à leur tour exterminées. Et les héros peuvent récupérer ce qu'elles étaient venues prendre: les leurs et l'or. C'est bien cet or qui était convoité par les aliens. C'est cet or qui va enrichir le bourg désormais en paix et dans lequel les relations tendues entre le grand propriétaire et ancien colonel Woodrow Dolarhyde  (alias Harrison Ford) et le reste des habitants sont désormais fondées sur le respect et non sur le rapport de force. Les réflexions entre Woodrow et le shérif renvoie encore à la situation de l'après seconde guerre mondiale: un pays riche d'or et dans lequel l'activité économique va repartir de plus belle. A l'écran, tout se reconstruit d'ailleurs et les habitants s'agitent étonnamment.  Seul Jack semble avoir tout perdu. Sa femme est morte, tuée par les aliens, et celle qu'il aimait depuis est morte aussi. Mais comme une boucle, le film se clôt sur une remarque et deux images. Woodrow lui dit que Ella vit désormais dans un meilleur monde, le tout en contre plongée dans laquelle domine le clocher d'une église. L'image peut alors, avant le départ de Jack, montrer le drapeau américain, forcément...

3. Un film politiquement correct?
Les Américains ont triomphé car ils ont su s'unir et se comprendre. Pourtant, deux communautés manquent singulièrement à l'image: aucun asiatique mais surtout aucun noir. En ces temps de représentation quasiment obligée des communautés à l'écran, on peut en effet s'étonner qu'aucun noir n'ait un quelconque rôle. En ce sens, le film s'inscrit dans la représentation classique des westerns puisque rares sont ceux qui ont pour personnage un noir, sauf à les représenter comme esclave ou esclave en fuite ou toute autre représentation de dominé. John Ford dans Le sergent noir en 1961 avait montré la présence des noirs dans les corps d'armée nordiste. Sergio Leone avait employé Woody Strode, le même acteur qui jouait dans Le sergent noir pour un petit rôle dans Il était une fois dans l'ouest.

 Depuis, des personnages noirs ont régulièrement intégré les castings des western, que ce soit dans Impitoyable avec Morgan Freeman ou surtout dans Les mystères de l'Ouest avec Will Smith dans le rôle principal de James West.
Le choix de ne pas mettre d'acteur noir dans ce film alors même que la victoire contre les aliens passe par la réunion de toutes les communautés existantes est particulièrement osé. On peut interpréter ce choix de bien des manières. On peut aussi donner le crédit de ne pas avoir voulu "surcharger" le message du film. Mais cela reste surprenant surtout quand on lit ce qui est marqué en fin de générique.
En effet, comme chaque fois qu'un film utilise des animaux, il est fait mention qu'aucun d'eux n'a été violenté ou blessé pendant le tournage. Les amis des bêtes sont d'ailleurs très vigilants sur ce point, d'autant que certaines séquences pourraient laisser penser que les chevaux auraient pu en effet se blesser!
Plus drôle est cette mention sur l'usage du tabac. Chose curieuse pour un film contemporain, on voit des personnages fumer le cigarillo et Jack se roule même une cigarette! Alors, à la fin du film, il est signalé que la consommation de tabac dans le film se fait dans une perspective artistique et n'est bien entendu nullement une promotion de l'usage du tabac. On voit bien ici la puissance des lobbies anti-tabac qui arrivent à faire écrire cela sur un générique de film! En revanche, rien n'avertit les spectateur que l'usage d'armes à feu est dangereux et qu'il ne s'agit que d'une fiction. Pourtant, son usage est au moins aussi dangereux et plus radical que la consommation de tabac. Et pour n'en rester qu'à la consommation, Jack peut boire autant de whisky qu'il le veut sans qu'une mention ne prévienne de l'alcoolisme sur le générique!


Conclusion
Cowboys et envahisseurs est donc un film grand public qui joue sur tous les registres et s'adresse à tous les publics. Sur bien des points, il répond à la présentation classique des Américains: l'individu au service de la communauté, la cohésion des communautés fait la puissance et la richesse des Etats-Unis, la rédemption est toujours possible si on choisit de faire le bien. Pour mettre en scène ces idées, le film doit se protéger de certains lobbies comme celui de la protection des animaux ou celui luttant contre la consommation de tabac. On peut imaginer que l'absence d'acteurs noirs relève d'une volonté de liberté qui existe encore dans le cadre d'un casting ou de l'écriture de scénarios. Mais surtout, peut-être que pour magnifier les valeurs américaines, les scénaristes ont voulu se repencher sur les deux communautés fondatrices du mythe du western, les cowboys et les indiens, pour montrer que le salut américain passe justement par une entente entre les communautés américaines. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé aussi durant la seconde guerre mondiale. Et les indiens ont aussi combattu contre l'ennemi nippon comme le montrait déjà Clint Eastwood dans Mémoires de nos pères en 2006, avec Adam Beach dans le rôle de l'indien combattant à Iwo Jima. Or c'est ce même Adam Beach qui joue le rôle de l'indien dans Cow boys et envahisseurs et qui combattra pour plaire au plus américain du film: Woodrow - Harrison Ford. Un message plus proche d'Obama finalement que des faucons républicains. A ceci près que comme après la seconde guerre mondiale, le point de vue final ne mêle pas les Blancs aux Indiens mais présente assurément la victoire des Blancs...


A bientôt

Lionel Lacour