lundi 8 décembre 2014

Le cinéma français face aux affaires: une affaire de vocabulaire?

Bonjour à tous

Le cinéma américain est souvent montré comme un relais de Washington, notamment en période de guerre. Ce qui est vrai pour partie. Car s'il est un cinéma qui critique et dénonce les errements de ses dirigeants, ou qui propose une interprétation de l'histoire immédiate du pays, c'est bien celui produit à Hollywood ou ailleurs aux États-Unis. C'est ainsi que des cinéastes ont pu évoquer l'affaire du Watergate (Les hommes du président d'A. J. Pakula, critiquer l'intervention américaine au Vietnam sous différentes formes et à différentes périodes (voir "Les guerres de la guerre froide: INdochine, Corée Vietnam"), railler un candidat à la présidentielle devenu entre temps dirigeant du pays (Primary colors du regretté M. Nichols en 1998), voire dénoncer ouvertement les mensonges d'un gouvernement en place (Farenheit 9/11 de M. Moore en 2004). Ce ne sont que des exemples de ce que la production américaine peut créer allant contre le, les, pouvoir(s) en place, parfois en prenant le risque d'investir dans de tels films.
Pourquoi tant insister sur le cinéma d'outre-atlantique? C'est tout simplement parce que le cinéma français souffre singulièrement de la comparaison. Au regard des affaires, graves ou plus légères, qui ont marqué le pays depuis 40 ans (et ce n'est que pour prendre une période restrainte!), quels sont les films français qui peuvent s'enorgueillir d'avoir mis en cause d'une manière ou d'une autre les protagonistes d'affaires? À vrai dire très peu. Même le cinéma italien, que certains prétendent, sûrement à raison comme moribond, a réussi à faire des films contre Silvio Berlusconi, alors au pouvoir. Quels sont donc les raisons d'une telle retenue du cinéma français?

Le manque de courage?
Cette critique est assez facilement rejetable. Beaucoup de cinéastes, mais aussi de producteurs abordent des sujets dramatiques mettant en cause une situation sociale terrible. En 2009, Philippe Lioret réalisait Welcome montrant combien la question des migrants accueillis dans le Nord de la France pour rejoindre l'Angleterre mettait la France et ses différents gouvernements en situation difficile. De même, Philippe Faucon réalisait en 2012 le film La désintégration évoquant la radicalisation sèche et brutale d'un jeune musulman jusqu'à le conduire à mener un attentat suicide. Réaliser un tel film relevait du courage pur, courage qui aurait peut-être plus difficile à faire valoir après l'affaire Merah, s'étant déroulé seulement quelques semaines après la sortie du film!
L'argument du manque de courage reviendrait également à affirmer que par principe, un Français serait moins courageux qu'un Américain ou qu'un Italien ce qui n'a évidemment aucun sens en soi.
En revanche, si on définit le courage face à la critique, l'argument est peut-être recevable. Mais peut-être que la critique concerne moins les réalisateurs ou producteurs que ceux qui jugent leurs films. Ainsi, si on regarde les cinéastes des années 1960 - 1970 ayant été produits par des Français, on y trouve par exemple des Costa Gavras et des Yves Boisset qui n'ont pas été les derniers à faire des films dénonciateurs. Certes le premier a critiqué la dictature grecque, le stalinisme mais aussi les complots américains au Chili ou ailleurs. Et rien sur la France, si ce n'est sur la seconde guerre mondiale dans Section spéciale en 1975 mais qui évoquait la seconde guerre mondiale. Quant à Boisset, il prit des sujets forts qui pouvaient mettre en défaut la France, notamment lors de la guerre d'Algérie dans L'attentat ou RAS. Par la suite, il s'attaqua à d'autres thèmes sensibles, comme par exemple Le juge Fayard dit le shériff en 1977, reprenant le fait divers de l'assassinat du juge Michel quelques mois avant. Mais finalement lui comme Gavras n'abordèrent pas directement les affaires qui touchèrent les différents gouvernements français. Étonnant? Pas tant que ça. Il faut voir l'accueil de ces films par les critiques. Ils ont souvent été accueillis de manière positive quand il s'agissait de dénoncer l'autre, le méchant: les dictatures militaires, l'impérialisme américain. Elles ont été plus dures quand il s'est agi de s'en prendre au communisme au pouvoir avant la dégringolade idéologique du PCF amorcée dans les années 1970. Quant à s'en prendre aux affaires françaises...

Des exemples peu nombreux de films sur des affaires compromettantes
Longtemps, il a été dit que la guerre d'Algérie n'a pas été traitée au cinéma comme celle du Vietnam a pu l'être aux USA. Il faut dire que les précédents ne manquaient pas de faire reculer ceux qui auraient pu avoir que le début de l'idée d'en faire! La censure en France était d'une efficacité remarquable! Le petit soldat de Jean-Luc Godard fut interdit en France car il y évoquait notamment la torture perpétrée par l'armée française. Le film datait de 1961 et le processus de sortie du conflit était engagé. Mais d'autres films, postérieurs à 1962 ont été tout autant interdits d'écran en France comme par exemple La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo sorti en 1966. Les propos étaient sans équivoques et plaçaient la torture menée par l'armée comme une pratique de guerre non seulement autorisée mais réfléchie par l'état-major. Si le film n'édulcorait pas les agissements du FLN, il n'en fut pas moins interdit de distribution jusqu'à 1970, en encore, dans une version encore amputée de certaines séquences et il a fallu attendre 2004 pour que ce film soit exploité en France dans son intégralité.
Le film Les centurions de Mark Robson évoquait lui aussi en 1966 la guerre d'Algérie pour une partie du récit (la première évoquant la défaite française en Indochine). Lui aussi dénonçait la torture de certains. Et lui aussi se fit descendre par les critiques, au-delà de vraies considérations cinématographiques. On peut alors comprendre combien il était difficile pour des cinéastes français de réaliser des films français sur cette guerre. Ils prenaient le risque de n'être pas distribués après avoir réussi à trouver miraculeusement des producteurs permettant que le film se fasse. Yves Boisset fut parmi ceux-là. Avec L'attentat d'abord et surtout RAS en 1973 qui reçut un succès public étonnant alors que le film fut empêché d'être produits à plusieurs occasions.

D'autres exemples sur cette guerre pourraient être cités. Mais plus récemment, c'est le film de Mathieu Kassovitz de 2011, L'ordre et la morale, qui fut au cœur d'une polémique. En effet, le jeune réalisateur s'attaquait à l'histoire de la prise d'otage à Ouvéa en Nouvelle Calédonie en 1988, alors que des mouvements indépendantistes secouaient l'archipel et que l'élection présidentielle française allait faire s'affronter le président Mitterrand à son premier ministre Chirac. Réalisé 23 ans après les faits, le film se fit assassiner dans les médias par des protagonistes ou des spécialistes de la période. Lors de l'émission Ce soir ou jamais sur France 3 du 14 novembre 2014 durant laquelle Bernard Pons, ministre alors chargé des affaires d'Outre mer critiquait le film tout en reconnaissant ne pas l'avoir vu... mais en ayant lu le scénario!
Pourtant, le film a séduit le public cible et quelques politiques comme Michel Rocard
 comme le prouve ce reportage: La folle journée de Mathieu Kassovitz
Il est d'ailleurs assez étonnant de voir que le passage de l'émission Ce soir ou jamais n'est pas sur Youtube ou Dailymotion et que seul un site russe l'avait mis en ligne mais n'est plus disponible aujourd'hui... En revanche, les propose polémiques de Kassovitz sur le 11 septembre y sont toujours...
Avec une telle campagne médiatique sur un cinéma plus engagé qu'habituellement en France, le film ne fit pas plus que 150 000 spectateurs!

Prendre des chemins détournés
Le cinéma français serait-il donc obligé de ne montrer que des histoires de trentenaires, de quarantenaires et autres tranches d'âges avec leurs problèmes existentiels? Ne peut-on aborder que des grandes causes sociales dont les bons sentiments feront qu'ils seront reçus positivement par la critique ou mieux, par ceux qui donneraient une sorte de label de qualité "bien pensance"? Il est des films dont la qualité esthétique ne devrait même pas être discutée au regard du sujet. Indigènes ou La rafle sont autant de films marqueurs d'une époque. Celle qui impose le devoir de repentance. Car il est bon, parce que facile, de dénoncer les agissements d'un passé lointain. Dénoncer la rafle du vel d'hiv ne risque pas de provoquer une quelconque contestation de l'opinion publique en général, de la force médiatique également. Reprocher le peu d'égards que la France a eu pour ses soldats venus de l'Afrique du Nord lors de la Seconde guerre mondiale est une justice morale mais qui ne trouvera que peu d'échos défavorables dans les médias car critiquer le film serait critiquer le sujet. Ce qui est un vrai scandale du point de vue intellectuel. Mais au moins ces films ont le mérite d'exister mais sur des sujets globalement consensuels car il n'est que quelques extrémistes voire négationnistes à contredire le rôle de la France de Vichy dans la rafle de 1942 et que quelques nostalgiques de la colonisation à ne pas accepter de reconnaître le rôle - qu'il ne faut pas non plus sur-exagérer - de ces fameux "indigènes" dans la libération du pays.

En revanche, quand il s'agit d'évoquer des vrais dysfonctionnements contemporains, des scandales d'État ou des secrets compromettants pour les pouvoirs en place, le cinéma français se voit contraint, pour les raisons exprimées précédemment, de trouver des subterfuges. Si nous faisions la liste de tous les faits divers qui auraient pu donner lieu à des films, il s'avère que très peu se sont trouvés portés à l'écran: les avions renifleurs sous Giscard, l'arrestation des soit-disant espions irlandais ou les écoutes téléphoniques sous Mitterrand, les nombreuses affaires Chirac dont certaines ont abouti tout de même à des condamnations et j'en passe évidemment, dont les nombreux scandales d'affaires ou encore récemment le cas d'un ministre chargé de lutter contre l'évasion fiscale et ...
Le cinéma français souffre donc de cette absence de films sur des sujets sensibles. D'abord du fait des pressions évoquées plus haut. Aussi parce que le marché du cinéma français est surtout un marché domestique. Exporter un film évoquant une affaire franco-française ne risquerait pas d'attirer les spectateurs au-delà. Quand Kubrick réalise Les sentiers de la gloire (voir l'article Les sentiers de la gloire:un travestissement de l'Histoire) dont l'action met en scène l'armée française, le film est d'abord un film destiné au marché américain et il se fiche du marché français. Faire un film sur les emplois fictifs à la mairie de Paris, voire sur les écoutes de Mitterrand, avec des comédiens français dont la majorité est inconnue en dehors de nos frontières n'aurait que peu de chance de toucher des spectateurs étrangers pour compenser ceux perdus de l'hexagone incités à ne ne pas aller voir le film (comme ce fut le cas avec L'ordre et la morale).
Et quand l'affaire judiciaire la plus médiatisée a impliqué un Français, président du FMI et probable candidat à la présidentielle française, il a fallu que ce soit les américains qui adaptent ce fait divers tonitruant en fictions. La télévision d'abord dans un épisode de New York unité spéciale diffusé aux USA dès septembre 2011 (!) et diffusé en France sur TF1 en juillet 2012. Au cinéma ensuite par le réalisateur bel Ferrara dans un film, Welcome to New York projeté hors compétition à Cannes en 2014 et démonté avant même d'avoir été visionné par les critiques. Celles-ci, soutenues par les politiques, dénonçaient l'aspect sordide du film, le côté provocateur et sale de ce qui n'était pas la vérité. Très peu ont suggéré l'absence de production purement française, même s'il faut louer Wild Bunch et Wild Side qui ont produit et distribué le film. Mais qui n'ont pu aller jusqu'au bout puisque le film a été distribué uniquement en VOD. Pour un film d'un cinéaste n'étant pas un inconnu, avec un casting 4 étoiles (Depardieu et Bisset dans les premiers rôles), cette VOD en France ressemble furieusement à une impossibilité de le distribuer en salles. Mais pour quelles raisons? Vu les nombreux films programmés et ne faisant pas recettes, vu le fait que Depardieu se soit engagé à ne pas être payé voire à participer au financement du film, vu le battage médiatique qui pouvait attirer un public suffisant devant le grand écran, l'aspect financier du renoncement à une exploitation commerciale classique n'est pas crédible.

Alors, pour faire des films sur des sujets brûlants, mettant en cause les pouvoirs, politique ou économique, les réalisateurs vont utiliser des subterfuges multiples pour ne pas évoquer directement les noms des protagonistes. Parfois jusqu'au ridicule de l'hypocrisie. Par exemple, dans L'ivresse du pouvoir (cf. L'ivresse du pouvoir de Claude Chabrol), le réalisateur insiste dès le début du film sur l'absence de relation entre l'histoire du film et une affaire mettant en jeu l'ancien PDG de Elf. Or les personnages, le scénario renvoient sans aucun doute à cette affaire, mêlant aux dirigeants d'entreprises incriminés des hommes politiques en fonction lors de l'affaire et encore sous les feux de l'actualité parfois.
En 1984, Francis Girod réalise Le bon plaisir dans lequel un président français aurait un enfant illégitime provoquant un risque d'affaire d'État. Or il s'est avéré que le "vrai" président français en charge à cette époque avait effectivement un enfant illégitime dont les services d'État préservaient le secret. Loin d'être une coïncidence, le film s'appuyait sur un scénario qui révélait ce que le milieu politique et journalistique pouvait connaître mais qu'il était impossible de révéler sous peine de représailles ou de poursuites judiciaires. Le film était d'ailleurs adapté de l'ouvrage de Françoise Giroud, qui se trouvait avoir été journaliste, directrice du magazine Le nouvel observateur et ministre de Giscard d'Estaing. Il est évident qu'elle n'ignorait pas ce secret. En inventant l'histoire d'un président imaginaire, la production, réalisateur y compris, ne pouvait être poursuivi ou menacé car il n'y avait aucune révélation officielle de fait. Le microcosme parisien pouvait alors se délecter du méta-texte au visionnage du film, incompréhensible pour les citoyens ordinaires n'étant pas "initiés". On est donc loin des films américains qui font des révélations soit a posteriori soit pendant le scandale même.
Depuis la disparition de ce même François Mitterrand, des reportages télévisuels ont pu dénoncer certaines pratiques peu scrupuleuses du droit lors de sa présidence, aboutissant à des procès parfois retentissants. Mais le seul film à ce jour sur ce personnage est Le promeneur du champ de mars de Robert Guédiguian, réalisé en 2005, soit 10 ans après le mandat du président Mitterrand et 9 ans après son décès. Et le moins que l'on puisse dire est que la critique est assez absente du propos du film. Comme si le cinéma français s'interdisait encore de reprocher quoi que ce soit à nos élus présidentiels. Et quand on voit ce qu'a subi Mathieu Kassovitz pour L'ordre et la morale, on comprend peut-être mieux les réticences de réalisateurs ou de producteurs de risquer de se faire étriller en amont et lors de la sortie du film. Pourtant la liberté d'expression est possible en France comme l'attestent les nombreux reportages extrêmement acerbes et virulents sur le pouvoir politique, et notamment concernant les deux derniers présidents.

Une production cinématographique trop liée aux subventions?
La grande question est donc de comprendre pourquoi le cinéma se retient là où la presse n'hésite pas à "flinguer" les élus et candidats, créant parfois des affaires ou des scandales inexistants (la photo de François Hollande en voyage officiel au Kazakhstan en étant un symbole flagrant!). Pourtant, la presse est elle aussi financée en partie par des subsides publiques. La pression devrait donc être tout autant forte sur elle que sur le cinéma. Sauf que celui-ci se joue sur bien d'autres tableaux. Un film français bénéficie de subventions publiques, notamment par le CNC et de financements privés liés à l'obligation faite aux chaînes de télévision françaises d'investir dans le cinéma national, sans compter d'autres formes de financement plus complexes encore. Choisir de réaliser un film révélant une affaire ou dénonçant les agissements de certains élus, dont certains auraient été même condamnés relève donc de l'obligation d'affronter plusieurs oppositions possibles. Les subventions publiques sont accordées par des institutions dont les décideurs peuvent avoir été désignés par le monde politique. Selon le principe du courage et du retour d'amabilité, un film pouvant étriller un camp ou un autre pourrait être soumis à pression. Un camp pouvant même finalement empêcher de faire un film sur celui adverse pour se prémunir d'un retour de bâton. Tout ceci n'est que spéculation évidemment. Mais comment expliquer cet apparent manque de courage?
De même, les chaînes de télévision publiques auraient bien des difficultés à financer un film pouvant dénoncer une affaire impliquant un camp politique qui pourrait, un jour ou l'autre, retourner au pouvoir. Et malgré ce qui est affirmé, une chaîne publique est tout de même de près ou de loin sous influence du pouvoir politique... Quant aux chaînes privées, elles sont elles aussi sous pression du pouvoir car l'attribution de leur fréquence est elle aussi soumise à la pression d'institutions en lien plus ou moins direct avec le pouvoir politique.
Les conflits d'intérêts, les relations parfois très serrées entre les pouvoirs politiques, même locaux, et la chaîne de production des films ne permet donc certainement pas d'envisager la réalisation de films un temps soit peu critique à l'égard d'une classe politique qui pourrait se protéger quelque soit le parti ou le clan mis en cause.

Les casseroles, affaires et autres secrets semblent donc avoir des difficultés à être mises à l'écran en France sans risquer de donner la parole à des "experts" souvent de parti pris quand ils ne sont pas des protagonistes de l'affaire, avec toute la subjectivité que cela comporte. En réduisant le cinéma à un DEVOIR de vérité historique, on lui enlève ce qu'il est: un art! Et un art ne s'embarrasse pas de la vérité historique car le cinéaste n'est pas et ne peut être un historien. Il doit apporter sa sensibilité à la perception d'un événement, d'une situation donnée. Il peut se nourrir de faits avérés et les compléter en donnant sa version aux "vides" de l'information ou en choisissant des ellipses. Mais surtout il doit être libre de toute influence politique quand il veut réaliser un film sur des affaires politiques ou financières. Quand doit sortir le film sur l'affaire Cahuzac? Il y a pourtant un sujet fort, non? Et sur l'affaire Clearstream? Non? Toujours rien?
S'il est difficile de produire des films de ce genre aux USA, ils existent malgré tout. Ce qui n'est pas le cas en France. Au risque de se faire détruire. Et comme l'argument du manque de courage ne tient pas, c'est qu'il doit y avoir une autre raison. Celle d'un art qui bénéficie du soutien public, force d'un certain point de vue pour permettre la diversité de la production, mais faiblesse quand il s'agit de traiter des sujets sensibles mettant en cause le monde politique.

À bientôt
Lionel Lacour


samedi 6 décembre 2014

Jean-Claude Killy pour ouvrir Cinéma, Sport et Littérature 2015 à l'Institut Lumière

Bonjour à tous

Après Eddie Merckx, ce sera donc au tour d'une autre légende du sport d'ouvrir le festival Cinéma, Sport et Littérature organisé par l'Institut Lumière du 8 au 11 janvier 2015. Avec Jean-Claude Killy, c'est aussi un régional qui honorera les spectateurs de sa présence à l'occasion de la projection du film 13 jours en France réalisé par Claude Lelouch et François Reichenbach en 1968 à l'occasion des Jeux Olympiques d'Hiver organisés à Grenoble. Et c'est peu dire que l'invité de cette soirée sera présent sur le film puisqu'il remporta les 3 titres du ski alpin décernés à cette occasion (l'épreuve du "Super Géant" entre Géant et Descente n'existant pas encore!).

Ainsi, après l'ouverture à 20h le jeudi 8 janvier dans la salle du Hangar, le documentaire reviendra sur cette quinzaine olympique qui marqua à tout jamais le personnage de Jean-Claude Killy pour en faire ce sportif unique puisque son exploit est à ce jour inégalé. Mais les autres disciplines seront également montrées, d'autres champions filmés, avec les exploits et les drames inhérents à toute compétition sportive, et ce pendant 1h52.

Le mérite de ce festival, outre la projection de films de fiction (Les chariots de feu notamment en copie restaurée) ou de documentaires (Foot et immigration, 100 ans d'histoire commune réalisé par Eric Cantona entre autres), est de montrer combien le langage cinématographique permet de suivre des compétitions autrement que ce que peuvent le faire les télévisions. Celles-ci ont vu leurs moyens augmenter au point que la caméra semble épouser le moindre geste, la moindre émotion des sportifs, des spectateurs ou des équipes entourant les champions. Mais les commentaires en direct, ou en différé, viennent rappeler au téléspectateur qu'il s'agit d'une actualité sportive, certes marquée par les pics de tensions, l'angoisse du résultat, de la faute ou de l'accident, mais dont la couverture médiatique est essentiellement caractérisée par une grammaire événementielle et instantanée.

Les films de cinéma ont une autre vertu. Ils n'ont pas l'objectif de l'exhaustivité en couvrant chaque athlète. Pas l'obligation de s'appesantir sur chacun d'eux de manière égale. Le cinéaste est d'abord un artiste dont le montage a posteriori se combine aux choix faits au moment du tournage. Il peut filmer une ambiance, une atmosphère, décider de choisir un athlète qui ne gagnera pas, proposer de montrer la victoire d'un champion par le regard de celui qui sera battu. La télévision est soumise à la dramaturgie imposée par la course, par le match. En ce sens, les sportifs imposent un tempo, un suspens qui échappe au réalisateur. Seuls peuvent éventuellement modifier ceci le talent des commentateurs. Et certains seraient capables de créer une émotion pour des compétitions sans importance. Mais cela n'est qu'un pis-aller.
En revanche, le cinéma reconstruit la dramaturgie, la déplace parfois là ou l'information ne la voit pas. Parce que le temps du cinéma n'est pas celui de l'immédiateté. N'est pas celui imposé par la compétition. De même, la qualité de captation du cinéma n'est pas celle de la télévision. Celle-ci impose une image lisse, laissant tout net, y compris les logos des sponsors sans qui les compétitions modernes n'existeraient pas. Le cinéaste peut au contraire décider de ne pas accorder à la netteté l'attention que la télévision exige. Il peut exclure de son cadre tout ce que les émissions en direct captent sans pouvoir l'effacer. Il peut raconter une autre histoire que celle imposée par le déroulé des Jeux, revenir en arrière, utiliser des flash backs ou des flash forwards dans son montage.

En (re)découvrant 13 jours en France, les spectateurs comprendront certainement l'intérêt du cinéma comme témoin des grandes compétitions sportives, apportant non pas la vérité mais une autre émotion que celle proposée par le direct télévisuel. Avoir en plus un des protagonistes de ce documentaire cinématographique, et quel protagoniste, sera à n'en pas douter un autre moment intense permettant de raconter plus de 46 ans après comment il a vécu le fait de se voir (et peut-être de se revoir) comme héros d'un film de cinéma après avoir été héros d'un sport français alors triomphant.

Pour toute information concernant ce festival, rendez-vous sur www.institut-lumiere.org

À bientôt
Lionel Lacour


vendredi 5 décembre 2014

L'instant criminel au cinéma - 1: Une conférence mémorable de Robert Badinter

Photographie David Venier - Université Jean Moulin Lyon 3
Bonjour à tous,

en 2011, Robert Badinter donnait une conférence intitulée "L'instant criminel au cinéma" à l'Auditorium Malraux, - Manufacture des Tabacs. Organisée par l'Université Jean Moulin Lyon 3 et le Barreau de Lyon à l'occasion des 2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma, j'ai eu le privilège d'en concevoir les contours avec Robert Badinter, notamment les extraits des films proposés.
Animée par mon ami Jean-Jacques Bernard, rédacteur en chef de Ciné+ Classique, cette conférence fit sensation, montrant tous les talents et l'humanisme de celui qui avait mis fin à la peine de mort en France 30 ans auparavant.

Vous trouverez dans ce premier message 4 vidéos correspondant à la moitié de la conférence. Un second message vous permettra de visionner le reste de la conférence prochainement.

Afin de ne conserver que le contenu, les divers remerciements des discours précédant la conférence elle-même ont été coupés au montage. Ces discours avaient été prononcés par Mme le Bâtonnier du Barreau de Lyon, M. le Président de l'Université Jean Moulin Lyon 3, M. le doyen de la faculté de droit et par moi-même en tant que délégué général de la manifestation.

L'instant criminel au cinéma


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mercredi 3 décembre 2014

À qui sont destinés les films? De la difficulté de comprendre un film venu d'ailleurs

Bonjour à tous,

il nous est tous arrivé de voir un film, de comprendre la trame générale, l'intrigue, mais de ne pas en comprendre les enjeux, l'intérêt ou parfois juste une ou deux séquences. Parfois même, certaines scènes peuvent nous sembler compréhensibles alors même que nous n'en percevons pas l'importance.
En fait, tous les films de cinéma sont d'abord une production d'un ensemble d'individus liés à leur temps et à leur public. Ainsi, pour prendre un exemple précis, La vie est belle de Franck Capra est un film américain de 1946 destinés d'abord à être vu par... des Américains de 1946.
Cette affirmation peut apparaître comme une évidence tellement simple que beaucoup ne se la posent pas. Or elle est non seulement fondamentale, mais elle explique pourquoi certains cinémas venus de pays loin nous semblent même venus d'une autre planète. Le loin renvoie autant à l'espace (que