dimanche 30 janvier 2011

La mort aux Trousses à l'Institut Lumière

Bonjour à tous,

Après une une remarquable rétrospective Hitchcock en mars 2011, l'Institut Lumière propose de revenir sur le génial réalisateur anglais sur quelques uns de ses films (le programme sur le lien suivant: http://www.institut-lumiere.org/)
A partir du 12 septembre 2014 sera projeté La mort aux trousses réalisé en 1959. Dans ce film longtemps sous estimé car a priori plus léger, Hitchcock nous gratifie de séquences parmi les plus mémorables du cinéma et semble faire étalage de toute sa palette de cinéaste.
L'histoire est assez classique pour Hitchcock: un homme, Roger Thornill (interprété par Cary Grant, une nouvelle fois dans un film du maître du suspens) est pris pour un espion américain du nom de George Kaplan par les hommes d'un businessman trafiquant manifestement avec des puissances ennemies. Moins que l'intrigue, c'est la quête de Thornill/Grant à prouver son identité en démasquant Kaplan qui intéresse le spectateur.
Pour les extra-terrestres qui n'auraient pas vu le film ou qui ne s'en souviendraient plus, je ne dévoilerai rien des différents rebondissements. Mais je reviendrai sur deux séquences du film qui montrent que le cinéma, c'est avant tout savoir se servir de l'image.

mercredi 26 janvier 2011

Harry Brown, un nouveau justicier dans la ville?


Bonjour à tous.
À l'affiche ces jours, Harry Brown. Ce film de 2009 de Daniel Barber sort donc en France en 2011. C'est Michael Caine qui joue le rôle titre.
Après l'avoir vu, plusieurs réflexions à vous soumettre.

1. Le style
Après une introduction assez pénible, genre tournage avec un portable, image saturée, aucun cadrage et ouvertement violent, le film continue après le générique sur une réalisation beaucoup plus classique. Cinéma intimiste, radiographie sociale de l'Angleterre, nous retrouvons là un cinéma avec lequel nous avons été habitué par les réalisateurs outre-manche.
Néanmoins, si aucune séquence ne retrouvera le choix esthétique de celle d'ouverture du film, il ressort de certaines une violence assez crue, mêlant plusieurs influences, tant nord américaine qu'asiatique.
Mais c'est moins le style que le contenu qui est intéressant dans le film.

2. Une crise sociale visible
La peinture du quartier décrit montre une situation sociale terrbile pour cette Angleterre de début de XXIème siècle. Les immeubles présentés ressemblent en bien des points aux grands ensembles français: immenses barres, des locataires entassés, déterrioration des façades par des tags, incivilités contre les plus faibles, notamment les retraités, errance des jeunes le soir dans des zones coupe-gorges, séparation de ces quartiers de la ville par une voie rapide, trafics de drogues en tout genre et prostitution.
Le tableau  n'est donc pas sans nous rappeler ce que nous connaissons en France. Cela prouve aussi que la France n'a pas le monopole des crises de banlieue, ce qui n'est pas fait pour rassurer!


3. Une population de ces banlieues différente
Ce qui saute aux yeux pour un Français, c'est que le quartier présenté ne soit pas peuplé par des populations d'origine immigrées. Là où Kassovitz avait décrit dans La haine desimmeubles habités par une population cosmopolite, le réalisateur d'Harry Brown ne montre que des Anglais bien anglo-saxons. La violence de la jeunesse anglaise des banlieues apparaît donc comme interne à la société britannique et non comme une conséquance de l'échec d'une immigration.
De même, jeunes et vieux vont dans les mêmes pubs, honnêtes gens et délinquants également.
Que penser de cette présentation?
On peut imaginer que le point de vue est une point de vue généraliste et que le réalisateur n'a pas voulu mettre en avant, stigmatiser comme on dit aujourd'hui, une communauté plutôt qu'une autre. La société britannique étant plutôt commnautaire, celà pouvait éventuellement être reproché à Daniel Barber.
Mais on peut aussi accepter le représentation du réalisateur non comme une vision générale mais comme un simple constat. La violence du quartier de son film est celle que subit l'Angleterre, sans qu'aucune communauté étrangère ne soit impliquée dedans. A la différence de la perception française, l'analyse qui est faite dans ce film est bien une analyse sociale. Plusieurs plans, en début et en fin de film semblent bien montrer que c'est l'environnement dans lequel vivent ces populations qui est propoice, surtout en période de chômage et de crise, aux violences et à l'existence de "gangs".

4. Le feu dans le quartier
Comme dans les événements urbains français, le déclencheur est une suite de faits divers meurtriers qui entraîne une réaction policière mal comprise par les victimes ou les proches des victimes. Daniel barber montre comment alors la montée de la violence se fait à coup de règlements de compte personnels que la police ne maîtrise pas.Dans des plans spectaculaires, le quartier s'embrase lors d'une intervention musclée de CRS à l'anglaise. La réponse des voyous du quartiers est similaire à celle des quartiers français: pratique de guerilla faisant reculer les forces de l'ordre.
La conclusion est tout aussi semblable: rien n'a vraiment changé, sinon une paix illusoire, dans un quartier qui reste le même mais dont on pressent qu'il sera prêt à exploser à nouveau.

5. Une violence gratuite?
Michael Caine joue le rôle d'un héros de l'armée ayant servi en Irlande du Nord. A bien des égards, il peut être assimilé à un vétéran de la guerre d'Algérie. Surtout quand il fait son analyse sur la violence qu'il a subi en Irlande et celle qu'il voit dans son quartier. Pour lui, l'IRA défendait une cause. Pour la jeunesse du quartier, c'est juste "entertainment" (divertissement, plaisir). Or c'est bien ce que la séquence d'ouverture montrait d'emblée, doublée par une autre séquence dans le film. La violence devient un spectacle dans lequel l'agresseur est à la fois acteur puis son propre spectateur.
L'incapacité de la police à protéger les sujets de sa Majesté (ou des citoyens de la République) pousse inexorablement les honnêtes gens à se défendre par eux mêmes. Leur violence n'est pas gratuite, mais elle affronte ceux pour qui la vie des autres ne mérite aucun respect.

6. Les institutions de la société
La police montre donc à plusieurs reprise son incompréhension de la situation. Les victimes pouvant devenir même des suspects d'agressions contre les vrais voyous. La réaction disproportionnée montre aussiles limites de la gestion de ces quartiers laissés à l'abandon.
Le politique est absent du film. Cette absence démontre combien la police est laissée seule face à la situation. A aucun moment on ne voit une décision du maire ou d'un élu quelconque aider les forces de l'ordre à agir.
Enfin, la présence de l'avocat pendant ce qui ressemble à des garde-à-vues est essentiellement visuelle car jamais l'avocat ne parle. Pourtant, sa présence n'est pas que symbolique. Son influence, son rôle dans la défense des prévenus sont suggérés non par des interventions verbales mais par la police elle-même: "votre avocat vous a conseillé de ne rien dire".

Conclusion
Ce film résonne curieusement pour les spectateurs français qui se retrouvent fortement dans la situation proposée et dans le personnage de Michael Caine. A la différence du film qui fit la gloire de Charles Bronson, il n'y a pas de plaisir à voir le héros vengeur à débarrasser le quartier de la racaille. Nous sommes juste en voyeurs d'une situation dans laquelle certains pourraient se dire qu'ils pourraient un jour être contraints à faire de même, tout en espérant ne jamais avoir à le faire. Harry Brown est une victime de la société et n'est animé que par la volonté de vengeance plus que par celle de régler les problèmes du quartier tout entier.
La défiance envers la justice, envers la police, le fait qu'un particulier soit celui qui ait finalement ramené le calme dans le quartier n'est pas une vision en soi très optimiste des sociétés occidentales.
Celà montre le déficit du politique quant à la gestion des quartiers de banlieue minés par le chômage et dans lesquels, des trafiquants en tout genre prospèrent. Les réponses coup de poing ne sont pas des réponses dignes d'Etats progressistes et soi-disant civilisés, n'offrant qu'une paix illusoire.
Rien que pour cette morale, ce film est bigrement intéressant.

À bientôt
Lionel Lacour

vendredi 21 janvier 2011

2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma: bientôt le programme!

Bonsoir,

Tout petit
 billet ce soir concernant cette manifestation qui me tient à coeur.
les derniers préparatifs pour nos Rencontres Droit Justice et Cinéma se terminent. Le programme officiel sera donc dévoilé mardi soir à nos partenaires et à la presse le mardi 1er février chez notre partenaire le Sofitel de Lyon.
L'ensemble des projections et des invités sera donc révélé à cette occasion.
Je ne manquerai pas de vous en donner en avant première la liste des films et des intervenants aux différents débats sur ce blog dès le lendemain.


Les plaquettes seront disponibles courant février. Vous pourrez les avoir en ligne sur ce blog ainsi que sur les sites des organisateurs et des partenaires associés.

Plus que quelques jours de patience donc.

A bientôt
Lionel Lacour

Les tontons flingueurs, un film homophobe?

Bonjour,

Je me suis fait un immense plaisir la semaine dernière en regardant sur une chaîne satellite un documentaire consacré aux tontons flingueurs dans la série créée par Serge July. Je m'attarderai non sur ce qui a fait le succès de ce film mais sur une remarque de ce documentaire signifiant que le film de Lautner avait des aspects homophobes.

La question qui doit être réglée vaut pour ce film comme pour d'autres. Un film est destiné à un public donné, d'une période donnée. Or jamais ce film n'a été ressenti par la société des années 60 comme un film homophobe. Est-ce que donc les remarques faites dans ce documentaire seraient infondées?

Le caractère homophobe semble pourtant clair quand nous revoyons ce film: "chez moi, quand les hommes parlent, les gonzesses se taillent" dit le Mexicain à Otto en visant expressément son compagnon, clairment identifiable comme tel. Otto est même qualifié de "coquet" par Ventura, qui s'étonne même du recrutement du Mexicain: "de mon temps, il ne recrutait pas chez tonton", du nom d'un club connu pour son orientation très favorable aux homosexuels. Ces preuves évidentes d'homophobie dans ces dialogues viennent du fait que notre société n'est plus la même que dans les années 60. Les actions des associations homosexuelles, le fléau du sida et l'évolution globale de la société conduit à marginaliser de moins en moins les homosexuels dont les droits n'ont cessé de progresser, même si certains estiment encore que celà ne suffit pas. Les propos homophobes sont également punis par la loi.

Comment expliquer alirs que Les tontons flingueurs n'aient pas subi de critique de cette nature alors qu'il est quasiment certain qu'il ne pourrait plus être écrit de cette manière aujourd'hui. En fait, il apparaît comme anachronique et inapproprié de traiter ce film d'homophobe. Car ce n'est pas le film qui est homophobe. C'est la société française qui l'était. Il entrait dans la norme du traitement des homosexuels, surtout dans un film représentant le milieu du crime, souvent présenté comme "machiste" et "homophobe". Au contraire, les films qui étaient qualifiés quant à leur perception concernant l'homosexualité furent d'abord ceux qui étaient plutôt bienveillant vis à vis des homosexuels, car ils rompaient justement avec l'idée générale que se faisait la société de cette question.

La qualification de film homophobe ne devrait-elle donc pas être utilisée pour les films qui sont produits dans une société qui est devenue clairement sinon homophile, du moins ouverte quant à la manière d'accorder des droits aux homosexuels, les distingant de moins en moins des hétérosexuels. Un film français qui montrerait auojurd'hui un héros se moquant des "gays" par le vocabulaire traditionnel contre les homosxuel tout en semblant adhérer à ces propos serait justement traité d'homophobe. Car la société ne l'est plus. Parce que les vrais homophobes sont devenus de fait minoritaires, même s'ils sont encore nombreux.

C'est d'ailleurs devenu une manie que de vouloir qualifier, et en fait disqualifier, des oeuvres du passé par des adjectifs correspondant à nos valeurs, à nos perceptions contemporaines. Il en va de même pour des films qualifiés de racistes comme Tarzan l'homme singe de W.S.. Van Dyke de 1932. S'il est évident qu'un tel film ne pourrait être fait à l'identique aujourd'hui sans risqué d'être qualifié de raciste et à juste raison, celui de 1932 ne doit pas être qualifié de "raciste" dans le sens qu'il ne se distingue pas des autres films ou des autres oeuvres de la même époque abordant le thème du colonialisme. Metropolis de Fritz Lang montre des "nègres" pourtant une sorte d'estrade sur laquelle une chanteuse blanche se produit. Cette représentation n'a rien d'antiraciste, bien au contraire. Elle s'inscrit justement dans la même forme de représentation des noirs que Tarzan l'homme singe. Le plus drôle est que certains films anti-racistes sont aujourd'hui censurés par les producteurs mêmes pour des raisons amusantes. La Warner ne distribue plus le court métrage de tex Avery L'île de Pingo Pongo  car la représentation caricaturale des noirs étaient extrêmes et donc impossible à montrer aujourd'hui sans risquer de se faire taxer de raciste. Or ce court métrage est en réalité un dessin animé qui montre la bêtise de la soi disante supériorité des blancs, se servant des caricatures racistes classiques pour mieux fustiger la suffisance des Européens et des Américains face aux populations colonisées.

Nous pourrions faire les mêmes remarques pour les films anti-indiens ou pro-indiens ou pour bien d'autres thèmes polémiques (film misogyne par exemple).
Ainsi, pour conclure, le jugement d'un film doit toujours se faire au regard de son temps de production. Il ne peut être qualifié négativement ou positivement que par rapport au courant de pensée général de la société pour laquelle il est destiné.
Les tontons flingueurs homophobe donc? Oui, mais que pour notre société. Mais pas pour celle qui faisait de Jean Marais un super hétérosexuel alors que le monde artistique savait quelle était sa réelle orientation sexuelle.

Lionel Lacour